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La nature dans l’oeuvre de Colette.

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DEPOSITED BY THE FACULTY OF GRADUATE STUDIES AND RESEARCH

MSG1LL

UNIVERSITY

(3)

LA M T U R E DAMS L'OEUYfiE DE COLSl'TE

A i'hesis Presented to

the faculty of Graduate Studies and Kesearch Mc^ill University

In Partial fulfilment

of the Requirements for the Degree Master of Arts

Kosa Jane Blanche Goultis April 1949

(4)

TABLE DES MATIERSS

CHAPITRE PAGE INTRODUCTION i-iv

Biographie i influences • . . i

But et organization de cette th&se . . . iii 1. CONSIDERATIONS GENERALES SUR LA PRESENTATION

DS LA NATURE 1 Le monde exterieur chez Colette . . . . 1

Lfelement objectif 6

La sensation 9 II* COLETTE NATURALISTS 15

La presentation de la nature du point

de vue scientifique 15 Qualit^s personnelles de Colette

naturaliste 17 Le vocabulaire de Colette naturaliste . 20

Etendue de la connaissance de Colette . 25 Sources de la connaissance de Colette • 30

III. L1 ELEMENT SENTIMENTAL 34

Les themes sentimentaux . 34 La nature et les souvenirs d'enfance . 35

Le sentiment et la sensation 39 Le sentiment devant la naissance et

la rnort • 41 L'emotion esthdtique 43

(5)

CHAPITRE PAGE

IV. L

1

ELEMENT PHILOSOPHIQUE 44

Caract£ristiques g^ne'rales de la

philosophie de Colette 44

Le paganisms . 45

he

pessimisms 46

La nature dans la philosophie de

Colette 50

V. L'ART DE COLETTE 59 C a r a c t ^ r i s t i q u e s g e n e r a l e s de l a p r o s e

de C o l e t t e 59

La precision de la prose de Colette . . 60

La pogsie de la prose de Colette . . . 63

Le vocabulaire 66

Les figures de style 69

La construction de la phrase 75

CONCLUSION 81

BIBLIOGRAPHIE 83

(6)

INTRODUCTION

De tous les ecrivains franqais qui ont aime et peint la nature, Colette apparatt sans nul doute comme la plus proche du terroir, la plus "paysanne", sans qu'elle soit

la moins artiste. Son oeuvre a ce double avantage,rarement r£alis£, d'etre a la fois documentaire comme un manuel de jardinier ou de naturaliste, et par ailleurs eclatante et chatoyante comme les plus belle peintures, vive et quasi obstante comme nos propres souvenirs.

Gabrielle Sidonie Colette naquit le 28 Janvier, 1873, a Saint-Sauveur-en-Puisaye, village de dix-sept-cent

habitants dans le d^partement de l'Yonne, a cent soixante-douze kilometres au sud-est de Paris. Pille de la grasse Bourgogne, elle habita cette province jusqu'a l'age de vingt ans. La famille Colette,) sans etre riche, gtaitp cependant ais£e. Elle demeurait a Saint-Sauveur dans une maison rustique que l'ecrivain a immortalised dans un chef-d'oeuvre, La Maison de Claudine. Gabrielle Sidonie gtait la plus jeune de quatre enfants. Son pere, toulonnais et capitaine des zouaves, avait perdu une jambe a la bataille de Melegnano, en Italie, en 1859. Sa mere, parisienne d1 origine, avait pass£ son jeune age dans cette campagne de l'Yonne ou, plus tard', apres des annees en Belgique, elle devait s'^tablir par son mariage.

(7)

11

de sa mere, et le propre temperament de Colette, qui devaient faire d'elle le grand peintra de la nature que nous allons £tudier. Le fait qu'elle a grandi en Bourgogne n'est pas sans signification pour 1'interpretation de son oeuvre, du moins tout le monde s'accorde a dire que Colette a absorbe* quelque chose de la vie robuste de cette ancienne province. L1atmosphere de sante rustique et familiale dans laquelle se passa son enfance semble avoir pen^tre les fibres me.me de son etre.

Ni timide ni craintive, 1Tenfant Sidonie uabrielle n'dtait pas par nature sociable; et elle prefdrait se

promener seule dans les bois qu'elle cherissait au lieu de participer aux jeux bruyants de ses carnarades d'ecole. Elle nous dit qu'elle n'aimait pas non plus les poupees. "Je les rangeais," dit-elle, "assises dans le fond d'un des grands fauteuils...et je m'en allais a mes jardins, a mes betes, a mes plantes..." ^ Ses plus beaux souvenirs d'une enfance heureuse (th£me favori chez elle) se rapportent aux heures ou, a la recherche des fleurs et des papillons, elle rodait seule dans les bois de Saint-Sauveur.

La seule personne que la jeune Colette connut intime-ment et a qui elle fut tres attached, c'£tait sa mere.

C'est de celle-ci, que l'on appelait Sido, que Colette herita ce gout des choses de la nature qui devait faire d'elle une artiste sans egale. Sido etait une excellente

(8)

iii

m&re, tr&s comprehensive de 1'enfance, et, sans avoir de connaissances livresques de la nature, elle avait un tres vif interet pour les betes et les plantes. Elle sut trans-mettre a sa fille sa faQon d'apprdcier la nature, et elle dveilla par son exemple chez 1'enfant la curiosity, le d£sir d'apprendre et de savoir. Sido vivait dans 1'

emerveillement du petit monde qui l'entourait, parlait aux bftes, et bien plus, etait comprise d'elles. Avec quelle

tendresse, quel amour, quelle poesie, Colette £voque la memoire de cette mere! C'est a elle qu'elle dedie Sido, cette incomparable evocation de ce royaume de la nature, qui lui fut alors decouvert. "Regarde," disait la m&re, et les yeux de 1'enfant s'ouvraient sur un monde enchante. "Regarde la chenille velue, pareille a un petit haricot, la cotyledon qui leve sur sa tete un petit chapeau de terre seche...Regarde la guepe qui decoupe, avec ses mandibules en cisailles, une parcelle de viande crue...Regarde la couleur du ciel au couchant, qui annonce grand vent et tempete. Qu'importe le grand vent de demain, pourvu que nous admirions cette fournaise d'aujourd'hui? Regarde, vite, le bouton de l'iris noir est en train de s'epanouir. Si tu ne te depeches pas, il ira plus vite que toi..."

Cette these a pour but de traiter comment Colette a vu et peint la nature en gdn^ral. Nous avons essays d' analyser son attitude en face du monde, c'est-a-dire, sa

(9)

IV

vision du monde aussi bien que la traduction de ce monde qu'elle nous a livr£e. Et nous avons voulu isoler ce que vision et traduction comportaient d'elements objectifs, ou sentimentaux, ou esthetiques, ou philosophiques. II existe d6ja a 1'University McGill une these de ma£trise intituled Les Animaux dans Colette, qui est surtout une etude

psychologique de certains animaux prefers. Nous nous proposons ici, en etudiant la nature, de considerer le sujet sous un aspect plus large, et c'est deliberement que nous negligerons la peinture de Toby Chien ou de i£iki-la-Doucette.

(10)

CKAPlTRE I

CONSIDERATIONS GENERATES SUR LA PRESENTATION m LA NATURE

En abordant le spectacle de la nature chez Colette, on remarque immediatement que les elements grandioses du monde exterieur — montagnes, oceans, tempetes, — ^y

figurent gu&re. Le monde de Colette est plutot un monde compose des elements menus et communs qu'elle a pu

observer dans 1'entourage de ses nombreuses demeures. Elle qui se complait devant les vieux jardins et les

petits bois de campagne nous montre tout ce qui s'y trouve:> les arbres, les fleurs, les oiseaux, les animaux, les

insectes, tout, jusqu'aux sources. Comme son amour de la nature embrasse toutes les choses qui poussent, Colette se penche sur les plantes cultivees aussi bien que sur les plantes sauvages. Mais elle ne s'interesse ni a la vaste etendue d'une plaine ou d'un ocean, ni a la majeste* des montagnes, ou du ciel etoile, et, si quelquefois elle mentionne le desert ou la mer, c'est surtout a cause de

l'interet qu'elle prend a leur flore ou aux petits animaux qui s'y trouvent.

