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La gestion de crise gouvernementale à l'ère de la diversité médiatique

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Academic year: 2021

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La gestion de crise gouvernementale à l’ère de la

diversité médiatique

Mémoire

Véronique Prince

Maîtrise en science politique

Maître ès sciences (M. Sc.)

Québec, Canada

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La gestion de crise gouvernementale à l’ère de la

diversité médiatique

Mémoire

Véronique Prince

Sous la direction de :

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Résumé

Le système médiatique hybride (Chadwick, 2013), dans lequel les médias traditionnels et numériques s’entremêlent, entraîne une pression constante sur les acteurs politiques confrontés à une gestion de crise. Pour arriver à coordonner leur message et imposer des cadres d’interprétation, tout en suivant le rythme accéléré du cycle de production des nouvelles, il est de plus en plus utile pour eux de préparer des scénarios communicationnels d’intervention ou de contingence. Dans ce contexte médiatique sous pression, les cabinets ministériels, en campagne permanente, font de plus en plus appel à l’administration publique pour les appuyer dans leurs communications de crise.

L'objectif de ce mémoire vise à identifier les pratiques de communication de crise du gouvernement québécois dans ce système médiatique transformé. En plus de relever les stratégies de contrôle du message gouvernemental, le mémoire examine la préparation communicationnelle des cabinets et des institutions politiques qui doivent réagir à une crise et en limiter les effets. Ce mémoire étudie également les méthodes qui permettent de prévenir les problèmes de communication dans la gestion d’une crise. Les constats sont tirés de trois études de cas. La gestion spécifique de ces trois crises communicationnelles survenues au cours des cinq dernières années nous permet d’identifier les difficultés auxquelles sont confrontés les gouvernements et les solutions privilégiées afin de déployer une communication de crise efficace dans un système médiatique hybride.

Des entretiens réalisés auprès d’une vingtaine de stratèges politiques et de fonctionnaires semblent valider les deux hypothèses de ce mémoire. Au terme de ces entretiens, nous arrivons à la conclusion que pour gérer une crise dans un environnement médiatique hybride, le gouvernement doit comprendre et maîtriser le fonctionnement du système afin d'imposer un cadre d'interprétation. Également, pour protéger sa réputation, il doit se mettre à l'abri des médias, s'il est en totalité ou en partie responsable de la crise.

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Summary

The hybrid media system (Chadwick, 2013), in which traditional and digital media interweave, puts constant pressure on political actors confronted with crisis management. To coordinate their message and impose frameworks of interpretation, while keeping up with the accelerated pace of the news production cycle, it is increasingly useful for them to prepare communicative scenarios of intervention or contingency. In this context of pressured media, ministerial cabinets in permanent campaign are increasingly soliciting the public administration to support them in their crisis communications.

The purpose of this thesis is to identify the crisis communication practices of the Quebec government in this transformed media system. In addition to identifying strategies for controlling the government's message, it examines the communicational preparation of cabinets and political institutions that must limit the effects of a crisis. This thesis also examines the methods used to prevent communication problems in the management of a crisis. The findings are drawn from three case studies. The specific management of these three communication crises over the last five years allows us to identify the challenges governments face and the preferred solutions for deploying effective crisis communication in a hybrid media system.

Interviews with 21 political strategists and government officials seem to validate the two hypotheses of this thesis. To manage a crisis in a hybrid media environment, the government must understand and control the functioning of the system if it wants to impose a framework of interpretation. Also, if it is wholly or partly responsible for the crisis, it must protect himself from the media.

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Table des matières

Résumé ... iii

Summary ... iv

Liste des tableaux ... vii

Liste des figures ... viii

Remerciements ... ix

Introduction : Étudier la communication gouvernementale à l’ère de l’instantanéité médiatique et de la campagne permanente. ... 1

Chapitre 1 : La médiatisation du politique : une proposition théorique. ... 7

1.1. La communication des gouvernements ... 11

1.2. La communication gouvernementale en temps de crise ... 18

Chapitre 2 : Question et propositions de recherche ... 25

Chapitre 3 : Méthodologie de recherche ... 41

Chapitre 4. Communiquer sous pression. Présentation des résultats ... 49

4.1. Définir le fonctionnement de la communication gouvernementale ... 50

4.2. La communication gouvernementale dans un environnement médiatique transformé ... 61

4.2.1. Une pression plus forte ... 62

4.2.2. Difficulté à maîtriser l’agenda ... 64

4.2.3. Penser autrement ... 69

4.2.4. La « machine gouvernementale » et l’évolution des médias ... 75

4.2.5. Constats relatifs à la communication gouvernementale : ... 79

4.3. La communication de crise... 80

La crise catastrophique ... 82

La crise politique ... 83

La crise médiatique ... 84

4.3.1. La transformation de la communication de crise ... 85

4.3.2. Le rôle de la communication de crise ... 90

4.3.3. Le rapport au temps ... 93

4.3.4. Les interventions communicationnelles à privilégier ... 97

4.3.5. Encadrer et coordonner la communication de crise ... 102

4.3.6. La centralisation de la communication de crise ... 113

4.3.7. La communication « d’après-crise » ... 116

4.4. La gestion d’une crise spécifique ... 121

4.4.1. Adoption de la loi 78 ... 122

4.4.2. L’accident ferroviaire de Lac-Mégantic ... 131

4.4.3. La démission du ministre Yves Bolduc ... 144

Conclusion ... 155

Propositions sur la communication de crise : ... 163

Propositions sur l’usage des médias socionumériques en communication gouvernementale : ... 168

Bibliographie ... 171

Annexe 1. Formulaire de consentement ... 175

Annexe 2. Guide d’entretien des stratèges politiques ... 180

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Annexe 4. Organigramme du Secrétariat à la communication gouvernementale ... 186 Références : ... 188

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Liste des tableaux

Tableau 1. Responsabilités communicationnelles des cabinets ministériels et de

l’administration publique ... 58 Tableau 2. Stratégies communicationnelles pour l’adoption de la loi 78 ... 124 Tableau 3. Stratégie d’interventions communicationnelles pour l’accident ferroviaire de Lac-Mégantic ... 137

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Liste des figures

Figure 1. Rapports hiérarchiques des intervenants communicationnels gouvernementaux . 60 Figure 2. Ligne de commandement de la gestion de crise gouvernementale ... 106

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Remerciements

La rédaction de ce mémoire n’aurait pas été possible sans la contribution de plusieurs personnes à qui je souhaiterais exprimer ma gratitude.

D’abord, je voudrais témoigner toute ma reconnaissance aux vingt et un répondants qui ont généreusement accepté de m’accorder de leur temps pour répondre à mes nombreuses questions. Leurs récits ont grandement alimenté mes réflexions. Je désire les remercier pour leur confiance et leur disponibilité.

Un grand merci au directeur de ce mémoire, Thierry Giasson, pour ses précieux conseils, sa patience et sa disponibilité. Son support de tous les instants aura grandement contribué à la réussite de mes études universitaires. La supervision de M. Giasson a certainement rehaussé la qualité de ce mémoire.

Je le remercie également, ainsi que le département de science politique de l’Université Laval, pour les accommodements consentis au cours de mon cheminement universitaire, rendant possible la rédaction de ce mémoire tout en poursuivant ma carrière. Leur appui inestimable m’a permis de me rendre au bout du chemin, sans me décourager. Ils ont incontestablement facilité la réalisation de ma maîtrise.

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Introduction : Étudier la communication gouvernementale à l’ère de

l’instantanéité médiatique et de la campagne permanente.

