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L'instable, le réaliste et le radical : l'intégration institutionnelle de partis nationalistes antisystèmes

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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L'instable, le réaliste et le radical: l'intégration

institutionnelle de partis nationalistes

antisystèmes

Mémoire

Katryne Villeneuve-Siconnelly

Maîtrise en science politique - avec mémoire

Maître ès arts (M.A.)

(2)

L’instable, le réaliste et le radical

L’intégration institutionnelle de partis nationalistes antisystèmes

Mémoire de maîtrise

Katryne Villeneuve-Siconnelly

Sous la direction de :

Eric Montigny

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Résumé

Évoluant au sein d’un contexte global de crise de la représentativité démocratique, les partis politiques sont plus que jamais remis en question quant à leur légitimité. Ils font face à de nombreux défis, notamment vis-à-vis l’émergence sans cesse grandissante de nouveaux mouvements sociaux et divers partis extrémistes, qui témoignent de ce phénomène. Certains parmi eux arrivent à brouiller les cartes théoriques, soit les partis dits «antisystèmes». Néanmoins, afin d’aspirer à gouverner et de ne pas s’aliéner de potentiels électeurs, des partis autrefois marginaux peuvent décider de participer aux institutions en modifiant leurs agendas et stratégies. Par conséquent, pourquoi et comment des partis à la fois nationalistes et antisystèmes optent pour la voie de l’intégration institutionnelle, alors qu’ils ont initialement pour objectif d’exercer une forme radicale d’opposition envers les autres acteurs et le système politique dans son ensemble? Ce mémoire explore dans une perspective comparative les raisons derrière ce processus d’intégration en étudiant les cas du Parti québécois au Québec, du Scottish National Party en Écosse et du Sinn Féin en Irlande du Nord. Les données utilisées sont théoriques et empiriques, relevant de l’analyse de leur historique grâce à la création de lignes du temps exhaustives ainsi que de leurs plateformes électorales par le biais d’un indice original, l’Indice antisystème pour les plateformes. Ceci permet d’évaluer également leur caractère antisystème, tout en considérant leur contexte sociopolitique respectif.

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Abstract

Evolving within a global context of democratic representation crisis, the legitimacy of political parties is more than ever questioned. They face many challenges, especially in regard to the ever-increasing emergence of new social movements and various extremist parties. Some of them manage to blur the theoretical maps, the "anti-system" parties. Nevertheless, in order to aspire to govern and not alienate potential voters, formerly marginal parties may decide to participate to the institutions by changing their agendas and strategies. Therefore, why and how antisystem nationalist parties opt for the institutional integration path, while initially exercising a radical form of opposition to other actors and the political system as a whole? This thesis explores in a comparative perspective the reasons behind this process of integration by studying the cases of Parti Québecois in Québec, Scottish National Party in Scotland and Sinn Féin in Northern Ireland. The data used is theoretical and empirical, based on the analysis of their history through the creation of exhaustive timelines and their electoral platforms via an original index, the Antisystem Index for Party Platforms. This also makes it possible to evaluate their anti-systemness, while considering their respective socio-political context.

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Table des matières

Résumé ... ii

Abstract ... iii

Table des matières ... iv

Liste des figures ... viiii

Liste des tableaux ... ix

Liste des graphiques ... x

Liste des abréviations ... xi

Dédicace ... xii

Épigraphe ... xiii

Remerciements ... xiv

Introduction ... 1

• Objet d'étude et problématisation ... 1

• Question de recherche et orientations méthodologiques ... 4

Chapitre 1 Théorie ... 7

• 1.1. Recension des écrits ... 7

o 1.1.1. Définition des concepts clé ... 7

- 1.1.1.1. Les partis politiques ... 7

- 1.1.1.2. Partis nationalistes ... 9

o 1.1.2. Partis antisystèmes ... 9

o 1.1.3. Facteurs explicatifs à l'évolution des partis ... 11

o 1.1.4. Nationalisme appliqué aux cas d'étude ... 14

- 1.1.4.1. Sinn Féin et le mouvement nationaliste ... 15

- 1.1.4.2. SNP et le mouvement nationaliste ... 16

- 1.1.4.3. PQ et le mouvement nationaliste ... 17

• 1.2. Cadre théorique ... 20

o 1.2.1. Approche du néo-institutionnalisme historique ... 20

o 1.2.2. L’institutionnalisation et ses dimensions ... 23

o 1.2.3. Les changements de partis d’Harmel et Janda ... 29

Chapitre 2 Approche et méthodologie ... 31

• 2.1. Approche préconisée ... 31

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• 2.3. Choix des études de cas ... 34

• 2.4. Données utilisées ... 35

• 2.5. Opérationnalisation et mesure des propositions ... 35

o 2.5.1. Lignes du temps ... 36

- 2.5.1.1. Pertinence des lignes du temps ... 36

- 2.5.1.2. Construction des lignes du temps ... 37

- 2.5.1.3. Pourcentage du nombre de sièges ... 37

o 2.5.2. Analyse des plateformes électorales ... 38

- 2.5.2.1. Pertinence des plateformes ... 38

- 2.5.2.2. Méthode d’analyse ... 39

- 2.5.2.3. Grille d’analyse ... 40

o 2.5.3. Échelle de mesure ... 46

Chapitre 3 Évolution des partis ... 49

• 3.1. Contextualisation et lignes du temps ... 49

o 3.1.1. Historique et situation actuelle du Parti québécois ... 49

- 3.1.1.1. Origine et objectifs ... 49

- 3.1.1.2. Les chocs significatifs ... 56

- 3.1.1.3. Situation actuelle et sièges obtenus ... 58

o 3.1.2. Historique et situation actuelle du SNP ... 61

- 3.1.2.1. Origine et objectifs ... 61

- 3.1.2.2. Les chocs significatifs ... 66

- 3.1.2.3. Situation actuelle et sièges obtenus ... 67

o 3.1.3. Historique et situation actuelle du Sinn Féin ... 70

- 3.1.3.1. Origine et objectifs ... 70

- 3.1.3.2. Les chocs significatifs ... 77

- 3.1.3.3. Situation actuelle et sièges obtenus ... 78

• 3.2. Mise en perspective des résultats ... 81

Chapitre 4 Analyse des plateformes électorales ... 83

• 4.1. Analyse et résultats des plateformes électorales ... 83

o 4.1.1. Plateformes du Parti québécois ... 83

- 4.1.1.1. Analyse ... 83

(7)

o 4.1.2. Plateformes du SNP ... 96

- 4.1.2.1. Analyse ... 97

- 4.1.2.2. Discussion sommaire ... 102

o 4.1.3. Plateformes du Sinn Féin ... 103

- 4.1.3.1. Analyse ... 103

- 4.1.3.2. Discussion sommaire ... 110

• 4.2. En bref ... 111

Chapitre 5 Résultats et discussion ... 114

• 5.1. Superposition des analyses ... 114

o 5.1.1. Parti québécois ... 114

o 5.1.2. SNP et Sinn Féin ... 118

o 5.1.3. Perspective comparative ... 120

• 5.2. Discussion des résultats généraux ... 122

• 5.3. Évaluation des propositions de recherche ... 127

o 5.3.1. Première proposition ... 128 o 5.3.2. Seconde proposition ... 129 Conclusion ... 131 • Conclusion ... 131 • Contributions à la littérature ... 134 • Limites ... 136 Bibliographie ... 138

(8)

Liste des figures

Figure 1 L’institutionnalisation selon Hudon et Poirier ... 23

Figure 2 L’institutionnalisation selon Panebianco ... 24

Figure 3 L’institutionnalisation selon Randall et Svåsand ... 28

Figure 4 Grille d’analyse commune quant à l’importance accordée à la souveraineté ... 41

Figure 5 Grille d’analyse commune quant à la promotion du nationalisme ... 43

Figure 6 Grille d’analyse commune quant à la place de l’État désiré à l’international ... 44

Figure 7 Grille d’analyse commune quant aux critiques envers le système et des réformes proposées 45 Figure 8 Échelle de positionnement des partis ... 47

Figure 9 Ligne du temps du Parti québécois (1968-2018) ... 56

Figure 10 Ligne du temps du SNP (1999-2018) ... 66

Figure 11 Ligne du temps du Sinn Féin (1998-2018) ... 77

Figure 12.1 Importance accordée à la souveraineté par le Parti québécois (1970-1994) ... 84

