• Aucun résultat trouvé

Négociation de sens et conception collective d'un dispositif de développement professionnel chez des enseignants

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Négociation de sens et conception collective d'un dispositif de développement professionnel chez des enseignants"

Copied!
311
0
0

Texte intégral

(1)

Négociation de sens et conception collective

d’un dispositif de développement professionnel

chez des enseignants

Thèse

NDIAMÉ GUÈYE

Doctorat en technologie éducative

Philosophiae Doctor (Ph.D.)

Québec, Canada

(2)
(3)

iii

RÉSUMÉ

Notre étude s’attarde à décrire et à comprendre la négociation de sens (Wenger, 2005) telle qu’elle s’est déroulée chez une équipe du MELS ayant adopté la communauté de pratique comme dispositif de développement professionnel. Cette communauté, responsable de la mise en œuvre du plan d’action pour l’amélioration du français, se consacre à la formation et l’accompagnement des personnels de français des écoles primaires et secondaires du Québec. La collecte de données s’est déroulée sur une période de quatre ans. Inspirée de l’ethnographie, la méthodologie s’appuie sur l’observation participante à distance et en présence des travaux de cette communauté et la prise de notes. L’analyse de documents de travail incluant les traces écrites d’un forum électronique, la conduite d’entrevues et l’administration d’un questionnaire ont complété l’arsenal de collecte qui a été déployé tout au long. Une analyse croisée des données recueillies a permis de mettre en évidence avec plus d’acuité, à la fois, les processus clefs et les objets de la négociation de sens. Par la suite, nous avons dégagé de cette analyse les composants du dispositif de développement professionnel que la communauté s’est consacrée à édifier.

(4)

iv

ABSTRACT

Our study focuses on describing and understanding the negotiation of meaning (Wenger, 2005) as it unfolded among members of a team from the Ministère de l'Éducation, des

loisirs et du sport (MELS), who adopted the community of practice model of professional

development. This community was in charge of implementing the action plan for improving the quality of French. It provided training and support for teachers of primary- and secondary-school French in Quebec. The data-gathering process took place over a period of four years. Ethnography-based methodology emphasized distance participant observation, meaning being present while the community carried out its work, and note-taking. An analysis of the community’s working documents (including the written record of an electronic forum), the conducting of interviews, and the administering of a survey were the other elements that completed the data-gathering process used throughout. A cross-sectional analysis of the data gathered made it possible to sort out and highlight more clearly the key processes and point to the specific purposes that the negotiation of meaning espoused in context. We then drew from this analysis the components of the professional-development program that the community devoted its energies to constructing.

(5)

v

TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ ... iii

ABSTRACT ... iv

TABLE DES MATIÈRES ... v

TABLE DES TABLEAUX ... ix

REMERCIEMENTS ... xi

INTRODUCTION ... 1

Chapitre 1 : Problématique ... 3

1.1 Définition et orientations de la formation continue des enseignants au Québec et ailleurs ... 4

1.2 Modèles de formation ... 9

1.3 Différentes approches pour améliorer le dispositif ... 11

1.3.1 L’adéquation des outils technologiques ... 14

1.4 Les questions de recherche ... 15

1.5 Pertinence de la recherche ... 18

1.6 Limites de la recherche ... 19

Chapitre 2 : Cadre théorique ... 21

2.1 L’organisation apprenante (Senge, 1990) ... 24

2.2 La perspective sociale de l’apprentissage et la communauté de pratique de Wenger ... 27

2.2.1 Les fondements ... 27

2.2.2 La négociation de sens, une notion-clé ... 28

2.2.3 Les dimensions des communautés de pratique ... 29

2.2.4 L’apprentissage par la participation dans une communauté de pratique ... 31

2.3 La coélaboration de connaissances et la négociation de sens ... 34

2.4 Un cadre de référence pour aménager des communautés de pratique en enseignement : aspects liés au design ... 36

2.4.1 Les dimensions du design ... 36

2.4.2 Des mécanismes d’aménagement en formation continue ... 37

2.4.2.1 Les constellations de pratique et le courtage pédagogique ... 39

Chapitre 3 : Cadre méthodologique ... 43

3.1 Le contexte de la recherche... 44

3.1.1 Le pilotage de la CoP du programme de français (CoPAAF) ... 45

3.1.2 Le mandat confié à la CoPAAF ... 46

(6)

vi

3.2 Une approche exploratoire et descriptive de recherche ... 48

3.2.1 La négociation de sens ... 48

3.2.1.1 Processus ... 48

3.2.1.2 Contenu ... 50

3.3 Les méthodes de collecte des données ... 52

3.3.1 L’observation participante ... 52

3.3.1.1 L’accès au terrain ... 53

3.3.1.2 Le terrain de travail ... 53

3.3.1.3 Le groupe observé ... 54

3.3.1.4 Notre rôle d’observateur ... 55

3.3.2 Collecte des données ... 60

3.3.2.1 Documents et autres traces de l’activité de la CoPAAF ... 61

3.3.2.2 Entretien ethnographique et administration d’un questionnaire ... 63

3.3.2.3 Des données issues de l’observation participante ... 65

3.4 L’analyse des données ... 69

Chapitre 4 : Présentation des données ... 74

4.1 La négociation de sens lors du développement du dispositif de développement professionnel ... 76

4.1.1 La négociation de sens vue à travers ses processus constitutifs ... 76

4.1.1.1 Compréhension de l'objet et de la tâche ... 78

4.1.1.2 Énonciation d’idées pour préciser l’objet ou organiser la tâche ... 101

4.1.1.3 Prise en considération des divergences d’opinions ou des différences à concilier ... 117

4.1.1.4 Consigner ce qui est adopté collectivement ... 128

4.1.2 Processus transversaux ... 130

4.1.2.1 Partager/mettre à disposition l'information ... 130

4.1.2.2 Verbaliser sa pensée ... 131

4.1.2.3 Déterminer des stratégies pour structurer l’action ... 136

4.1.2.4 Organiser le tour de parole ... 141

4.1.3 Qualités de la négociation de sens... 146

4.1.3.1 Prendre librement la parole ... 146

(7)

vii

4.1.3.3 Effet du temps disponible ... 148

4.2 Les objets de la négociation de sens ... 149

4.2.1 Les caractères de l’action collective ... 149

4.2.1.1 Définitions négociées de la formation et de l'accompagnement pédagogique ... 151

4.2.1.2 Conceptualisations pragmatiques négociées de la formation et de l'accompagnement pédagogiques ... 154

4.2.1.3 Particularités des objets soumis au cours des travaux ... 162

4.2.2 Interprétation des usages des outils et de la technologie ... 177

4.3 La configuration du dispositif de développement professionnel obtenu par voie de négociation de sens ... 180

4.3.1 La communauté de pratique en tant que dispositif ... 181

4.3.1.1 Les participants et leurs rôles ... 182

4.3.1.2 Préparation collective des formations ... 182

4.3.1.3 Planification des sessions de formation à offrir ... 186

4.3.2 Composantes du dispositif de formation et d’accompagnement pédagogique ... 188

4.3.2.1 Conception préliminaire des sessions de formation ... 188

4.3.2.2 Analyse des besoins de formation et d’accompagnement ... 189

4.3.2.3 Objectifs de formation ... 190

4.3.2.4 Développement des activités de formation ... 191

4.3.2.5 Animation pédagogique des sessions ... 193

4.3.2.6 Organisation des groupes en formation ... 194

4.3.2.7 Évaluation des formations ... 196

4.3.2.8 Ajustement et recadrage des formations ... 197

Chapitre 5 : Interprétations des données ... 198

5.1 Les constats en rapport avec le processus de négociation de sens dans la communauté étudiée ... 198

5.1.1 La communauté ne peut agir sur un objet commun sans en avoir une compréhension commune ... 201

5.1.2 C’est par le dialogue de sens que se déroule l’énonciation des idées ... 205

5.1.3 La prise en considération des divergences contribue au dégagement des zones de consensus 209 5.1.4 La consignation de ce qui a été adopté collectivement contribue à la ratification des résolutions ... 211