L'arrivée des chaînes d'information en continu et le développement des technologies numériques, dont l'avènement des médias sociaux, ont contribué à une accélération de la médiatisation des activités de communication politique des gouvernements (Chadwick, 2013; Esser et Strömbäck, 2014; Altheide, 2004; Negrine, 2008). Les espaces médiatiques sont de plus en plus nombreux, diversifiés, intrusifs et fragmentés, ce qui entraîne une pression constante sur les acteurs politiques. Ils sont continuellement surveillés, sous les projecteurs sept jours sur sept, ce qui leur demanderait une plus grande transparence, rendrait plus difficile la maîtrise du message, augmenterait la compétition entre les formations politiques, et polariserait l'électorat (Aucoin, 2012).

L'instantanéité du cycle de production de l'information impose de surcroît des réactions rapides de la part des cabinets et des partis, spécialement chez ceux qui détiennent le pouvoir. Pour suivre le rythme de production de l'actualité tout en coordonnant leur discours, ces derniers doivent se préparer en élaborant des scénarios d'intervention ou de contingence incluants :

 le recours aux administrations publiques pour livrer leur message (Eichbaum et Shaw, 2008; Aucoin, 2012)

 la mise en place d'un war room permanent pour coordonner les communications stratégiques (Aucoin, 2012)

 l'usage de subsides à l'information (Marland, 2014)

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2004; Hallahan, 2011; Froehlich et Rüdiger, 2006; Combs, 2011)

 l'approche du new public management (NPM) afin de répondre rapidement aux besoins de la population (Collins et Butler, 2002)

 la mise en place de ressources dédiées aux relations publiques (Strömbäck et Kiousis, 2011)

 la centralisation des communications (Paré et Delacourt, 2014)

Cette importante transformation de l'univers médiatique changerait considérablement la nature des communications, particulièrement pour les formations politiques confrontées à la gestion d'une crise. L'objectif de ce mémoire vise à identifier les pratiques de communication de crise du gouvernement québécois dans ce système médiatique transformé. En plus de relever les stratégies de contrôle du message gouvernemental, le mémoire examinera la préparation communicationnelle des cabinets et des institutions politiques qui doivent réagir à une crise et en limiter les effets dans un contexte de diversité médiatique. Au-delà de la réponse communiquée lors d'une crise, ce mémoire étudiera également les méthodes qui permettent de prévenir les problèmes de communication dans pareille situation.

Cependant, avant d'atteindre cet objectif, il est nécessaire de circonscrire le processus social lié à la transformation des médias. L'étude de cette dimension sociologique permettra ensuite d'en évaluer les impacts sur la communication gouvernementale et d'observer les réponses formulées par les gouvernements précédents lors de crises médiatisées survenues au cours des cinq dernières années au Québec. Cette démarche nous aidera à déterminer les interventions communicationnelles les plus fréquemment employées par le gouvernement québécois, comment ces interventions ont évolué dans le temps, et comment le gouvernement s'est adapté, au fur et à mesure que la transformation des médias s'effectuait.

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Peter Aucoin (2012) affirme que la pression des médias sur les élus impose une « nouvelle gouvernance politique » dans laquelle les partis politiques se retrouvent en campagne électorale continuelle. En « campagne permanente », ces derniers semblent moins préoccupés par la gouvernance en soi que par la quête de celle-ci (Ornstein et Mann, 2000; Cook, 2002; Needham, 2005). Ils se lancent donc dans une surenchère médiatique dangereuse, selon Bastien Millot. Celui qui fut directeur de cabinet politique puis dirigeant de France Télévisions affirme qu'une trop grande exposition médiatique place les gouvernements inévitablement en situation de risque et les conduit à commettre des erreurs. Dans son essai Politiques, pourquoi la com les tue (2012), il compare même cette campagne constante à une course à l'armement. D'après Anna Lennox Esselment (2014), le concept provient de la polarisation du Congrès américain, de la compétition entre les partis démocrate et républicain, mais aussi des sondages menés régulièrement auprès des citoyens. Par la suite, les chaînes d'information en continu, le web et les médias sociaux ont amené la « campagne permanente » à un autre niveau.

Eichbaum et Shaw (2008) et Aucoin (2012) prétendent aussi que la nouvelle gouvernance politique entraîne une politisation des administrations publiques. Ils rappellent que le rôle de la fonction publique est de conseiller le gouvernement et d'implanter son programme politique de manière non partisane. Les employés sont engagés pour leurs compétences et non pour leur allégeance politique. Dans la nouvelle gouvernance politique, on assiste à une politisation des hauts fonctionnaires, choisis par les ministres. Leur sélection, sur une base partisane, menacerait la neutralité des employés de l'État qui doivent gérer les communications avec les médias, en plus de réaliser des campagnes publicitaires livrant le message du parti au pouvoir. Le gouvernement centralise ainsi son pouvoir dans sa branche exécutive (Savoie, 1999a). Si la diversification des médias pousse les partis à mener une campagne permanente et à s'engager dans une nouvelle gouvernance, ces derniers doivent paradoxalement leur faire appel pour bénéficier d'une plus grande visibilité (Flanagan, 2012). Ainsi, les concepts de campagne permanente et de nouvelle gouvernance politique n'auraient pu exister sans la multiplication et la transformation des médias qui ont

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graduellement changé les règles de la communication politique.

Selon Scott Althaus (2002), le moment clé de la transformation du système médiatique remonte probablement au 11 septembre 2001, alors que l'Occident assiste pour la première fois à la diffusion en direct d'une catastrophe, sur les réseaux d'information en continu comme CNN. Des millions de personnes deviennent les témoins impuissants des écrasements d'avions contre les tours du World Trade Center et le Pentagone. Les événements sont décrits en temps réel par des témoins de la scène ou par des journalistes au cœur de l'action, pour être ensuite analysés par des experts.

L'information continue s'est développée simultanément au Québec au cours des années 1990. Le 1er janvier 1995, le Réseau de l'Information (RDI), une constituante de Radio-Canada, entre en ondes. En 1997, son concurrent, le Groupe TVA, crée Le Canal Nouvelles (LCN). À leurs débuts, les deux chaînes rapportent des nouvelles d'actualité et présentent des conférences de presse sous forme de comptes-rendus. Leur couverture s'est mise à évoluer rapidement à partir du 11 septembre 2001. RDI et LCN décident de diffuser intégralement et en direct plusieurs événements tels que des faits divers ou les travaux de différentes commissions d'enquête présidées par les juges Gomery (2004), Bastarache (2010) et Charbonneau (2012). De plus, les deux chaînes se mettront à utiliser régulièrement les services du Canal de l'Assemblée nationale pour retransmettre les travaux parlementaires. Aussi, Radio-Canada et TVA se sont dotées de liens vidéo reliant l'intérieur du Parlement à leur régie de diffusion afin de montrer en direct les allées et venues des élus dans les corridors. Les diffuseurs l'ont également installé dans les murs des principaux palais de justice québécois.

Lors de la campagne électorale provinciale de 2012, les deux réseaux commencent à utiliser les appareils de la compagnie Dejero, qui permettent de diffuser des images et du

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son en temps réel, partout où le réseau d'ondes cellulaires fonctionne efficacement. Les « camions micro-ondes », considérés comme une véritable révolution technologique dix ans auparavant deviennent obsolètes. Des journalistes politiques peuvent réaliser maintenant des entrevues en direct pendant leurs déplacements à l'intérieur des autobus de campagne électorale. À peine trois ans plus tard, en 2015, Dejero offre l'application mobile permettant à un reporter d'être en direct à l'aide de son téléphone intelligent.