Figure 12.2 Importance accordée à la souveraineté par le Parti québécois (1998-2018) ... 86

Figure 13.1 Promotion du nationalisme par le Parti québécois (1970-1994) ... 87

Figure 13.2 Promotion du nationalisme par le Parti québécois (1998-2018) ... 88

Figure 14.1 Place de l’État désiré à l’international par le Parti québécois (1970-1994) ... 89

Figure 14.2 Place de l’État désiré à l’international par le Parti québécois (1998-2018) ... 89

Figure 15.1 Critiques envers le système et réformes proposées pour le Parti québécois (1970-1994) 91 Figure 15.2 Critiques envers le système et réformes proposées pour le Parti québécois (1998-2018) 92 Figure 16 Importance accordée à la souveraineté par le SNP (1999-2016) ... 97

Figure 17 Promotion du nationalisme par le SNP (1999-2016) ... 98

Figure 18 Place de l’État désiré à l’international par le SNP (1999-2016) ... 99

Figure 19 Critiques envers le système et réformes proposées pour le SNP (1999-2016) ... 100

(9)

Figure 21 Promotion du nationalisme par le Sinn Féin (1998-2017) ... 105

Figure 22 Place de l’État désiré à l’international par le Sinn Féin (1998-2017) ... 106

Figure 23 Critiques et réformes proposées par le Sinn Féin (1998-2017) ... 107

Figure 24 Résultats globaux des plateformes du Parti québécois (1970-2018) ... 111

Figure 25 Résultats globaux des plateformes du Sinn Féin (1998-2017) ... 112

Figure 26 Résultats globaux des plateformes du SNP (1999-2016) ... 112

(10)

Liste des tableaux

Tableau 1 Propositions de recherche ... 32 Tableau 2 Évaluation des propositions de recherche ... 126

(11)

Liste des graphiques

Graphique 1 Pourcentage de sièges du Parti québécois (1970-2018) ... 58

Graphique 2 Pourcentage de sièges du Scottish National Party (1999-2016) ... 68

Graphique 3 Pourcentage de sièges du Sinn Féin (1998-2017) ... 79

Graphique 4 Degré du caractère antisystème des plateformes du Parti québécois (1970-2018) ... 93

Graphique 5 Degré du caractère antisystème des plateformes du Scottish National Party (1999-2016) ... 101

Graphique 6 Degré du caractère antisystème des plateformes du Sinn Féin (1998-2017) ... 108

Graphique 7 Résultats comparatifs du degré du caractère antisystème et pourcentage des sièges obtenus du Parti québécois (1970-2018) ... 115

Graphique 8 Résultats comparatifs du degré du caractère antisystème et pourcentage des sièges obtenus du SNP (1999-2016) et du Sinn Féin (1998-2017) ... 118

Graphique 9 Évolution comparative du degré du caractère antisystème des trois partis depuis leur premier siège à aujourd’hui ... 120

(12)

Liste des abréviations

ADQ Action démocratique du Québec CAQ Coalition Avenir Québec DUP Democratic Unionist Party FLQ Front de libération du Québec

GFA Good Friday Agreement (Accord du Vendredi Saint) IAPP Indice antisystème pour les plateformes

IRA Irish Republican Army MMP Mixed-Member Proportional MU1T Majoritaire uninominal à un tour ON Option nationale

PLQ Parti libéral du Québec

PQ Parti québécois

QS Québec solidaire

RIN Rassemblement pour l’indépendance du Québec RN Ralliement national

SDLP Social Democratic and Labour Party SNP Scottish National Party

STV Single-Transferable Vote UUP Ulster Unionist Party

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(14)

« Comment doit-on procéder pour réaliser l’indépendance du Québec ? Il y a trois façons pour le Québec, comme pour tous les pays du monde. La violence, un vote du parlement ou un référendum. » - Jacques Parizeau

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Remerciements

Je tiens à remercier chaleureusement :

Ma famille et surtout mes parents, pour leur soutien inconditionnel;

Mes collègues rapidement devenus de véritables amis à la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires et des autres groupes de recherche, dont Anthony W., Audrey B., Joanie B., Benoît B., Dominic D., et Marcos G., sans qui tout ce parcours n’aurait pas été possible;

Mon directeur Eric Montigny, pour son appui, ses réflexions, son intégrité et son authenticité;

Les professeurs du Département de science politique qui m’ont donné envie de persévérer durant les moments difficiles et qui m’ont donné la certitude de faire partie de quelque chose;

Les quatre ordinateurs portables et les innombrables tasses de café qui auront été nécessaires à l’accomplissement de ce mémoire;

Le Café Fou AÉLIES, pour son accueil toujours chaleureux et pour m’avoir servi de second bureau les cinq dernières années;

Magali, qui même à distance me comble d’amitié depuis l’enfance;

Et finalement Philippe, pour sa croyance démesurée en ce que je fais, sa motivation (qui nous met dans le trouble pour un énième projet), son respect, sa présence et son admiration ô combien partagée, sa force et son amour au quotidien.

(16)

Introduction

Depuis les années 1980, Peter Mair signale que les partis politiques font face à de nombreux défis, affectant leur rôle quant à l'expression des intérêts en tant qu'intermédiaires directs entre les citoyens et le gouvernement (Ignazi, 1996 : 549). Ceci alimente de plus la crise de représentativité actuelle à l’échelle globale, posant de sérieux questionnements quant aux fonctions des partis et leur rôle dans le bon fonctionnement de la démocratie. L'avènement de nouveaux mouvements sociaux et l'émergence de nombreux partis extrémistes rendent bien compte de cette problématique (Ignazi, 1996). Par conséquent, certains parmi eux arrivent à brouiller les cartes théoriques de tels phénomènes, soit les partis dits «antisystèmes». Lorsque certains d’entre eux choisissent la voie de l’insertion dans la vie politique traditionnelle, nous pouvons ce faisant être à même de nous demander si ces partis évoluent de la même manière.

Les partis antisystèmes étant de plus en plus présents au sein de différents régimes démocratiques et prenant compte du rapport complexe des citoyens envers les partis politiques, l’étude de leur évolution, de leurs méthodes et des raisons derrière leur présence permet une meilleure compréhension de ce véritable défi de la politique contemporaine. Comme le soulignent des auteurs comme McDonnell et Newell (2011) puis Zulianello (2018), il est nécessaire de s’interroger sur le sort des partis dits outsiders au comportement «anti» une fois qu’ils participent au gouvernement.

Si l’on applique une citation de l’ancien chef du Parti québécois Jacques Parizeau, trois moyens s’offriraient aux partis politiques afin de réaliser l’indépendance et de briser le moule du système qui les accueille, soit la violence, la voie parlementaire ou le processus référendaire1. Cette affirmation exprime bien le dilemme

institutionnel auquel sont confrontés les partis nationalistes antisystèmes. La présente recherche permettra d’ailleurs d’apprécier cette affirmation.

Objet d’étude et problématisation

Situé dans les champs de la politique comparée et de la sociologie politique, ce mémoire permet d’abord de comparer l’évolution de trois partis nationalistes considérée comme antisystèmes. Pour comprendre celle-ci,

(17)

nous étudierons l'importance des chocs internes et externes dans leur intégration institutionnelle. Ces chocs correspondent à des changements significatifs qui influencent l'avenir des diverses composantes d'un parti ainsi que la possible atteinte de ses objectifs. Ce faisant, ce mémoire s'inscrit au sein du courant néo-institutionnaliste. Les cas retenus sont le Sinn Féin d’Irlande du Nord, longtemps associé au groupe paramilitaire de l’Armée

républicaine irlandaise (IRA), le Parti québécois au Québec, qui a d'ailleurs eu à jongler momentanément avec

la présence du Front de libération du Québec (FLQ), et le Scottish National Party (SNP), parti indépendantiste en Écosse.

