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Pierre-Henri Simon, romancier moraliste.

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(1)

by

.. SONAC, Alda

A thesis submitted to .

the FacultY,of Graduate Studi~s and Research McGil1 University,

in partial fulfilment of the requirements for the degree of

Master of Arts

Department of French Language August 1967

and Literature

(2)

ABSTRACT

Pierre-Henri Simon, roma~cier moraliste

Sans avoir atteint la grande notoriété, Pierre-Henri Simon" de l'Académie Franç·aise, critique littéraire du ~" est un des "notables" de la République des ·Lettres. Ce

professeur humaniste" formé par la discipline catholique" a élargi libéralement sa première conception de l'homme idéal. Classique de nature" il a dès ses premières oeuvres défini l'humain comme une volonté au service de l'intelligence lucide et d'un besoin profond d'ascèse morale. Cherchant laplus large audience à 'cette philosophie" il s'est essayé, depuis vingt ans, de la présenter sous une forme romancée. Le présent mémoire étudie ces romans dont la valeur littéraire est

in-déniable mais dont l'attrait romanesque est discuté. Il dégage les traits caractéristiques du "héros simonien"" en constate la permanence et en apprécie la portée. Il rend hommage à la grande élévation de pensée de P.-H. Simon" mais aboutit à la conclusion que cette oeuv~e ne peut satisfaire que les lecteurs qui partagent au départ l'attitude humaniste de l'auteur. Ce sont des lIexercices de style" d'un lettré . non des créations originales.

(3)

Page INTRODUCTION _ _ _ _ _ _ _. e _ • _ _ _ _ _ _ •. _ 1

CHAPITRE l L'Univers du moraliste

19

CHAPITRE II ~ L'Ascèse

••

41

CHAPITRE III - La Faiblesse humaine

• •

60

CONCLUSION _ _ • • • • _ _ • • • _ _ _ • • _ _

74

(4)

l N T R 0 DU CT IO N

De son propre aveu, Pierre-Henri Simon n'a pas encore

connu la grande notoriété. Dans son auto-portrait, Ce que

je 'crois, écrit en 1965, il note en effet, non sans mélancolie :

;; ( - ." "

••• j'ai, lentement, conqui,s, une honorable aUdienée,

mais je ne puis me faire d'illusion: je n'ai

p~s

imposé ma voix

à

mon temps. Nôn que j'eusse

espéré d'être un soleil au.èiel'des'lettres; mais

j'aurais.voulu, par un petit nombre de livres

accomplis et personnels,conquérir une position

incontestable, au lieU de quoi j'ai,éparpillé

près

de

quarante volUÎnes, ,.

consacr~s'

pour la

plupart

à

discuter les idées

de

tout le monde

et les ouvrages des confrères •••

l

Malgré cette profession de modestie,' lé 10' novembre

1966, après trente-cinq ans ,dl activité, littéraire, llAcadémie

Française l'a élu au,raùteuil

de Daniel~Rbps.·

Cette élection

a été accueillie avec faveur par la presse française et

à

suscité un regain d

1

intérêt' pour le'nbuvel "Immortel

lt •

_ .

'

-Cet

~vènement ~es

lettres,françaises nia pas laissé

l'opinion canadienne indifférente et, en particulier, les

journaux de Montréal ont consacré

à

P.-H. Simon des articles

très' sympathiques car il est bien connu au Québec non

seule-ment par les étudiants de l'Université de Montréa12, mais

1. Simon, Pierre-Henri, Ce que je crois, p. 184.

2. P.-H. Simon est venu au Canada et a professé

à

l'Université

de Montré8.l en 1950 et en 1953. Son talent de conférencier

suscita l'enthousiasme de son auditoire au point d'emplir le

grand amphithéâtre de l'université. Cet accueil chaleureux

laissa une impression très favorable au conférencier. D'où

la sympathie de P.-H., Simon pour le Canada Français, et,

peut-être, le choix

de

Montréal comme cadre de son épilogue inédit

au deuxième volet de Figures

à

Cordouan: Le Somnambule.

(5)

aussi par les téléspectateurs des programmes 1it~éraires de Radio-Canada 1. Par ailleurs, en 1961, le Cercle du Livre de France avait édité Le SOmnéllllbUle , premier volet de FigUres

"à ..

Cordouan, ce' qui, permet d'assumer que P .-H. Simon s'était déjà assuré un public attentif' et accueillant dans le domaine de la fiction littéraire.

Comment concilier cette popularité qùi a traversé l'At1antique,avec la mélancolique remarqùe de Pierre-Henri Simon, avec ses regrets d'avoir "éparpillé" quarante volumes,

. ,.,.. . -

-gaspillé son talent et négligé la promesse qU'il portait en lui? Heureuse négligence qui lui a vaJ.u une place sous la Coupole' Un rapidaexamE!ln de sa carrière et de son oeu~e

-permettra, nous 1Iesp~rons, de résoudre cette apparente contradiction.

Né le 16 janvier 1903 d'une vieille famille sainton-geaise, établie depuis plusieurs générations au bourg Saint-Fort-sur-Gironde, Pierre-Henri Simon connut au cours de ses premières anriées l'euphorie

de

la Belle Epoque. Education

catholiqu~, milieu aisé, conservateur et tranquille, tout le desLinait

à

cl.eyenir "netable" de Jonzac, chef-lieu de

- -

-l'arrondissement, où son père était notaire. En 1910, après quelques jours à l'école publique - et la!que , - de Saint-Fort

1. En plus de ses "longs séjours'~, (septembre-décembre) de 1950 et 1953, P.-H. Simon est revenu à MontréaJ. én 1962 pour trois semaines consacrées à enregistrer des causeries télévisées à'Radio-Canada. Il a également prononcé .deux conférences à l'UniverSité de Montréal en date du 28 sept-embre et du ~ octobre, intitulées respectivement :

"Réflexions sur la situation actuelle de la langue et de ,la littérat~e françaises" et "Anti-roman 'A-Littérature',

impasse ou crise de croissance de la jeune littérature -française".

(6)

3

-le petit Pierre-Henri fut retiré d'une institution dont l'anticléricalisme était militant pour être confié à son

~and-père~ pharmacien" "humaniste" et. lIanti-dreyfusard"l. A la mort de ce dernier" au début de la première guerre mondiale" l'instituteur et le curé, secondés par la mère de notre auteur, prirent ia relève. A q~inzeans, P.;"H. Simon fut inscrit comme pensionnaire à.l'école Fénelon, collège con~éganiste de La Rochelle, et y coula des années laborieuses mais "mornes et mortes" ~ Après avoir obtenu son baccalauréat, i l grossoYa pendant un an à ].' étude pa-ternelle. Puis ce fut Parisl L'apprenti-notaire devint

-

-khâgneux à Louis-le-Grand, entra rue d'Ulm en

1923

et passa; en

1926

l'A~égation de Lettres. Cette période parisienne est décrite dans ~e . que je crois:

••• un milieu d'intelligence prusquement

élargie, une force vive de l'esprit ~écouvrant

l'espace immense des idées, un épanouissement du coeur rencontrant la multitude des hommes • ~. 3 Toutefois, par "constance de pensée et de coeur" , par fidélité aux principes barrésiens de l'enracinement, la culture de Pierre-Henri Simon demeura d'essence classique : le mouvement surréaliste, par exemple, ne l'effleura même pas. n'autre part,en présence des idées et de la culture profane, son catholicisme subit une crise, mais une crise feutrée qui ne mit pas sa foi à une véritable épreuve.

1. Simon, Pierre-Henri, Ce que je crois, p.

23.

2. Ibid., p. 29.

(7)

Il l'avoue avec· discrétion:

••• une rupture violente et temporaire aurait sans doute mieux valu que la fidélité diffuse où les voix du doute

et du refus s'assourdissaient ·sans s'aboiir ••• l Sonnne toute" ie jeune étudiant ·demeura catholique pratiquant: ses condisciples de l'Ecole le classèrent" avec raison" parmi les "talas"" sobriquet qui désignait,à

-

-Normale" les catholiques qui allaient-à-la~messe •. Cette

. " .