L'attentat du 11 septembre 2001 n'est pas le seul événement ayant entraîné une transformation importante des médias. Les entreprises de presse doivent de plus en plus rivaliser avec les médias numériques (Althaus, 2002). C'est en 1995 qu'un premier grand média francophone québécois se lance officiellement dans le contenu interactif. Radio-Canada crée le site web Radio-Radio-Canada.ca. Tous les autres médias généralistes emboîteront le pas au tournant des années 2000. Plusieurs mettront en ligne des blogues d'analyse de l'actualité, une nouvelle plate-forme pour les chroniqueurs qui n'écrivent plus uniquement pour les versions papier des quotidiens. Une dizaine d'années plus tard, alors que de plus en plus de citoyens possèdent un téléphone intelligent ou une tablette numérique, tous les grands groupes médiatiques québécois développent des versions mobiles de leurs sites web, adaptées à ces appareils. Certains, comme le groupe Gesca, ont même mis fin à leur édition papier (La Presse) au profit d'une version numérique (LaPresse+). Les chaînes de nouvelles en continu doivent concurrencer Internet et, depuis un peu plus de cinq ans, les médias socionumériques, comme Facebook ou Twitter. Au Québec, une analyse de plusieurs chercheurs en communication politique démontre que l'usage du web social par les partis politiques québécois s'est développé principalement à partir de la crise étudiante de 2012 (Giasson; Le Bars; Bastien et Verville, 2013), alors que le gouvernement Charest menaçait d'augmenter les droits de scolarité. Inspirés par le mouvement créé lors de la campagne électorale de Barack Obama en 2008, les associations étudiantes québécoises en grève affirment avoir placé ces nouveaux médias au cœur de leur stratégie de communicationi.

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Le phénomène de « journalisme-citoyen » marque enfin un autre tournant dans l'univers médiatique (Schulz et Strömbäck, 2015). Désormais, les journalistes professionnels ne sont plus les seuls à relayer de l'information politique. N'importe qui peut, à tout moment, filmer une scène ou prendre une photo d'un événement avec son téléphone et le relayer sur le web via des sites de partage de photos et de vidéos ou des médias socionumériques comme Facebook, Twitter ou Instagram. Les personnalités publiques s'exposent à ce phénomène, peu importe où elles se trouvent. Elles n'ont jamais été aussi à risque de voir leur faux pas retransmis instantanément sur internet, puis dans les grands médias, qui s'alimentent eux-mêmes sur le web (Chadwick, 2013). De plus, les entreprises de presse font appel à ces collaborations sur leurs différentes plates-formes. Par exemple, les gens sont invités à soumettre leurs photos/vidéos via Mon Topo pour TVA /LCN et Témoin pour Ici Radio-Canada/RDI.

Dans ce contexte médiatique mouvant, les acteurs politiques n'ont d'autre choix que de préparer des stratégies de communication, de manière à éviter toute improvisation. La télévision, la radio et les journaux ne sont plus nécessairement les médias appropriés pour transmettre un message. Leurs scénarios d'intervention doivent en tenir compte. Dans une enquête sur les habitudes d'information des Québécois publiée en mars 2016 par le Centre d'études sur les médias (CEM) de l'Université Laval, des chercheurs observent que l'utilisation des médias numériques à des fins d’information dépasse pour la première fois celle des médias traditionnels. Les données, colligées en 2015, « témoignent d'une diminution des parts de marché de l'information chez tous les médias traditionnels » (Charlton, Giroux, Lemieux, 2016:16). Par conséquent, les politiciens, qui ont longtemps fait coïncider leurs interventions avec les heures de grande écoute des médias télévisuels et radiophoniques, ou selon les besoins des salles de rédaction, doivent modifier leurs façons de faire et prendre en considération les nouveaux joueurs non traditionnels qui influencent la communication politique.

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Chapitre 1 : La médiatisation du politique : une proposition théorique.

Cette recherche s'inscrit dans l'étude du phénomène de la médiatisation du politique. Le concept, étudié par de nombreux chercheurs, réfère à un processus de changement social dans lequel les médias sont devenus de plus en plus influents et profondément intégrés dans les différentes sphères de la société (Asp, 1986; Stromback, 2008). Pour Hjarvard (2008), il s'agit plutôt du processus par lequel une société est sans cesse soumise ou devient dépendante des médias et de leur logique. Mazzoleni et Schulz (1999) affirment que la médiatisation provoque une perte d'autonomie pour la classe politique, qui dépend continuellement de ses interactions avec les médias.

Selon Jesper Strömbäck et Frank Esser (2014), il est important de comprendre ce qu'est la médiatisation pour saisir le rôle des médias dans la transformation des démocraties occidentales. Quatre dimensions importantes démontrent à quel point la médiatisation et la communication politique sont interreliées et combien leur relation est complexe (2008, 2011a; Strömbäck et Esser, 2009). La première dimension réfère à l'importance du média comme source d'information. La deuxième dimension réfère à son indépendance par rapport au gouvernement. La troisième dimension se rapporte aux pratiques médiatiques, tandis que la quatrième dimension concerne les pratiques politiques en matière de communication. Lorsqu'un média devient la source la plus importante d'information, les acteurs politiques ont intérêt à y recourir pour rejoindre la population (première dimension). Plus les médias sont indépendants des institutions politiques, plus le processus de médiatisation s'accélère (deuxième dimension). Également, plus les médias sont indépendants des gouvernements, plus leur contenu est guidé par la logique médiatique. La logique médiatique regroupe les technologies, les normes, les habitudes de communication, et l'organisation de l'information (Chadwick, 2013). Les médias traditionnels et socionumériques, avec leurs nouvelles technologies, s'influencent les uns les autres pour la production de l'information (troisième dimension). Les acteurs politiques doivent donc absolument s'adapter à cette nouvelle réalité médiatique (quatrième dimension). Le cadre

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d'analyse fourni par Strömbäck et Esser démontre que la médiatisation du politique est un processus à long terme dans lequel l'influence des médias ne cesse d'augmenter, et par conséquent, cela impacte les gouvernements. Plus les médias gagnent en importance, plus ils s'intègrent et se fondent dans les sphères sociales et politiques de la société, ce qui leur donne davantage de pouvoir.

Au-delà de la médiatisation, il est aussi pertinent d'évaluer la consommation d'information en 2016. Dans leur rapport Les Québécois et l'information à l'ère numérique (2016), les chercheurs Sébastien Charlton, Daniel Giroux et Michel Lemieux font le constat suivant : « en 2015, les Québécois francophones ont passé légèrement plus de temps à s’informer qu’en 2013. En fait, depuis 2007, la consommation moyenne quotidienne d’information, tous médias confondus, est passée de 84 à 101 minutes. Il est probable que la multiplication des moyens d’information et des sources crée une hausse du temps consacré à s’informer » (2016 :15). Dans une Enquête sociale générale réalisée par Statistique Canada (2015), les chercheurs, qui ont étudié « l'utilisation des médias pour suivre les nouvelles et l'actualité », parviennent à ces résultats: en dix ans, soit de 2003 à 2013, le nombre de Canadiens lisant les nouvelles chaque jour a diminué de 68% à 60% alors que l'utilisation d'Internet a doublé. Cette analyse de Statistique Canada démontre aussi que les citoyens âgés de 55 ans et plus représentent la tranche d'âge qui s'informe le plus. Quatre-vingt-un pour cent d'entre eux consomment des nouvelles, surtout dans les journaux et à la télévision, alors que seulement 37% des jeunes de 15 à 34 ans ont cette habitude. Par contre, ces jeunes lisent beaucoup plus d'information en ligne sur Internet (77%) comparativement aux 55 ans et plus (36%). « Les médias traditionnels sont fréquentés beaucoup plus intensivement chez les 35 ans et plus », constatent aussi Charlton, Giroux et Lemieux (2016:16). Les acteurs politiques qui élaborent des scénarios de communication en temps de crise doivent tenir compte de cette nouvelle réalité. Ces données sur la consommation d'information démontrent que le choix du médium approprié peut différer selon la population visée.