(8)

viii

5.2.1 Spécificité et acception des objets négociés ... 213

5.2.2 Caractère des objets de l’activité collective ... 215

5.3 Les constats en rapport avec les composantes du dispositif ... 217

5.3.1 L’apprentissage dans la communauté de pratique en tant que dispositif ... 217

5.3.2 Le dispositif de formation et d’accompagnement pédagogique en tant qu’artéfact ... 219

Chapitre 6 : Implications pratiques des résultats de recherche ... 221

6.1 Implications des résultats pour le développement professionnel des enseignants ... 221

6.1.1 Négocier le sens de l’offre d’activités de développement professionnel pour favoriser la participation active ... 221

6.1.2 Des pistes de recherche ... 226

6.2 Implications pratiques pour les organisations du monde du travail ... 227

CONCLUSION ... 229

RÉFÉRENCES ... 232

Annexes ... 248

Annexe 1: Engagement des conseillères et conseillers pédagogiques de français (Extrait du rapport bilan) ... 248

Annexe 2 : Mandat de travail (Extrait du Rapport bilan) ... 249

Annexe 3 : Grille de développement d’une communauté de pratique en réseau en milieu éducatif ... 250

Annexe 4 : Grille d’observation de la négociation de sens ... 253

Annexe 5 : Tableau d’analyse intégrée ... 254

Annexe 6 : Formulaire de proposition : Accompagnement et groupes de travail ... 261

Annexe 7 : Accompagnement et groupes de travail : Sondage ... 262

Annexe 8 : Formation et accompagnement des conseillères et des conseillers pédagogiques de français, langue d’enseignement : Planification 2011-2012 ... 273

Annexe 9 : Commentaires des participants ... 278

Annexe 10 : Extrait du bilan des activités de la communauté ... 287

Annexe 11 : Exemple d’activités de formation ... 291

Annexe 12 : Planification des groupes de travail ... 293

Annexe 13 : Évolution du nombre des conseillères et de conseillers pédagogiques de français, langue d’enseignement pour l’ensemble du Québec ... 296

Annexe 14 : Membres des groupes de travail ... 297

Annexe 15 : Présence aux sessions de formations 2008 à 2012 ... 298

(9)

ix

TABLE DES TABLEAUX

Tableau 1 : Coélaboration de connaissances et négociation de sens…………... 41 Tableau 2 : Grille d’observation de la négociation de sens en situation de travail……..60 Tableau 3 : Une vue générale des activités de recherche……….68 Tableau 4 : Grille de négociation de sens...75 Tableau 5 : Quelques exemples d’indices d’explication présents dans les énoncés…... 96 Tableau 6 : Exemples d’indices d’argumentation présents dans les énoncés………….105 Tableau 7 : Vue générale des formations offertes ………..185

(10)

x

(11)

xi

REMERCIEMENTS

Que Dieu soit loué pour tout.

Entre le début et la fin de cette grande aventure des études doctorales, la vie a bien changé. Des personnes chères qui m’ont inspiré ne sont plus. Mais leur souvenir demeure vif en moi. À mon père qui m’a insufflé l’amour de la profession d’enseignant, à ma mère pour son affection de tous les instants, à ces absents-présents, je voudrais témoigner toute ma gratitude.

Je ressens une grande fierté à l’égard de ma famille et je tiens à lui exprimer toute ma reconnaissance pour sa présence, sa générosité et sa solidarité fraternelles : mes sœurs, mes frères, Sylvain.

Je remercie infiniment Anne-Marie Labrecque, Joëlle Vézina, Valérie Pelletier pour leur aide précieuse.

Je suis redevable aux membres de l’équipe de la mise en œuvre du plan d’action pour l’amélioration du français au primaire et au secondaire pour leur énorme contribution. Je salue leur dévouement exemplaire à l’éducation des jeunes du Québec.

À ma directrice de thèse à qui je voue un profond respect et une grande admiration, Thérèse Laferrière, qui a su m’éclairer dans les moments sombres, je dis toute ma gratitude.

(12)
(13)

1

INTRODUCTION

Avec la société du savoir et son corollaire, le développement et l’omniprésence des technologies de l’information et des communications, le monde en perpétuelle mutation exerce une pression forte sur les systèmes scolaires qui doivent s’adapter constamment. Dans cette foulée, les relations sociales se transforment. Des notions devenues instables comme celles de présence, d’intelligence et d’économie, rendent obsolètes des connaissances qui, pourtant, ont constitué autrefois des repères dans la qualification et la construction des compétences des enseignants.

Les systèmes scolaires répondent le plus souvent par des réformes intervenant aux dix ans. Or, le temps de convaincre de leur pertinence, de mettre en place les changements attendus, déjà l’urgence d’une autre réforme est ressentie. Entre temps, le monde continue de se transformer. Dans ce contexte, le développement professionnel des enseignants ne peut être considéré comme une voie facultative pour un personnel enseignant qui veut pleinement exercer son rôle. Il ne peut non plus continuer à être envisagé de façon ponctuelle ni par les autorités ni par les enseignants.

Par ailleurs, des mécanismes de développement professionnel existent et prennent appui sur la loi sur l’instruction publique. Des exhortations sont faites aux enseignants sous le signe de leur autonomie professionnelle de participer activement dans l’offre d’activités de développement professionnel. Dans cette foulée, la documentation professionnelle et scientifique rapporte un intérêt grandissant d’initiatives collaboratives de développement professionnel, qui est attribué au Québec, à l’attention qui est portée au développement d’un praticien réflexif (Conseil supérieur de l’éducation, juin 2014). On fait état dans la documentation de communautés professionnelles d’enseignants en réseau qui sont engagées dans des activités de développement professionnel.

Notre étude, en s’inscrivant dans cette perspective, s’attarde à décrire et à comprendre la négociation de sens (Wenger, 2005) telle qu’elle s’est déroulée chez une équipe du MELS ayant adopté la communauté de pratique comme dispositif de développement

(14)

2

professionnel. Pendant quatre années, cette communauté, responsable de la mise en œuvre du plan d’action pour l’amélioration du français, s’est consacrée à la formation et l’accompagnement des personnels de français des écoles primaires et secondaires du Québec. La méthodologie mise en œuvre dans cette recherche est inspirée de l’ethnographie du fait que nous voulions adopter le point de vue des participants. En ce sens, le dispositif de collecte des données s’appuie sur la conjugaison d’une diversité de méthodes, se composant d’une part, de l’observation participante à distance et en présence des travaux en divers contextes de cette communauté, accompagnée de la prise de notes et de l’accès à leurs documents de travail sous format papier et numérique, de l’entrevue ainsi que de l’administration d’un questionnaire, d’autre part. Par la suite, l’analyse du corpus constitué a permis de faire ressortir dans un premier temps, les processus clefs et les objets de la négociation de sens. Ensuite, dans un deuxième temps, nous avons dégagé de cette analyse les composants du dispositif de développement professionnel.

(15)

3

CHAPITRE 1 : PROBLÉMATIQUE

Les changements intervenus dans le système scolaire du Québec entre 2000 et 2006 dans la foulée de la réforme, tant sur les plans des objectifs de formation que des compétences du personnel pédagogique, ont fait et continuent de faire pression sur les enseignantes et les enseignants pour qu’ils s’engagent dans des activités de formation continue afin d’acquérir de nouvelles connaissances et développer des compétences professionnelles mieux adaptées à la nouvelle donne pédagogique.

La réforme a fait de la formation continue des enseignants sous le signe de l’autonomie professionnelle, entre autres, un atout majeur de succès de ses objectifs (Carpentier et Lessard, 2010). Ainsi, place-t-elle la participation pleine et active des enseignants au cœur du système de leur formation continue et de la poursuite de celle-ci. Cette offre de formation continue et son organisation sont toutefois régies par des règles de pilotage des directions responsables antérieures à cette nouvelle orientation (Gouvernement du Québec, 1999). Ceci n’est pas sans soulever une problématique inhérente à la formation continue en rapport avec ce qui la rendrait conforme aux orientations qui l’encadrent, adéquate de par ses objectifs, ses objets et ses modèles d’action, efficace du point de vue de ses résultats. Par exemple, parmi les problèmes soulevés figurent : la responsabilisation collective des enseignants, la continuité de la formation, la pertinence des objets, la cohérence des activités ainsi que leur dispensation « par un personnel professionnel crédible, qui non seulement possède une bonne maîtrise de son contenu, mais aussi qui connaît bien la réalité d’une classe et offre un accompagnement respectueux des compétences du personnel enseignant (ex. : part de ce qui existe, ne juge pas) ( voir Avis du Conseil supérieur de l’éducation (p.123) ».