- - - .

fidélité religieuse,soutenue par la pratique régulière du .cul.te" fut toutefois éclairée par une formation . solide et

sans "conformisme intellectuel't.. Si par loyauté

à-

ses ascendants" P.-H. Simon se garda catholique~ ce .fut. un

. . . '. ."

catho~que moderne" l·ibéral" averti" au courant. des problèmes" et conservant ses droits à·la raison et au libre-arbitre. Déjà" nous voyons se profiler les deux pôles de l'éthique simonienne: fidélité et indépendance d'esprit ..

. .

-Un étudiant des années

'25

ne pouvait se désintéresser de la politique active".surtout quang il était Normalien. QUe P.-H. Simon ait éprouvé" au cours de son adolescence de

la sympathie pour les doctrines maurrassiennes n'est pas fait pour surprendre. Mais la condamnation de l'Action Française en 1926 interdit aux catholiques de militer dans le mouvement intégriste. Aussi notre Normalien se tourna-t-il vers les Jeunesses Patriotes2" heureuses d'accueillir un intellectuel éloquent; P .. -H. Simon y apprit les dessous

1. Simon" Pierre-Henri" Ce que jacrois" p.

33.

(8)

·.

de la politique pratique~ ce qui le découragea, heureusement, de poursuivre une carrière électorale. Sa générosité natu-relle le portait en même temps

à

s'inscrire aux Equipes Sociales de Robert Garricl : il y fit un apprentissage du sYndicalisme catholique et des "problèmes ouvriers qui l' a profondément marqué. Son "libéralisme" y a donné. toute sa mesure.

-

-Le jeune professeur agrégé devait débuter dans la carrière enseignante dans des lycées de province. Mais si Saint-Quentin et Chartres accueillirent le pédagogue, c'est

à

Paris que

l'écrivain devait naturellèment faire

ses-pr~mièr~s

armes. Un peu de journalisme

à

Sëpt et

à:

Temps Présent; pour. commencer.

Puis~ dès la fondation de la re~e Esprit par Emmanuel Mounier en 1932, P.-H. Simon se joignit

à

l'équipe. Il avait~ l'année précédente 'publié son premier roman, aujourd'hui introuvable,

-Les Valentin. Il était donc engagé

à

fond dans le mouvement d'idées qui emportait sa génération et reprenànt la devise

-de Térence: i~ ..

;ni!

a me alienum puto", il s' a~tachait,

. .

par la parole et par la plume, aux questions d'actualité comme aux problèmes de fond~ qU'ils fussent du domaine littéraire, ou de ceux de la politique, de la religion ou de la philosophie. Dès avant la trentaine, Pierre-Henri Simon, s'affirme donc

comme un "intellectuel engagé" conscient de sa responsabilité de citoyen libre et de catholique progressiste. Encore faut-il préCiser le sens de cet engagement dans l'optique simonienne :

••• Si l'on entend que l'écrivain sa doit

(9)

d'~tre l'engagé volontaire d'une cause politique, prenant en tout le point de vue du partisan ••• il est évident qU'on

se trQmpe et qU'on le fourvoie.: l'inter-vention du clerc dans les débats de_la

cité n'est justifiable ounécéssaire qU'autant qU'il a égard aux valeurs constantes et.··

universelles qui s'y trouvent impli~uées, ce qui transporte la polémiquem~me dans lat lumière ·de la souveraineté et de .la liberté sPirituell~l

-Cela n'empêche pas· 1'écrivain de rendre témoignage : ••• La déposition véridique et grave d'un homme au procès de Ithomme, la prise de

conscience personnelle d'une situation, généralement historique au point de départ

mais qui débouche sur une dimension métaphysique·, puisque les relations du monde intérieur aussi bien que de la vie morale et sociale y sont ordonnées

à

quelque absolu ••• 2

C'est donc l' engagement ·d'un.·humaniste. convaincu qui

refuse la thèse de Julien Benda (La Trahison des clercs,.1927), assumant les obligations de l'intellectuel de 1930 qui se.doit de descendre dans l'arène et débattre sur la place publique

-dès que les valeurs transcendantes sont mises en cause. Ces valeurs, que reflète une littérature, sont la.raison d'~tre

du clerc moderne, et c'est en ce sens que,. pour Pierre:-Henri Simon, la littérature n'est pas séparable de la vie.

Cette conviction lui demeurera, et c'est pourquo~dans.,

les années '50, nous le verrons faire sa déposition conscien-cieuse et vaillante lors de la guerre d'Algérie. Au cours de cette épreuve nationale il publie Contre la torture et Portrait d'un officier. Dans une France profondément divisée, la violence

1. Simon, Pierre-Henri, Ce que je crois, p. 181. 2. ~., p. l82~

(10)

... 7

-des passions pouvait conduire

à

l~guerre civile.

Dénon-ciations~ procès, inculpatiens, incarcérations se succédaient. Pourtant, Pierre-Henri Simon n'hésita pas

à

élever la vÇ):l.x :

"

•• • il'

ai crié assez haut ce que j'ai cru devoir dire, et je ne saurais cacher qU'il m'en a coûté;'car je portais de l'eau au moulin d'un antimilitarisme dont je n'étais pas solidaire, et à la propagande de ceux qU'il fallait bien appeler provisoirement l" ennemi' puisqu'ils faisaient couler le

sang français; mais'le courage' était d'avancer dans cette équivoque. l ,

~!"nant position contre le refus de la'guerre, des uns'et le recours à la terreur des autres, son message proposait

nd'acc;erder ,la conscience et l'action, l' esprit et l'histoire".

,.. . ....

l'empire lumineux des valeurs et, les confuses préssions de la

vië' •• •

1t2. Les' soluti~ns peuvènt Gtre tragiques 'llparce que

jamais êvidentes"

~ afr~e~

Pierre-Hènri simon.

Ce

mo~vement

de protestation contre les extrémistes" ênrant, P.-H. Simon l'avait aperçu' ,chez son granci;';;pèrë

qUi, ", .

~

devant l'attitude intégriste et légitimiste d'un vieil oncle, assumait un "esprit . voltairien et francien".. Il l ' avait

. .

-observé également chez sa mère, intelligente et cultivée,

ayant élargi sa culture 'jusqu'à Flaubert et Renan~ et qui avait acquis une réputation de "mauvais esprit". Elle relevait le défi en lisant la Vie de J~sus pendant la Semaine Sainte

3•

La famille comptait même des oncles "mécréants et dreyfusards".

1.

Simon, Pierre-Henri, Ce qùe je crois, p.

49.

2. Ibid., p.

·49.

(11)

,

,"

La famille de P.-H. Simon reflète donc un climat individu-~iste, libre et réfractaire aux: abus. C'est pourquoi au collège de La Rochelle pour rêagir contre les blancs : nvendéensméprisants", P.~H. Simon exaltera les idées

répu

-blicaines. ,Plus tard en khâgne, son adhésion au mouvement "talait sera-:d'autant plus ouver~e qU'elle affirmera sa liberté de choix "en:milieu hostile, la!que, agnostique ou athéenl• D'ailleurs, l'animateur du mouvement était un grand individua- '

" "

-liste à, l'exemple contagiew:c: M. Portal était un lazariste qui avait oeuvré sous le pontificat de Léon XII~ dans un esprit oecuménique et avait été ensuite "durement barré par ' Rome n2 ." Il s'était soumis au Vatican mais avait conservé ses convictions internes. Aussi, pour Pierre-Henri Simon, la soumission

à

l'autorité hiérarchique ou étatique ne ,peut être, envisagée qu'à condition de ne sacrifier ni sa liberté intérieure : "liberté de ••• juge~ents et de ••• goûts"), ni son individua-lité.