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Andrew Chadwick (2013) affirme que la multiplication des sources d'information a provoqué l'apparition d'un « système médiatique hybride », dans lequel les médias numériques et traditionnels ne font pas que coexister : ils se compétitionnent et interagissent entre eux. Tout en s'adaptant à l'un et l'autre, ils forment un amalgame, une interdépendance dans un environnement médiatique fluide. Leur relation, en constante évolution, les pousse constamment à s'entremêler et à s'imbriquer. Ce système repose sur les interactions entre « l'ancienne » et la « nouvelle » logique médiatique. Dans son ouvrage The Hybrid Media System: Politics and Power (2013:21), il explique:

« It also makes sense to move away from the idea of a relatively passive mass audience whose frames and perceptions are heavily shaped by a dominant media logic, and toward a model that foregrounds not only the increasingly diverse sources of audience frames and perceptions, but also the growing ability of some, though not all, activist « audience » members to play direct and concrete instrumental roles in the production of media content through their occasionally decisive interventions ».

L'impact de ce nouveau modèle médiatique est considérable puisqu'il reconfigure les interactions entre les différents groupes comme les médias, les élus et la population. Chadwick réfère aussi au concept de « pouvoir ». Les acteurs du système hybride peuvent « concentrer » ou « diffuser » leur pouvoir simultanément sur plusieurs plates-formes. « Political communication has entered a new, more complex and unsettled era, in which power has become more relational, fragmented, plural, and dispersed. The hybrid media system exhibits chaos, nonlinearity, and disintegration but also surprising new patterns of integration » (2013 :210).

Des questions demeurent cependant sans réponses pour les critiques du système médiatique hybride d'Andrew Chadwick. Matthew Powers (2014) adhère au concept de l'hybridité des médias, qu'il trouve particulièrement bien définie par son collègue. Par

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contre, une fois que l'hybridité est établie, la suite des choses nécessite davantage de réflexion, selon lui. Si cette nouvelle logique médiatique permet de renforcer le pouvoir des acteurs qui en font partie ou leur apporte de nouvelles opportunités, à quel moment et pourquoi ceux-ci profiteraient-ils du système? Powers voudrait aussi en savoir plus sur les différentes formes d'hybridité et les contextes dans lesquels elles se présentent. Il prétend que Chadwick doit étudier davantage l'intégration du système médiatique hybride dans la communication politique et le pouvoir.

Une caractéristique essentielle au modèle du système médiatique hybride ne semble toutefois pas suffisamment considérée par Andrew Chadwick, soit : la péremption de la nouvelle. Plus les médias se multiplient et interagissent, plus le cycle d'information est rapide. Ainsi, il est possible d’envisager que la longévité de plus en plus courte d'une nouvelle est une conséquence importante du système médiatique hybride décrit par Chadwick. L'hybridité des médias entraîne une accélération de la production de l'information, un calcul auquel le chercheur ne semble pas accorder autant d'importance. Pourtant, cette réalité est non négligeable pour les acteurs du système, particulièrement pour un gouvernement en gestion de crise. Le fait que les médias exercent autant d'influence sur la durée de vie d'une nouvelle et sa médiatisation augmente leur pouvoir dans la société (Mazzoleni, 2008; Strömbäck, 2008; Meyer, 2002). Non seulement les acteurs politiques doivent faire face à un système médiatique hybride qui peut dicter la direction leurs communications (en choisissant lesquelles sont pertinentes, lesquelles ne le sont pas ou encore, en imposant un cadre d'interprétation), mais les acteurs politiques doivent aussi composer avec le fait que ce système détermine de surcroît combien de temps leurs communications vivront dans l'espace médiatique.

Si maîtriser un message politique au quotidien a toujours représenté un défi pour les gouvernements, ce l'est davantage depuis l'avènement d'un tel système. Les partis qui négligent de le comprendre et de l'exploiter risquent de se retrouver emportés par le

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tourbillon (Bouzon, 1999; Esser, Strömbäck, 2014). À l'inverse, ce nouvel environnement demeure relativement contrôlé et peut même représenter un avantage pour les acteurs politiques qui ont choisi d'investir dans la planification de leurs communications et de saisir les nouvelles possibilités qu'apporte cette logique médiatique transformée. En effet, l'hybridité des médias offre non seulement de nouveaux moyens de communication permettant aux élus de se distancer des journalistes politiques et devenir plus indépendants de la presse traditionnelle, mais cela leur permet également d'accroître leur présence auprès d'auditoires fragmentés. Dans son analyse de la campagne permanente au Canada (2012), Tom Flanagan donne l'exemple du Parti conservateur du Canada (PCC) qui a pu augmenter sa visibilité entre 2004 et 2011 en investissant dans des campagnes publicitaires ciblées en période non électorale. Selon lui, il n'était pas nécessaire que les publicités soient diffusées massivement si les médias les rapportaient et les analysaient abondamment.

1.1. La communication des gouvernements

Avant d'étudier les scénarios d'intervention et de contingence en communication politique dans un contexte de crise médiatisée, il est pertinent d'examiner d'abord les stratégies de contrôle du message gouvernemental. Au Canada, le virage communicationnel opéré par les partis en réponse au nouveau défi médiatique que représente le système hybride préoccupe les journalistes politiques. Plusieurs en ont fait état dans leurs reportages au cours des dix dernières années. Les communiqués de presse émis par l'Association canadienne des journalistes et la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) ont dénoncé à maintes reprises les stratégies de communication des gouvernements québécois et canadien, plus particulièrement celui dirigé par le Parti conservateur du Canada (PCC) entre 2006 et 2015. Ce dernier constitue d'ailleurs un bon exemple de la nouvelle gouvernance politique, décrite par Peter Aucoin (2012). Selon certains chercheurs (Marland, 2016; Bourrie, 2015; Delacourt et Paré, 2014; Esselment, 2014), le gouvernement Harper a graduellement étendu ses tentacules dans l'appareil administratif, jusqu'à effectuer une microgestion des communications. En maîtrisant ainsi le message, le

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Bureau du premier ministre (BPM) s'organisait pour contrer l'imprévisibilité que représentent les médias socionumériques. Dès son arrivée au pouvoir en 2006, il restreint la disponibilité des membres de son cabinet dans l'objectif de les exposer le moins possible aux médias. Les journalistes ne sont pas informés des réunions du caucus et les accès aux couloirs du Parlement sont limités.

Auparavant centralisées au sein du Bureau du premier ministre (BPM), les communications gouvernementales sont transférées en 2008 au Bureau du Conseil privé (BCP), le ministère du premier ministre. Les employés des ministères, les scientifiques qui mènent des études pour le compte du gouvernement, ainsi que les hauts fonctionnaires du Parlement doivent obtenir une approbation avant de communiquer quoi que ce soit aux médias. Le journaliste Mark Bourrie parle carrément de censure dans son livre Kill the Messengers : Stephen Harper's Assault on Your Right to Know. Entre autres, il y décrit l'incapacité des journalistes à accéder aux personnes détenant l'information à Ottawa, ce qui les oblige à se tourner directement vers l'équipe du premier ministre. De plus, lors des conférences de presse, les journalistes souhaitant poser des questions doivent s'inscrire sur une liste et transmettre leurs questions à l'avance.