Notre étude comparative est conduite alors que nous assistons à un contexte global de transformation des partis. Comme le souligne Dalton et Wattenberg (2002), les changements au sein de l’électorat toujours plus instable, la chute de l’identification partisane, les effets de la modernisation sur la mobilisation citoyenne et le désalignement partisan sont tous des facteurs auxquels les partis actuels doivent faire face. En réaction à ces derniers, les partis cherchent à s’adapter à ce nouvel environnement. Cette adaptation est associée par plusieurs à un processus de « professionnalisation » des campagnes (Gibson et Römmele, 2001, 2009; Strömbäck, 2007). À titre d’exemple, on peut citer en contexte québécois l’inclusion de nouvelles technologies comme les médias sociaux aux stratégies électorales et à l’organisation interne des formations politiques (Giasson, Le Bars et Dubois, 2019). Tout cela demeure toutefois tributaire de facteurs institutionnels comme l’encadrement législatif sur le financement politique (Montigny et Villeneuve-Siconnelly, 2018).

Doit-on pour autant délaisser l’étude institutionnelle des partis? Malgré le scepticisme croissant entourant leur place dans les démocraties contemporaines, les partis politiques continuent de remplir leurs fonctions quant à la sélection des chefs, la formulation des politiques et la mobilisation des électeurs, et qu'ils demeurent un acteur clé dans le processus démocratique (Montigny, 2015). Ils constituent toujours le meilleur moyen à la fois pour les chefs de mobiliser leurs sympathisants et leurs ressources, ainsi que pour les citoyens ordinaires d'apposer des demandes et de participer au gouvernement (Katz, 1990 : 144). Tel qu'évoqué il y a plusieurs décennies par LaPalombara et Weiner dans Political Parties and Political Development (1966), ou plus récemment par Diamond et Gunther (2001) et Gauja (2017), les partis sont généralement considérés comme des agents du développement politique (Dalton et McAllister, 2007).

(18)

De par leurs rôles et fonctions au sein de la société et du système politique dans son ensemble, les partis politiques demeurent donc des acteurs clés du processus démocratique. Afin de parvenir à remplir ces mêmes fonctions et de maximiser pleinement leur influence, ces groupes politiques doivent cependant procéder à l'institutionnalisation de leur organisation et viser la pleine participation à la vie politique. Les partis étant adaptables (Montigny, 2017), l'analyse de leur évolution témoigne du caractère hautement complexe du phénomène. En reprenant les écrits théoriques de Panebianco, Montigny (2017 : 58) démontre qu'«un parti politique, lors de sa genèse, tentera d’abord de transformer son environnement afin d’améliorer sa position au sein d’un système partisan. Une fois institutionnalisé et bien établi, il cherchera généralement à adopter des stratégies d’adaptation à l’environnement afin d’y conserver sa position dominante».

Avec la fragmentation de la scène politique, il est cependant possible d'observer dans la littérature davantage de types de partis que par le passé (Bardi et Mair, 2008). De fait, différents types de relations apparaissent entre eux, d'où l'importance de comprendre les systèmes partisans ainsi que les paramètres entourant ces organisations politiques afin d'en comprendre les fondations (2008 : 149). Tel que mentionné en introduction, certains ne correspondent à aucune convention de la vie politique traditionnelle, soit les partis dits «antisystèmes». De plus en plus d'exemples peuvent être dénotés, tels qu'au Pays basque espagnol, en Catalogne et en Italie. En Europe occidentale, plusieurs partis d'extrême-droite ou d’extrême-gauche reposent sur l'attaque contre l'establishment politique, tel que la France insoumise ou le Rassemblement national en France, le Republikaner en Allemagne, la Lega Nord en Italie du Nord, ou le «Freedom Movement» en Autriche (Schedler, 1996 : 292). L’Amérique latine en dénote quelques-uns, comme le Movimiento al Socialismo en Bolivie.

Lorsqu'ils optent pour des stratégies antisystèmes, ces partis visent à accentuer les dysfonctions du régime qu'ils dénoncent et dans lequel ils évoluent, tout en cherchant à faire avancer leur projet unilatéralement, sans nécessairement vouloir la reconnaissance des autres joueurs politiques (Montigny, 2017 : 59). A contrario, les stratégies d'institutionnalisation misent sur la capacité des partis à jouer le jeu, dans le but de faire avancer leur projet en s'intégrant au système en place aux côtés des autres partis plus traditionnels. Ce faisant, ces partis peuvent délaisser une partie de leurs méthodes, revendications, voire de leur agenda, dans le but de prendre part à la vie politique institutionnalisée.

(19)

Dans le cas des partis nationalistes souvent marginaux, cette institutionnalisation semble d'autant plus fascinante, ayant à conjuguer leurs velléités représentatives avec le contexte politique qui leur est propre. Il est cependant important d'établir une distinction entre les partis qui se veulent nationalistes et les partis populistes, qui sont souvent confondus dans la littérature. À ce titre, les partis populistes – faisant davantage penser à une forme de mouvements et surtout associés à l'extrême-droite depuis la fin du XIXe siècle – témoignent d'une

hostilité perceptible envers les élites et les intellectuels, en plus de revendiquer la représentation véritable du «vrai peuple» (Hermet, 2011). Possédant souvent une tendance dictatoriale et charismatique, le chef prétend y incarner son peuple et ses idéaux, constituant ainsi une forme d'art antipolitique.

Le phénomène du populisme s'avère plus moralisateur que programmatique (contrairement aux partis nationalistes au sens traditionnel du terme), basé sur un état d'esprit plutôt qu'une doctrine ou idéologie explicite, et moins organisé qu'un parti politique (Hermet, 2011). Tel qu'illustré par Benjamin de Cleen (cité dans Galanopoulos, 2016) l'optique y est donc verticale, apposée vers le peuple et accusant entre autres les élites de le trahir, tandis que pour le nationalisme et les partis nationalistes en général, il s'agit d'une optique horizontale, construisant et revendiquant la représentation de la nation dans son ensemble tout en faisant une distinction de sous-groupes sociétaux sous l'ordre de ceux qui en font partie (un «Nous») de ceux qui n'en font pas partie (un «Eux»).

De ce fait, la perméabilité des partis et leur tendance à s’institutionnaliser forment le nœud de cette recherche. Le pourquoi et le comment de l’évolution de partis antisystèmes seront abordés afin de dresser un bilan quant à leur situation initiale et actuelle. Cela nous permettra d’être à même d’évaluer le degré de ce caractère antisystème qui les anime et qui a, à certains niveaux, constitué leur raison d’être. Pour y parvenir, divers éléments théoriques et outils d’analyse originaux seront mobilisés, dans le but d’établir certaines pistes de réflexion quant au phénomène à l’étude.

Question de recherche et orientations méthodologiques La question de recherche de ce mémoire s’oriente comme suit :

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«Pourquoi et comment des partis nationalistes antisystèmes peuvent choisir la voie de l’intégration institutionnelle, alors qu’ils ont initialement pour objectif d’exercer une forme radicale d’opposition envers les autres acteurs et le système politique dans son ensemble?».

Pour répondre à cette question, nous formulons deux propositions : 1) la présence des chocs à l’interne et à l’externe influence le niveau antisystème des partis nationalistes étudiés et 2) plus les partis nationalistes étudiés s’intègrent institutionnellement, moins le contenu de leurs plateformes sera antisystème.

Brièvement, la méthodologie relève du domaine qualitatif et s’opère en trois principales phases. La première passe par l’analyse de l’évolution des partis choisis grâce à la création de lignes du temps soulevant les chocs importants ayant pu les inciter à s’intégrer institutionnellement. La deuxième se penche sur l’analyse du contenu de leurs plateformes électorales au sein d’une période temporelle ciblée par le biais d’un outil d’analyse entièrement original, l’Indice antisystème des plateformes de partis (IAPP). La troisième constitue le positionnement des mêmes partis à la suite de ces analyses sur un spectre appelé l’Échelle de positionnement

des partis créé à cette fin, qui les place selon qu’ils soient intégrés ou antisystèmes.

La question de recherche permet de mettre en lumière de plusieurs façons les propositions suggérées. Sous cette forme, elle permet en effet d’observer à la fois les sous-questions du «pourquoi» et du «comment» de l’évolution volontaire des partis nationalistes et antisystèmes au sein du spectre de l’intégration institutionnelle.

Elle sous-entend de même que les partis retenus souvent marginaux ont pu, à un moment ou à un autre, opter pour des stratégies moins antisystèmes afin d’atteindre leurs buts politiques en participant pleinement aux règles du jeu politique. Ceci permet d’étayer la deuxième proposition de recherche. Le mot «peut» au sein de la question laisse place aux différentes possibilités institutionnelles telles que les règles institutionnelles et les modes de scrutin existants indépendamment des partis choisis.