Cette problématique est accentuée sous l’angle du développement professionnel par la complexité de la pratique enseignante dans ce qu’elle devrait être dans une société du savoir (UNESCO, 2006). Ainsi, diverses questions peuvent être soulevées : dans une dynamique pilotage/participation des acteurs, quelles stratégies et quelles modalités d'autonomisation et de prise en compte des besoins formulés par les enseignants sont mobilisées lors du processus de détermination des besoins de formation? À quelles compétences former les

(16)

4

enseignants en poste? Quels sont les modèles de formation déployés en rapport avec les objectifs de formation? Quels sont les effets tangibles de ces activités sur la pratique du point de vue des participants? Quels sont les modifications et les ajustements qui ont été apportés au plan de formation?

1.1 Définition et orientations de la formation continue des enseignants au Québec et ailleurs

La réforme scolaire en cours d’implantation a fait de la formation continue1 des enseignants

un pilier de son succès. Le document d’orientation du gouvernement du Québec (1999) pour la formation continue du personnel enseignant définit ce concept comme l’ensemble des actions et des activités dans lesquelles les enseignantes et les enseignants en exercice s’engagent de façon individuelle et collective en vue de mettre à jour et d’enrichir leur pratique professionnelle (p.12). Pour l’OCDE (1998), c’est une entreprise visant à adapter l’éducation à de nouveaux enjeux et à un nouveau contexte. Elle fait suite à la formation initiale (De Peretti, 1991; Legendre, 1993), laquelle est considérée comme une étape de qualification à la profession enseignante et qui conduit à un certificat qui en autorise à sa pratique. Cependant, celle-ci ne suffit pas à assurer la compétence et à fournir les outils nécessaires face aux attentes grandissantes (Walshe, 1998; Tardif et al, 1998; EURYDICE, 1995). Le Pailleur (1996), ainsi que d’autres, vont jusqu'à inscrire la formation continue dans une perspective de formation tout au long de la vie, argumentant que l’évolution rapide des nouvelles technologies, l’application des recherches dans les diverses sphères de la vie, l’émergence de nouvelles problématiques sociales ont entraîné un vieillissement de la compétence des enseignants. Or cette situation, poursuit-il, devrait les inciter à se doter des moyens d’apprentissage et de développement continus durant toute leur vie professionnelle.

1 Le terme perfectionnement est aussi employé pour désigner les activités ponctuelles de formation, tout autant, qu’il décrit la même réalité que formation continue. On renvoie à cette temporalité avec les notions de cours de perfectionnement, de mise à jour et d’actualisation.

(17)

5 Il importe de situer le développement professionnel des enseignants sur un continuum : formation initiale, entrée dans le métier, formation continue. Toutefois, la continuité n’est guère installée entre les acteurs : université, institut, établissement scolaire, organisme de recherche, autorité éducative, association des enseignants, etc. (Vasylenko, 2008). Pourtant, selon la documentation scientifique et professionnelle, cette continuité contribuerait à l’efficacité du développement professionnel des enseignants comme le souligne Mellouki (2010, p. 15-16) cité dans l’avis du Conseil supérieur de l’éducation (2014).

L’autonomie professionnelle s’entendrait, selon l’esprit du Renouveau pédagogique (2005, p. 8), comme la responsabilité ou l’implication, à tout le moins, des acteurs concernés à prendre l’initiative de leur perfectionnement professionnel, à en identifier les besoins, à prioriser ceux-ci en fonction, par exemple, des orientations, des plans d’action ministériels ou des besoins locaux, à en choisir les modalités, voire à en concevoir la planification, la réalisation et l’évaluation. Cette dynamique inviterait à la collaboration des acteurs à toutes les étapes du processus, une collaboration intégrée dans les dispositifs de développement professionnel dans nombre d’écrits scientifiques et professionnelles (Butler, 2005; Tillema, 2005). Pour Fullan (1999), la collaboration, qui renvoie aux notions de communauté d’apprentissage ou de pratique, est essentielle au développement professionnel des enseignants. Abondant dans le même sens, Thurler (2000) remarquait que la coopération entre enseignants est cruciale pour leur croissance professionnelle.

En situant les activités de formation continue sur le continuum de développement professionnel (Barab et Duffy, 2000; Brown et Duguid, 2000; Marx, Blumenfeld, Krajcik, et Soloway (1998); Schlager et Fusco, 2003; Borko, 2004; Laferrière, Gervais et Martel, 2005), les liens avec les besoins organisationnels doivent être faits. Autrement dit, le développement personnel ne suffit pas. Le document d’orientation du MELS (1999) invite d’ailleurs à dépasser l’accent mis sur les compétences individuelles, pour donner priorité au développement des compétences de l’équipe dans une « organisation apprenante » (p. 9). Cette posture veut rompre, d’une part, avec la conception traditionnelle de la formation continue marquée par une centralité sur des idées, des techniques, du matériel à

(18)

6

utiliser, basée sur des activités prenant la forme de cours magistraux, de séminaires, d’ateliers, menée par des formateurs d’enseignants qui développent eux-mêmes l’offre et l’organisation selon des modèles privilégiant les parcours individuels (Stein, Smith, et Silver, 1999). Losch (1998 cité dans MENFS, 2004) soutient même que ce modèle traditionnel de formation ne change pas la façon d’enseigner puisqu’il ne s’attaque pas aux habitudes des enseignants. D’autre part, cette posture met en évidence que ce sont les équipes et non les individus qui fondent les organisations modernes (Senge, 1990), c’est-à-dire des organisations capables d’apprendre.

En amont, l’énoncé des orientations du MELS (1999) pour la formation continue des enseignants aux divers secteurs – formation générale, formation professionnelle, formation des adultes – indique que les dispositifs et les stratégies de formation sont à développer en vertu de l’autonomie professionnelle (loi sur l’instruction publique) et à fonder sur la participation active des acteurs. Le processus de ce dispositif commence par la détermination des besoins, se poursuit par la planification de stratégies, la réalisation d’activités et se termine par l’évaluation de leurs effets sur les pratiques et la révision de son plan d’ensemble. L’esprit de ce principe, tout en habilitant les enseignants à déterminer leurs besoins de formation, puisque c’est eux qui sont en contact direct avec les apprenants, chercherait à leur faire prendre conscience de leur responsabilité face à l’avancement des savoirs de leur domaine de compétence et renforcerait, ce faisant, leur statut de professionnel.

En aval, la détermination des besoins devrait procéder d’une approche bottom-up, afin qu’en bout de piste, l’offre de formation corresponde aux besoins des milieux. Dans ce cas d’espèce, chaque enseignant individuellement détermine ses besoins. Les directeurs, à l’échelle de leur établissement, regrouperaient les choix faits sous forme d’une proposition collective (équipe-école), laquelle serait soumise à la commission scolaire qui, en fonction des domaines prioritaires et des plans d’action ministériels (Gouvernement du Québec, 2010), ferait des recommandations. En définitive, les autorités devraient apporter le soutien nécessaire en rendant disponibles les ressources et les infrastructures dont les acteurs auraient besoin (Conseil supérieur de l’éducation, 2014).