En 2008, le gouvernement Harper décide de fermer le Système de coordination des demandes d'accès à l'information (SCDAI), un registre public qui permettait aux Canadiens de lire les réponses du gouvernement aux différentes requêtes qui lui étaient acheminées. En 2013, la Commissaire à l'information du Canada déplore une hausse importante du nombre de plaintes des requérants quant aux délais de réponses ou aux différentes dispositions permettant au gouvernement de ne pas leur divulguer des informations (Beeby, 2013)ii.

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D'abord, Stephen Harper est l'un des premiers chefs de partis au Canada à s'inscrire sur Twitter en 2008. Le Parti conservateur du Canada (PCC) fera son arrivée sur le média socionumérique deux ans plus tard. Une étude de cas de l'élection canadienne de 2011, réalisée par Tamara A. Small (2014), démontre que le média socionumérique ne fut pas utilisé par le PCC comme outil d'échange avec les citoyens. Les Conservateurs, comme leurs adversaires, ainsi que plusieurs autres acteurs politiques ailleurs dans le monde, l'utilisent davantage pour diffuser de l'information et véhiculer leurs idées.

En 2009, le BPM commence à diffuser des communiqués incluant des photos d'événements officiels prises par son photographe personnel pour que ces images promotionnelles soient reprises par les médias, à qui le parti ne donne pas toujours accès à ces événements. Selon l’Association canadienne des journalistes (2010), la tactique inquiète les journalistes, qui lancent un avertissement aux citoyens : ce support visuel fourni par le BPM n'offrirait qu'une version aseptisée des événements. En 2014, l'équipe du premier ministre diffuse aussi sur YouTube des capsules vidéo hebdomadaires intitulées Stephen Harper : 24 Seven. Les photos et les vidéos présentent des mises en scène soigneusement orchestrées, montrent le premier ministre sous un angle favorable et servent ainsi à créer le « branding », l'image de marque du chef (Marland, 2012). Alex Marland explique comment cette technique a été employée sur une base régulière par l'équipe de Stephen Harper. Dans une nouvelle ère médiatique compétitive, où la rapidité de diffusion de la nouvelle est la priorité, les organisations de presse sont devenues dépendantes de ce genre de « subside à l'information » qui répond à leur besoin de trouver du contenu rapidement, sans effort, et à moindre coût (2012:56). D'après Marland, les partis politiques offrent de plus en plus ce type de produits numériques (des photos, des vidéos ou autres outils visuels) pour lesquels les médias ont un appétit grandissant. Avec cette stratégie, les acteurs politiques peuvent diffuser leur message en orientant même la manière dont il sera présenté. En plus de permettre la diffusion du discours politique, les subsides à l'information servent également au marketing politique des gouvernements.

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Les données obtenues par La Presse Canadienne révèlent aussi que le gouvernement Harper a augmenté le budget de publicité faisant la promotion de ses réalisationsiii. Tom

Flanagan (2012) y réfère d'ailleurs directement lorsqu'il décrit comment le PCC souscrivait au principe de la campagne permanente. En septembre 2011, le Conseil du trésor a également annoncé la mise en place d’un programme d’uniformisation de l’identité visuelle et de la charte graphique du gouvernement, appliqué entre autres aux sites web et à l'avion gouvernemental du premier ministre, où la couleur bleue dominait et rappelait celle du Parti conservateur du Canada. Selon Mark Bourrie, dès l'arrivée de Stephen Harper en 2006, tous les astres étaient alignés pour que son plan de communications fonctionne. Les médias étaient déjà très malades, explique-t-il (2015:37-41). Les compressions récurrentes dans les salles de nouvelles, l'explosion des coûts d'impression et de diffusion, les pertes de revenus publicitaires, ainsi que les délais de production de plus en plus rapides, ont affaibli tous les médias traditionnels, sans exception.

Finalement, le gouvernement Harper recourait régulièrement aux services de son porte-parole, le directeur des communications Dimitri Soudas, ce qui évitait au premier ministre de répondre directement aux questions des médias. Le porte-parole pouvait réaliser des entrevues officielles avec les journalistes, même télévisuels. Au Québec, il existe un directeur des communications au cabinet du premier ministre, mais ce dernier agit davantage comme adjoint au chef de cabinet et il se charge de la supervision des attachés de presse ministériels. Bien qu'il réponde aux questions et aux interrogations des journalistes hors micro, il ne réalise pas (ou très rarement) d'entrevues formelles avec ceux-ci. À l'automne 2015, le Parti conservateur de Stephen Harper a été défait par le Parti libéral de Justin Trudeau. Au moment d'écrire ce mémoire, le gouvernement Trudeau est en poste depuis deux ans et maintient largement cette approche centralisée de la gestion des communications gouvernementales, bien que certains assouplissements aient été réalisés. La nouvelle administration fédérale est dénoncée pour son manque de volonté à améliorer l’accès à l’information. Le projet de loi visant à réformer la loi d’accès fédérale, qualifié de « régression » par la commissaire à l’information, n’apporte que des modifications

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mineures au régime en place. D’autres pratiques communicationnelles soulèvent plusieurs critiques. Entre autres, les subsides à l'information demeurent et seraient encore plus souvent employées par le gouvernement Trudeauiv. Après seize mois au pouvoir de Justin

Trudeau, le Bureau du Conseil privé a dépensé plus d’argent pour réaliser des sondages et tenir des groupes de discussions que les Conservateurs ne l’ont fait en huit ans (Lefebvre, 2017)v.

Au Québec, suivant le principe de la nouvelle gouvernance politique, le gouvernement de Bernard Landry a créé le Secrétariat à la communication gouvernementale en 2001. L’objectif premier était d’y centraliser toute la publicité gouvernementalevi. Le gouvernement de Jean Charest a aussi opéré un rapatriement des

communications en 2006. Les 22 directeurs des communications et les 300 agents d'information devaient désormais répondre directement du Secrétariat à la communication gouvernementale, qui relève du ministère du Conseil exécutif, équivalent québécois du Bureau du Conseil privé fédéral. En 2014, le gouvernement libéral de Philippe Couillard complète le rapatriement de l'ensemble des effectifs de communication au sein du Secrétariat.

Sur le site web du ministère du Conseil exécutif, on peut y lire que le Secrétariat « analyse les projets de communication des ministères et coordonne les efforts de ceux-ci. Il s'assure que les ministères mettent leurs ressources en commun afin de maximiser l'investissement public en matière de communication »vii. Son mandat consiste également à

organiser des sommets, des forums de discussions et des consultations publiques. L'organigramme officiel (présenté en annexe) indique qu'un secrétaire général associé se retrouve à la tête du Secrétariat, épaulé par un directeur général. Le secrétaire général associé est nommé par décret au conseil des ministres, tout comme son supérieur, le secrétaire général du Conseil exécutif. Bien qu'il soit, par définition non-partisan, il est généralement un ancien membre du personnel politique du parti au pouvoir. Du moins, c'est

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ce que nous remarquons pour les trois derniers secrétaires généraux associés des gouvernements étudiés dans le cadre de cette recherche. Un directeur général adjoint et un directeur de la mise en œuvre du plan d'action sur la réorganisation des communications gouvernementales relèvent du secrétaire général associé. Les directeurs de communications de chacun des ministères doivent se rapporter à ces quatre personnes. L'organigramme n'indique pas spécifiquement à quel échelon se retrouvent les cabinets ministériels ni quel est leur rôle dans cette chaîne de commandement. Cependant, le Secrétariat n'agit pas indépendamment de ceux-ci puisqu'il est indiqué sur le site web qu'il « conseille le cabinet du premier ministre et les divers secrétariats à la communication gouvernementale. Son service de rétroinformation effectue la veille médiatique et l'analyse des médias ». Tout indique donc que la relation entre le Secrétariat et les cabinets ministériels est étroite. Les ministres exercent une autorité indirecte sur les membres de l'organisme puisqu'ils n'ont qu'à se rapporter au ministère du Conseil exécutif pour que ce dernier lui commande des actions spécifiques.