Il est également sous-entendu que l’évolution des partis est, règle générale, volontaire ; par la décision d’un chef d’atteindre l’un de ces dits buts politiques, ou de la compréhension d’un contexte sociopolitique précis, précipitant donc le contenu d’une plateforme vers un produit fini plus modéré, par exemple. De même, puisque

(21)

les plateformes électorales étudiées sont pleinement réfléchies et travaillées exhaustivement par les organisations des partis, nous sommes à même de penser que l’évolution d’un parti serait de fait volontaire. Tel qu’illustrée par la littérature, chaque décision prise par un parti conditionnera la prochaine et laisse peu de place à une évolution involontaire de leur part. La première proposition peut être mesurée grâce à ce point.

Il est finalement suggéré qu’avec le temps, et lorsque les partis étudiés optent pour l’intégration institutionnelle, ceux-ci ont davantage de chance de devenir des acteurs majeurs et donc moins marginalisés sur la scène politique qui leur est propre. Ceci s’observe dans deuxième proposition, voulant que ce faisant, le contenu produit par les partis a tendance à se modérer.

Ce sont tous ces éléments qui distinguent la question de recherche aux précédents travaux sur les mêmes thèmes, puisqu’elle permet de cerner l’évolution de l’intégration institutionnelle des partis retenus et d’évaluer leur positionnement par rapport à leur caractère antisystème originel. Elle cherche à mieux comprendre non seulement les raisons derrière ce processus, mais aussi le mécanisme qui le favorise par le biais d’outils originaux.

La structure du mémoire est la suivante. Le Chapitre I énonce les différents cadres théoriques et la recension des écrits pertinents sur le sujet. Le Chapitre II quant à lui décrit de manière exhaustive l’approche et la méthodologie préconisées, en plus des données utilisées. Le Chapitre III se concentre sur l’évolution des partis retenus, tandis que le Chapitre IV analyse le contenu de leurs plateformes électorales. Par la suite, le Chapitre V superpose les résultats obtenus et les discute afin de permettre le positionnement des partis. Les propositions de recherche y sont aussi évaluées, dans le but de déterminer si elles sont validées ou non. La conclusion suggère les contributions que ce mémoire apporte à la littérature, ainsi que les limites posées par cette recherche. Finalement, elle nous permet de faire un retour sur les éléments fondamentaux du mémoire et ouvre sur plusieurs pistes de réflexion et de possibles futures recherches.

(22)

Chapitre 1 Théorie

Afin d’asseoir solidement la recherche proposée, quelques ancrages théoriques sont nécessaires. La première partie de ce chapitre fait état de la littérature portant sur des thèmes qui éclairent l’orientation donnée au mémoire, tandis que la seconde traite des différentes approches et cadres théoriques pertinents.

1.1. Recension des écrits

1.1.1. Définitions des concepts clé

Dans un premier temps, il importe de bien cerner les principaux concepts clés qui seront mobilisés.

1.1.1.1. Les partis politiques

Dans le Handbook of Party Politics, White (2006) a recensé plusieurs définitions des partis politiques à travers les époques. Parmi celles de la période contemporaine, la définition de Chambers de 1967 dénote qu’un parti politique au sens moderne peut être pensé en tant que formation sociale relativement durable qui recherche le pouvoir au gouvernement, qui démontre une structure ou une organisation qui lie les leaders à un soutien populaire significatif au sein de l’arène politique et qui génère des symboles d’identification ou de loyauté.

Sartori (1976) de son côté parle des partis comme des structures intermédiaires centrales entre la société et le gouvernement. Anthony Downs (2013) pour sa part conçoit les partis selon un modèle rationnel, en mettant l’accent sur les activités électorales au détriment des autres fonctions des partis. Les partis souhaitent donc maximiser le soutien populaire en ayant comme but primaire la réélection. Van Buren quant à lui évoque le modèle dit responsable, voulant qu’un système partisan, pour qu’il soit efficace, requiert que les partis soient capables de faire naître des programmes auxquels ils s’engagent et qu’ils possèdent suffisamment de cohésion interne pour mener à bien ces mêmes programmes.

Les partis tentent évidemment de remplir une fonction représentative, en rassemblant une partie de la population qui se «reconnaît dans la culture politique qu’ils expriment» (Berstein, 2013 : 33). Ils apparaissent comme un témoin du fonctionnement des sociétés humaines, en s’articulant entre la société civile et le gouvernement

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(Berstein : 2013; Cross et Young, 2004). Ils procurent un mécanisme efficace pour l'organisation des intérêts et assurent la coopération parmi les législateurs (Weissenbach, 2010 : 10).

Un de leurs rôles fondamentaux est aussi de motiver la population à aller voter lors des élections et à participer au processus électoral. Ils sont responsables d’agréger les intérêts des citoyens et de les véhiculer dans la sphère politique. Ils procurent aux électeurs d'importants services et informations politiques, éduquent et influencent le public, en plus de lancer certains débats au sein de la société civile (Weissenbach, 2010 : 8). Une fois arrivés au pouvoir, ils peuvent réaliser les promesses faites aux citoyens, dont leur réalisation effective mesure la validité de leur action et potentiellement de leur avenir (2013 : 34).

Les partis politiques jouent aussi un rôle de recrutement, de nomination et de socialisation du leadership politique (Ezrow, 2011). Lipset (2000) signale que les partis non seulement connectent le gouvernement aux groupes de la société civile, mais stimulent aussi les autres activités associatives (Ezrow, 2011). De même, ils visent à fidéliser leurs adhérents ou leurs électeurs à leur discours par l'utilisation de symboles spécifiques (Berstein, 2013 : 33).

Nonobstant, de nombreux signes témoignent d'un déclin de ces organisations partisanes. Un des symptômes les plus flagrants est nul doute la croissance de l'abstention affectant la participation et les résultats électoraux (Berstein, 2013; Bodet et Villeneuve-Siconnelly, 2019). Cette crise s'exprime aussi par les nombreux scandales politico-financiers liés entre autres à la collusion entre les dirigeants politiques et les milieux d’affaires, ainsi que par la présence de soutiens pour des partis extrémistes qui affirment pouvoir régler les difficultés de la population (Berstein, 2013).

En termes d’impacts potentiels du déclin des partis, Seyd et Whiteley (2004 : 360) signalent la possibilité pour ceux-ci de perdre leur base électorale, alors que la présence de loyaux partisans s'avère essentielle à leur survie. En effet, les membres leur procurent une part de leur légitimité politique, en démontrant un soutien et un ancrage au sein de la communauté et des préoccupations de cette dernière.

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Les partis politiques sont néanmoins hautement adaptables. En effet, pour Litton (2014 : 712), les partis politiques sont comme des organismes vivants, qui émergent, grandissent, changent, passent par de multiples bouleversements divers et meurent, laissant généralement derrière eux un héritage durable. Il est ainsi possible de croire que malgré ces défis, les partis demeureront l'acteur politique clé en termes de représentation des intérêts et d'intermédiaire entre l'État et la société civile.

1.1.1.2. Les partis nationalistes

Les partis nationalistes se caractérisent par une volonté de représentation et de défense accrue des intérêts nationaux en mettant entre autres de l’avant l’économie, la culture et la langue nationales. De plus, les groupes nationalistes au sens large varient dans leurs objectifs fondamentaux. Alors qu’ils recherchent tous un changement politique important, ceci peut aller de l’indépendance complète à une autonomie limitée (McAllister, 1982 : 202). Ils diffèrent aussi dans les méthodes utilisées pour mobiliser le soutien de la communauté ou la nation dont ils revendiquent la représentation. Par exemple, certains visent donc des tactiques de groupes de pression ou d’autres sur une approche électorale. Pour Gunther et Diamond (2001 : 10), les partis nationalistes font partie de ce que l’on appelle les «partis de masse», qui visent le changement social au bénéfice de la classe ouvrière, la défense les intérêts de cette dernière et qui tentent de saisir le pouvoir grâce à un programme idéologique. Néanmoins, les partis nationalistes ne prennent pas nécessairement position au sein du clivage de la gauche et de la droite, pouvant provenir d’un côté ou l’autre du spectre politique.