(19)

7 Certes, la réforme voudrait induire chez les enseignants, une culture collective de la formation continue. Les équipes-écoles peuvent même favoriser la transformation des établissements scolaires lorsqu’en émergent des communautés professionnelles d’apprentissage (Dufour et Eakes, 1998), un creuset d’intégration continue du changement et de recherche d’efficacité. Ceci est d’ailleurs appuyé par une large documentation scientifique et professionnelle qui, constatant les défis contemporains, soumet des perspectives d’apprentissage alternatives, plus adaptées aux réalités actuelles et futures, et supposément capables d’intégrer et d’anticiper les changements. En effet, la société du savoir et ses corollaires, l’utilisation de nouvelles technologies de l’information et l’Internet, en offrant des possibilités sans précédent, constituent un nouveau contexte d’enseignement/apprentissage et les rôles des enseignants et des apprenants, ainsi que la nature des savoirs et des savoirs faire, sont appelés à être transformés (Brown, 2005). Ni l’école, ni la salle de classe intra-muros comme lieu de savoir et ni l’enseignant ne peuvent se considérer comme des référents exclusifs dans l’acquisition de connaissances par les apprenants (voir l’avis de juin 2014 du Conseil supérieur de l’éducation).

Cependant, l’avis du Conseil supérieur de l’éducation de juin 2014 exhorte au fait que le personnel enseignant soit maitre d’œuvre de son développement professionnel. Celui-ci a eu l’impression, selon les constats qu’il fait d’une étude réalisée sur le développement professionnel, que le système « propose, et parfois même impose, des activités de développement professionnel, et que le personnel enseignant consomme, avec plus ou moins de satisfaction, ce qui est disponible (p. 116) ». Toutefois, cette emphase qui est mise sur les besoins du personnel enseignant n’écarte pas la possibilité que ceux-ci soient négociés avec les besoins organisationnels. Le conseil précise en ce sens que « les besoins personnels, professionnels et organisationnels ne doivent pas être considérés comme étant antinomiques, les uns pouvant nourrir les autres (p.116) ». Cela dit, la détermination souhaitée des besoins est a priori une entreprise complexe qui mérite qu’on s’y attarde. La conception que les enseignants se font de ce qu’est la pratique enseignante déterminerait l’acte d’enseignement (Tillema et Knol, 1997; Charlier, 1998; Deaudelin et al, 2005). Cette

(20)

8

conception devrait être prise en considération dans la détermination des besoins de formation.

Selon Altet (2002, p.38), la pratique enseignante serait « une manière de faire singulière d’une personne, sa façon réelle, propre d’exécuter une activité d’enseignement ». Cette conception de la singularité du métier d’enseignant est reprise dans un rapport du gouvernement français (MENF, 2008, p.87), lequel constate « que l’enseignement s’exerce toujours dans un contexte particulier. L’enseignant s’adresse à des élèves concrets, dans un établissement donné, et cherche à répondre aux besoins particuliers de ses élèves. À ce titre, l’enseignement est nécessairement divers et adapté ». Altet ajoute que l’enseignement/apprentissage table sur un travail interactif d’ajustements, de négociations, de transactions et de compromis permanent entre les acteurs en situation. Au Québec, l’autonomie accrue de l’école ainsi que la participation active du personnel enseignant au conseil d’établissement situent l’action pédagogique au-delà des limites de la classe et requièrent de travailler en collaboration (Gouvernement du Québec, 2001).

Si les besoins de formation sont particuliers à chaque enseignant, à chaque établissement, alors pour en arriver à un choix collectif, tel qu’il est suggéré, un processus de négociation de sens en contexte devrait exister, structurant et non moins profitable du point de vue du développement professionnel. Le Pailleur (1996) suggère que chaque membre du personnel enseignant devrait concilier son développement professionnel avec une formation adaptée aux besoins de son équipe-école. Crozier (1996) parle de zone proximale de développement professionnel. Appliquer cette approche, consisterait à réunir les besoins globaux et particuliers dans un développement collectif, ce qui, au bout du compte, rendrait les résultats tangibles, poursuit-il.

Un tel processus aboutirait alors à deux situations. La première est relative aux choix collectifs et préfigure le programme de formation négocié lequel bénéficierait du soutien officiel des autorités par la mobilisation des ressources (humaines, matérielles, infrastructurelles, de temps, etc.) dans le cadre de sessions de perfectionnement ponctuelles. La deuxième situation concerne les propositions non retenues, or non moins

(21)

9 importantes pour ceux qui les ont proposées, et qui pourraient aussi faire l’objet d’un programme non officiel, inscrit parmi les activités de perfectionnement individuel de l’enseignant. Nonobstant l’existence d’axes de convergence, en l’occurrence les plans d’action et les domaines prioritaires, il continuera d’exister des dissonances légitimes selon les demandes formulées, et ce, en raison des réalités particulières, locales et personnelles. Par exemple, les établissements en zones défavorisées, les classes d’adaptation, les enseignants novices et ceux expérimentés ne présenteront pas les mêmes besoins. C’est dire que les sessions de formation ponctuelles ne pourront vraisemblablement pas satisfaire les demandes de formation même si ces dernières augmentent. Face à cette situation, c’est dire que ces sessions de perfectionnement ne peuvent demeurer des canaux exclusifs d’actualisation des savoirs et des savoir-faire. Il faut repenser ce processus ou trouver des voies complémentaires.

1.2 Modèles de formation

Dans la documentation scientifique et professionnelle, les tendances actuelles voudraient éloigner la formation continue de la conception d’un projet individuel de l’enseignant pour inscrire celle-ci dans une perspective collective, fondée sur la coopération (Altet, 1994; De Peretti, 1998; Moreau, 1998; Stein, 1998; Tardif et al, 1999), la collaboration et le partage (Thibert, 2009; Chaptal, 2009; Stahl, 2009; Manderscheid et Jeunesse, 2007; Baudrit, 2007; Daele et Charlier, 2006; Laferrière et Nizet, 2006; Laferrière, 2006; Hara et Schwen, 2004; Schlager, Fusco, Schank, 2002). Ce nouveau modèle se caractérise par le fait que les réflexions liées aux activités, se situent avant, pendant et après la formation, en salle ou à distance, en mode synchrone ou asynchrone, que la formation est arrimée aux objectifs de l’organisation, que les personnels sont responsables du système dans lequel ils travaillent, qu’il est nécessaire d’avoir une vue à long terme pour apporter des résultats significatifs. Le rôle des formateurs change en celui d’animateur, de facilitateur ou d’accompagnateur, les apprenants acquièrent et construisent leurs connaissances dans l’interaction sociale, et l’on a recours aux ressources numériques et technologiques comme support dans la formation et l’apprentissage. Thibert (2009) remarque avec justesse que l’intégration des TIC dans ce processus fait plutôt référence aux approches socioconstructivistes.

(22)

10

En même temps, des recherches et des réflexions sont menées sur ce que devrait être la nature des compétences et des connaissances scolaires, et ce, par ricochet, celles du personnel pédagogique, dans une société marquée par la volatilité et la démocratisation des savoirs. La non-durabilité des connaissances est telle que pour faire face à cette instabilité, Senge (1990) parle d’apprendre à apprendre. Plus encore, les modifications d’ordre disciplinaire ajoutent à l’instabilité ambiante. Par exemple, il faut former à la nouvelle grammaire le personnel pédagogique. Selon Sfard (1998), les métaphores d’acquisition de connaissances et de participation (Lave et Wenger 1991; Wenger 2005) doivent coexister dès l’école primaire. Selon Paavola et Hakkarainen (2005), ce sont trois métaphores qui doivent être envisagées (acquisition, participation, création de connaissances) en formation continue de praticiens. Reconnaissant le rôle essentiel qu’ont à jouer les technologies de l’information et de la communication pour contribuer au progrès et à la réforme de l’enseignement, l’UNESCO (2011) établissait des standards de compétences TIC des enseignants, dont celui de la création de connaissances.

De nombreux écrits précisent les compétences en matière de TIC que doivent développer les élèves du primaire et du secondaire (MELS, 2000; Karsenti, Brodeur, Deaudelin, Larose et Tardif, 2002). Pourtant, des écrits constatent que les enseignants possèdent un faible niveau d’alphabétisation numérique (Larose, Grenon et Palm, 2004)2, que le recours aux

TIC à des fins pédagogiques continue de demeurer minimaliste (Deaudelin et al, 2005; Chaptal, 2009), que les usages ne se développent pas malgré une disponibilité accrue des équipements dans les classes (Chaptal 2003, 2009).

Ainsi, se pose la question relative aux compétences auxquelles former le personnel pédagogique et l’adéquation des modèles de formation pour que celui-ci les développe.