Une note d'information au Conseil des ministres, datée du 16 juin 2015, obtenue par Le Journal de Québec, indique aussi que la gestion des activités sur Internet sera centralisée au sein du ministère du Premier ministre. Le moratoire qu'il souhaite imposer vise à limiter les coûts, mais aussi à accoucher d'une stratégie globale de gestion, incluant les médias socionumériques (Lajoie, 2015)viii. Dans le but de centraliser davantage les communications

et surtout, éviter les déclarations risquant de placer le gouvernement dans l'embarras, les libéraux de Philippe Couillard ont tenté de mettre en place une nouvelle directive au début de l'année 2015. Le BPM a interdit aux ministres de s'adresser à la presse parlementaire avant d'entrer dans la salle de caucus où ils prennent connaissance des « lignes de presse ». Devant le tollé des journalistes et la comparaison que certains analystes feront avec le gouvernement Harper, Philippe Couillard abandonne la directive (Bélair-Cirino, 2015)ix. Sa

prédécesseure, Pauline Marois, avait aussi tenté une stratégie semblable. Le 5 mars 2014, le jour du lancement de sa campagne électorale, le cabinet de la première ministre lui recommande d'ignorer les micros, se disant que si elle refuse de répondre aux questions, les

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médias n'auront d'autre choix que de se concentrer sur le message livré dans son point de presse officiel. Le lendemain, Pauline Marois est obligée de rectifier le tir, après s'être aperçue que tous les reportages sur le déclenchement de la campagne électorale portaient sur son refus de parler aux médias plutôt que sur son message officielx.

Pour ce qui est de l'usage des médias sociaux par les partis politiques québécois, le phénomène est relativement nouveau. En 2012, pendant que les étudiants en grève recouraient principalement à ce mode de communications, les membres du gouvernement libéral sortant étaient pratiquement tous absents de la twittosphère. Leur chef, Jean Charest, n'y a même jamais été inscrit. Idem pour Pauline Marois, qui lui a succédé. La majorité des députés ont aussi attendu quelques années supplémentaires avant d'entrer dans le mouvement et certains, à ce jour, n'ont toujours pas emboîté le pas. Dans un exercice d'analyse de contenu des comptes Twitter officiels des principaux partis politiques au cours de la campagne électorale de 2012, un groupe de chercheurs conclut que « les partis traditionnels ont fait un usage moins social du réseau que les formations alternatives », préférant s'en tenir à la diffusion d'information plutôt qu'à l'interaction. Par ailleurs, « les partis de gauche se sont davantage inscrits dans une dynamique de dialogue et d'échange que les partis de droite » (Giasson; Le Bars; Bastien; Verville, 2012 :1)

Fait à noter, la stratégie communicationnelle du chef du Parti québécois en 2015-2016, Pierre-Karl Péladeau, était différente de celle de ses adversaires. Le dirigeant péquiste avait adopté Facebook comme mode principal de communications, le substituant même aux traditionnelles conférences de presse. En effet, plusieurs annonces majeures de Pierre Karl Péladeau ont d'abord été publiées sur sa page personnelle, souvent en fin de journée, à l'approche des délais de diffusion ou de publication des médias (Bélair-Cirino, 2014)xi.

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1.2. La communication gouvernementale en temps de crise

Toutes ces stratégies communicationnelles employées par les gouvernements québécois et canadien peuvent s'avérer efficaces pour maîtriser un message politique au quotidien, mais le niveau de difficulté se trouve décuplé en situation de crise. Le gouvernement doit développer des scénarios d'intervention et de contingence, incluant le type de média envisagé pour faciliter la transmission rapide des informations ou alors déterminer celui dont l'information doit être retenue. Un survol de la littérature sur le système médiatique hybride et de la gestion de crise permet de constater qu'il existe plusieurs ouvrages sur l'une ou l'autre de ces deux questions. On retrouve une documentation appréciable sur l'utilisation quotidienne des nouveaux médias par les gouvernements ou par les formations politiques en campagne électorale. Les analyses sur les communications en gestion de crise sont également nombreuses. Par contre, il n'est pas aussi simple de trouver des ouvrages traitant des deux questions simultanément, soit la gestion de crise communicationnelle dans un système médiatique hybride.

Les acteurs politiques qui comprennent la dynamique médiatique, qui s'organisent pour faire partie du mouvement, et qui prennent les devants s'avèrent sans doute les mieux outillés pour gérer une crise politique potentielle ou l'anticiper, prétend Arlette Bouzon (1999). « La crise s’accompagne en général d’une crise de l’information, et qui ne maîtrise pas l’information ne maîtrise pas la crise » (Bouzon, 1999 :3). Un gouvernement qui n'arrive pas à contrôler son message ou qui ne divulgue pas suffisamment d'information ne peut qu'augmenter l'amplitude de la crise. À l'inverse, il peut réussir à la désamorcer ou atténuer les effets de celle-ci grâce à une communication adaptée (Lagadec, 1994). Danielle Maisonneuve accorde aussi un rôle prépondérant à la communication comme principal vecteur de prévention ou de résolution :

« La communication joue un rôle complexe en temps de crise; il s'agit d'une fonction vitale, souvent improvisée, qui relève des responsabilités spécifiques de chaque groupe d'acteurs en présence. Ensuite, la communication donne sens

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aux événements vécus, permettant la compréhension de la situation. Enfin, la communication contribue directement à la prévention des crises ou à leur résolution » (1999:3).

Une crise crée non seulement un effet de surprise, mais aussi des circonstances menaçantes. Comme elle entraîne de l'instabilité dans une population, la crise nécessite une réaction rapide ou urgente de la part de ceux qui doivent la gérer, qu'il s'agisse d'organisations ou d'individus (Ulmer, Sellnow et Seeger 2007; Boin et al. 2005; Rosenthal et al. 2001). Pour les gouvernements et les chefs politiques, les enjeux liés à la gestion d'une crise sont importants puisqu'ils doivent subir la pression d'une prise de décision rapide et efficace, alors que leurs interventions sont scrutées par la population et les médias (Schwarz & McConnell, 2009). Leurs actions peuvent alors ressembler à celles posées par un chef d'entreprise qui doit prendre des décisions de manière à répondre rapidement aux demandes des consommateurs ou des actionnaires. Selon le modèle économique de gouvernance de la new public management (NPM), le gouvernement gère comme s'il était à la tête d'une entreprise. Les citoyens sont considérés comme des consommateurs du système public (Collins et Butler 2002) et pour satisfaire leurs besoins, le gouvernement doit fournir une réponse quasi immédiate et trouver une manière efficace et efficiente de mettre en oeuvre des politiques publiques.