1.1.2. Partis politiques antisystèmes

Depuis le milieu des années 1980, de nombreux partis politiques anti-establishment sont entrés dans l'arène politique, autant dans les vieilles que les nouvelles démocraties (Schedler, 1996 : 291). En accord avec les écrits de Capoccia (2002), la désignation «parti antisystème» demeure une des plus utilisées pour décrire un parti ou un groupe qui exerce une forme radicale d'opposition. Ce concept se retrouve par ailleurs dans les écrits de Giovanni Sartori sur les systèmes partisans durant les années 1960 et 1970, en référant principalement aux partis totalitaires de l'Entre-deux-guerres et de l'après-guerre ainsi qu'à la distance idéologique d'un parti envers les autres organisations.

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Ces partis, généralement de petite taille, sont souvent décrits comme étant extrémistes. Selon Schedler (1996 : 291-298), ils accusent les partis établis de former un cartel d'exclusion et d'être non réactifs, en dépeignant les fonctionnaires comme une classe homogène d'individus incompétents, lâches et motivés par le pouvoir. Les acteurs antisystèmes choisissent un style contrasté de politique, se présentant de façon polémique en usant d’un ton émotif et en se dépeignant souvent en tant que victimes. Ils sont donc considérés comme des outsiders et sont perçus comme agissant en dehors du système partisan (Schedler, 1996; Kenney, 1998). Ils se présentent par ailleurs comme des agents du changement, véritables moteurs de réforme et avec un haut degré de personnalisation (Schedler, 1996 : 302).

Ils ne professent pas forcément la violence armée envers les autres partis, mais ne reconnaissent pas ces derniers, préférant exprimer leur antipathie en gardant leur distance et en rejetant tout compromis ou coopération avec eux (Schedler, 1996). Pour Sartori (1976), le degré et l’intensité d’une attitude «anti» varient dans le temps ; tous les partis antisystèmes ne le sont pas dans le même sens, pouvant aller de l’aliénation et du refus total à la simple protestation.

Nonobstant, ce type de partis peut aussi faire écho aux entités ayant pour but de détruire la démocratie en elle-même (Capoccia, 2002). Il n'est donc pas rare d'observer dans la littérature une connotation péjorative envers eux, faisant de ces organisations des synonymes d'antidémocratique.

Il est toutefois utile de noter que parfois ce qui donne le caractère antisystème n'est pas forcément son idéologie en soi, mais bien son lien avec les valeurs du régime dans lequel le parti opère. Deux branches peuvent être soulevées en ce qui concerne ce type d'organisation (Capoccia, 2002 : 23-24);

• L’antisystème relationnel, où l'on retrouve une grande distance envers les autres partis dans l'espace idéologique et l'adoption d'un isolationnisme;

• L’antisystème idéologique, qui consiste en l'incompatibilité des référents idéologiques et des buts politiques du parti avec la démocratie.

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Il existe plusieurs exemples typiques de partis politiques antisystèmes, comme les partis communistes français et italien durant la Guerre froide, ou bien des partis liés à des groupes antisystèmes, comme le Sinn Féin en Irlande et en Irlande du Nord associé à l'IRA ou le Herri Batasuna au Pays basque lié à l'ETA (Capoccia, 2002). Du côté québécois, ceci peut s'observer depuis les années 1960 par le biais de l’instrumentalisation de la province de Québec dans l’affirmation et la promotion de l’identité nationale des francophones (Richez et Bodet, 2012 : 77). Ainsi, le caractère antisystème se retrouve dans l'objectif clair du Parti québécois d'obtenir la sécession du Québec par des moyens néanmoins démocratiques, ce qui justifie par le fait même l’utilisation de ce cas d’étude.

De fait, plusieurs conséquences peuvent découler de cette position antisystème. Il est notamment question de la notion de distance spatiale, où nous retrouvons peu de potentiel de formation de coalition étant donné les positions radicales de ces partis sur d'importants enjeux, les isolant des autres formations au sein du système (Capoccia, 2002 : 15; Kenney, 1998). Selon Koß (2015), étant donné la nature de leurs revendications, ces derniers peuvent aussi potentiellement obstruer la législation et nuire à la centralisation du contrôle de l'agenda. Les partis antisystèmes seront davantage intéressés à promouvoir un spectre de politiques plus petit, ayant besoin de se distinguer de celles appartenant à l'establishment en place. Considérant cela, la démocratie intrapartisane pourrait augmenter la compétition entre les factions internes, ce qui en contexte post-conflit pourrait avoir un impact négatif sur la stabilité politique (Sindre, 2014 : 501).

En résumé, les partis antisystèmes représentent plus qu’une opposition «normale», en ce sens où leurs attaques se concentrent non pas sur le gouvernement sortant, mais sur tous les partis, le gouvernement et l’opposition (Schedler, 1996).

1.1.3. Facteurs explicatifs de l’évolution des partis politiques

Énormément de facteurs fournissent des pistes à l'explication de l'intégration institutionnelle des partis politiques, et plus particulièrement celle des partis antisystèmes.

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En général, les partis se trouvant au sein des systèmes partisans plus institutionnalisés tendent à être plus cohérents avec leur profil idéologique (Ezrow, 2011). Selon Hudon et Poirier (2011), une progression dans l’échelle de l’institutionnalisation accroît l’influence des partis dans la conduite des affaires publiques. Les électeurs ont tendance à avoir de plus forts liens avec les partis et à voter pour la même organisation la plupart du temps. De plus, dans un système au sein duquel les partis ont besoin de la majorité des voix pour réaliser leurs buts politiques, les institutions électorales encouragent les partis radicaux à ajuster leur agenda afin d'élargir leur spectre de partisans (Buechler, 2012 : 211).

Des changements dans le paysage politique peuvent procurer une logique stratégique aux groupes radicaux afin de participer dans la politique démocratique, en gardant à l'esprit que ceci ne se fera pas nécessairement de manière prévisible ou cohérente (Sindre, 2014 : 508). Des pressions exogènes et endogènes provenant entre autres d'indices électoraux et des préférences des électeurs peuvent s'exercer afin de modifier la trajectoire de ces groupes (Brown, 2007 : 55). Dans cette même lignée, la présence d'évènements significatifs, ou chocs, survenant dans la vie d'un parti influence grandement son adaptation et son évolution, tel que signalé par Harmel et Janda (1994). De plus, les partis selon Müller et Strøm (1999) peuvent viser la réalisation de certains buts ou objectifs politiques ou idéologiques. Ceux-ci ajusteront leur agenda et promesses en conséquence. Ces trois formes de buts, seraient 1) un bon gouvernement (office-seeking), 2) un projet politique (policy-seeking), ou 3) un maximum de votes (vote-seeking).

La structure institutionnelle et électorale peut également avoir un impact, surtout lorsque celle-ci s'avère plus proportionnelle. À titre d'exemple, le système dit de Single Transferable Vote (ou STV) vise le partage du pouvoir exécutif et la répartition proportionnelle des sièges (Deacon, 2012 : 195). De fait, le transfert des voix accepte davantage la représentation des communautés, avantageant de fait les partis «ethniques» (Murtagh, 2015 : 548) ou dans ce cas-ci, nationalistes. Un cadre de partage de pouvoirs comme le consociationnalisme peut ainsi expliquer les appuis à de tels partis, permettant de reconnaître et de représenter les différences ethniques et de renforcer leurs aspirations nationalistes (Nagle, 2013 : 461-470).

Le fait de participer pleinement peut également projeter l'idée que l'intention de base du parti se situe dans l'obtention du pouvoir, en préférant maximiser son adaptabilité pour attirer le plus d'électeurs possible (Ishiyama et Marshall, 2015 : 3). L'entrée ou le retour vers les institutions peut de même signifier une tentative

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d'affaiblissement et de division des adversaires (Hopkins, 2015 : 93), des gains électoraux nationalistes potentiels, mais aussi l'avancement d'un programme socio-politico-économique ainsi que la stabilité (Evans et Tonge, 2012 : 42).

L’école socio-psychologique mentionne l'insatisfaction envers le parti sortant, l'image positive de la position du parti face aux velléités représentatives nationalistes, de même que la diversité des doléances comme facteurs pouvant influencer l'appui envers de tels partis (Pinard et Hamilton, 1978) et ainsi motiver ces derniers vers les voies de l’intégration institutionnelle.