Un de ses premiers ouvrages, Les Yrilles de la Vigne, laisse deja pressentir de quoi est fait le paysage qui la touche. Slle se sent emue "devant un cher paysage

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-2-argente de brouillard, devant un ciel ou fleurit l'aube, sous le bois ou l'automne souffle une haleine mure et musquee." Ces trois elements, le paysage intime, le

ciel qui s'anime, les bois charges d'odeurs, et tout ce qui les habite devaient toujours constituer le monde auquel elle se sentait le plus accordee. Elle les avait tous dans la .tsourgogne rurale ou elle grandit, et, apres avoir quitte le village natal, ce sont ces memes attraits qu'elle continua a chercher dans ses nouvelles demeures." Elle ne s'est jamais lassee de decrire les jardins et les

bois de Saint Sauveur ou elle naquit:

"Puis je retournais dans le jardin dore bourdonnant, ecoeurant de glycines et de ch&vrefeuilles, bois enchante

qui balanqait des poires vertes, des cerises roses et blanches, des abricots de pelucheet des groseilles a

maquereau barbues."

Ne nous etonnons done pas que les descriptions que nous fait Colette ne rappellent en rien celles des

ecrivains romantiques et exotiques: rien chez elle com-parable aux majestueuses cimes des Alpes et aux cataractes gemissantes, dont parle Rousseau, dans la Nouvelle

Eeio'ise; ou a la vaste etendue d'une plaine decrite par Chateaubriand. St si il lui arrive de parler des cotes de la mer que dominent les maisons d'ete, ces cStes ne

1. Les Vrilles de la Vigne, p. 63. 2. La Retraite Sentimentale, p. 138

(12)

-o-ressemblent guere a celles qui, dans les romans de Pierre Loti, longent un ocean tantot bienveillant, tantot

malveillant. Colette n'est pas une imaginative, c'est une observatrice tres proche, par la justesse et la

precision de ses notations, de quelque savant naturaliste. Elle peint pour nous ce qu'elle connait, la nature qui

est a sa portee, les fleurs telles que "les violettes a courte tige, violettes blanches et violettes bleues, et violettes d'un blanc-bleu veine de nacre mauve", et les bois ou "la source presque invisible, froissait l'herbe comme un serpent, s'etalait secrete au centre d'un pre, ou des narcisses, fleurs en ronde, attestaient seuls sa presence", 2 ou bien des insectes tels que "les hannetons

3

endormis a l'envers des lilas." Nous somrnes vraiment loin ici de Rousseau, qui n'a jamais vu ces petits details, ou de Chateaubriand, qui rendit surtout les paysages

emouvants dans leur grandeur. Cette minutie dans la notation est si typique de Colette que ses amis parfois s'en amusaient. On conte qu'un jour la comtesse de

Noailles lui dit;---"Songez que je n'aurais pas vu courir des fourmis sur les colonnes du Pantheon."

Si Colette n'est pas attiree vers le spectacle grandiose de la nature, elle ne l'est pas davantage par le conflit des elements. Elle constate ceci elle-meme,

I. Les Vrilles de la Vigne, p. 35.

? Sido D 33

4,! Revue de Paris: 1 avril, 1926. La Loge de Colette par Albert Plament.

(13)

. < *

-en avouant qu'elle n'aime pas les tsmpetes, ou les nombreux cataclysmes de la nature. Dans ses livres, pas de

tempetes — des averses seulement, et encore surtout pour la beaute que les gouttes de pluie ajoutent aux feuilles d'une rose. Comme elle aime le beau temps et surtout

les heures ensoleillees des saisons chaudes' Un de ses critiques, Georges Barbarin, qui s'est amuse a faire en quelques mots, une "geographie" de Colette, a d i t : —

"Le climat de Colette est generalement chaud.... Le froid y est inconnu; aussi l'aquilon et la bise." " Ainsi Colette

se contente d'un monde dont l'horizon est assez borne et qui, sous des ciels ensoleilies, s'epanouit en beaute.

Colette confesse aussi qu'elle est casaniere, et qu' elle appartient a ce groupe de gens qui ne mettent pas le 3 nez hors de leur maison sans se recrier d'admiration."

Elle n'a pas beaucoup voyage, et a passe la plupart de sa vie dans son propre pays. Les regions exotiques ne 1'

attirent pas, et elle connait peu et n'aime pas les plantes tropicales; elle prefere celles de irance, et, entree

toutes, les especes communes. Quand elle evoque son enfance heureuse, theme favori chez elle, ce sont les fleurs communes du jardin de la maison natale qui lui reviennent a

1'esprit:-"ft geraniums, o digitales...Celles-ci lusant des bois-taillis, ceux-la en rampe allumes au long de la terrasse, c'est de

1. Naissance du Jour, p. 234.

2. Cite par Claude^Chauviere: Colette, p. 180. 3. Paris de Ma i'enetre, p. 30.

(14)

D

-v o t r e r e f l e t que ma joue d ' e n f a n t r e q u t un don -v e r m e i l . Car "Sido" a i m a i t au j a r d i n le rouge, le r o s e , l e s sanguines f i l l e s du r o s i e r , de l a c r o i x - d e - M a l t e , des h o r t e n s i a s , e t des b a t o n s - d e - S a i n t - J a c q u e s , e t mama le c o q u e r e t - a l k e k e n g e . "

Colette a vu en somme assez peu de pays et ne connait bien que certains petits coins de Prance, assez eioignes

les uns des autres, il est vrai. Si on en croit ce qu' elle dit dans une de ses dernieres oeuvres quelque peu autobiographique, Paris de Ma Penetre. sa connaissance du monde est limitee a "un le de Bourgogne, quelques cantons suisses, savoisiens, franc-comtois, la Provence, des lieues de rivages tant picards que bretons, des fyords, le Maroc

/v 2

superficiellement, 1'Algerie a la hate." De ces regions, celle que Colette a decritele plus volontiers, c'est la Bourgogne, sa province natale, dont elle a chante les louanges dans deux chefs-d'oeuvre;. La Maison de Claudine e"k Sido. CCes ouvrages sont consacres a ses souvenirs d'enfance, un de ses themes de predilection.) Dans Paris de ma Penetre se trouve une description de sa maison ideale. C'est une petite maison imaginaire, a plusieurs facades, chacune composee d'un lieu favori. II y a une facade

bourguignone composee des bois et des jardins du Nord, une facade bretonne refietant la mer septentrionale, et une 1. Sido, p. 29.

2. Paris de Ma Penetre, p. 30. 3. Trois-Six-Neuf, p. 47 et suite

(15)

-6-faqade provene,ale ou s'epanouissent les fleurs de la Cote d'Azur. Cette maison imaginaire contient toutes les regions da Prance dont parle Colette dans ses oeuvres.

Douee d'un talent divers, Colette est, en mama temps, romanciere, autobiographe, naturaliste, et journaliste, et partout son amour de la nature transparait. Simple cadre ou theme essentiel, la nature a'est introduite dans tous ces genres. Dans plusieurs romans elle forme l'arriere-plan da 1'intrigue, et dans de nombreuses oeuvres autobiographiques, journalistiques, et naturalistes, elle constitue le sujet meme.