Le même attachement

à

la liberté s'était manifesté 'également quand, détaché par l'Université de France, P.-H. Simon-avait enseigné aux: Facultés Catholiques de Lille. L'étroitess'e

d'esprit de ses coreligionnaires dut lui peser car, pour affirmer

1. Simon, Pierre-Henri, Ce que je crois, p. 31. 2. Ibid., p. 31.

(12)

son droit au libr.e examen, i l publia en 1936 (alors même qU'il occupait une'chaire

à

Lille) un " livre agressif :

. -' . - . ".

Les Catholiques, la politique et l'argent. C'était risquer une situation commode et"qui lui 1I1aissait plus de loisirs qU'une chaire de Lycée pour (§es) activités d'écrivain et de-publiciste n•1 "Le polémiste voulait flétrir le lien qui existe entre l'attitude nconservatrice et réactionnaire

habituelle aux- milieux c~tholiquesn2 et les intérêts d'argent

-des capitalistes. Venue du se~ m~me d~un tel milieu, la dénonciation irrita l'opihion des catholiques zélés, et le patronat 1illois menaça même

d9

couper les vivres

à

l'Institut Cathol~que. Une campagne menée par l'Echo de Paris faillit collter sa ch(}i. ... e

à

P.-H. Simon. Cet épisode agité, tout en "

conf~ant la thèse du pamphlétaire, finit par tourner en faveur des hommes dlEgl~se qui, à cette occasion, témoignèrent dl"un libéralisme et d'une dignité" exemplaires en respectant . ~ . '-, la "liberté de parole de leur professeur sur les questions ne touchant ni au dogme ni à la morale.

3

Mais, Pierre-Henri Simon réintégra l t ensàignement public," ne voulant ni [se]

sentir gêné dans une institution d'Eglise, ni lui causer des embarras"par lt"indépendance

ll4

de ses écrits. Son apprentissage des questions épinel1ses et controversées avait commencé ainsi. De plus, la double expérience d'enseignant dans des lycées d'Etat et des établissements religieux, s'ajoutant

à

son

1. S~on, Pierre-Henri, Ce gue je crois, p. 39. 2. ~, p. 41.

3. Ibid., p. 43.

(13)

expérience d'élève inscrit dans un collège congréganiste et finissant ses é~udes à Normal~" donna à' P.-H. S!.mon Une vue globaJ.e des problèmes de l.' enseignement: l'école et la famille entre l'Eglise et l'Etat. Il avait consacré dès

1934

un livre pertinent à ce dilemme pédagogique: L'Ecole

ei

la Nation. A~ects de l'Education Nationale.·

Mobilisé èn

1939

comme officier de réserve" Pierre-Henri Simon fut fait prisonnier en

1940.

Sa captivité dura cinquante-neuf mois. Ces années passées dans les oflags (dont celui de Lftbe~k, pour sonrëfus de la France de Vichy)"

';-lui imposèrent de "mornes·et inépuisables loisirs" qU'il ..

. utilisa

à

méditer" lire et écrire~, ~Il se tourna vers la poésie (Recours au poème" Chants du captif)~ S'il trouva

consolation dans le

l~fs~e

personnel, il fit aussi porter son analyse aigRe sur les problèmes politiques les plus

actuel!3 (Prép~~r l' aprè~-guerre et La France

à

la recherche d'une conscience) •. De plus" i l enseigna. Il fut exposé à

. J

un brassage d'idées et de mentalitésde milliers d'hommes de "toute origine et de toute cultureltl que seule-une guerre aussi monstrueuse et d'une telle étendue pouvait rendre possible. Par son activité écrivante et par cette confron-tation quotidienne d'opinions et d'idées, P.-H. Simon sortit enrichi de l'épreuve.

Après la Libération" la carrière de P.-H. Simon rebondit. La captivité ayant accru son expérience humaine avait fait

(14)

11

-renaître en lui sa veine de romancier: il publia une

série de romans qui font l'objet de ce mémoire.

Q~ant

à

son expérience de critique universitaire, ses lectures

et les cours professés 'derrière les barbelés, l'avaient

lentement mBrie et augmentée. Or, cette méditation des

oeuvres d'avant-guerre se trouva en contraste violent avec

la philosophie qui triomphait en

1945~

et qui captivait la

jeunesse étudiante. 'Un écrivain de la. génération deP.-H.

Simon, PierreBrodin décrit cette époque dans Présences

contemporaines :

••• vérs

1945

la littérature était '\:Ingagée

tt .

dans l'action et la violence, elle

,revendi~

quait comme ;TJ.spirateursFaulkner, Kafkaj Sade

et Miller, et

l '

écrivain ,:v:ivait .q.ansun

climat assez nettement révolutionnaire., l

Pierre-Henri Simon retrouva Paris dominé par les idéologues

de

la révolte: Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir.'

Ces derniers avaient

ch.emi~é

sur

d~s

voies différentes de

la sienne. Leur contact avec la résistance commùniste leur

avait valu une position de "leadership" c:la.Ds la France libérée.

La voie se trouva tracée pourP.-H. Simon; comme critique

littéraire il opposera son humanisme catholique à l'humanisme

existentialiste. Dans ce procès de l'homme dont les

circons

-tances ont révélé l'absurde condition, il témoigne pour une

humanité finaliste:

••• mon refus du refus n'est pas tant conformisme

et paresse que réponse à_ce que je trouve en moi

+

de .plus vif: une intuition et un besoin des

1. Brodin, Pierre, Présences contemporaines, "Ambiance et Panorama"

tome

3,

p.

283.

(15)

valeurs permanentes, affirmatives et constructives, qui soutiennent aussi bien une personnalité qU'une culture et une civilisation. l

Il attaquera Sartre comme philosophe, romancier et chef ~école et lut opposera des formes d'humanisme qui lui semblent préférables. Ce qui expliquera ses essais (L'Homme en proc~s, Procè~ du héros, Témoins· de l'homme).-Il publiera- aussi des essais politiques (De la République, Les Conditions de la souveraineté populüre, Définitions pour servir

à

l'amitié française, L~ pr·oblème du chef de

-l'Etat). La troisième facette de l'oeuvre deP.-H. Simon est restée politique.

Parallèlement

à

ses activités sociales et littéraires P.-H. Simon reprit son enseignement. De

1949 à 1963,

il occupa la chaire de littérature française

à

l'Université

. .

catholique de Fribourg (SUisse), dorit il devint doyen de la Faculté des lettres en

1956-1957.

·Il collabora aussi

à

divers journaux et revues.

De sa chaire de Fribourg, P.-H. Simon vit la littérature d'engagement perdre du terrain. En effet un relâchement

se produisit en

1950

au profit d'une jel4"le école dite "légère" et qui dura jusqu'à la. crise algérienne. La nouvelle école faisait des nasardes. aux "grands-pères Bourget et Sartre", confondait malicieusement ~eurs arguments pour afficher une indifférence tapageuse.· Et la génération de

1950,

celle que Paul van den Bosch désignait comme "les Enfants de l'Absurdell

(16)

-13 ..

remplaç:ai t le prêc:q.'· mcral' par des .oeuvre s purement

"déc.oratives".De la prédicaticn existentielle l'absurde seul est resté. La ncu~iùle génératicn l'acceptait "avec la même sinlplicité qu' cn'accepte le tcnnerre, la thécrie

.

-de la relativité cu la bcmbe

à

hydrogène ••• It1. De leur

. , .

côté, les descendants du Surréalisme continuaient

à

t~ansfigurer la réalité. Au même moment, naissait une litté-. rature du signe et de l'objet. L"ère de l'anti-roman ccm-mençait. La, doctrine sartriE:mne qui avait été une réponse + aux prcblèmes "du siècle de la tortUre, du mcnde

concentra-.. ,

ticnnaire et de 'la bombe atomiquelt2' et qui risquait .selon . P.-H. Simon ,tde livrer l'individu aux cap~ices de sa

.1; subjectivité' •• . ::lavait ~cuti au désengagement ,et de là l

avait glissé

à

l',effacement puis à la désintégration de la

per~enne humaine. De 'Ïi~uveau, la voie à suivre~tait·'ciaire.