2 Le journal du Québec publiait le 3 janvier 2010 que, selon une source du MELS, 51, 2 % des enseignants du secondaire n’ont pas une maitrise suffisante des nouvelles technologies pour les intégrer dans leur enseignement.

(http://www.mels.gouv.qc.ca/sections/publications/publications/EPEPS/Ressources_didactiques/EnqueteTI CPourFGJEdition2009_f.pdf)

(23)

11 Houpert (2005) propose six compétences parmi lesquelles figure la compétence à la réflexivité (Schön, 1998). Nous parlerons des autres compétences dans une autre section de ce travail. Cette compétence à la réflexivité se situe dans une dynamique d’alternance pratique/théorie/pratique et fait appel à la capacité des praticiens de fonder individuellement et collectivement l’analyse de leurs actions par le recours à des outils conceptuels, soit de se référer aux théories scientifiques et à la documentation professionnelle pour dépasser l’empirique et le cas par cas.

1.3 Différentes approches pour améliorer le dispositif

On remarque que la documentation scientifique et professionnelle souligne à la fois l’importance et la difficulté d’évaluer le dispositif de formation continue (Guskey, 2002; Krieder et Bouffard, 2006). Par exemple, l’OCDE (1998) reconnaissait que c’est une démarche difficile que de mesurer, premièrement, l’influence de la qualité de l’enseignement sur les performances et les réussites des élèves et, deuxièmement, d’établir avec certitude l’influence d’une activité de formation continue sur la qualité de l’enseignement. Cauterman et al. (2000) ajoutaient que les effets d’opérations de formation sur les pratiques professionnelles ne sont pas empiriquement étudiés. Lafortune et Daudelin (1999) soulignaient que le MELS n’avait mis en place aucune modalité d’évaluation ou de régulation des activités de formation. Guskey (2002) fait remarquer plusieurs des défis liés à l’évaluation du développement professionnel des enseignants. Entre autres, le fait que les enseignants et les administrateurs de perfectionnement professionnel n’aient pas les mêmes référents pour évaluer des indicateurs d’efficacité, que de nombreux responsables de perfectionnement professionnel d’enseignants aient peur des évaluations systématiques craignant que les résultats ne reflètent guère les améliorations escomptées et que, par conséquent, le financement leur soit retiré, et le fait que certains résultats ne puissent être obtenus qu’à long terme. D’ailleurs, Guskey (2002) propose un modèle à cinq niveaux qui tente de remédier à ces situations. Au premier niveau, on analyse la réaction des participants pour savoir ce qu’ils ont aimé ou non; au deuxième niveau, on tente de savoir si de nouvelles connaissances et de nouvelles compétences ont été acquises. Le troisième niveau permet de regarder le soutien et le changement mis en place par l’organisation dans le but d’examiner des aspects de l'organisation qui ont une influence

(24)

12

critique sur la mise en œuvre de nouvelles politiques et pratiques. Aux quatrième et cinquième niveaux sont respectivement examinées l’application des connaissances et des compétences en contexte de pratique ainsi que les retombées auprès des apprenants. Pour le MELS (1999), la formation continue doit faire l’objet d’une évaluation formative au regard de son opportunité et de son efficacité, laquelle, en se fondant sur des données empiriques, consiste davantage en une pratique réflexive contribuant au développement des compétences professionnelles et faisant partie intégrante d’une organisation apprenante (Osterman et Kottkamp, 2004) qu’en un exercice comptable, ceci voulant dire que l’efficience, bien qu’importante, n’est pas au premier plan. Dans cette perspective, l’analyse, à la fois individuelle et collective, est en elle-même une occasion d’apprentissage, dans la mesure où autant les interprétations que les données recueillies suggèrent doivent être négociées entre les participants.

Dans ce cas, porter un regard analytique sur la formation continue pourrait comporter divers aspects et divers niveaux de profondeur qui correspondent aux objectifs d’apprentissage et reflètent le but recherché. Nous avons avancé plus haut que les métaphores de transmission, de participation et de création pourraient être mises à contribution lors de situations de formation de praticiens. Certes, celles-ci appelleraient à des stratégies spécifiques de formation.

Le retour réflexif pourrait tendre à des fins de régulation de la pratique laquelle peut consister à analyser les imperfections et les dysfonctionnalités signalées du dispositif en vue d’y apporter les corrections nécessaires (Argyris et Schön, 2002; Senge, 1990). Cette analyse à des fins de régulation du processus pourrait cibler des aspects structurels. On peut par rapport à cette question interroger les modalités de formation, vérifier le niveau de satisfaction des participants sur l’organisation de la formation, l’adéquation des supports technologiques, solliciter les avis des participants sur des points précis dans un dessein d’amélioration du système, etc. L’on pourrait tenter de vérifier avec le retour réflexif si la pratique est en voie de se renouveler ou que de nouvelles compétences sont en construction, que de nouvelles façons de concevoir et d’agir sont en émergence, que des connaissances

(25)

13 implicites sont en voie de s’exprimer (Senge, 1990; Argyris et Schön, 2002; Nonaka et Takeuchi, 1997, 1995)

Dans la perspective où l’on viserait un changement conceptuel lequel pourrait conduire à une transformation des pratiques professionnelles, les ressources et les outils d’évaluation, il faudrait effectuer une analyse approfondie et complexe. Dans ce cas, on pourrait considérer la pertinence des objets et des activités de formation, l’implication des pairs, le rapport avec les TIC, le niveau d’appropriation de cet outil et la qualité des affordances socionumériques de l’environnement d’apprentissage. De plus, la réflexion pourrait impliquer deux catégories principales d’acteurs dans ce processus : les participants responsables de l’organisation de la formation et les autres. Chacune, pour ce qui la concerne, traiterait de cette question selon ses objectifs. L’organisme, responsable de la formation continue, pourrait analyser les données sous l’angle du pilotage tandis que les autres participants l’aborder sous l’angle du développement de compétences.

(26)

14

1.3.1 L’adéquation des outils technologiques

L’adéquation des outils technologiques intégrés au sein du dispositif de développement professionnel des enseignants est devenue un sujet d’intérêt. Celle-ci procède par l’analyse de la relation complexe entre la nature des outils techniques et le régime de compétence caractérisant la communauté de pratique (comprise comme un groupe de pédagogues) qui s’approprie ces outils, selon Breuleux, Erickson, Laferrière et Lamon (2002, p.4). Trois axes référant aux affordances socionumériques (Allaire, 2006) caractérisent celle-ci : l’axe technologique, le web considéré comme l’outil technologique de collaboration par excellence, l’axe épistémologique, soit le développement d’une perspective commune sur le savoir et l’appropriation conceptuelle d’outils technologiques par des communautés d’apprentissage ou de pratique et l’axe social qui renvoie aux impératifs d’une redéfinition de l’éducation, poursuivent ces auteurs (Breuleux, Erickson, Laferrière et Lamon (2002, p.4).

Dans cette optique, l’expérimentation de devis, qui souscrit au paradigme socioconstructiviste (Collins, 1999; Breuleux, Erickson, Laferrière et Lamon, 2002; Laferrière et Allaire, 2010), pourrait être considérée dans la mesure où elle inclut à la fois et de manière concomitante, une analyse réflexive (Schön, 1983; Osterman et Kottkamp, 2004) par les participants et permet de façon récursive un ajustement des outils conceptuels et techniques qui supportent la collaboration. En cherchant à établir avec justesse l’adéquation du dispositif sociotechnologique avec les besoins du groupe (Germain, 2006), l’expérimentation de devis procède par « enchaînement de cycles de participation, d’analyse de résultats, de formulation de nouvelles questions et d’élaboration de conclusions provisoires permettant d’ajuster le devis avant l’amorce du prochain cycle de participation (Laferrière et Allaire, 2010, p. 5) ».

La révision du plan de formation, les ajustements et les modifications au système de formation concrétisent ce retour réflexif individuel et collectif, dans le sens, où les apprentissages sont traduits en résultats observables et tangibles.