Ce qui frappe le lecteur de Colette est d'abord 1' etendue de connaissances que l'on aurait cru l1apanage des seuls savants appliques a I1etude des choses de la nature. Mais du savant elle n'a pas que ce vaste savoir: elle a aussi l'objectivite. Elle decrit ca qu'elle voit sans,

semble-t-il, y faire entrer sa propre personnalite. Logique par temperament, elle deteste toute sentimentalite, et, par consequent, elle aborde la nature avec une attitude imper-sonnelle. True, dans son etude sur cet ecrivain, dit a cet egard:—"Sa vision, sa sensation est directe, et, c'est la chez elle un point essentiel." Cette objectivite la garantit contra toute tentation de cette sentimentalite si repandue chez les ecrivains romantiques qui font de la

nature un miroir de leur etat d'ame. Ica, encore, Colette se

(16)

-7-trouve aux antipodes de Chateaubriand ou de Rousseau. Les sentiments qu'ils croyaient voir dans la nature, ils les y avaient introduits eux-memes. Les observations de Rousseau, par exemple, reposent moins sur ses experiences que sur son

imagination. Les paysages de la Nouvelle Eeiolse sont transfigures par le sentiment; tandis que les paysages de Colette sont nets, fid£lement representes comme dans un instantane.

Elle ne prete pas, non plus, d'ama humaine h la nature. Sa nature est impassible, indifferente a la destinee humaine. Jamais elle n'apparait chez elle, comme chez un Bernardin de Saint-Pierre ou un Pierre Loti, semblable a un personnage

qui s'interesse, tout comme un etra humain, au sort du heros de l'histoire. Chez Loti, la mer est un etre jaloux et

malveillant, qui engloutit ses victimes, tandis que, chez Colette, la mer n'est que le fond d'un beau paysage ou se meut et se cache la faune maritime qu'elle saura peindre a

la fois en savant et en artiste.

Colette n'est pas, d'ailleurs, une spectatrica de la nature purement desinteressee. N'oublions pas que c'est una bonne jardiniere qui aime eu travailler la terre, et qui ne recule pas devant les travaux assidus qu'exige la culture,

C'est done d'un point de vue pratique base sur sa connais-sance et son experience qu'elle considere souvent la nature. Elle reconnait les bonnes methodes du jardinage, et elle

(17)

8

-apprecie l a v a l e u r du t r a v a i l des fermiers dont e l l e p a r l e

s o u v e n t . ( E l l e a a u s s i p a r i e avec beaucoup de sympathie des

fermiers e t de l e u r s d i f f i c u l t e s pendant l a premiere grande

g u e r r e . ) Cette c o n s t a t i o n nous p e r m e t t r a i t d ' e t a b l i r une

p a r e n t e e n t r e 1'oeuvre de Colette e t l e s Georgiques de

V i r g i l e , car tous deux ont aime la t e r r e e t compris le

t r a v a i l des a g r i c u l t e u r s .

C o l e t t e p r e s e n t e l a nature "sans f a r d , sans a p p r e t s . "

1

C ' e s t un monde r e e l q u ' e l l e peint—un monde que nous, hommes

du vingtieme s i e c l e avec n o t r e i n s t r u c t i o n s c i e n t i f i q u e , nous

pouvons observer e t a p p r e c i e r . P o u r t a n t , bien q u ' e l l e s o i t

e s s e n t i e l l e m e n t un e c r i v a i n r e a l i s t e , son oeuvre n ' e s t pas

un manuel de b i o l o g i e , denue de toiites v u e s p e r s o n n e l l e s .

Bnfin, quoique l a p e i n t u r e de la nature chez Colette ne

s o i t pas s e n t i m e n t a l e , i l ne f a u d r a i t pas la c r o i r e t o u t a

f a i t depourvue de l y r i s m e . Ce lyrisme e l l e le d o i t a; son

enthousiasme pour tous l e s s p e c t a c l e s de la c r e a t i o n e t a u s s i

a c e t t e n o s t a l g i e de vie heureuse e t campagnarde q u ' e l l e a

connue dans son enfance.

Nous venons de v o i r deja le souci de l a j a r d i n i e r e qui

complete l a v i s i o n d e s i n t e r e s s e e e t un peu seche du s a v a n t ,

i l faut y a j o u t e r l e s r e a c t i o n s de son temperament d ' a r t i s t e .

C o l e t t e , en e f f e t , a des sens d ' a r t i s t e , c ' e s t - a - d i r e , des

sens qui fremissent a la moindre i n v i t a t i o n , e t c ' e s t c e t t e

ouissance de s e n t i r qui marque son oeuvre e t d i s t i n g u e

(18)

9

-C o l e t t e des e c r i v a i n s qui s o n t , avant. t o u t , des i n t e l l e c t u e l s .

" L ' a r t de C o l e t t e , " d i t Lalou, " n ' e s t ' i n s p i r e que par la

s e n s a t i o n , " e t Larnac, qui l a compare a "une harpe eolienne

qui v i b r e au moindre choc, au souffle le plus t e n u , "

2

d i t

a u s s i d ' e l l e dans une formule qui l a d i s t i n g u e a i n s i du

s a v a n t : " C o l e t t e refuse de s a v o i r . Elle ne veut que p e r c e v o i r . " ^

La s e n s a t i o n e s t son o u t i l propre au moyen duquel e l l e a

cree un a r t dont e l l e e s t le maltre i n c o n t e s t e .

C o l e t t e s e n t t o u t , e t , de p l u s , e l l e peut t r a d u i r e la

s e n s a t i o n par l e s mots l e s plus o r d i n a i r e s mais, t o u t e f o i s ,

l e s plus j u s t e s , de s o r t e que le l e c t e u r semble f a i r e de

nouvelles d e c o u v e r t e s . On ne l i t pas C o l e t t e , on eprouve l e s

s e n s a t i o n s q u ' e l l e eprouve: s e n s a t i o n s v i s u e l l e s , o l f a c t i v e s ,

g u s t a t i v e s , t a c t i l e s , e t a u d i t i v e s , tous l e s sens e n t r e n t en

j e u . Les s e n s a t i o n s v i s u e l l e s , qui sont l e s plus nombreuses,

font n a t u r e l l e m e n t la base de son oeuvre, e t parmi les a u t r e s ,

le sens de l ' o d o r a t domine. ^Colette a s i g n a i e que l ' o d o r a t

e s t son sens le plus fortement developpe.J Colette a un o e i l

d ' a r t i s t e pour l e s d e t a i l s s a i s i s s a n t s , bien q u ' e l l e sache

ne pas abuser des n o t a t i o n s trop p a r t i c u l i e r e s . Notons, par

exemple, la valeur a r t i s t i q u e des d e t a i l s q u ' e l l e a c h o i s i s

p o u r . c e t t e scene d ' h i v e r . "0 beau j a r d i n immaculel Le bleu

des sapins s e u l le tache, e t la r o u i l l e d'un fagot de

. 4

chrysanthemes e t le jabot mauve d'un ramier qui a faim."

1. Lalou: H i s t o i r e de l a L i t t e r a t u r e franqaise contemporaine,

ed. 1931, p . 640.

2. Jean Larnac: C o l e t t e , p . 205.

3 . i b i d . , p . 205.

(19)

-10-Combien de minuscules details qui auraient passe inapere,us du commun des mortelsJ II faut, en verite, un pouvoir d1

observation tr&s fin pour noter de tels details, comme par exemple, le mouvement presque imperceptible de ces pins

contre le ciel meridional. "Le vent ne se levait pas encore, mais un remous se reveiait parmi les verdures les plus legeres, comme le plumage des mimosas, et le signal faible lance par une seule branche de pin recevait la reponse d'une autre branche de pin, qui hochait seule..."

La preponderance des sensations olfactives donne k 1' oeuvre de Colette beaucoup d'originalite. Colette a le sens de l'odorat si aigu qu'il est rare quand elle mentionne une plante qu'elle ne decrive pas avec precision son parfum. Son odorat peut analyser avec surete plusieurs odeurs

confondues: "L'odeur des petites moules bleues, decouvertes depuis quatre heures au bas des rochers et alterees d'eau de mer, entrait avec l'epais parfum de sureau bouilli qu' exhalaient les troenes a bout de floraison," ou encore: "La brise, soufflant de terre, sentait le regain fauche, l'etable, la menthe fouiee.T 3 Elle rapproche souvent deux

4 odeurs comme "la fraise blanche qui sent la fourmi ecrasee." Ces sensations olfactives supposent une connaissance extra-ordinaire de la nature qu'elle font revivre et dont la

presence s'impose au lecteur avec une vivacite incomparable.