P.-H. Simon essaiera de sauverl1humain.

Comme critique .officiel du ~ dont i l tient la chronique littéraire depuis jui~

1961,

Pierre-Henri Simon deit, par conscience prcfessionnelle, mettre en valeur les qualités des .oeuvres qui s'acharnent contre Ilhumain. L'essayiste, par contre, ne manque pas de dénoncer avec vigueur l'esprit qui les anime. C'est ainsi qU'il rétablit l'équilibre "entre les deux cités de Dieu et de la terre1dj:.

1.

Brodin, Pierre, Présences contempcraines, p. 283. 2. Simon, Pierre-Henri, ,Ce Sua je crois, p. 201.

3.

Simon, Pierre-Henri, Histoire de la Littérature Française . siècle, t • 2, p. 180.

4.

Simon, Pierre-Henri, Ce sue Je creis, p. 98.

(17)

{I

Ecoutons l'essayiste faire le bilan de la littérature actuelle pour résumer le reproche qU'il formule contre le nouveau-roman :.

Humani~te)jly-trouve l'ho~epresque toujours. offense: exclu ou pris a la surface de ses perceptions partes objectifs de l'école du regard; ramené à ses conditionnements obscurs par les psychologues dits de la profondeur; écrasé par sa situa'liion" av:ili dans ses senti-ments et ses moeurs" suspendu entre le désespoir" la peaU. et le whiskY par les épigones,mâles et femelles,de l'existentialisme ••• Un relent de crasse" de vulgarité" de. débine entretenue, de

lit défait et de verres sales monte de la pile des livres" et c'est,hélasl le même qui vient de la foule intoxiquée par_lés médiocres irres-ponsables à qui la psychotechnique de la publicité et de la propagande a livré l'empire des

consciences ••• 1

Sont-ce là les propos d'un sceptique? P.-H. Simon les attribue plutôt

à

'\ln

'h~ànùimes~s ·ilius:i.~ntl:.

2 Réalist.e, il ne ferme pas les yeux sur la vie avec ses Itservitudes corporelles, tares héréditaires, lois économiques" chaînes' des passions et des vices, fragUité. des oeuvres" absurdité du destin, toute puissance de la mort ••• n3. -La "santé" pour lui "est une conquête de l'équilir-re, une victoire sur les forces aberrantes; et c'est même un m~uva~s signe quand elle n'est pas cette vOlonté- de lutte et cette énergie en éveil ••• I1~ Tout éveil suppose une prise de conscience" toute lutte

implique un choix, or, le nouveau-roman les exclut, n'aboutit

1. Simon" Pierre-Henri, Ce que je crois, pp.205-206. 2. ~., p.

47.

3.~." p. 212.

4.

~., p. 218.

(18)

J

qU'au vide. Adepte du primat de l'esprit" P.-H·. Simon ne peut accepter le non-sens.

Après avoir subordonné l'hoinme aux demandes 'de ses' glandes"

à

ses instincts 'refoulés, P.-H. Simon note que

. .

la littérature.tend·maintenant

à

le dominer par +a matière,

à t'écraser par les choses: machines" objets,,:~tc ••• : IIC'est ce que les .sociologu~s appellent la réif:i.:cationU -observe-t-il avec justesse lors

d'un

débat org~isé par La Table Ronde én mars

1966

l~' DI après lui le roman

contemporain met en lumière cet aspect destructeur de n9tre civilisation qui s'acharne sur llGtre'spirituel de

-l'homme. Le besoin ari?ificiel ~e posséder toutes. _sort.·es . ,

ci'appareils, d'en accumuler, d'acheter par esprit

d'ému-. .

lation" d'acquérir pour le prestige, en SOl),t les symptômes. L'homme

a~ète,

mange, se distrait, sous l'impulSion

~s

r~clames agr~ssives. Toute l'industrie le conditionne en ce sens.. Et~ partout" elle le remplace par des machi.':c~

perfectionnées et électroniques. Impuissant,l'hnrr..:r.e doit s'effacer ou se réorienter. Ce quiexpliqueralt" avance Pierre-Henri Simon, la tendance du nouveau roman ·à supprimer les personnages. Là encore P •. -H. Simon réagit

car il voit l'homme douter de sa propre réalité: "abaissé,

.

l'esprit insulté, l'espérance étouffée, le langage avili ••• n2 Devant ce reject de l'actif humain, Pi~rre-Henri

1. Simon" Pierre-Henri, IlLittérature Chrétienne?" in La Table Ronde No.

18"

mars

1966"

pp. 7~~9.

(19)

"e

Simon se révolte au nom

de l'humanisme, qU'il soit ,athée : "le plushéro!que peut-être, eri tout cas le plus difficile

A

pratiquer

.~.nl, ouq~'il

soit chrétien; au nom de cet

- .

humanisme qU'il définit:

••• fonds de santé, de sagesse, de culture, de religion ••• où l'homme a foi dans les 'énergies cie sa nature, et charge le héros, le savant~ l'drtiste et le sage de donner un sens

à

son

destin ••• 2 '

P.-H. Simon avait,entrepris et continue sa campagne contra toute litt,érature vidée des valeurs morales. Il refuse de désespérer de l'homme :

Si l'homme a nommé le mal" c'est que le principe du bien est enlÙi;,s'il est capable de se former une idée de l'univers plus belle que son spectacle, èt une idée

de sa propre nature plus grande et plus pure que la conscience de soi" c'est qU'il y n'est pas tout entier ligoté dans le fatal : et ce par quoi il échappe" de quel autre nom l'appeler que l,' esprit? 3

La foi en l'homme, en la vie, incite P.-H. Simon

à

poursuivre sa croisade :

••• trier dans la pensée et dans l'art, les germes de vie et de mort peut être.une fonction honorable et ••• même si elle doit demeurer

inutile ••• chacun,voit ce qU'il peut, étant ce qU'il est, et doit dire honnêtement ce qU'il voit j,pour moi, c'est la menace ,d'une faillite de l'homme dans la lumière de la plus extraordi-naire civilisation ••• Alors, que puis-je faire d'autre que ce que je fais depuis quarante ans, jour après jour, article après article,

1. Simon" Pierré-Henri, Ce que je crois, p. 208.

2. Ibid." pp. 25 et ,119 (voir aussi les pp. 124 et 208 où ëëtte définition est reprise et amplifiée).

(20)

17

-livre après -livre: exprimer dans la meilleure ~orme qu~ je puis ce que je crois

juste et salutaire? 1

Le moyen d'expression que Pis.rre-Henri Simon ~avorise

est le· roman. Pourtant" auc'un de ses ouvrages n'a été couronné p~ les grands prix littéraires. De plus" si nous consultons les listes des plus ~orts tirages publiés dans Les Nouvelies 'Littéraires du 7 avril ~955et couvrant la

à:éce~lni~ de 1945-1955, nous relèverons que Daniel-Rops

t:igure six ~ois avec des tirages variant entre 300.000 et 60.000 exemplaires. Un autre écrivain catholique et de la même ~arnil:)..e d'esprit· que P.-H. Simon, Gilbert Cesbron, y

, '

~igure cinq ~ois avec des tirages variant entre 220.000 et 90.000 exemplaires, alors, que notre auteur n' est même pas mentionné sur cette liste; i l avait pourtant reçu le "Prix du Renouveau Français" en 1950 pour Les Raisins Verts, et Les Hommes ne veùlent pas mourir ,lui avait valu le ttPrix des Ambassadeurs" en 1953. Signalons que sur la liste de 1956~ Cesbron ~igure, pOUl' Vous verrez le· cièl ouvert ~u septième ràng avec 80.000 exemplaires contre les 25.060. exemplaires de P.-H. Simon pour-son Elsi~or. Françoise Sag~ venait en tête de la liste avec 450.000 exemplaires pour

!!!?

certain sourire. En~in, en 1958, Gilbert Cesbron atteint 100.000 exemplaires pour Il est ~lus tard que tu ne penses, alors

qu'un ~trait d'un o~~icier. n'est tiré qu'à 17.000 exemplaires.