Aussi, une fois les limites productives de la violence politique atteinte, les organisations peuvent chercher à adopter certaines politiques partisanes dans le but de poursuivre leurs buts politiques (Acosta, 2014). Une plus grande participation et un soutien externe augmentent les chances pour ces organisations en question d'atteindre leurs buts recherchés et d'ainsi opter pour une transition en passant l'état de conflit à l'arène politique, tout en étendant leur base et en augmentant leur légitimité internationale. Un manque de soutien populaire envers l'utilisation de la violence peut forcer les partis à s'adapter (Heger, 2015). En effet, certains chercheurs évoquent que les campagnes non violentes sont plus efficaces dans l'atteinte des résultats visés (Chenoweth et Stephan, 2011). À l’inverse, ceci peut cependant être difficile à atteindre si la base qui les soutient a une préférence pour la violence et s'il y a un manque de crédibilité vis-à-vis leurs adversaires.

De fait, le succès populaire s'avère un élément directeur dans la transition des organisations militantes vers des partis politiques (Acosta, 2014; Cronin, 2009). Cela laisse croire à la présence de cette même logique pour les partis antisystèmes qui décident de délaisser des méthodes atypiques et radicales pour une stratégie plus modérée.

Il est toutefois courant que les groupes radicaux se modèrent lorsqu'ils participent aux élections démocratiques (Sindre, 2014). De cette façon, la transformation des groupes armés en partis politiques est devenue une partie intégrale de la sécurisation de la paix après des conflits armés, s’appliquant entre autres au cas du Sinn Féin. De ce fait, les groupes autrefois rebelles se voient offrir un canal afin d'articuler les intérêts et les opportunités d'accéder à la politique formelle et aux institutions. Afin de transformer et de remplir le rôle de véhicule

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démocratique qui est attendu d'eux, ces anciens groupes rebelles doivent toutefois être restructurés de façon significative (2014 : 501). Par conséquent, il est probable que ceci ait d’un côté provoqué l'exode de plusieurs extrémistes, alors que d’un autre, cette transformation a pu plaire à certains électeurs (Evans et Tonge, 2012 : 51).

1.1.4. Nationalisme appliqué aux cas d’étude

Bien que cette section relève du champ des idées politiques, il est important de baliser certaines définitions possibles du nationalisme permettant de comparer plus en profondeur les cas à l’étude qui se revendiquent nationalistes.

De nombreux penseurs se sont penchés sur la question nationaliste à travers les époques. Elle peut être liée à l'autodétermination et à la volonté générale telle qu'avancée par Rousseau, au romantisme et à la langue par Herder, ou encore à la possession d'une histoire nationale par Mill (Özkirimli, 2010). Le nationalisme peut être intégral, traditionnel, libéral, se rattacher à l'ethnosymbolisme comme Smith ou au modernisme, comme Hechter, Breuilly, Hobsbawm, Anderson ou Gellner (Özkirimli, 2010). Pour Balthazar (1977), le nationalisme comprend:

«[…] quatre éléments [qui] peuvent être retenus comme une sorte de dénominateur commun : le territoire, une tradition historique commune, une culture distincte et la présence d'institutions politiques nationales. C'est donc dire qu'un groupe de personnes partageant depuis un certain temps, sur un territoire donné, un ensemble de valeurs et un mode de vie communs, c'est-à-dire une culture, ayant une perception généralement semblable de leurs antécédents historiques et capable de traduire leurs aspirations au plan politique, constitue une nation. D'autres éléments sont fréquemment ajoutés, dont les plus importants sont la langue, la religion et les institutions économiques».

Il est important de souligner la présence de deux principaux types de nationalisme, afin de bien comprendre où se situent les nationalismes écossais, québécois et nord-irlandais. Premièrement, nous retrouvons le nationalisme dit ethnique – qui renvoie entre autres au nationalisme républicain irlandais - où les nations sont constituées de groupes ethniques dont l'appartenance répond à des critères prédéterminés (Keating, 1997 : 18; Keating, 2011; Dunn, 2013). La politique ethnique peut revêtir trois formes, soit l'intégration, le particularisme ou la désintégration (Keating, 1997 : 19). Plusieurs composantes de l'identité ethnique communautaire sont notables, soit une histoire partagée et un sens de la nation, une affiliation religieuse, une langue ou une

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géographie. Ces éléments agissent comme des agents de renforcement produisant une identité distinctive ainsi que des perspectives communes (Evans et Tonge, 2013 : 358), tout comme la crainte de perte d'acquis vis-à-vis ceux-ci.

1.1.4.1. Place du Sinn Féin dans le mouvement nationaliste

Il est possible de considérer plusieurs composantes de l'identité ethnique communautaire, soit par une histoire partagée et un sens de la nation, une affiliation religieuse, une langue et une géographie, agissant toutes comme des agents de renforcement pour produire une identité distinctive ainsi que des perspectives communes (Evans et Tonge, 2013). Encore aujourd'hui, l'Irishness, le catholicisme et le nationalisme demeurent des composantes clés de l'identité communautaire en Irlande du Nord; être catholique est synonyme d’être irlandais et de rejeter l'unionisme (Evans et Tonge, 2013).

La restauration de l'irlandais est placée en haute priorité, comprenant des efforts pour encourager cette dernière dans l'éducation et dans l'administration publique (Stevenson, 2006). Par ailleurs, Gerry Adams a évoqué que l'émancipation et l'autonomisation (empowerment) étaient les thèmes clés du parti, envisageant non seulement l'indépendance du pays, mais aussi la libération économique et sociale de tous les citoyens en son sein, libre de toute domination étrangère, de l'ignorance et de la peur (Bean et Hayes, 2009).

Également, le succès du Sinn Féin dans le camp nationaliste peut s'expliquer par la façon dont le parti se présente comme étant celui avec lequel le travail est accompli, avec un profil mélangeant des candidats plus jeunes provenant d'une nouvelle génération aux côtés d'autres plus expérimentés et plus âgés (Maillot, 2014 : 10).

De fait, la nature instrumentale de l'identité tend vers l'universalité, dont les frontières sont toujours sujettes à contestation. L'appartenance mène ainsi à la prolifération de groupes similaires de manière à ce que les politiques ethniques, loin de favoriser l'unité nationale, ne puissent que dissoudre cette dernière (Keating, 1997 : 20).

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Pour sa part, le nationalisme civique – qui se rapproche du nationalisme écossais - repose sur le consentement individuel de chacun en se fondant sur des valeurs et des institutions communes (Keating, 1997). Ce faisant, est membre de la nation celui qui naît sur le territoire national et qui s'identifie à ses normes, valeurs et institutions (Monière, 2001; Derriennic, 1995). La langue constitue un autre élément porteur du nationalisme civique. À l’inverse du nationalisme ethnique, les frontières naturelles sont rejetées en tant qu’élément délimitant une nation, tout comme la religion qui relève du domaine privé (Monière, 2001). Il peut évidemment survenir des frustrations au sein de la société lorsque par exemple l'économie se détériore ou qu’elle ne peut suivre le rythme des demandes sociales (Collectif, 2001 : 10). Mais bien que des problèmes économiques puissent accentuer des tensions interétatiques, ils ne sont généralement pas suffisants pour générer un nationalisme violent, à l'inverse d'éléments religieux ou de frontières présents dans le nationalisme ethnique (Derriennic, 2001).

1.1.4.2. Place du SNP dans le mouvement nationaliste

À titre d’exemple, l'ancien chef du SNP Alex Salmond a encouragé le rejet de constructions ethniques exclusives du nationalisme écossais lors de son élection en 1990, concevant l'Écosse comme un territoire civique national et en misant davantage sur des valeurs écossaises comme l'égalité, l'humanité et la décence (Mycock, 2012 : 55). Ce nationalisme s'avère civique de par son ressentiment ancestral envers les Irlandais et leurs méthodes violentes et radicales (Keating, 2007 : 206-208).

Après la Seconde Guerre mondiale, le mouvement nationaliste avait à se reconstruire sur une nouvelle base, étant donné l'incapacité à implanter un programme de dévolution (Webb, 1977 : 44). De fait, le cœur de la propagande nationaliste moderne en Écosse prend sa place dans des revendications économiques (Brand, 1978), où beaucoup d'Écossais désirent l'indépendance afin de bénéficier par exemple des revenus du pétrole sur leur sol (Paquin, 2001).