L'incertitude est également une caractéristique importante de la crise, pensent Birkland (2007) et Kingdon (2003), puisqu'une crise bouleverse la routine politique. Elle interrompt le cours normal de la prise de décision pour les gouvernements dont l'objectif est de suivre leur agenda politique. Ils doivent rapidement éliminer le vacuum qu'elle provoque, tout en protégeant la population et les institutions. Stephens, Malone et Bailey (2005) croient aussi que la crise est synonyme d'une situation de haute instabilité et qu'elle est directement liée à la pratique de la communication (son rôle étant de réduire l'incertitude, de manipuler la perception du public, de résoudre la crise, d'exposer les

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conséquences de celle-ci et même d'établir un blâme). Ainsi, la communication de crise vise à recevoir et envoyer des messages pour expliquer l'événement, identifier ses causes probables et ses répercussions, et fournir un cadre spécifique permettant de réduire les dommages, de manière honnête, rapide, et précise (Reynolds et Seeger, 2005; Coombs, 2007). Elle peut aussi représenter « l'ensemble des actions de communication qui accompagnent la crise que cela soit avant, pendant ou après celle-ci » (Bouzon, 1999 :4).

En étudiant la crise, et surtout la communication de crise, l'un des objectifs de ce mémoire vise à démontrer un lien avec le concept du « cadrage médiatique ». Dans sa recherche pour « cadrer les définitions du cadrage », Catherine Lemarier-Saulnier (2016) identifie plusieurs définitions avancées par les chercheurs, qui pourraient s'appliquer également à la gestion communicationnelle d'une crise. Elle cite entre autres Chong et Druckman (2007) pour expliquer le concept. D'après eux, un événement (une crise dans le cas qui nous intéresse) peut être perçu et compris de plusieurs façons ou différemment d'une personne à l'autre. Les médias, lorsqu'ils rapportent la nouvelle, choisissent l'angle de traitement et par conséquent, ils mettent certains éléments en relief, ce qui influence la compréhension et les perceptions des citoyens à l'égard du sujet en question. « Le cadrage serait donc perçu comme le processus expliquant ces orientations ou encore comme expliquant le processus de construction du sens qui s’opère à la fois dans les médias et dans « la tête » du récepteur lors de son interprétation », explique Lemarier-Saulnier (2016 :67).

Robert Entman prétend que le cadrage est un processus de sélection d’éléments d'une réalité, mis en évidence dans un reportage. « To frame is to select some aspects of a perceived reality and make them more salient in a communicating text, in such a way as to promote a particular problem definition, causal interpretation, moral evaluation and/or treatment recommendation for the item described » (1993:52). Dans Projections of Power (2004), le chercheur donne plusieurs exemples de crises que le gouvernement américain a dû gérer en recourant à du cadrage, par exemple, les avions de Korean Air Lines et d'Iran

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Air abattus en vol en 1983 par les Soviétiques et en 1988 par les Américains, tuant plusieurs centaines de passagers. Dans les deux cas, les militaires auraient ciblé par erreur l'appareil qu'ils considéraient ennemi. Pour le vol d'Iran Air, le gouvernement américain a nié sa responsabilité en mettant l'accent sur les difficultés d'opération de la haute technologie militaire. Un problème technique serait à l'origine de la tragédie, en pleine guerre Iran-Irak, qui oppose les forces armées des États-Unis aux forces iraniennes. Pour le vol de Korean Air Lines, l'un des incidents les plus tendus de la guerre froide, la Maison-Blanche a fait augmenter le sentiment antisoviétique par ses déclarations axées sur les mauvaises intentions de son adversaire soviétique. Le président Ronald Reagan accusait son opposant de meurtre commis intentionnellement. Entman explique comment, dans les deux cas, les stratèges de la Maison-Blanche ont effectué du cadrage pour que les médias privilégient leur interprétation des attaques. Les acteurs politiques qui ont recours à cette technique s'affairent alors à convaincre la population pour obtenir son appui, ce qui nécessite de véhiculer des idées de manière à ce que leur version soit la plus évidente, juste, et persuasive.

Il appert que les définitions de cadrage recensées par Lemarier-Saulnier identifient principalement les médias et les acteurs politiques comme étant les « cadreurs » et les citoyens, les « cibles de cadres ». Tel que l'avance Entman (2004), un gouvernement en gestion de crise joue aussi le rôle de « cadreur » et cela apparaît encore plus évident lorsqu'on analyse la définition de la communication de crise fournie par Reynolds et Seeger (2005) et Coombs (2007). En conférence de presse par exemple, le gouvernement peut choisir le message et l'image qu'il veut projeter pour expliquer l'événement, tout comme il peut insister davantage sur une cause probable et ses répercussions de manière à orienter les questions des journalistes, la perception de l'enjeu, puis l'opinion publique. Les médias deviendraient alors eux aussi les cibles des cadres puisque le gouvernement cherchera à influencer leur angle de traitement, en insistant sur une idée dominante et sur la présentation de certains éléments plutôt que d'autres.

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Avec le gouvernement « cadreur », on peut aussi faire un lien avec l'approche sociologique du concept de cadrage, qui souligne plus particulièrement les interactions entre les individus (Goffman, 1986). Lemarier-Saulnier recense de nombreux chercheurs qui décrivent le cadrage comme une lutte de pouvoir, un rapport de force, une bataille pour la définition du sens, par la suite diffusée par les médias (Gamson et Modigliani, 1989; Norris, 1995; Benford et Snow, 2000; Gitlin, 2003; Vliegenhart et van Zoonen, 2001). « Cette idée de lutte permet de mettre en lumière les pressions de plusieurs groupes d'acteurs, dont l'État et les groupes associés à un mouvement social (…), pressions qui peuvent aussi orienter les textes médiatiques » (Lemarier-Saulnier, 2016 :69).

Kirk Hallahan (2011) identifie trois types de cadrage. Le premier, le cadrage à la source, représente les stratèges, les élus ou les acteurs politiques qui agissent directement comme « cadreurs » lorsqu'ils communiquent leurs messages. Le deuxième type, le cadrage par les intermédiaires, inclut les médias, les commentateurs, ou un tiers parti qui diffuse et partage le message des acteurs politiques. Lorsque le cadrage par les intermédiaires est efficace, cela peut créer un effet d'entraînement (Entman, 2004). Par contre, les intermédiaires doivent souvent faire un choix parmi les nombreux cadres d'interprétation qui leur sont présentés et qui se compétitionnent. Ils peuvent alors essayer de trouver un équilibre parmi ces cadres (Kuyper, 1997), ou tout simplement effectuer un recadrage ou construire un nouveau cadre. Enfin, le troisième type décrit par Hallahan concerne le cadrage par l'auditoire. Les cibles (la population ou les citoyens) n'assimilent pas les cadres de manière passive. Ils les évaluent pour trouver celui qui correspond à leur propre interprétation ou leurs valeurs et donc, ils les choisissent de manière active. L'auditoire peut à son tour effectuer un recadrage avant d'assimiler le message. Hallahan identifie également sept pratiques de cadrage par les acteurs politiques :

1) le cadrage de situations : lorsqu'ils mettent en scène une situation ou un événement qui les avantage, comme un bain de foule dans lequel se trouvent uniquement des

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23 partisans;

2) le cadrage par le discours : le recours à certaines expressions imagées, à des métaphores, à des termes spécifiques, à des chiffres impressionnants, etc. qui sont ensuite retenus par l'auditoire;

3) le cadrage sur les risques : lorsque le cadreur veut dénoncer ou mettre en évidence un risque que son adversaire prendrait en réalisant une action et les conséquences de celle-ci;

4) le cadrage par les arguments : ces arguments justifient les actions;

5) le cadrage par l'exposition à un problème spécifique : les acteurs politiques vont soulever des débats de société et convaincre la population que leur position est la meilleure;

6) le cadrage sur la responsabilité : lorsque les acteurs politiques prennent le crédit pour une action ou blâment autrui;

7) le cadrage par une histoire : lorsqu'un média ou un acteur politique raconte et illustre une situation. Par exemple, une famille sinistrée reçoit l'aide du gouvernement à la suite d'inondations majeures touchant un village.