-

-Est-ce que l'époque trouve "déphasé" le message de

Pierre--

-Renri Simon? Est-il à ce point en désaccord avec son siècle?

(21)

Pourtant le sauvetage de l'humain a acquis la notoriété

à

son émule Gilbert Cesbron (voir Les Saints vont en enfer :

310 mille et Chiens perdus sans collier: 200 mille), alors

que P.-H. Simon n'a pu atteindre qu'un auditoire restreint

d'intellectuels et,de professeurs. Il n'a pu 'répandre les

idées qui lui sont chères :

••• je ne défends pas la répétition des idées'

et des formes, mais la permanerice de la logique

et du goût; je ne suis pas-contre les aventures

de l'intèlligence mais contre les offenses

à

l'esprit; et si je redoute la stérile inquiétude

des interrogateurs sans réponses et des casseurs

d'assiettes par plaisir, çe n'est pas pour louer

le conformisme béat· des héritiers sans problèmes

et des conservateurs par manie. l

Eveiller l'adulte, le rendre, conscient de sa personne

indivise corps et esprit

défaut d'âme), le rendre sensible

à

l'appel de la perfection dont il a soif sans parfois se

douter, lui faire comprendre qu'il est libre, donc

responsa-ble' de ses actes dans "sa ,circonscription", voilà l'axe de

la pensée simonienne.

L'objet du présent mémoire est d'étudier l'oeuvre

-romanesque où Pierre-Henri Simon a transposé ces idées et

qui n'a pas trouvé le succès; dl en dégager les thèmes

psy-chologiques, moraux, philosophiques sur lesquels il lIa

construite et d'apprécier en conclusion la qualité romanesque

pour essayer d'apporter une réponse

à

la question: le

public s'est-il trompé ou Pierre-Henri Simon s'est-il

fourvoyé dans le choiX de cette vocation?

(22)

CHAPITRE PREMIER

L'UNIVERS DU

MORALISTE

L'oeuvre romanesque de Pierre-Henri Simon comporte

"dix titres. Notre analyse portera sur les huit romans parus

depuis

1945.

Ce sont, par ordre chronologique

de

publica-tion: L'Affût

(1946),

Les

Rai~ins

verts

(1950),

Celle qui

. . '

-

- . .

est née un dimanche

(1952),

Les Hommes ne veulent pas mourir

(1953),

ElsWor

(1956),

Portrait <l'un officier

(1958),

Le

. . . ,

Sonmambule

(i,60)

;et Histoire d'un bon"heur"

(1965).

En

ce qui concerne les deuX romans apparemment négligés,

P.-H., Simon mentionne dans Ce que je crois un premier ouvrage

bmédiocre petit roman"

1

qu'il aurait publié en

1930

dans le

journal Le Correspondant. Nous savons, d'autre part, que

Les Valentin parut aux Editions de la Vraie France en

1931.

Il se pourrait que ce roman soit le feuilleton dont Ce que je

crois nous a révélé l'existence. P.-H. Simon est très discret

sur ses débuts littéraires ••• Il nous a été impossible

d'in-clure Les Valentin dans notre étude: l'oeuvre est devenue

-introuvable et la réimpression est hypothétique. Nous

regret-tons vivement

de

n'avoir pu le lire. Nous aurions souhaité

consulter ce que Sainte-Beuve considérait le document décisif,

le "premier feu rr2 qui révèle l'originalité vraie d'un tempérament

-et d'un talent. C-ette première impression nous a été refusée

1. Simon, Pierre-Henri, Ce que je crois, p.

38.

2. Sainte-Beuve, Charles-Augustin, Nouveaux Lundis III, Paris,

Lévy - La Librairie Nouvelle,

1870,

p.

25.

(23)

et nous ne pourrons nous livrer au passe-temps favori de Sainte-Beuve: la pourchasser à travers l'oeuVre entière comme la note tonale qui se répercute en sourdine, de livre en livre. .

Toutefois un examen serré des pages consacrées par notre mémorialiste aux années périphériques à 1930 nous livre' un indice sur cette inspiration originelle. Pierre-Henri Simon rapporte en effet· ses pre~ères tentatives littéraires dans les termes suivants :

Mon grand.bon4eur, en ces années-là, était de ••• rendre . sensible et séduisant le climat spirituel d'une famille 1nstallée dans ses traditions,

à

l'ombre du clocher carré, sommé de deux. coupoles, et dont les cloches depuis deux cents ans scandaient ses joies, ses deuils et ses espérances. Cette poésie coulait~dans.mon âme et animait mes premiers brouillons en ~ers et en prose, qui étaient plus touchants que fameux (un ami commun montra ainsi une ébauche de roman à Mauriac qui me rendit le serVice de me persuader de l'enfouir dans un tiroir).l

Tout en prônant les douceurs de la vie girondine tra-ditionnelie, le jeune jonzacais prenait part aux entretiens de ses amis, intellectuels Itfar<?uchement critiques et indi-vidualistes .. 2 avec l' animat~ur de leur groupe, 11 abbé Portal, humaniste chrétien, présenté dans notre Introduction. Ces conversations animées et graves devaient marquer profondément le futur écrivain. P.-H. Simon le constate :

Je ni allai. pas tarder à me persuader de ce qui deviendrait un des ~es de ma pensée :

1. Simon, Pierre-Henri, Ce que je crois, p. 32. 2. Ibid.:, p. 32.

(24)

--21 -:.

que le titre le plus sûr et la preuve la

plus solide de la vérité dlun S,Ystème sont

dans la

~ualité

des âmes qui il informe. l

Plus

tar~, ~

romancier slattachera donc particulièrement

à

1:1 analyse psychologique de ses personnages, dont 11 be est

sa préoccupation majeure. Il mettra en évidence les systèmes

. qui les ont formés et essaiera

de

démontrer que le meilleur

ceux-ci est Ilhumanisme,- surtout quand il slouvre

à

la foi.

Nous. reviendrons plus longuement dans ce mémoire sur cet aspect

èssentiel de l'oeuvre simonienne.

Notre auteur reprendra aussi le thème du sol natal, que

lion peut considérerëomme central et permanent puisque la

-Charente-Maritime sert de cadre à la majorité de ses romans.

En

effet, des huit oeuvres étudiées, six se passent entièrement

ou en partie dans le Sud-Ouest de la France. De Bordeaux:

(L'Affût) jusqu'à Cordouan-(La Roche1ie pour

M~ur'ice

Chavardès}2-.

-(I.e

Somnambule, Histoire d'un bonheur), en passant par Royan

-

- ,

.(Les Raisins verts), Aurignac-en-Saintonge (Celle qui est née

un' dimanche) et Marsac, bourg saintongeais voisin

de

la Coubre,

pointe

sept~ntrionale

de l'embouchure de la Gironde (Elsinfor),

l'unité géographique se maintient. Un septième récit, Portrait

-d'un officier, ramène son héros au bercail gascon: .