L’ancien chef du SNP Alex Salmond a d’ailleurs encouragé le rejet de constructions ethniques exclusives du nationalisme écossais lors de son élection en 1990, concevant l'Écosse comme un territoire civique national, misant davantage sur des valeurs écossaises comme l'égalité, l'humanité et la décence (Mycock, 2012 : 55). En effet, le SNP refuse le recours à la violence, ce qui le place en opposition directe au nationalisme irlandais et ses organisations politiques radicales comme le Sinn Féin. Ayant vu les désastres de la Première Guerre mondiale et les conséquences humaines des soulèvements en Irlande et en Irlande du Nord, plusieurs craignent

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une répétition des impacts d'une aussi grande gravité sur la société et de leur dénouement brutal (Pittock, 2008; Brand, 1978). De fait, le sentiment d’appartenance se fait davantage par rapport à une nation plutôt qu’une région, ainsi qu’à une volonté de promouvoir une Écosse indépendante, en plus de s’être fondé sur autre chose que la langue, tel que les institutions et les systèmes éducatif et légal (Costa, 2012).

De plus, alors qu'il y était farouchement opposé, le parti s’est repositionné en 1988 quant au soutien d'une politique d'«indépendance dans l'Europe» (Arnott et Ozga, 2010). Les nationalistes écossais finissent par rattacher l'Union européenne à leur notion d'autonomie, l'intégration servant alors de leitmotiv afin de moderniser la social-démocratie écossaise (Keating, 1997). Il s'agit ainsi d'un calcul assez stratégique pour le parti, qui retrouve certains intérêts dans l'Union européenne, pouvant aspirer à la restructuration de l'industrie européenne du charbon et acier et à l'élaboration de politique commune sur les pêcheries.

1.1.4.3. Place du PQ dans le mouvement nationaliste

De son côté, le nationalisme québécois demeure ambigu. En effet, «la distinction entre nationalismes ethnique et civique a dominé l’analyse en raison d’une controverse sur le caractère rétrograde du nationalisme québécois qui perdure depuis le dix-neuvième siècle» (Cardinal et Papillon, 2011 : 82). Selon Derriennic (1995), le nationalisme canadien-français d’avant la Révolution tranquille était identitaire, en se nourrissant entre autres de la méfiance envers «les Anglais». Il serait devenu plus civique avec le temps, en ayant pour objectif la solidarité entre les citoyens sur des bases donnant aux Québécois anglophones leur juste place et en permettant d'accueillir et d'intégrer des immigrants.

Un des aspects les plus fascinants du nationalisme québécois depuis la Révolution tranquille est son ancrage à gauche, le plus souvent associé à des politiques égalitaristes d’inspiration sociale-démocrate (Béland et Lecours, 2011). Bien qu’il existe évidemment un courant davantage néolibéral au sein du mouvement indépendantiste, le nationalisme québécois revendique l’idée que le Québec forme une société distincte de par sa langue et de sa culture, mais également de par son modèle économique et social spécifique.

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Certaines tentatives de coalition sont tentées par le parti au fil des années, soit l’accord avec l’ADQ et le Bloc québécois ainsi que la convergence avec les autres partis indépendantistes. Bien que contrevenant à la distance relationnelle usuelle des partis antisystèmes, cela est intéressant de constater que ces tentatives soient faites dans le but de mener à bien un objectif antisystème, soit la souveraineté.

L’électorat du PQ est changeant, alors que les électeurs plus jeunes ont vécu une socialisation très différente. Ils se trouvent souvent à l’écart du débat national et sont plus préoccupés de l’environnement, des questions internationales ou d’enjeux liés au genre (Guay et Gaudreau, 2018; Mahéo et Bélanger, 2018), en prônant la multimilitance.

Ainsi, ce qui distingue les électeurs du Parti québécois des électeurs qui s’identifient à d’autres partis est leurs orientations vis-à-vis le Canada et le système fédéral (Clarke, 1983). Néanmoins, tous les partisans du PQ ne voient pas nécessairement d’un mauvais œil le fait que le Québec demeure dans le système politique canadien. Effectivement, même au moment du premier référendum, neuf partisans sur dix préféraient l’option de la souveraineté-association (Clarke, 1983).

En lien avec l’école socio-psychologique, il est suggéré que ce sont les doléances latentes envers le système fédéral poussent la croissance des sentiments indépendantistes et souverainistes des années 1970 (Clarke, 1983; Pinard et Hamilton, 1977), tel que représentés par le PQ.

Le caractère antisystème du Parti québécois selon Clarke (1983) s’observe par conséquent dans son effort d’obtenir la souveraineté politique pour un peuple et une province stratégiquement située, posant une menace significative à la viabilité de l’une des plus vieilles démocraties libérales du monde.

Les récents débats sur les accommodements raisonnables et la question identitaire ainsi que la Charte des valeurs auraient pour certains alimenté les appuis quant à une vision ethnique exclusive du nationalisme québécois (Bordeleau, 2019; Boucher, 2014). Pour Lamoureux (2002), l’importance de la dimension identitaire

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a simplement évolué dans le temps, en passant d’une oppression nationale vers une affirmation nationale. Le nationalisme québécois serait à la fois ethnico-culturel et civique grâce à la valeur qu’occupe la langue française.

À cet effet, au Québec, la langue constitue le moyen privilégié permettant l’intégration des personnes de diverses origines à un même ensemble, renvoyant à la notion d’interculturalisme. Le français correspond ainsi à une marque d’appartenance à une société donnée et entend être le point de rassemblement des individus vivant dans cette dernière (Langlois, 2018). Ainsi, selon Fernand Dumont, le nationalisme québécois est d’abord une conscience de soi où se fabriquent des symboliques communes (Langlois, 2018 :173). Le projet souverainiste ne serait pas ethniciste, en ce sens où il n’est pas discriminatoire et ne nie pas les droits des minorités dont les membres s’avèrent tout aussi Québécois que les Québécois francophones (Beauchemin, 1995).

De fait, la dichotomie entre nationalisme civique et ethnique peut toutefois ouvrir la porte à la discussion, puisqu'une évolution ou un amalgame entre les deux types semble possible. Par exemple, le nationalisme républicain2 véhiculé par le Sinn Féin est-il le même que depuis la fondation de ce dernier? Et où pouvons-nous

précisément situer le nationalisme québécois actuel?

Bien qu’ils appartiennent au même contexte parlementaire, ces cas diffèrent quant à leur histoire respective, leur vision du nationalisme et aux moyens d’en faire la promotion. Il est possible de sous-entendre que le type de nationalisme influence les stratégies préconisées et les revendications des partis politiques qui y sont rattachés. En effet, nous pensons que le Sinn Féin, appartenant davantage au courant ethnique, aura tendance à adopter un message et des tactiques plus radicales au sein de ses plateformes, tandis que le PQ et le SNP, plutôt civiques, seront plus modérés dans leurs propos et leurs stratégies.

2 Traditionnellement, les nationalistes républicains réfèrent à «sept cents ans de résistance irlandaise» face aux Anglais à partir de la fin du XIXe siècle (Stevenson, 2006 : 23). S'est développée au Sud une nation empreinte d'une conception de l'identité exclusionnaire et une homogénéité liée au nationalisme (Mitchell, 2011 : 6). L'identité et les institutions irlandaises en porte-à-faux à la domination britannique, le territoire (Clarke, 2000 : 108), la langue et le catholicisme sont tous des éléments faisant partie de ce nationalisme.

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1.2. Cadre théorique

1.2.1. Approche du néo-institutionnalisme historique

Lecours (2002a) signale que les institutions ont fait un retour en force en tant que référent théorique, constituant un développement majeur de la science politique dans son ensemble. Tout d’abord, une institution est comprise par March et Olsen (2006) comme un ensemble de règles et de pratiques organisées, intégrées dans une structure de sens et de ressources. Elles sont relativement invariables aux aléas des individus et sont résistantes envers les circonstances externes changeantes. Nous y retrouvons aussi des règles et des pratiques qui dictent le comportement approprié des acteurs lors d’une situation spécifique, ainsi que des structures de sens qui expliquent, justifient et légitiment ces codes comportementaux.