(27)

15

1.4 Les questions de recherche

Le défi que soulève la formation continue des enseignants est double : d’une part, leur engagement actif et collectif dans ce processus et, d’autre part, l’existence d’un dispositif viable de développement professionnel qui, en fonctionnant selon une approche de pratique réflexive, serait en mesure de soutenir des changements durables en facilitant l’acquisition de nouvelles connaissances et le développement de compétences professionnelles. Cette recherche veut relever ce défi; elle vise à produire un modèle de conception collective et dynamique d’un dispositif de développement professionnel chez des enseignants.

La négociation de sens (Wenger, 2005) peut favoriser le développement professionnel des enseignants du fait qu’elle comporte des processus manifestant la coopération, la collaboration et le partage comme il est promu, nous l’avons mentionné plus haut, dans les modèles actuels de développement professionnel qui, de plus, inscrivent celui-ci dans une dynamique de négociation collective entre des besoins individuels, collectifs, organisationnels. Aussi, les orientations ministérielles exhortent envers l’autonomie des enseignants dans la prise en charge de leur perfectionnement avant, pendant et après, tout en inscrivant celui-ci dans un projet collectif qui tient compte des besoins organisationnels. De surcroît, d’aucuns voudraient situer désormais le développement professionnel des enseignants dans une perspective de communauté de pratique ou de communautés d’apprentissage (Fullan, 1999). Cette définition de Wells (1993, p. 144) cité dans l’avis de juin du Conseil supérieur de l’éducation (2014) cadre bien, selon celle-ci, le développement professionnel peut certainement être associé à une forme d’apprentissage professionnel où les enseignantes et les enseignants s’associent à d’autres professionnels [au premier chef leurs pairs] pour trouver des solutions à des problèmes rencontrés antérieurement et actualisés dans des artéfacts physiques et intellectuels. Ce faisant, ils développent de nouvelles façons d’agir et de comprendre, mais peuvent également transformer de façon radicale le contexte dans lequel s’inscrivent leurs actions. De plus, dans la perspective de Wenger (2005), on ne peut concevoir une communauté de pratique sans la négociation de sens.

D’autres auteurs s’en approchent aussi, même s’ils ne la situent pas dans un contexte de communauté de pratique ou de communauté d’apprentissage. Toutefois, ils inscrivent la

(28)

16

négociation de sens dans une dynamique collective. Weick (1995) en parle en termes de Sensemaking dans la perspective de l’organisation, en tant qu’un modèle dynamique se déployant selon trois processus Enactement-Selection-Retention que l’on pourrait comparer aux dimensions de la communauté de pratique à certains égards. Par le processus

d'Enactement, l'organisation est perçue, comme un flux d'expériences au sein de laquelle,

chaque membre se base sur ses propres expériences en tant qu'inférences. Ces dernières seront cognitivement arrangées en cartes causales pour servir de modèles à des comportements futurs. Le processus de Selection consiste dans le choix des matériaux lors des interactions des individus avec l'environnement. Weick (1995) met en évidence la diversité des interprétations. Puisque chaque expérience comporte une diversité d'interprétations, les individus sont donc amenés à réduire l'équivocité de l'action collective. Chaque action étant équivoque, la sélection consiste à choisir le schéma explicatif acceptable par tous qui sera ensuite contenu dans la mémoire collective. Le processus de Retention consiste à emmagasiner les expériences et les enseignements retenus afin de s'en servir comme guides en cours de processus d'attribution de sens et d'engagement dans des activités ou de les activer lors de résolutions de problèmes dans des situations semblables ou proches.

De plus, nous avons trouvé chez Weick (1995) et son collègue Bougon (1992) des concepts qui décrivent bien des phénomènes justifiant la négociation de sens. L’équivocité signifie qu'une réalité peut être comprise ou interprétée différemment sans que sa substance soit confuse ou ambiguë. Cette équivocité se produit lorsqu'un individu attribue simultanément plusieurs significations différentes mais claires à une action ou un évènement. L'ambiguïté existe lorsqu'un individu perçoit qu'un évènement pourrait avoir n'importe quelles significations, mais seulement une, parmi un ensemble de significations possibles. La crypticalité renvoie à l'idée que différentes personnes donnent une signification différente à un même terme ou à une expression.

D’autres écrits s’intéressent à la négociation de sens. La plupart se rattachent aux disciplines de la linguistique et de la sémiotique. L’analyse des conversations, qui est un programme de recherche, est née des innovations technologiques (Trognon, 1999). Aussi

(29)

17 dans ces écrits, pour la plupart, ce sont des perspectives socioculturelles (Kida, 2001) ou interactionnistes (Long et Robinson, 1998; Nicolaev, 2010) qui sont adoptées par leurs auteurs qui y soutiennent que la négociation de sens favoriserait le développement du langage ou l’appropriation d’une langue (Bakhtine cité dans Kida, 2001; Cherrad, 2009). L’idée principale que l’on retient de ces écrits est que c’est en interagissant avec d’autres dans une situation de communication et dans le cadre d’une tâche que l’acquisition de notions langagières est facilitée, selon Pica, Kanagy et Falodun (1993). Ces derniers, par ailleurs, en fonction de l’activité, identifient quatre tâches : l’échange d’information, l’échange d’opinions, la prise de décision et la résolution de problème.

Pour revenir aux écrits susmentionnés, l’analyse y est articulée autour de notions de dialogique, de multivocalité, d’hétérogénéité, de genres (Wertsch, 1991 ; Kida, 2001) aux formes de discours employées par les participants à une interaction verbale de négociation de sens (Baker, 1994; Weisser, 2010; Trognon, 1999).

En vertu de la perspective selon laquelle la négociation de sens peut induire le développement professionnel des enseignants, nous examinerons comment celle-ci est mise en œuvre par un groupe d’acteurs pédagogiques qui, en répondant à un mandat professionnel, se sont engagés, par le fait même, dans la conception d’un dispositif de développement professionnel. Ces objets seront étudiés à travers l’évolution de ce dispositif. Ainsi les questions suivantes sont posées :

Question 1 : Comment s’est déroulé le processus de la négociation de sens au sein de la CoP lors du développement d’un dispositif de développement professionnel?

Question 2 : Quels ont été les objets de la négociation de sens axés sur le dispositif de développement professionnel?

Question 3 : Quelle fut la configuration du dispositif de développement professionnel obtenu par voie de négociation de sens?

(30)

18

1.5 Pertinence de la recherche

En contexte de réforme scolaire, un dispositif de développement professionnel, s’il existe, peut jouer un rôle essentiel dans le processus d’actualisation des pratiques (Fullan et Hargreaves, 1992; Guskey, 2002; Osterman et Kottkamp, 2004). La documentation scientifique et professionnelle fait une corrélation forte entre la réussite des réformes scolaires et le développement professionnel (CSE, juin 2014). Villegas-Reimers (2003) en parle en termes de relation bidirectionnelle selon laquelle les réformes n’ayant pas tenu compte du développement professionnel des enseignants n’ont pas eu le succès escompté et qu’il en était de même des activités de développement professionnel qui n’ont pas pris en compte les réformes. Pour McLaughin et Oberman (1996) et Scribner, (1999), les réformes éducatives et le développement professionnel des enseignants doivent être menés de concert du fait de la relation symbiotique qu’ils partagent. Van Driel et d’autres (2001) associent des résultats décevants de réformes de l’enseignement des sciences dans plusieurs pays au fait que ni les connaissances, ni les croyances ni les attitudes des enseignants n’avaient pas été pris en compte lors de la planification des changements souhaités. Il va sans dire que pour le MELS, le succès de la réforme reposait, entre autres, sur l’existence d’un dispositif capable d’accompagner les changements souhaités (Carpentier et Lessard, 2010). Abordant dans le même sens, le Comité d’orientation pour la formation continue en enseignement (COFPE, 2000) reconnaissait la nécessité d’instaurer un dispositif de formation continue et formulait des recommandations pour ce faire, entre autres, celle de « Concevoir la formation continue en réponse à un diagnostic des besoins individuels et collectifs définis par les enseignantes et les enseignants (COPFE, 2000, p.47) ».