1. La Naissance du Jour, p. 97. 2. Le Bie en Herbe, p. 151. 3. ibid.,'., p. 39.

(20)

-11-Bien plus, quelquefois c'est a l'aide des parfums da plantes que Colette arrivera a rendre la personnalite d'un etre

hurnain. Voici un exemple de ce procede, peut-etre unique

dans les lettres; "La colere avait exprime, de cette fillette surchauffee, une odeur de femme blonde, apparentee a la fleur de bugrane rose, au bie vert ecrase, una allegre et mordante odeur qui completait cette idee de vigueur imposee a Philippe par tous les gestes de Vinca." -1

Les sensations tactiles sont aussi etonnantes. Les unes traduisent avec une justesse infaillible les sensations que tous nous avons pu eprouver. Ainsi, par exemple, Colette dira: "Une basse muraille de thym compact rapa les jambes nues de Philippe et il tata au passage les museaux de velours des mufliers." Ce que nous admirons surtout ici, c'est cette surete d'un vocabulaire ou tous les mots concourent a donner une sensation reche (muraille-compact-rapa-J ou veloutee ttata-museau-velours-). Mais il arrive bien souvent aussi que Colette sente ce que seule Colette peut sentir. Qui d'entre nous aurait les moyens de comparer la sensation produite sur notre epiderme par la trompe d'un papillon at

celle de la langue de la couleuvre? "Je leur tends ma main, mouiliee d'un vin rose qui plait a ces grands buveurs dont

la trompe, sur mes doigts, est plus rapide et plus immaterielle encore que la petite langue de la couleuvre..." Le registre

1. Le Bie en tierbe, p. 207, 208. 2. ibid*;v. p. 234.

(21)

-12-des sensations de Colette depasse de beaucoup en etendue un registre ordinaire. Ne s'amuse-t-elle pas d'ailleurs un peu a cultiver ces sensations. La voici devant un papillon encore: "C'est peut-etre cette fois-ci que je percevrai sous ce doigt-ci, le plus sensible, le quatrieme,

1 la froide flamme bleue, et sa fuite dans le poil de l'aile."

Les sensations gustatives sont egalement remarquables. Colette peut distinguer le gout de plusieurs plantes a la fois. ^n voici un bon exemple: "Les pousses des cassis

que tu froissais, l'oseille sauvage en rosaca parmi le gazon, la menthe toute jeune, encore brune, la sauge duvetee comme une oreille de lievre—tout debordait d'un sue energetique et poivre, dont je melais sur mes levres le gout d'alcool et de citronnelle." 2 Ailleurs, Colette a donne une

description nostalgique de deux petites sources qu'elle connaissait pendant son enfance. Quarante ans apres, elle pouvait preciser le gout de l'eau dans ces sources:

"La premiere avait gout de feuille de chene, la seconde de fer et de tige de jacinthe." Nous connaissons le gout de fer et le gout de chlorophylle, mais qui, an dehors de Colette, serait capable d' identifier le gout de feuille de chene ou de tige de jacinthe?

Quant aux sensations auditives, elle sont egalement extraordinairement fines. Colette distingue des sons que nul n'a jamais songe a'noter. Elle ne se satisfait pas 1. La Naissance du Jour, p. 39.

2. Les Vrilles de la Vigne, p. 18. 3. Sido, p. 33,34.

(22)

-13-d'une traduction approximative de ce qu'elle eprouve. Ainsi, au sujet du chuchotement de la neige qui tombe sur un lit de feuilles mortes, elle dit: n3^n le

comparant a la priere basse d'une foule orante, je vais echouer encore une fois, surtout si j'oublie de mentionner qu'un autre bruissement l'accompagne, le souligne comme des pages soyeuses feuilleteas diligemment." Et les sons

imperceptibles des plantes qui poussentl Voici le bruit doux de tout un jardin d'iris en train d'eclore: "La paix regnait mais non le silence, que troublait un bruit '. *. insistant et leger, plus fin que le grignotement d'une

magnanerie, un bruit de soie egratignee... Le bruit d'eiytre qui s'entr'ouvre, le bruit de patte delicate d'insecte, le bruit de feuille morte dansant, c'etaient les iris, dans

la lumiere propice et tamisee, desserrant la membrane s&che rouiee a la base de leur calice, les iris qui par milliers eclosaient."

D'ailleurs, il est rare qu'une sensation se presente chez elle isolee; generalernent la meme phrase nous an offre un bouquet. Voici les champignons blancs: trois sensations

"V

a la fois, vue, odorat, toucher. "lis sont d'un blanc fragile et mat de gant neuf, emperies, moites comme un nez

^ 3 d'agneau; ils embaument la truffe fraiche et la tuberause."

Trois mondes fraternisent dans cette phrase: le monde vegetal et le monde animal et aussi le monde des choses

1. L'Etoile Vesper, p. 13. 2. Gigi, p. 146.

(23)

-14-inanimees.

Intimement liees l'une avec 1'autre, quelquefois inter-changeable, une sensation en fait naitre une autre. Ainsi, voyez cette sensation auditive qui rappelle a 1'esprit une sensation olfactive. Le rossignol chante: "deja dans quelques notes tinte le cristal d'une nuit de mai, et, si je ferine les yeux, j'appelle malgre moi, sous ce chant, le parfum qui descend lourdement des acacias en fleurs..."

Nous voyons deja la nature du registre de Colette et la souplesse de 1'instrument qu'elle a a sa disposition pour traduire sa vision du monde, a la fois somptueuse et

implacable dans sa precision. Nous aurons a revenir sur la forme artistique de cette oeuvre dans un chapitre special, II nous faut d'abord analyser de plus pres les differentes attitudes de Colette en face du monde de la nature.

(24)

CHAPITRE II

COLETTE NATURALISTE

Colette n'est pas le premier ecrivain que l'on ait ete tente d'appeler "naturaliste". II y a eu avant elle au moins Buffon, le botaniste Bernardin de Saint-Pierre, et les animaliers Rudyard jiipling, Jules Renard, ou

Maeterlinck. Nous n'entreprendrons pas des comparaisons qu'exigeraient des connaissances que nous n'avons pas, mais nous essaierons de voir ce qui caracterise Colette comme naturaliste.

La premiere rernarque qui s1 impose c'est que 1'oeuvre de Colette n'a rien de 1'appareil rebarbatif d'un ouvrage scientifique et methodique. Elle ne donne pas 1'impression d'employer un vocabulaire technique meme lorsqu'elle le fait, et elle n'est pas non plus le savant specialiste de telle ou telle espece vegetale ou animale, comme Maurice Maeterlinck l'a ete pour les abeilles ou les fourmis. Ce

qu'elle nous offre ce sont plutbt des renseignements divers, un ensaignament a batons rompus, et des anecdotes tirees de la nature. Elle n'a jamais songe a etudier a fond

quelque aspect de la nature, encore moins a faire autorite dans tel ou tal domaine, mais elle observe toutes les

(25)

-16-Si diverses et si penetrantes sont ses observations qu'on s'etonne de 1'etendue de ses connaissances.