Lannemai-gnan en Armagnac. Seul, Les Hommes ne veulent pas mourir se

déroule à 11 étranger. Mais dans ce roman aussi, quelques douze

cents réfugiés slovènes du Banat, échoués à Neudorf en Allemagne

1. Simon, Pierre-Henri, Ce que je cvois, p. 32.

2. Chavardès,Maurice, Signes du TempS, p. 23.

(25)

après la deuxième guerre mondiale, vivent dans l'attente

d'un rapatriement. Hans Schubart qui retournera au pays

pour organiser l'exode tant attendu, évoque avec nostalgie

son village:

Moi, j'ai toujours devant les yeux la grande

plaCe herbeuse de Szent-Anna, la façade blanche

de son église,coiffée du toit de tuiles brunes,

la pharmacie ••• , au coin de la rue,avec ses

bocaux de couleur aux étiquettes

latines~

la

façade de l'auberge Marie-Thérèse sous son

manteau de vigne, vierge, la route en lacets qui

descend vers, le ruisseau, le êhoc argenté de

l'eau sous la roue du moulin ••• 1

Le leit-motiv du pays 'natal est donc présent dans tous

les romans de Pierre,-Henri Simon.'

Tous ces romans se ressemblent en outre par la

forme~

qui s'apparente

à

celle du récit ou de la confession plus

-qu'à celle du roman traditionnel. Cinq des romans de

Pierre-Henri Simon sont des confidences-confessions partagées avec

un parent ou avec un ami. Deux de ces récits personnels

(Les Raisins verts, Le Somnambule) empruntent la forme d'un,

journal intime et deux autres (L'Affût, Portrait d'un officier)

rapportent une conversation où l'un des interlocuteurs fouille

sa conscience et ouvre son âme

à

l'autre. Celle qui est née

un dimanche est entièrement écrit

à

la première personne par

un narrateur qui se dévoile. Les trois autres romans sont

des narrations impersonnelles. Elles nous présentent une

chronique sociale mettant en vedette un duo sentimental.

Que nous ayons affaire

à

des livres-confidences, ou

à

(26)

-

23--des livres-chroniques, nous constatons que liauteur consacre

un chapitre séparé

à

chaque personnage,.

à

chaque sujet, ou

à

chaque épisode. Ainsi la table des matières se

li~~elle

non

comme une suite de t@tes de chapitres mais, dirait-on, comme

une suite de légendes destinées

à

para1tre au bas des

illus-trations d'un album d'images. La plupart de ces feuilles

d'album sont le portrait d'un protagoniste encadré ·dans les

péripéties majeures de sa vie. D'autres sont des tableautins

de lieux auxquels ces protagonistes attachent une importance

sentimentale et symbolique. Telles sont les

pagesinoublia-...

bles de L'Affût sur la ville de Bruges, les descriptions du

village de Talmont dans lem6me roman, ou encore celles de la

...

région de Cognac dans Elsinfor.

Mais, dans l'ensemble, ce

sont les portraits psychologiques qui dominent., et de loin,

tous les romans, leur conférant une similitude sinon, une

.unité,

d'in~iration

complémentaire.

Si les romans sont tous marqués au même coin par leur

forme personnelle et l'importance de l'analyse psychologique,

ils doivent encore

à

leur développement structural un air de

famille caractéristique. C'est un développement de type

clas

-sique où, après chaque prologue qui pose les protagonistes,

l'intrigue chemine de crise en crise jusqu'au dénouement •

. Par exemple, voici la composition de Les.Hommes ne veulent pas

mourir: un prologue (périple des eXilés), trois crises, ou

(27)

...

un épilogue (espoir de

rapatriement)~

On ne saurait

souhai-~er

une architecture plus 4épouillée. Cette simplicité

classique se

r~trouve

dans les récits personnels.

L'Affût~

qui est très représenta1?if de·s romans de cette catégorie,. ne

comporte que quatre parties équilibrées autant par l'espace

qU'elles occupent dans le volume que par leur

rô~e

dans ·le

développement de

~'action:

·les trois premiers chapitres

forment une partie dont le rôle est de présenter les ·t·rois

personnages; la seconde partie place les héros devant une

épreuve; la troisième

amèn~

la crise et la quatrième la résout.

Une autre constante des romans de .Pierre-Henri Simon

. ~

est la. primauté donnée aux problèmes moraux. Les Raisins verts

(que nous prenons comme èxemple représentatif des romans

npersonnels n) expose par la juxtapos:d·iond'une double

confes-sion, un double .. cas de conscience: celui du père prodigue et

du fils justicier. Gilbert d' Aurigr;lac a eu. une liaison avec

la femme de son coqsin, François Van Smeevorde. Gilbert est

mari~

mais déçu, car il attend "de l'amour un échange de

pensées fortes et mOres et, plus qu'un amusement du coeur et

des

sens~

une joie grave et qui touche l'intime nl • S'analysant,

il remarque qU'il préfère nle réfléchi au na!f, la culture

à

la nature, et l'affectif

.~.

réfracté dans llintellectueln2 •

Or, sa femme ne lui offrait qu'un bonheur simple et naff.

C'est pourquoi sa "camaraderie intellectuelle

11

avec Laurence

Van Smeevorde s'est graduellement changée en "amour clandestin n

~

1.

Simon, Pierre-Henri, Les Raisins verts, p.

17.

2.

Ibid.~

p.

17 •

(28)

-

25-librement consenti. Gilbert se rend compte de sa

'respon-sabilité car

i l

a poursuivi sa conquête avec assiduité. Il

,

a voulu assouvir le besoin· que son mariage avait' laissé

insa-tisfait: "LI attrait

de~ sens a joué~ mais moins que la

satisfaction morale, de rencontrer un être d'une intelligence

claire et

ferme~

envers lequel était ou semblait possible

une absolue

franchise~ un

aveu sans réserve de ,soi-même.

ul

Après les premiers enchantements, l'irrégruarité, la"

dél~yauté,

-11

ainbiguité

de"

la situation, produisent une gêne a:f'fz:euse

dalls les rapports des amants. Gilbert prend 1'initiative de

rompre~mais

un fils illégitime. doit lui naître. Les

respon-sabilités de Gilbert sont

p~olongées

au-delà de ses actes et

ses fautes au-delà de ses

repent~rs.

Toute sa Vie

i l

va

connaître le remords :

••• quand on rencontre un être d'une certaine

qUalité" et que lion sent prenable comment ne

pas

11

aimer? Comment étant chair et sang

éviter ce

trouble~

cette émotion

de~&,t

lui,

ce désir de contact essentiel de possession

totale? ••

~

exclure

11

amour" possible, voilà

llobstacle~

la sécession corps contre âme

et la division dans l'âme même

o • • 2

Toute sa vie il tentera de réparer sa faute, "mais sans succès.

Ecartelé entre le désir de l'avouer et l'impuissance à le

-

-faire, il assistera, pétrifié et horrifié,

à

l'entreprise

~e

Itdécomposition

ll

et de séduction qU'exercera son fils Denis

-sur Irène dlAurignac, sa belle-mère. La confession pourtant,

éviterait

l~ danger d'un inceste, réconcilierait père et fils

1.

Simon, Pierre-Henri, Les Raisins verts,

p.

32.

2.

~., p.

35

et

36.

(29)

et mettrait fin a~ doutes, aux· arrières-pensées, aux tourments intimes. Gilbert s'en abstiendra pourtant.

En

.

vain, il espérera un rapprochement avec son fils; l'effusion sera toujours. évitée. Le sentiment d'un échec comme époux et comme père l'accablera jusqu'à sa mort.

Devant les conséquences de sa faute, il devait décider de la conduite à tenir. Hésitant, il n'a pas révélé dès l'abord l'identité véritable de celui qU'il fait appeler son "neveu". Sa réticence provenait, peut-être, de son désir

. .

de respecter la mémoire. d'un.> mort, le cousin qU'il a trahi . et. humilié de son· vivant. Peut-être aussi voulait~ilse

:>, ~ .'", •. -; ".:' .:

t~re par égard à la réputation d'une femme qui s'était

:,:11.' 1 . ' ,. . ; ,"

. '. . ',-~. '. ' . . ~

-donnée à lui,ou avait-il une secrète honte d'être moralement responsable de l'avoir rendue toxicomane? En gardant le

sili3nce, i~ 0 ~ cru que tout finirait par s ' arranger; . et que

sa

paix conjuga::Le serait sàuve.