Froehlich et Rüdiger (2006) prétendent que les stratèges politiques ont plutôt recours à deux types de cadrage : le cadrage thématique et le cadrage de position. Un cadrage thématique met l'accent sur des éléments dominants, tout en ignorant volontairement d'autres aspects. Un cadrage de position sert à convaincre la population du bien-fondé de certaines actions/positions pour résoudre un problème (et qu'il s'agit de la meilleure attitude ou solution envisagée).

Les définitions du cadrage sont donc nombreuses. Toutefois, ces définitions ne se contredisent pas, mais elles se complètent. Il ne semble pas exister de définition universelle

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sur laquelle les chercheurs s'entendent. Ainsi, il est possible de remarquer que plusieurs définitions décrivent exactement la même réalité, bien qu’elles soient rédigées différemment. La diversité des types de cadrages pose aussi problème. Tel que démontré précédemment, plusieurs types de cadrage différents peuvent être recensés. Certains pourraient être regroupés ensemble, sous une même catégorie. L’espace de définition conceptuel du cadrage est ainsi marqué par la pluralité, la complémentarité, mais également par un certain dispersement sémantique qui peut contribuer à confondre le chercheur qui tente de positionner son objet de recherche.

En examinant ses différentes définitions, il ne fait aucun doute que le cadrage fait partie intégrante de la communication politique et des relations publiques. Comme la communication politique et les relations publiques font aussi partie intégrante de la communication de crise, non seulement peut-on faire un rapprochement entre le cadrage et la communication de crise, tout indique que l'un ne va pas sans l'autre. Pour les gouvernements, la communication de crise est un exercice de relations publiques qui implique nécessairement un cadrage médiatique. Selon Strömbäcck et Nord (2006), le cadrage constitue même l'élément central de la communication de crise politique. W. Timothy Coombs (2011) relève spécifiquement trois types de cadrage effectués par les acteurs politiques en gestion de crise : le déni (il n'y a pas de crise ou celle-ci est minimisée, donc aucune mesure n'est prise par le gouvernement), la menace (la crise existe et constitue une menace. Le gouvernement blâme quelqu'un ou quelque chose et défend le statu quo), et l'opportunité (la crise existe, mais elle permettra au gouvernement d'apporter des changements politiques importants).

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Chapitre 2 : Question et propositions de recherche

Ce mémoire tente de répondre à la question de recherche suivante :

Dans un système médiatique hybride, quels sont les scénarios d'intervention et de contingence en matière de communication privilégiés par le gouvernement québécois lorsqu’il doit gérer une crise médiatisée?

En analysant la communication des gouvernements québécois et canadiens des dernières années, il appert que certaines méthodes semblent être privilégiées. Nous pouvons les classer en trois grandes catégories :

 La campagne permanente : le système médiatique hybride fragmente l'auditoire (Chadwick, 2013). Les acteurs politiques doivent continuellement faire campagne pour promouvoir leur programme et attirer l'électorat de tous les horizons, même hors des périodes électorales (Esselment, 2014). L'omniprésence médiatique est une pratique de certains partis politiques qui choisissent de s'exposer aux risques multipliés d'une mauvaise communication. C'est pourquoi ils sont de plus en plus nombreux à mettre en place un war room permanent, un genre de poste de commandement de la communication politique. Traditionnellement constituée de façon temporaire pour les campagnes électorales, l'équipe stratégique du war room assure la coordination des actions communicationnelles. La campagne permanente découle de l'approche new public management (NPM) : tel un chef d'entreprise, le gouvernement répond rapidement aux besoins exprimés par les citoyens, considérés comme des consommateurs. Les chaînes de nouvelles en continu et les réseaux sociaux permettent (mais obligent aussi) au gouvernement de fournir des réponses

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26 rapides à la population.

 La centralisation de l'information : dans un contexte de campagne permanente, la nouvelle gouvernance politique fait partie de la suite logique. Parmi les moyens utilisés pour promouvoir son approche, le gouvernement instrumentalise l'administration publique afin de livrer son message. Les fonctionnaires sont alors chargés de répondre aux médias à la place du gouvernement (Eichbaum et Shaw, 2008; Aucoin, 2012). Le Secrétariat à la communication gouvernementale est ainsi appelé à jouer un rôle important pour assurer la fluidité du message gouvernemental. Les gouvernements Harper, Charest, Marois, Couillard ont tour à tour centralisé leurs communications, en les plaçant sous la direction du bureau du premier ministre. Cette pratique assure un meilleur contrôle pour le gouvernement qui fournit aux administrations publiques la réponse à transmettre aux médias. L'équipe du premier ministre détermine également qui, parmi les élus et les représentants, reçoit la permission de répondre aux questions. Selon Daniel J. Paré et Susan Delacourt (2014), qui ont réalisé une étude de cas sur les relations entre la presse et le gouvernement Harper, la stratégie vise à gérer de manière très serrée les interactions entre les journalistes et les membres du gouvernement. La centralisation des communications réduit au minimum les possibilités pour les médias de poser des questions qui susciteraient des réponses irréfléchies ou improvisées de la part des élus et des administrations publiques. Pour eux, l'objectif est le suivant: « to protect the government's ability to get its message out to Canadians with minimal interedence from the CPPG (Canadian Parliamentary Press Gallery) » (2014:123).

Tel que décrit par les chercheurs Donald Savoie (1999) et Alex Marland (2016), la centralisation du pouvoir et des communications au Canada existe depuis toujours. Le gouvernement canadien a toujours mis beaucoup d'efforts à maximiser sa publicité favorable, à minimiser la mauvaise publicité, et à tenter d'améliorer son image aux yeux de la population (Thomas, 2013). En 1999, lorsque Savoie rédige

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son ouvrage Governing from the center : the concentration of power in Canadian politics, il remarque déjà que les tentacules sont en train de s'étendre, que la centralisation des communications devient de plus en plus importante. Son observation survient au début de l'apparition des chaînes de nouvelles continues, lors des balbutiements des médias numériques, avant l'avènement des médias sociaux, et donc avant la création du système médiatique hybride tel qu'on le connaît presque vingt ans plus tard. Selon Alex Marland (2016), la centralisation du pouvoir et des communications a connu un tournant important avec l'élection du Parti conservateur de Stephen Harper en 2006.

 Les relations publiques politiques : la communication politique implique nécessairement des relations publiques. Cette stratégie existe aussi depuis toujours, mais elle est désormais omniprésente et indispensable dans un système médiatique hybride. Les relations publiques ont pour fonction de gérer les communications entre une organisation et ses répondants. Cette relation est mutuellement bénéfique et se retrouve au cœur même des relations publiques (Baines et al., 2004; Cutlip et al., 2000; Newsom et al., 2010; Wilcox & Cameron, 2006). Strömbäck et Kiousis résument les relations publiques politiques comme suit: « the management process by which an organization or individual actor for political purposes, through purposeful communication and action, seeks to influence and to establish, build, and maintain beneficial relationships and reputations with its key publics to help support its mission and achieve its goals » (2011:8).

Les relations publiques peuvent s'exercer directement auprès de la population dans des événements politiques ou via les médias sociaux, mais elles s'effectuent aussi souvent entre les partis politiques et les médias traditionnels. Les acteurs politiques qui utilisent cette méthode vont alors tenter d'influencer l'agenda médiatique et de fournir un cadre d'interprétation à la presse pour avantager leur position (Davis, 2002; Froehlich & Rüdiger, 2006; McNair, 2000, 2003; Moloney,

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