Mais Colette n'est jamais didactique. Elle ne produit pas de froids manuels scientifiques, mais bien au contraire, ses ecrits debordent de vie. Ce n'est pas qu'elle se serve de details sensationnels, mais elle sait trouver un charme delicieux dans quelque detail qui, au premier abord, parait etre tout a fait banal. A cet egard, Claude Chauviere dit:

"de la simplicite des choses, elle fait surgir la feerie; c'est une magicienne." 1 Cela ne veut pas dire qu'elle laisse courir son imagination sans frein; en effet, Colette est une personne raisonnable et pratique. Cependant, quand on lit, dans Sido, qu* "un merle noir, oxyde de vert et de violet, piquait des cerises, buvait le jus, dechiquetait la chair rosee",2 on s'aperqoit de la magie avec laquelle elle orne le sujet le plus simple. De meme les courtes anecdotes qui animent son oeuvre sont contees de maniere a faire

ressortir la personnalite des animaux auxquels elle s'interesse Ecoutons ce qu'elle veut nous dire au sujet de deux couples de mesanges: "Le nid des mesanges, encore une fois logees au creux d'un des ormeaux etetes, ne s'est-il pas pose la pour que je me^ souvienne d'une chienne bas-rouge qui perdait a grosses poignees son poil d'hiver? Alors, deux couples da mesanges la suivaient, et c'est tout juste si elles n' epilaient pas, au profit de leurs nids, ma beauceronne..."

1. Claude Chauviere: Colette, p. 214. 2. Sido, p. 53.

(26)

-17-Quel sens de 1'humour dans ces observations! Et c'est cet humour si sain et contenu qui anime la plus grande partie de son oeuvre.

Si elle ne tombe pas dans le travers de la digression scientifique et de l'etalage de ses connaissances, elle echappe au reproche de chercher l'originalite a tout prix. Un critique a dit qu'elle possede a un tres haut degre i l'art de faire des observations originales sans preciosite. Elle ne pretend pas, sauf dans un cas qu'elle signale tout particulierement, avoir augmente la science du monde, et pourtant, sa vive curiosite et sa faculte d*observation lui font decouvrir des faits, et etablir des comparaisons

saisissantes qui echappent au commun des mortels. Le ton, toujours si naturel, et le mot juste qui caracterisent son oeuvre, lui enlSvent toutes traces de preciosite.

Du naturaliste elle a aussi, outre la vive curiosite, une bonne memoire, tous les sens tres developpes, et, en plus, l'humble opinion que l'homme a encore beaucoup a

apprendre. Elle ne dedaigne ni n'a de repulsion pour rien. CElle nous a assure meme, a diverses reprises, que les rats et les souris ne lui font pas peur, petit detail, il est vrai, mais indicatif de son penchant vers la nature.)

Tout enfant, dejajcolatte avait cette vive curiosite pour tout ce qui se trouve dans la nature. Elle nous en parle dans un beau passage du volume Sido. II s'agit d'un

1. Current Opinion 61: 121-122, Ag »16. Madame Colette and Her Amazing Menagery of Beasts, Birds and Humans

(27)

1 8

-printemps ou Sido, sa mere, p l a n t a dans p l u s i e u r s godets des

bulbes e t une chrysalyde dont e l l e a v a i t oublie l e s noms.

Sido d e f e n d i t a sa f i l l e de f o u i l l e r dans l e s pots pour

d e e o u v r i r ce qu'on y a v a i t p l a n t e . Au s u j e t de sa propre

c u r i o s i t e , C o l e t t e d i t : " E l l e (& s a v o i r , SidoJ s a v a i t que

je ne r e s i s t e r a i s p a s , moi non p l u s , au d e s i r de s a v o i r ,

e t q u ' a son exemple je f o u i l l e r a i s , j u s q u ' a son s e c r e t , la

t e r r e du pot a f l e u r s . E l l e s a v a i t q u e . . . d e j a je c h e r c h a i s ,

e n f a n t , ce choc, ce battement du coeur, c e t a r r e t du s o u f f l e :

l a s o l i t a i r e i v r e s s e du chercheur de t r e s o r . Un t r e s o r , ce

n ' e s t pas seulement ce que couvent la t e r r e , le mirage: i l

importe seulement que je denude e t h i s s e au jour ce que

l ' o e i l humain n ' a p a s , avant le mien, t o u c h e . " La c u r i o s i t e

de 1'enfant ne d e v a i t pas diminuer avec l a m a t u r i t e . Colette

nous d i t que sa c u r i o s i t e continua a s ' a g g r a v e r , e t meme

dans sa v i e i l l e s s e , bien q u ' a l i t e e , e l l e trouve encore dans

l a nature de quoi l ' e m e r v e i l l e r . Dans une de ses d e r n i e r e s

oeuvrea

T

P a r i s de Ma P e n e t r e , publiee en 1944, se trouve une

couple de phrases se r a p p o r t a n t a c e t t e c u r i o s i t e toujours

a c t i v e . E l l e v i e n t de d e e o u v r i r , au cours d'une promenade,

une espece d*animal inconnue d ' e l l e . "Un jour au B o i s , "

d i t - e l l e , " j e t r o u v a i une autre m e r v e i l l e , un de ces

crapauds-mouches, gros comme une a b e i l l e , qui sont s i bien c i s e i e e

dans une agate presque n o i r e , pourvus d'yeux ou tremble une

„ 2

p a r c e l l e d ' o r , e t je n ' e u s plus d ' a t t e n t i o n que pour l u i . "

1. Sido, pp. 46, 47.

(28)

-19-Avee un tel interet a ce qui l'entoure, Colette peut toujours offrir quelque chose de nouveau, de sorte que

ses dernieres oeuvres gardent la fraicheur de ses premieres. Par ailleurs, Colette possede une bonne memoire pour tout ce qui touche a la nature. Dans Paris de Ma Penetre. apres avoir cite les regions de la Prance qu'elle connait, elle dit: "Je n'en oublie pas beaucoup." Ailleurs, dans s o n Journal a Rebours. en parlant de 1'influence de sa mere: "J'ecoutais et retenais tout ce qu'elle enseignait, je nl en

ai rien oublie encore.Tf Pour quelqu'un qui a 1'habitude d'ecrire sans brouillon ni notes, une bonne memoire est d'un grand secours. Enfin, rappelons que les sens de Colette

sont excessivement eveilles et lui permettent une apprehension multiple du monde. Si elle jouit profondement de son savoir elle ne tire aucune fierte de ses connaissances. En cela elle participe de 1'esprit du veritable savant qui, comme elle l'ecrit: "avoue parfois son ignorance avec simplicite, car, ayant beaucoup appris, il est devenu humble devant ce qui n'est pas encore ouvert au savoir humain." °

Il n'est pas facile non plus de degager quelque systeme philosophique de ses oeuvres sur la nature. Colette ne

generalise pas volontiers, et philosophe encore moins. II est vrai qu'a des moments difficiles de son existence, elle a pu trouver dans la nature, une espece de eonsolatrice. Cependant, a cet egard, nous ne desirons pas aborder ici

1. Paris de Ma Penetre, p« 50. 2. Journal a Rebours, p. 135. 3. Paris de Ma Penetre, p. 179.

(29)

2 0

-des problemes sentimentaux e t p h i l o s o p h i q u e s , que l ' o n

t r a i t e r a plus l o i n dans c e t t e e t u d e . I c i nous nous

bornerons a s i t u e r Colette comme n a t u r a l i s t e .

C o l e t t e p l a i t au commun des l e c t e u r s parce q u ' e l l e

a, en g e n e r a l , l e point de vue de 1 ' i g n o r a n t . P o u r t a n t ,

e l l e e s t fatnili&re avec le jargon des s a v a n t s , e t ses

biographes ont s i g n a i e q u ' e l l e s a i t a fond l a nomenclature

de l a b o t a n i q u e . C e l l e - c i e l l e l ' a p p r i t de son pere q u i ,

d i t - e l l e , s a v a i t toute l a terminologie botanique, mais

dehors i l ne pouvait pas d i s t i n g u e r une plante de 1 ' a u t r e .

Heureusement, i l y a v a i t Sido pour completer 1'education

p a t e r n e l l e , e t Colette s ' a p p r o p r i a le double h e r i t a g e .