Le domaine de la formation continue des enseignants est relativement jeune considère Vaniscotte (1995). Plus encore, le positionnement de la CoP, de même que l’intégration des TIC dans le dispositif de développement professionnel du personnel pédagogique y sont encore à leurs débuts (Laferrière et Allaire, 2010). Or, en cette matière, entre 1998 et 2004, peu d’études ont examiné l’incidence des programmes ou des stratégies de formation continue (Deaudelin et al 2005).

(31)

19 L’apprentissage collectif mobilise maintenant l’intérêt de la communauté scientifique. Toutefois, peu d’écrits se concentrent sur la négociation de sens hormis laquelle ce type d’apprentissage est inconcevable. D’autant plus que, dans les rares écrits existants, l’effet de la configuration de la plupart de nos organisations, celle de constellations de pratiques, une notion de Wenger (2005) que nous détaillons plus loin, est ignorée.

Dans cette recherche, nous documenterons une démarche de praticiens qui travaillent à faire avancer un domaine de savoir qui est le leur, selon une perspective d’apprentissage collectif. Ceci, qui correspond aux orientations du MELS, est préconisé dans plusieurs écrits comme étant une démarche professionnalisante (Conseil supérieur de l’éducation, 2004). En documentant cette pratique, nous ferons ressortir comment celle-ci est mise à l’œuvre. C’est dire que le modèle conceptuel qui s’en dégagera devrait intéresser le monde de l’éducation, par le fait qu’il rendra disponibles des repères et des outils à la communauté d’acteurs du monde scolaire qui souhaitent s’engager dans des activités d’apprentissage collectif auxquelles la négociation de sens ne peut échapper. Ce modèle devrait favoriser l’expression de savoirs expérientiels et tacites et permettre au personnel pédagogique d’actualiser ses connaissances en réfléchissant collectivement sur sa pratique en vue d’améliorer de façon négociée celle-ci (Schön, 1983; Chanier et Cartier, 2006) et donc de se développer professionnellement.

Par ailleurs, pendant que se poursuivent les recherches sur ce que devraient être les compétences et les connaissances scolaires dans un contexte de société du savoir, on peut ainsi avancer que les connaissances sont à construire ou à renouveler en matière de formation continue. S’y ajoute comme argument de pertinence scientifique que ce travail, en focalisant sur la négociation de sens, est de nature à fournir des éléments heuristiques à la communauté de chercheurs intéressés à l’apprentissage collectif. C’est dire que nous voulons contribuer à enrichir la base de connaissances commune qui pourrait servir d’appoint à d’autres recherches.

(32)

20

D’une part, dans notre démarche, il est soutenu que l’établissement scolaire est le cadre à partir duquel les enjeux de développement professionnel se doivent d’être pris en considération et analysés et les objets de formation être négociés et finalisés entre les acteurs (voir l’avis du Conseil supérieur de juin 2014). Or le modèle que nous tentons de dégager transcende l’établissement scolaire pour se situer au niveau d’une communauté de pratique directement rattachée au MELS. Ce débordement du cadre de l’établissement constitue une limite du modèle par rapport à la négociation de sens locale des objectifs de formation. C’est dire que les processus locaux (entendre au sein des écoles) de négociation de sens ne sont pas touchés par notre étude.

D’autre part, la négociation de sens dont nous faisons l’étude dans le cadre de cette recherche doctorale s’inscrit dans la perspective de Wenger (2005) qui l’envisage comme un processus dynamique et historique de production de sens, inclusif, fondé sur la mutualité, convergent, incomplet et contextuel dans le cadre d’une communauté de pratique.

Certes, d’autres auteurs se sont intéressés à la nature subjective du sens dans leurs travaux en le situant dans le cadre d’un collectif au travail. Nous en avons parlé dans la section précédente. Rappelons que Weick (1995), de qui notre perspective d’étude se rapproche le plus, en parle en termes de Sensemaking en fondant son modèle sur le principe que c’est en s’appuyant sur leurs connaissances, leurs expériences et leurs valeurs que les acteurs envisagent une situation donnée. Certes, le modèle de Weick (1995) partage des similarités dimensionnelles avec la négociation de sens de Wenger (2005), mais notre perspective est d’étudier la négociation de sens dans le cadre d’une communauté de pratique. Le fait que Wenger est le seul à parler de négociation de sens dans ce contexte est une limite théorique majeure de ce concept par rapport à la littérature existante.

(33)

21

CHAPITRE 2 : CADRE THÉORIQUE

Après s’être concentrée sur les caractéristiques des écoles efficaces et du leadership du chef d’établissement – que d’aucuns inscrivent dans le paradigme de l’organisation formelle (Roberts et Pruitt, 2009; Leithwood et al, 2004; Purkey et Smith, 1983, Sergiovani, 1992) –, la recherche sur les réformes scolaires et sur l’amélioration de l’enseignement tend à refléter, depuis la publication de la Cinquième discipline de Senge (1990), une vision des écoles en tant que communautés d’apprentissage (Blankstein, Houston et Cole, 2008; Hord et Sommers, 2008) et une conception collective du développement professionnel des enseignants.

C’est dans cet esprit que, selon nous, les orientations du MELS inscrivent le développement professionnel des enseignants. Plus précisément, c’est la perspective sociale de l’apprentissage (Lave et Wenger, 1991; Brown, Collins et Duguid, 1991; Wenger, 2005) et la perspective systémique (Senge, 1990) qui suggèrent d’intégrer les besoins individuels, collectifs et organisationnels dans l’offre et l’organisation de la formation continue. En effet, pour relever les défis que soulève la réforme scolaire (2000) et se doter de structures capables de faire face aux changements en vigueur ou à venir, les orientations du MELS (1999) réfèrent explicitement à la communauté d’apprentissage pour transformer l’établissement scolaire en une organisation apprenante (Carpentier et Lessard, 2010). Or, l’émergence de celle-ci exige que les enseignants puissent disposer a) de temps pour échanger puisque la collaboration est un aspect fondamental de l’apprentissage collectif, b) du soutien constant de la direction, c) de l’information requise et d) de la facilité à se rencontrer (salles de rencontre, bureaux ou classes à proximité) entre collègues, précise Senge (1994). On peut ainsi, en regard de cette intention sous-jacente aux orientations du MELS, noter la relation et le rapprochement faits entre les concepts d’organisation apprenante (OA) et de communauté d’apprentissage professionnel (CAP) ou de communauté de pratique (CoP) lesquels mettent en évidence l’idée de compatibilité et de convergence de buts.

(34)

22

Alors que les CoPs sont omniprésentes (Wenger, 2005), les CAPs (Dufour et Eaker, 1998; Hord, 1997; Dufour, 2003) sont localisées exclusivement dans le domaine de l’éducation, sises dans l’établissement scolaire où elles jouent un rôle-clé de développement professionnel au sein d’un cadre éducatif et collaboratif formel (Akkari, 2006; Pillonel, Luisoni, Rouiller, 2010). Outre les enseignants, les CAPs peuvent regrouper différents acteurs assumant divers rôles au sein de l’établissement. Pour Kruse, Louis et Bryk (1995) Roberts et Pruitt, (2003-2009) ainsi que Dufour et Eaker, (1998), le dialogue réflexif, la centration sur l’apprentissage de l’élève, la mise en commun des pratiques d’enseignement communes quant à la mission de l’école sont des caractéristiques des CAPs dont la raison d’être est l’amélioration des résultats scolaires des élèves et de l’établissement, la collaboration entre pairs, le partage des valeurs et de normes. S’y ajoutent des conditions organisationnelles favorables comme du temps accordé pour des rencontres et des discussions, la création de structures de communication, etc. La disponibilité de ressources humaines ou sociales au service du développement des compétences professionnelles, à l’ouverture ainsi qu’à l’amélioration et à l’innovation, le soutien continu des leaders scolaires rappellent l’OA et une forme de CoP, celle qualifiée d’intentionnelle car pilotée par un supérieur hiérarchique et, en l’occurrence, le chef d’établissement. Cette dernière est traitée plus loin. Speck (1999), Roberts et Pruitt, (2003) font remarquer que la création d’une CAP est la tâche la plus urgente du directeur d’école.