Mais, avec les années,· qui· aurait pu garànti±- qua les· i-àpports desafillè·AnnOu·et.d~ son fils resteraient sur un plan purement amicaJ.? Gilbert s'en étàit inquiété:

, , dir ••• quand vo~s avez commence a gran

ensJmble, je me suis d'abord tourmenté pour vous, et j'ai pensé que·mon devoir serait bientôt de. vous séparer; car enfin, vous

étiez. l'un et l'autre mes enfants, et vous ne le saviez pas, vous étie z dans le péril ou de vous aimer ou de vous ha!r ••• 1

(une séparation n'Y auraj,t pas remédié' Là aussi la pensée

-de Gilbert manque -de rigueur et reste plus proche -de l'espoir que de la réalité pratique). Toutefois, la rectitude de la

(30)

- 27

conduite de ses enfants lui ôte ce souci.

La menace d'un inceste n~est cependant pas évitée car Denis est décidé

à

prendre b~re sur sa belle-mère. 1 Gilbert doit-il parler? Comment justifier une confession aussi

tardive? Il op:t.;e pour le silence. Etait-ce par besoin obscur de se punir en 'éprouvant les mêmes humiliations, les mêmes souffrances que jadis il, avait infligées

à

son cousin

~ançois? Pense~t-ilse racheter par la, résignation?, Au ' prix d'un iDceste ce serait

Wl8'

lâcheté. L'omisSion devient non un mensonge vital, mais un mensonge mortel.

La tragédie personnelle de Gilbert provient de ses man-quements au devoir conjugal, de son incapaci~é d'aimer sans restriction sa femme' at son fils, et de son omission. Son manque de courage, sa réparation

à

deDti. faite, ont causé sa désintégration morale et le malheur de sa famille.

Par ailleurs, les carnets de Denis Van Smeevorde nous donnent une autre version du draine. Denis ni a jamais pu pardonner à ltlloncle Gilbert" dlavoir trahi la confiance

de François Van Bmeevorde. i l ne lui pardonne pas non plus dl aVoir provoqué la déchéance de sa mère, Laurence Van Smeevorde. Il le juge vain, égo!ste et léger. Pour le punir il 11 attaquera dans, une partie sensible de son être : son honneur. Profitant de la vanité et de 11épaisseur de

-sa belle-mère, Irène, il manoeuvrera jusqu 1 à la séduire.

Mais il a des scrupules: un être innocent est en cause.

(31)

Il se rend compte qulil va conunettre la même faute que son

.. ,r-1

l ' pere. Il est dégoûté de lui-même: " ••• moi aussi~ je

passe dans le camp des maitres; je suis convoitise,et orgueil" il me plaît de posséder et de vaincre) et j 1 écra-'

bouille les' faibles sur mon passage ••• nl. LI attrait

qulexerce sur, lui Irène le déconcerte.· Il slaperçoit qU'elle ne peut être aimable 'qui

entouré~'"

de

sacrén2~

Il sent Itcertains appels du coeur que l'honune ne saurait étouffer en .lui sans se niern3, pourtant il ne peut vaincre son désir de vengeance. Il conclut que Ithomme est multiple et qulil est présomptueux

.

-de Si ériger en juge. Il comprend que sa haine filiale est un

, , ~. . .

blaspheme dt amour, et qui un. geste de tendresse pat.e:rnelle changerait son antipathie en sympathie, mais ce geste tant espéré ne vient pas. Rien de Itessentieln1eSt" lui ~emble-t,~il"

, .. \::,:

jamaispartagé. Il comprend que le mieux est de steffac'êr. En disant a(Üeu

â

Irène" sur le point de s'abandonner il révèle·

,

-son identité. Irène toIribe dans le -désarroi le plus complet. Elle s'aperçoit qu'elle nia compté 'ni pour son mari" ni pour

son~eveun. Devant les reproches de Gilbert et ses insinuations sordides elle décide de le quitter. Denis assiste impuissant

à

cet épilogue douloureux. Il, essaie de raisonner et de calmer nTante Reine"; ses efforts pour la dissuader échouent. Elle quitte une "demeurelt ,où elle ni a. jamais été intégrée, conduit

trop vite et écrase sa voiture contre un arbre. Elle meurt des suites de cet accident. Denis a le coeur broyé par le

1. Simon" Pierre-Henri" Les Raisins verts, p.212. 2... ~." p. 207.

(32)

- 29

,-remords: "Est-on responsable de ce

qu'~n

n'a pas voulu et

de ce qUi,s',étant pro duit, vous déchire l'âme?nj cette question

'.':. . . . . . .

le hantera jusqu'à sa mort prématurée dans la guerre d'Espagne.

Le~

romans de facture ":iJDpersonnelle

fl

sont aussi centrés '

i

, . .... .

sur des cas de conscience, Les Hommes ne veulent pas mourir en

est un exemple .yalable. Dans ce roman qui raconte la lutte

d'une communauté slovène en exil,

un

fugitif banatais, Hans

Schubart, poursuivi par les envahisseurs russes a dû quitter

son pays.

Il a laisse derriere lui sa femme sur le point

. . " , ' ,

-,

.

d'accoucher. Il.'espérait qU'elle

p~urrait

le rejoindre avec

leur nouveau-né.

Mais,

à

la,suite d'aventures douloureuses,

-elle meurt. Toute sa vie Hans pèsera le pour et le contre de

. ~ . .

sa conduite et s'interrogera sur sa responsabilité:

••• sur le point

d'~~~e arr~té, i l ~tait

sage •••

~ qui~ter

le Banat . ••• mais je n'étais pas

obligé

de

suivre la sagesse; je pouvais tout

risquer pour ma femme et mon enfant ••• les

évènements

.~.devant e~noussommes

toujours

libres

de

décider •••

l .

,

Cette conception

de

la conduite humaine et de la liberté,

place Pierre-Henri Simon dans la 'lignée des romanciers ,moralistes

modernes qui ont emboîté le pas

à

Paul Bourget et

à

Edouard

Estaunié.

Un dernier point

de

ressemblance entre les romans

simoniens est l'importance accordée au personnage principal,

véritable héros de roman traditionnel, qui domine tous ses

comparses dont la présence ne se justifie que par lui.

(33)

Les Raisins verts~ q,ue n~us venons dl examiner succintement" illustre cet aspect. Gilbert et son fils Dénis sont deux foyers 'dl égale intensité" qui tour

à

tour éclairent'les per~onnagescomplémentaires se 'mouvant dans leUr périphérie. Laurence Van Smeevorde,l'é:pouse inconstante, n'a de vie que

dans le slll.~ge de son, amant Gilbert. ' Attirée par son magné~ tisme,elle lui cède. 'Elle n'existe qU'en fonction de cet amour. Elle n'a de substance propre que dans l'esprit de Gilbert. Il nous'larend visible au physique comme au mor~. Il analyse les états dl Ame par ,.lesquels elle passe avant et

après leur int~té passionnelle. Il.nous décrit les réac-tion's qulelle a" et nous rapporté les conversations qU'ils tiennent. Il en va' de même pour la deuxième femme du livre" Irène d'Aurignac. C'est Gilbert, son mari" qui nous la ~écrit. Il nous la montre

to~

à

tour

m~ternelle.) d~sinvol

te, puérile. Il caricaturé sa famille. Il critique sa foi, ses goats~ ses lectures. Il voit combien elle est vulnérable au moment de

"

franchir ilIa passe douteuse de la quarantaine"" devant les avances du jeune "Hyppolyte". Il nous fait pénétrer dans ses émotions préconscientes :

Il Y avait donc une chose qulelle ne jouait pas" qu'elle n'avait pas imaginée" et que désormais ses moindres mots et ses moindres gestes trahissaient: l ' attrait extraordinaire qu'elle subissai.t pour un garçon beau et sura-bondant de jeunesse, qui l'assiégeait dlune

sympathie inc'onnue, et quLavait su pénétrer le premier dans le recès de sa conscience où,

comme la plupart des êtres vieillisants, elle ' couvait la douleur sourde d'avoir gaspillé sa vie ••• l

(34)

.i. 31

-MSme Denis, l'autre foyer de l'ellipse autour duquel gravitent les m3mes personnages, n'a de poids que par

r~port

à

son père Gilbert._ Son entreprise de décomposition n'a de sens que comme punitive, justicière. Elle ne devient sacrilège que parce qU'elle est qua.l.1.:f'iable d'inceste du fait de la parenté de Denis et de Gilbert; elle prend une allure monstrueuse parce qU'-elle est sciemment voulue par Denis et

qute~le est une représaille contre Gilbert.