Le p o i n t de vue de Colette e s t non-technique en t a n t

q u ' e l l e n'aime pas l e s e x p l i c a t i o n s s c i e n t i f i q u e s , longues

e t compliquees. Jusqu'a un c e r t a i n p o i n t son vocabulaire

e s t egaleaient non-technique. Elle a exprime son aversion

pour l a terminologie l a t i n e dans l a b i o l o g i e ,

X

e t e l l e

ne s ' e n s e r t guere. ^n eff.et, c ' e s t une des grandes

q u a l i t e s de son oeuvre q u ' e l l e puisse p a r l e r s i clairement

e t s i aisement de s u j e t s qui p o u r r a i e n t s i facilement

demeurer purernent t e c h n i q u e s . Voici une d e s c r i p t i o n assez

typique: l ' e c l o s i o n d'un bouton de fuchsia qui, en meme

temps, montre sa connaissance p r e c i s e de l a f l e u r e t sa

t r a d u c t i o n en langage commun. (Nous ne dirons r i e n i c i de

l a valeur poetique des comparaisons.) "Le fuchsia non plus

1. G i g i , p . 155.

(30)

2 1

-n e s t muet. So-n bouto-n rougeaud -ne d i v i s e pas ses quatre

c o n t r e v e n t s , ne l e s r e l e v e pas en cornes de pagode sans

un l e g e r claquement das l e v r e s , apres quoi i l l i b e r e ,

b l a n c , r o s e . o u v i o l e t , son charmant juponnage f r o i s s e . . . "

1

P o u r t a n t , Colette n ' e c a r t e pas toujours l e mot

t e c h n i q u e . E l l e l'emploie quand l ' e x i g e la c l a r t e . E l l e

d i s t i n g u e p l u s i e u r s espeees par l e u r s noms exacts (en

employant, i l e s t v r a i

?

p l u t o t le terme franqais que le terme

l a t i n J . Ainsi e l l e p a r l e , dans la Maison de Claudine.de

l a p o u r s u i t e des p a p i l l o n s : " l e Grand Sylvain, le Plambe,

le Mars farouche,"^ mais dans l e s a u t r e s e c r i t s de Colette

i l e s t assez r a r e que le l e c t e u r o r d i n a i r e s o i t oblige d'

a v o i r recours au d i c t i o n n a i r e . J ' a i r e l e v e quelques

exemples comme: lychenee, une maree de s i z y g i e , une

anemone smaragdine, e t on conqoit qu'a cause de ses c o n n a i s

-sances etendues Colette mentionne p a r f o i s des espeees inconnues

au l e c t e u r moyen. Lorsque dans le roman Le Bie en Eerbe

j ' a i l u : "Elle mordit ses l e v r e s , f e n d i l i e e s par l e s

plongeons q u o t i d i e n s , e t chemina sur l e s rochers h e r i s s e s

3

de b a l a n e s " , le Larousse a du m'apprendre qu'un balane e s t

"un genre de c r u s t a c e s c i r r h i p e d e s , d i t s a u s s i glands de

mer." A i l l e u r s , Colette p a r l e de " t r e s p e t i t s t r i g l e s bleus

4 5

e t or" (espece de p e t i t poisson marin), e t de " l ' e p e i r e " "

(espece d ' a r a i g n e e j . Si le l e c t e u r moyen se s e n t un peu

1. Gigi, p. 148.

2. La Maison de Claudine, p. 11. 3. Le Bie en Herbe, p. 10.

4. Trois-Six-Neuf, p. 50. 5. Journal a Rebours, p. 108.

(31)

-22-deconcerte devant de telles connaissances, il est aussi seduit par ce monde de choses irreelles pour lui dont

toutefois le savoir certain de l'auteur lui garantit la realite. II y a souvent pour lui plus de poesie dans le terme exact et son imagination ne reclame ni explications suppiementaires ni generalisations assoupissantes que

Colette d'ailleurs se garde bien de donner. Dans un article botanique de soixante pages, Plore et Pornone, qui peut

donner une idee de 1*etendue des connaissances de Colette, on remarque qu'au fond il y a peu de termes qui soient inaccessibles au lecteur. S'il y en a quelques uns

(par exemple^ deutzia, dieiytre, thlaspij, ils sont,il faut l'avouer, tout a fait a leur place la,puisqu'il s'agit d'un ecrit tout special.

Pourtant, un critique, M. Gandon, dans son livre

Le Demon du Style craint que Colette, en employant des noms d'espeees rares dans ses ecrits non-techniques, encoure une certaine preciosite qui entache un tout petit peu un style autrement impeccable. A son sens, c'est le tout petit defaut—mot qu'il n'aime pas employer—d' un ecrivain dont les ressources depassent la commune mesure. II s'agit ici de la ligne de demarcation entre 1'ecrit'qui s'adresse au specialiste et au public en general. II faut reconnaitre que c'est bien rarement que Colette a outrepasse ses droits vis-a-vis d'un public ignorant.

(32)

-&o-Ce qui donne tant de valeur et de charme a 1*oeuvre de Colette, c'est sa connaissance pratique de son sujet. Son seulement elle peut reconnaitre, par leur nom et dans

leurs milieux un nombre infini d1espeees animales et

vegetales, mais aussi elle les connait pour avoir vecu, pour ainsi dire dans leur familiarite. Dans son Discours de Reception a l'Academie Royale Beige, elle fait allusion a sa connaissance pratique.at, en meme temps, signale une

difference essentielle entre son oeuvre et celle d'une amie, Madame de Noailles, qui s'occupe aussi de la nature. "Je fus,

dit Colette, "prompta a voir combien mon experience et ma memoire des choses agrestes palissaient devant son improvi-sation. Ce que j'avais pris de la Nature, la fragile enfant du jardin bien ordonne d'Amphion l'invantait puissamment." Et plus loin, dans une anecdote racontee pour montrer le sens de 1*humour de la comtesse dont elle a pris le siege dans l'Academie Beige, Colette fait ressortir le meme

contraste. "Elle (a savoir, Madame de Noailles) arrivalt a l'improviste pour voir mon petit jardin d'Autauil...Elle demanda le nom de l'herbe merveilleuse...

Mais, lui dis-je, c'est tout simplement la meiisse des abeilles.

De la meiisse, s'ecria Madame de Noailles, de la meiisseJ 2 Snfin, je connais done cette melisee dont j'ai tant parleJ"

Cette connaissance pratique qu'a Colette des plantes

\

1. Discours de Reception a l'Academie Royale Beige de la

langue e t de l i t t e r a t u r e P r a n ^ a i s e , p . 37.

(33)

-24-provient dans une certaine mesure de son inclination pour le jardinage. D'apres une de ses biographes, Colette "jardine avec passion." Jardiniere enthousiaste elle n'avait pas peur du travail manual, elle y trouvait meme une grande satisfaction. Dans La Naissance du Jour, roman quelque peu autobiographs, ecrit quand elle avait cinquante-cinq ans, Colette dit: "Soulever, penetrer, dechirer la terre, est un labeur—un plaisir—qui n'est pas sans une exaltation que nulle sterile gymnastique ne peut connaitre. Le dessous de la terre, entrevu, rend attentifs et avides

tous ceux qui Vivent sur elle." Z Ainsi elle s'identifie a

la terre, elle jouit de la travailler. Ella ne jardine pas pour la simple gloire de parer son jardin de fleurs

magnifiques, elle accorde le meme enthousiasme a 1'humble potager qu'aux plates-bandes de fleurs voyantes et parfumees. A Saint-Tropez elle bannit meme de son jardin certaines

plantes decoratives qu'elle n'aimait pas et les remplaqa par des plantes utiles, comme l'estragon et la mantha, dont elle apprecie aussi la beaute.