La proximité et la convergence entre les concepts d’OA et de CoP qui se fondent sur l’apprentissage collectif par l’engagement actif dans la pratique commune apparaissent aussi dans nombre d’écrits (Wenger, 2005; Chanal, 2000). Par exemple, l’OA et la CoP pilotée du haut de l’organisation (ou intentionnelle) focalisent sur les pratiques, privilégient la création collective de signification, misent sur le développement professionnel des individus pour soutenir le développement de l’organisation. La notion d’interrelation entre les sous-systèmes chez Senge rappelle celle de constellation de pratique ou d’interaction chez Wenger lorsqu’il décrit les communautés de pratique. Les deux concepts accordent une place prépondérante à la collaboration. Ainsi, nous voyons des manifestations de l’OA dans la CoP et tablons sur ces faits. Ceci nous suggère qu’en exploitant ces aspects, on peut miser sur la CoP pour évoluer vers une OA. Notre perspective est donc la suivante : la CoP,

(35)

23 celle qui est pilotée, est une voie possible et compatible avec la création d’une organisation apprenante.

Des rapprochements peuvent être faits entre la coélaboration de connaissances (Scardamalia et Bereiter, 1994) et l’OA. Dans la perspective de Scardamalia et Bereiter (1994), la coélaboration de connaissances décrit le processus social par l’intermédiaire duquel les individus de l’organisation interagissent de façon à créer des connaissances nouvelles (Paavola, Lipponen et Hakkarainen, 2004). Ces auteurs font aussi remarquer que la perspective d’apprentissage de l’organisation dépasse celle de la simple acquisition d’informations qui n’est pas alors l’objet principal de l’organisation en l’occurrence, mais plutôt celui de création de connaissances. À l’instar de l’OA, c’est un apprentissage collectif qui, induit durant le processus de coélaboration de connaissances, est orienté vers la résolution des problèmes, la production de nouvelles idées et l’avancement des connaissances communes.

L’organisation apprenante (Senge, 1990), la communauté de pratique (Wenger, 2005), la coélaboration de connaissances et la négociation de sens constituent le cadre d’analyse de notre étude. Nous voulons avant de continuer apporter la précision suivante. Bien que nous ayons fait référence plus haut à la communauté d’apprentissage professionnelle qui est située dans les limites de l’établissement scolaire et qui est une des tâches principales dévolues au directeur par la documentation scientifique et professionnelle, elle ne fait pas partie du cadre d’analyse retenu dans ce travail. De plus, comme nous l’avons mentionné précédemment, cette étude transcende le cadre de l’établissement scolaire.

(36)

24

2.1 L’organisation apprenante (Senge, 1990)

L’organisation apprenante est définie par Senge (1990, p.18), qui s’est plus intéressé au monde industriel, comme un lieu « où les personnes améliorent constamment leur aptitude à créer les résultats qu’elles désirent vraiment, où les nouveaux modèles communicatifs sont encouragés, où on laisse libre cours à l’aspiration collective et où les personnes apprennent continuellement à apprendre ensemble ». Senge soutient que bâtir une telle organisation procède de la pratique combinée des cinq disciplines suivantes : la pensée systémique, la maîtrise personnelle, la remise en question des modèles mentaux, la construction d’une vision partagée et l’apprentissage en équipe. Nous résumons ci-dessous ces disciplines. À noter que Senge définit la notion de discipline comme un corps de doctrines et de techniques qui doivent être maîtrisées et approfondies avant d’être pratiquées.

La pensée systémique ou la cinquième discipline

La pensée systémique est un cadre conceptuel, un ensemble de connaissances et d’outils, développés depuis une cinquantaine d’années pour comprendre les phénomènes dans leur intégralité, et aider à les transformer réellement. Elle permet d’intégrer les disciplines et de les combiner en un ensemble de théories et de pratiques.

Acquérir la maîtrise personnelle

Cette discipline est le lien entre l’apprentissage individuel et l’apprentissage organisationnel. La maîtrise personnelle est une discipline d’apprentissage et de développement personnel qui trouve sa source dans la compétence et le talent. Sa pratique consiste, d’une part, en l’effort continu de préciser ce qui est important (entendre la vision) et, d’autre part, d’analyser notre réalité quotidienne. De la juxtaposition de ces deux attitudes naît une tension créatrice. La maîtrise personnelle est alors l’aptitude à maintenir des tensions créatrices tout au long de la vie. Dans ce contexte, apprendre ne signifie pas amasser des connaissances, mais plutôt atteindre les objectifs que nous nous sommes donnés. Par exemple, la maîtrise personnelle considèrera l’échec comme un écart entre une vision et la réalité, une occasion d’apprendre, de mieux appréhender une situation ou d’affiner une stratégie.

(37)

25

Clarifier et remettre en cause les modèles mentaux

Les modèles mentaux sont des représentations, des schémas ou même des images profondément inscrits dans les esprits et qui façonnent notre compréhension du monde et nos actes. Ils fondent nos a priori et nous incitent à préjuger de ce qui peut être envisagé ou non dans une situation donnée. Ces modèles mentaux, écrit Senge, sont responsables de l’échec de maints projets dans les organisations. La maîtrise des modèles mentaux consistera donc dans l’apprentissage à repérer ces images de l’esprit, à les tester et à les améliorer. Chez les théoriciens de l’action, la maîtrise des modèles mentaux se rapproche de la rationalité pratique qui correspond aux savoir-faire de réflexion et d’examen. Ces savoir-faire consistent en une métaréflexion sur la construction de ces modèles mentaux, leurs effets sur nos décisions et nos relations avec les autres notamment dans la gestion de problèmes complexes et conflictuels. Schön (1990) parle de la réflexion dans l’action qui réfère à la capacité à observer sa propre manière de penser tout en agissant.

Construire une vision partagée

Construire une vision partagée consiste à lier ensemble des hommes et des femmes autour d’une identité et d’une destinée communes : « partager une vision commune de l’avenir que nous désirons créer » (Senge, p.24). Cependant, pour se réaliser, un tel projet nécessite une démarche d’adhésion authentique, seule garante d’un engagement individuel et collectif. Là où la vision est partagée, les gens apprennent et donnent le meilleur d’eux-mêmes, pas parce qu’on leur demande, mais parce qu’ils le veulent, écrit Senge. Chez Snyder, Dowd & Houghton (1994), « Shared vision creates a commonality of interests that enables people to see meaning and coherence in the diverse activities of the typical workday » (p.77). On retrouve aussi l’idée d’engagement et d’authenticité comme condition de mobilisation et de réussite de projets collectifs chez ces deux auteurs qui poursuivent en ce sens : “The realization of a shared vision results in the “alignment of individual energies of all who take part” (p.77). Wenger souligne que l’engagement est une des dimensions clefs des communautés de pratique, alors que, pour Sharma (2001) et Ballet, (2005), cette notion est un facteur important dans la construction du capital social de l’entreprise.

Références

Documents relatifs

Based on the similarities with the proton spectrum from 23 Si decay (top), we propose that the charged particle group in 22 Si is due to β-delayed two-proton decay from the IAS

This paper presents the methods that have participated in the SHREC’20 contest on retrieval of surface patches with similar geometric reliefs and.. the analysis of their

This adds new difficulties in the definition of market mechanisms for public goods provision, To deal with this case and complement this exposition, a companion paper [17] will rely

Même si les précurseurs dans le domaine de la recherche sur le développement professionnel sont en majorité les laboratoires anglo-saxons ou québécois, le thème du

Afin d’améliorer le temps d’exécution de cet algorithme, nous proposons une version parallèle de ce dernier dans le cadre d’un réseau de radio cognitive...

Les aimants dipolaires utilisés pour courber la trajectoire dans les synchrotrons, même si les pôles sont parallèles (l’indice de champ est nul), peuvent assurer une

I wish to extend my sincere thanks to the Department of Foreign Languages at Mentouri University, Constantine. I also want to show gratitude to Pr. Abdelkrim Kibeche, Department

L’entretien professionnel – spontanément nommé encore « entretien d’évaluation » – est présenté par certains comme une « formalité administrative » obligatoire tant