L’institutionnalisme quant à lui réfère à l’étude des institutions politiques (March et Olsen, 2006). Il met l’accent sur la construction sociale et la nature endogène des institutions politiques. Il implique que les institutions ne sont pas le seul fruit de calculs provenant d’acteurs individuels et qu’elles ne sont pas non plus statiques, unidirectionnelles ou irréversibles. En effet, les changements, s’ils surviennent, reflètent généralement une adaptation locale à une expérience locale particulière.

L’étude des institutions par le biais d’une perspective historique a réémergé au sein de la science politique durant la décennie 1970, en prenant un tournant plus analytique durant les années 1980 et 1990 (Sanders, 2006). À partir du milieu des années 1980, le néo-institutionnalisme historique s'est établi comme l’approche théorique dominante dans l’analyse des institutions et des changements sociaux (Steinmo, 2008). Il repose sur le postulat voulant que les règles politiques formelles et les politiques publiques forment des contraintes institutionnelles qui influencent les stratégies et décisions des acteurs politiques (Béland, 2002 : 21-22; Peters

et. al., 2005). Il porte également attention à la viabilité à long terme des institutions et de leurs conséquences

(Sanders, 2006).

L'attrait et la pertinence de cette branche de l'institutionnalisme résident dans sa contribution à la compréhension de l'importance du comportement des individus dans la formation des structures institutionnelles contextuelles (Immergut et Anderson, 2008 : 360). Il est suggéré que pour comprendre les actions des acteurs politiques,

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nous devons prendre connaissance du développement historique des institutions, de la culture et des problèmes encourus dans lesquels ces institutions ont émergé (Sanders, 2006).

Par conséquent, l’ontologie néo-institutionnaliste à la base théorique de ce mémoire suppose que les institutions coexistent avec des acteurs tels que des groupes, des individus, des classes sociales ou des élites politiques (Lecours, 2002a : 4). Son argument principal se situe autour de la dépendance au sentier (path dependency), voulant que les phénomènes sociopolitiques soient fortement conditionnés par des facteurs contextuels, exogènes aux acteurs, et souvent de nature institutionnelle (Lecours, 2002a; March et Olsen, 2006). En suivant cette logique, les phénomènes sociopolitiques ne peuvent être seulement expliqués par la simple décision des acteurs, étant fréquemment le résultat accidentel d’un «processus macrohistorique de développement institutionnel où chaque configuration conditionne la prochaine» (2002a : 9). De fait, les choix passés délimitent les frontières au sein desquelles les choix futurs seront effectués (Broschek, 2011 : 541). Ces mêmes choix sont identifiés par l'institutionnalisme historique comme étant les options les plus logiques et rationnelles au moment du processus décisionnel (Peters, 2005 : 1277).

À l'intérieur de ce courant se retrouve aussi la notion de jonctions critiques (critical junctures), où le développement institutionnel est caractérisé par de relatives longues périodes de stabilité et de reproductions institutionnelles liées à la dépendance au sentier. Ces périodes sont toutefois ponctuées de brèves phases durant lesquelles un changement drastique est rendu possible (Collier et Collier, 1991; Capoccia et Kelemen, 2007 : 341-348). Par exemple, pour Lipset et Rokkan (1967) les racines des systèmes partisans d'Europe occidentale sont liées à ces jonctions critiques, où des choix furent effectués à certains moments cruciaux, donnant lieu à des séquences de développement institutionnel sur le long terme. Ce même phénomène peut aussi être dépeint par certains auteurs comme un équilibre ponctué (punctuated equilibrium) (Bulmer, 2009 : 307; March et Olsen, 2006).

L’institutionnalisme historique est toutefois loin de constituer une approche théorique unifiée (Broschek, 2011 : 541). D’autres branches se raccordent également à l’institutionnalisme, telles que l’institutionnalisme sociologique et l’institutionnalisme du choix rationnel. Pour le premier, les institutions sont vues comme la formalisation des pratiques culturelles, rejetant de fait la vision instrumentaliste des institutions de la branche du choix rationnel (Lecours, 2002a). On insiste plutôt sur le poids de l’histoire, à l’instar du néo-institutionnalisme

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historique. Cette branche met l’accent sur l’influence des institutions dans la définition de comportements sociaux acceptables, et assez peu sur la dimension stratégique des institutions sur l’action.

Pour le second, il s’agit d’une perspective davantage stratégique et utilitaire des institutions (Lecours, 2002a). L’institutionnalisme de choix rationnel tend ainsi à définir les institutions avant tout comme les règles du jeu politique. Ces règles du jeu sont fixées par les joueurs, selon leur façon de vouloir jouer (Shepsle, 2006). Les institutions peuvent y être structurées, en persistant dans le temps et en tant que pratiques reconnues, ou moins structurées c’est-à-dire plus implicites que formalisées. L’accent est mis sur les moments particuliers dans l’histoire qui forment un cadre propice à la maximisation des intérêts personnels (Sanders, 2006). Contrairement aux deux autres, les institutions y sont perçues comme productrices de mécanismes de coordination et sont conceptualisées selon l’équilibre qu’elles génèrent et maintiennent, au lieu d’être le résultat de processus historiques.

L’approche préconisée du néo-institutionnalisme historique pourrait se voir reprocher le fait d’accorder trop peu de pouvoir aux individus (James, 2014). Ses détracteurs signalent que les institutions en place influencent le comportement des individus, sans chercher si ces derniers peuvent eux-mêmes exercer une influence sur les institutions. March et Olsen (2006) évoquent que les structures institutionnelles ne peuvent persister à moins qu’il n’y ait un choc externe, sous-estimant les dynamiques intra- et interinstitutionnelles. En effet, selon eux les pressions internes entre les idéaux institutionnels et les pratiques peuvent aussi provoquer un désir de changement.

Cependant, nous croyons que pour sa prise en compte des chocs historico-politiques internes et externes et sa présentation de l’acteur politique non strictement rationnel et stratégique, le néo-institutionnalisme historique s’avère le courant le plus approprié pour matérialiser les démonstrations visées.

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1.2.2. L’institutionnalisation et ses dimensions

Tel que le mentionne Robert Dix (1992), l'institutionnalisation des partis et des systèmes partisans3 est cruciale

pour le maintien de nouvelles démocraties. D’un point de vue général, l’institutionnalisation peut être vue comme le processus par lequel une pratique ou une organisation devient bien établie et largement connue, voire universellement acceptée (Mainwaring et Torcal, 2006 : 206). Pour Hudon et Poirier (2011 : 86), l’institutionnalisation est synonyme de «l’organisation des relations conflictuelles entre acteurs sociaux et politiques et mène à la reconnaissance de […] leurs différences et à l’acceptation de normes et règles qui […] encadrent la nécessaire réciprocité des acteurs». L’institutionnalisation représente le passage graduel des mouvements sociaux vers des groupes de mieux en mieux organisés et intégrés. Ceci évolue jusqu’à la forme institutionnelle la plus avancée, soit l’État. La progression transforme ce faisant le statut et la nature des acteurs. Comme le démontre la Figure 1, le mouvement social se retrouve ainsi marginal par rapport à l’institutionnalisation de par son répertoire d’actions en porte-à-faux avec les règles institutionnelles en place, par opposition aux partis politiques.

Figure 1 : L’institutionnalisation selon Hudon et Poirier (2011 : 86).

3 Il est toutefois important de préciser qu’il sera question dans ce mémoire de l’institutionnalisation des partis politiques et non pas des systèmes partisans. Les systèmes font en effet référence aux systèmes de partis tel qu’entendu par Sartori (1976) (voir Ignazi dans nouveaux articles). Ils sont surtout mesurés par le nombre de partis et/ou la volatilité électorale (Casal Bértoa, 2017). Dans les systèmes de partis plus institutionnalisés, les partis ont de plus forte racines au sein de la société et la plupart des électeurs possèdent un plus fort attachement envers ceux-ci, en plus de leur accorder davantage de légitimité (Mainwaring et Torcal, 2006).

Figure

Figure 1 : L’institutionnalisation selon Hudon et Poirier (2011 : 86).
Figure 2 : L’institutionnalisation selon Panebianco (1988 : 87) 4 .
Figure 5 : Grille d’analyse commune quant à la promotion du nationalisme.
Figure 6 : Grille d’analyse commune quant à la place de l’État désiré à l’international
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