Colette aime a mentionner ses methodes pratiques de jardinage. Elle fait ceci brievement, presque imperceptible-ment, de sorte que son oeuvre ne fait jamais penser a un rnanuel de jardinier. Voici pour l'arrosage intelligent:

"Apres le diner il ne faudra pas oublier d'irriguer las rigoles qui encadrent les melons, et d'arroser a la main

1. Claude Chauviere: Colette, p. 8 2. La Naissance du Jour, p. 133.

(34)

-25-les balsamines, -25-les phlox, -25-les dahlias, et -25-les jeunes

mandariniers qui n'ont pas encore de racines assez longues pour boire seuls au profond de la terre, ni la force de verdoyer sans aide sous le feu constant du ciel."

Ailleurs, elle parle d'aller dans la mer pour "querir la litiere d'algues dont je veux proteger le pied des jeunes

2

mandarineirs." Ceci demontre chez elle ce sens pratique qui appartient a la race des Pranqais economes dont elle a souvent, dans ses dernieres oeuvres, loue 1'ingeniosite.

S'il fallait evaluer 1'etendue de la connaissance de Colette a laquelle on a souvent fait allusion, on pourrait citer sa biographe, Claude Chauviere, qui fut pendant

quelques annees, la protegee de notre ecrivain. "Pour ma part, je ne crois pas beaucoup au manque de culture chez

Colette.- Elle sait tout. Elle possede, entre autres richesses a sa disposition, toute la nomenclature des botanistes, et elle peut donner a une infinie variete de plantes, d'insectes rares, laurs noms scientifiquas et

rr

leur role dans l'existence." Colette a etudie tout ce qui se trouve dans les quelques cantons de la Prance qu' elle a habites. Elle connait les fleurs et autres petites plantes, les arbres et leurs fruits, les petits animaux,

les oiseaux, les insectes, surtout les papillons, les poissons et d'autres petits animaux de la mer, le temps et les saisons de son pays natal.

1. La Naissance du Jour, p. 12. 2. Op. cit. p. 122.

(35)

-26-Sur tous ces sujets, ce sont les fleurs dont Colette parle le plus souvent. Elle connait egalement les fleurs cultivees et les fleurs sauvages. Ce paragraphe tire des Vrilles de la Vi^ne donne une indication de sa connaissance des fleurs. "L'iris dort, roule en cornet sous une triple soie verdatre, la pivoine perce la terre d'une raide branche de corail vif, et le rosier n'ose encore que des surgeons d'

un marron rose, d'une vivante couleur de lombric...Cueille pourtant la girofiee brune qui devance la tulipe, elle est

coloree, rustaude et vetue d'un velours solide, comme une terrassiere...Ne cherche pas le muguet encore; entre deux valves de feuilles, allongees en coquilles de moules,

mysterieusement s'arrondissent ses perles d'un orient vert, d'ou coulera 1'odeur souveraine..." Colette peint avec une precision remarquable les couleurs des fleurs. De plus,

elle peut distinguer par leur couleur les specimens de la meme espece qui eclosent tot ou tard dans leur saison. Les espeees da fleurs mentionnees sont bien nombreuses. Dans Sido on peut compter vingt-huit espeees communes qui

se trouvaient dans le jardin de la maison natale a Saint-Sauveur. Dans Plore et Pornone Colette mentionne cent trois espeees de fleurs, et, en plus, elle mentionne au moins un trait distinctif de chaque fleur.

Colette s'occupe meme des petites plantes qui sont generalement meconnues, telles que les mauvaises herbes a

(36)

-27-fleurs, les brousailles, et la vegetation marecageuse. La liste suivante servira a montrer 1'etendue de sa connaissance. "Mon bouquet de Puisaye, c'est du jonc graine, de grands butomes a fleurs roses plantes tout droits dans l'eau sur leur reflet inverse; l'alise et

la corme et la nefle, roussottes que le soleil ne murit pas, mais que novembre attendrit; c'est la chataigne d'eau, a quatre cornes, sa farine a gout de lentille et de tanche; c'est la bruyere rouge, rose, blanche, qui croit dans une terre aussi legere que la cendra du bouleau. C'est la massette du marais a fourrure de rat gondin..."

Colette connait aussi de nombreuses espeees d'arbres decoratifs et d'arbres fruitiers. D§ns Plore et Pomone on peut dresser une liste de quarante-et-une espeees d'arbres, sans compter plusieurs varietes de fruitiers, y compris dix varietes d'orangers. Elle se rappelle tousrles arbres

fruitiers qu'on cultivait au dix-neuvieme siecle, avant la limitation des varietes exigee par le commerce moderne, et elle distingue leurs fruits par la forme, 1*odeur, et le gout.

Elle est un peu moins documentee sur les oiseaux.

A cet egard elle dit: "J'essayai d'ec^irer, aux lumieres de mon sapient illettre, 1'ignorance ou je suis de ce qui

touche l'oiseau. Mais j'aurais du commencer plus tot, et Jacques Delamain, mon autre maitre, est ne trop tard. En

(37)

2 8

-outre i l f a u t , s i l ' o n veut c o n n a i t r e l ' o i s e a u , de t r e s

bons yeux. Je n ' e u s qu'une p a r t d'amateur, e t l e s s u r p r i s e s

joyeuses q u ' e l l e comporte." Cependant, c ' e s t avec e x a c t i

-tude q u ' e l l e d e c r i t l e s oiseaux l e s plus communs e t q u ' e l l e

c o n n a i t l a p e r s o n n a l i t e de chacun d ' e u x . voici une d e s c r i p t i o n

t y p i q u e . C ' e s t c e l l e de son oiseau favori la mesange.

"Hardies en couples i s o l e s , les mesanges en nombre

sont merveilleusernant j a c a s s i e r e s e t b r a v e s . L'nomine...

a s s u r e que l a mesange e s t " f e r o c e " . . . a i a i s j ' a i vu l e s

v a l e u r e u s e s , l e s s p i r i t u e l l e s mesanges—mesange nonnette

c o i f f e e de n o i r , mesange bleue touchee d ' a z u r , mesange c h a r

-bonniere a camail modeste—bannir, d'un rond-point q u ' e l l e s

a v a i e n t e l u , un couple de geais auquel e l l e s n ' o n t l i t t e r a l e

-ment pas l a i s s e p l a c e r un mot. Le bee f o r t e t souvent s a l e ,

l e gros corps des g e a i s e t l e u r s habitudes d ' u s u r p a t e u r s ,

t o u t cela f o n d i t devant la troupe des mesanges i r r i t e e s ,

devant l e s r a v i s s a n t e s f i g u r e s enivrees de c o l e r e , les i n j u r e s

chevrotees e t l e s t o u t e s p e t i t e s s e r r e s f r a g i l e s . "

Quant aux i n s e c t e s , Colette connait s u r t o u t l e s p a p i l l o n s .

Ses f r e r e s , avides c o l l e e t i o n n e u r s , furent ses m a i t r e s , e t

i l s s u r e n t l ' i n t e r e s s e r aux p a p i l l o n s dornestiques a u s s i bien

qu'& ceux de pays e t r a n g e r s . Voici ce q u ' e l l e pense e l l e

-meme de sa connaissance en c e t t e m a t i e r e . "Le gout, la

c u r i o s i t e du P a p i l l o n me sont r e s t e s , e t une connaissance

qui depasse un peu c e l l e de 1'amateur moyen." ° Nous en

1. Gigi, p. 168.

2. Paris de Ma Penetre, p. 132 3. Journal a Rebours, p. 169.

(38)

-29-avons un. exemple lorsque nous la voyons distinguer les papillons par leur vol. "Quand le Papillon vole au loin,

je le vois mal, mais je le nomine d'apres son allure, sa maniere de se comporter dans 1'air. Comment confondre le vif battement du Machaon, par exemple, et le magistral vol de Plambe qui plans, epanouiV Mon oeil pourrait se tromper aux couleurs du Vulcain et du Paon-de-Jour, si le Vulcain soupqonneux ne fuyait la presence humaine. Le Paon-de-Jour au contraire se pose, interroge chaque fleur, muse, s'enivre sur le chanvre rosa, pard toute prudence, se laisse saisir entre deux doigts..."