-Q.uand le point focal change et que la parole est donnée

-

Denis, c'est au-"toUl:!--' de Gilbert de n'avoir de poids que

-

-parce qulil est le père prodigue

à

qui un fils ne peut pardon-ner son illégitime naissance, la déchéance de sa -mère, et le martyr d'un père nourricier faible et bon. Les manoeuvres. da Denis, son "malicieux: travail" dl érosion des principes moraux et de la foi religieuse de sa belle-mère ne s'expliquent que comme faisant partie de sa vengeance. Irène prend alors de -l'envergure. Son portrait se préCise. Ses propos rapportés et commentés par Denis qui a toute sa sympathie et sa confiance, marquent le progrès de sa décomposition et le succès de Denis. François Van Smeevorde qui avait fait une brève ~pari tion dans les souvenirs de Gilbert, avant de SI éteindre, devient, vu par

-Denis, une figure poignailte, noble quoique humiliée. Sa mère, Laurence Van Smeevorde,~paraît comme une détraquée, urie malade qui a perdu son âme. Elle n'est que la deuxième ~iCtim9 de Q;lbert:

(35)

"c'est parce que je la voyais meurtrie que j'ai re:fusé

de

capituler dans le bonheuru•l

Denis l'imagine comme un

:ferment qui :fait bouillonner sa haine.

R.M. Albérès quali:fie cette' conception du roman

de,

t'retour aux moralistes" dont les sources remontent très

loin

dans

le passé. Elle emprunte les mêmes voies

d'inves-tigation et calque ceux qui "situent leur roman, leur intrigue;,

leurs personnages, dans un, monde dé:fini par une 'certaine'

pay-chologie, par up.e qertaine observation

~s m~eurs,

par une

certainé "humanisation,,2. Elle a pour but

de

rendre l'homme

conscient de sa personne, de sa situation dans l'histoire.

Pour, 'ce :faire elle lui' crée des malaises ou

des

angoisses

métaphysiques. Pierre-HenI1- Simon ne sien cache pas.

n

convient que "les seules oeuvres qUi comptent sont :finalement

celles où un homme a engagé sa' conscience"3. ' Il croit

:ferme-ment que les grands livres contiennent :

. . . .

••• une intention, Une tension, un complexe

de

passion et de pensée, une certaine vue

de

soi et du monde, quelque chose d'encore inf'orme,

\

et con:fus mais

de

fondamental et,

de

séminal •••

c'est dans le style, dans tout ce qui est

tona-lité, accent, timbre, image, structure et couleur,

que nous recevons ce qU'il

y

a de plus secret et

de plus important dans le message de l'écriVain •••

4

Comment concilier cette af:firmation avec l'opinion qui

exprime un de ses premiers héros, Jérôme Brousse, intellectuel

et pro:fesseur comme lui, qui déclare :

1.

Simon, Pierre-Henri, Les Raisins verts, p. 156.

2. Albérès, René-Marill, Les Nouvelles Littéraires, 18.2.1965.

3. Simon", Pierre-Henri, Ce que je crois, pp.

181-"

4.

Simon, Pierre-Henri, uQu'est-ce que la littérature",

in

Langage

et Destin, pp. 16-17.

,

(36)

33

-je crains ••• que la littérature .,.. -

la·vz:aie~

la seUle qui compte, celle qui tente d'exprimer

le mystère intérieur - ne soit le plus. souvent

qu'un

~astueux

mensonge, une

~latteuse

métaphore

pour envelopper .... dans l'enrouletlJent des

ab-stractions et dans le luxe.... des images, la

petite chose humiliante et simple que l'on

pourrait, que

l.~on

n'ose pas dire ••• "j'ai

peur de mourir", ou !'la

~emme

que j'aime.me.

méprise", ou

L

ttj'

ai

des malheurs avec ma

vessie,.je

~ais

mal l'amour, j'ai honte

de

mon

corps ••• nl

Cette simplilication des doi:ulées essentielles est due au goût

classique de l'auteur, à'sa

voloritéd~,résisteràl'imagination.

Il se peut qU'elle soit une réaction contre les 'moyens

~ormels

élaborés jusqu'à l'incohérence.par les écoles dites'nouvelles

inaugUrées par Georges Bataille et Henri Blanchot.' Il se'peut .

aussi que cette tendance elliptique'résulte d'une impatience

"devant une littérature romanesque écrasée, cassée,· àvilie par

l'abondance m3me de ses

~ruitsll.

2

La simplicité du procédé littéraire se "remarque aussi dans

la structure linéaire des romans de Pierre-Henri Simon. Elle

est si évidente qu'elle ne mérite pas que l'on s'y arrête. Elle

témoigne

de

ia part du créateur d'une indigence d'imagination

,. .

qui le condanme à être beaucoup plus moraliste que romanc1er. Il

serait donc inutile d'analyser les intrigues de notre romancier

par le menu. Disons seulement qU'elles sont conventionnelles.

P.-H. Simon se révèle un technicien qui sait utiliser les leçons

du passé; mais comme "conteur

lt ,

il est, hélas, incapable de

provoquer l'intérêt ou de retenir l'attention. Ce n'est pas là

qU'il

~aut

chercher la valeur de l'oeuvre. Pour rendre justice

à notre é.crivain saintongeais il

~aut

étudier ses réussites, non

1.

Simon, Pierre-Henri,

L'A~~ût, p~.

46.

2. Simon, Pierre-Henri,

IICon~idences

et

Con~essionslt,

in Langage et

destin, p.

34.

(37)

ses faiblesses, et faire porter notre effort "sur ses héros'· et leurs combats intérieurs.

Les héros de Pierre-He~ri Simon sont issus de la bour-geoisie provinciale dont la gamme s'étend de la petite caste

" .

des fonctionnaires médi.ocres jusqu'à l'aristocratie capitaliste des magnats des spiri tue'llx. On peut y inclure deux gentils-hommes campagnards, l'un hobereau pauvre et l'autre de noblesse dl épée. Exception faite de Les Hommes ne veulent pas mourir, tou~ sont originaires du Sud-Ouest. ~ la France, plus particulièrement

-de la Charente-Maritime •. Tous sont· cultivés et ont fait leurs études à Paris. De plus tous, la quarantaine son~ée, ont soit une aventure soit une crise passionnelle (on retrouve ici le Démon de midi de Bourget). Seuls les protagonistes principaux :. .

de L'Affût et du Portrait d'un Officier font leur éducation sentimentale vers vingt ans. La majorité exerce une profession libérale; on compte des professeurs, un diplomate, un bibliothé~ caire, un avocat et un libraire.

Les intellectuels que le romancier a mis en scène sont sensibles à la nature. Ils ont des goûts raffinés et aiment les bons livres, la musique et l'art. En outre, les professeurs

-sont des écrivains qui s'intéressent à l'histoire; deux d'entre

-eux s'adonnent à la recherche: l'un travaille sur une Histoire littéraire de la cour des ducs de Bourgogne, et l'autre écrit une Histoire de Vergennes et se passionne pour la correspondance

de Metternich. Ils sont tous portés à faire de la critique lit-téraire et dissertent sur les mérites des grands noms de la

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