Colette connait egalament la faune marina. Par exemple, dans Le Bie en Herbe. dont 1'intrigue se deroule sur la'cote bretonne, se trouve cette collection d'animaux marins: "Des algues, des holoturias, des "loups", rascasses tout en tete et en nageoires, des crabes noirs a passepoils rouges et des crevettes." 2 Elle mentionne meme parfois des espeees

que le commun des mortels serait en peine d1identifier. Quant aux animaux familiers, nous les laisserons de cote puisqu'on les a deja traites dans une autre these.

Colette ne serait pas bonne jardiniere si elle n'etait bonne observatrice du tamps et des changernents qu'apportent les saisons. Elle parle de chacune de celles-ci, mais

s'occupe surtout de l'automne et decouvre les signes les plus subtils de son approche. Dans son Journal a Rebours

1. Journal a Rebours, p. 16S. 2. Le Bie en Herbe, p. 10.

(39)

3 0

-se trouve un c h a p i t r e i n t i t u l e Automne ou e l l e s i g n a l e , meme

en j u i l l e t , ces changements p r e c u r s e u r s . "L

1

automne,"

d i t - e l l e , " e s t deja l a , s i vous savez t r a d u i r e , au revers

de la f e u i l l e qui a chu sans cause, une t r a n s p i r a t i o n

e t i n c e l a n t e , e t l i r e le zigzag diamante q u ' a tendu l ' e p e i r e

s u r l e s cimes des b u i s . " E l l e d e c r i t avec la meme

e x a c t i t u d e l e s changements qui ont l i e u a 1'automne, chez

l e s p a p i l l o n s , l e s a s p e c t s d i f f e r e n t s des orages, tandis que

ses yeux p e r s p i c a e e s aperqoivent la mines p e l l i c u l e d ' e t a i n

q u i , a c e t t e s a i s o n , recouvre l e s e t a n g s .

Les sources ou Colette a puise toute c e t t e connaissance

s o n t , nous l ' a v o n s d i t d e j a , le r i c h e s a v o i r de sa mere, la

r e c o l t e inepuisable que l u i a s s u r e n t ses sens d e i i e s , mais

a u s s i l a l e c t u r e , e t l a s a m i t i e s de p l u s i e u r s n a t u r a l i s t e s

i l l e t t r e s des b o i s . Colette a toujours ete une l e c t r i c e

a v i d e , l i s a n t t o u t . Elle a toujours lu d.es l i v r e s sur l a

n a t u r e , l i v r e s techniques e t non-techniques. Non seulement

a - t - e l l e e t u d i e l a f l o r e e t l a faune des pays e t r a n g e r s , mais

e l l e a a u s s i s u i v i l e s e x p l o i t s de ceux qui ont cherche*

outre-mer l e s p l a n t e s r a r e s des t r o p i q u e s , mema s i e l l a n ' a

jamais d e s i r e l e s accompagner. i>ans 1 ' a r t i c l e I'lore e t

Pomone e l l e donne l e s t i t r e s de ses l i v r e s de chevet.

- 1 i n .

La l i s t e comprend:

1. La Grande Pomologie

2. Lesson: T r o c h i l i d e e s (ouvrages techniques sur les c o l i b r i s

e t l e s oiseaux-mouches)

(40)

3 1

-3 . Redoute: Roses

4 . Lemaire: L'Herbier de 1*amateur

5 . Madame M i l l e t - R o b i n a t : La Maison Rustique des Dames

( l a p r a t i q u e de la bonne menagere dans sa maison e t

son j a r d i n )

Apres a v o i r examine quelques uns de ces volumes, dont la

p l u p a r t d a t e n t du dix-neuvi&me s i e c l e , on a 1'impression

que C o l e t t e ne s ' e n t o u r e pas en g e n e r a l des d e r n i e r s

ouvrages p u b l i e s e t q u ' e l l a p r e f e r e r e l i r e l e s volumes

c l a s s i q u e s q u ' e l l a connait depuis longtamps.

Colette a a u s s i beaucoup a p p r i s de p l u s i a u r s n a t u r a l i s t e s

i l l e t t r e s qui v i v a i e n t d'une maniere t r e s p r i m i t i v e dans les

b o i s . E l l e devenait l e u r amie, e t i l s l u i e n s e i g n a i e n t

beaucoup de choses q u ' i l s a v a i e n t observees eux-memes.

Comment e l l e aimait a l e s e c o u t e r , a se perdre dans la

r i c h e s s e de l e u r s a v o i r i E l l e n ' o u b l i a p a s , non p l u s , d'

exprimer sa reconnaissance envers ces hommes simples pour

ca q u ' i l s l u i ont a p p r i s . 11 y en a v a i t un, par exemple,

dont e l l e d i t : "Que je me s e n t a i s pauvre quand i l p a r l a i t . '

Dans sa bouche l e s noms de l ' o i s e a u , de l ' a r b r e e t de l ' h s r b e ,

l a s chroniques de l a f o r e t s ' a j u s t a i e n t a leur objet comme

l ' a b e i l l e a la f l e u r . "

1

' C ' e s t ce que nous d i r i o n s , nous,

de Colette elle-meme.

Outre sa connaissance des p l a n t e s , des animaux e t

des phenomenes n a t u r a l s , C o l e t t e , en d e c r i v a n t un pays,

peut s a i s i r immediatement son e a r a c t e r e o r i g i n a l . Elle

(41)

-32-laisse de cote les traits frappants qui eblouissent le tourists (elle deteste le monde touristique), et ecrit comme si elle appartient a la region dont elle parle. Par exemple, elle voit la Somme comme "ce doux pays plat et blond." 1 Elle traduit fidelement la grandeur mouvante de 1'ocean sur la cote de la Bretagne. La Provence est pour elle un pays "maritime, pays de calanques d'un bleu qui n'est point suave mais feroce, de petits ports huileux qu'on ne dechiffre qu'a travers une grille de mats et de cordages...Une Provence forestiere resserre, sous la longue ombres des pins paralleles, les parfums de la resine, et sous les chines — liege crepus, ecorches vifs, erre un assez septentrional arome de fougere, de lichen ras, une

2 fallacieuse annonee de truffe..."

Colette, qui aime presqu'autant la Provence que sa Bourgogne natale, consacre plusieurs pages dans son

Journal a Rebours a comparer ces deux provinces. Elle

s'interesse a l'effet prqduit par le climat sur les plantes, les animaux, et les habitants. II ne s'agit pas la d'une etude technique, mais plutot de ses propres observations, faites apres plusieurs annees de residence dans chaque

region. Elle saisit l'oisivete agricole de l'ete meridional et la gaite des gens du Midi, et met tout cela en contraste avec la vie plus serieuse des gens du Nord, qui, eux,

s'inquietent plus des problemes que pose la vie des nations.

1. hes Vrilles de la Vigne, p. 135 2. Prisons et Paradis, p. 67.

(42)

3 3

-Assuremant, du point de vue scientifique, 1'oeuvre

de Colette deborde de r i c h e s s e s . Peut-etre n ' a - t - e l l e pas

apporte de choses nouvelles dans la connaissance du

monda, mais e l l e a assurement enrichi la l i t t e r a t u r e par

sa maniere originale de t r a i t e r le sujet. Ce qu'elle a

a dire est s i l i s i b l e ; ses f a i t s , ses observations, vibrent

de la fraicheur des champs et des bois; et dans son oeuvre

le lecteur partage son enthousiasme pour tout ce qui v i t

dehors.

(43)

CHAPITRE III

L'ELEMENT SENTIMENTAL

Il ne faudrait pas qu'un chapitre consacre uniquement aux qualites de Colette comme naturaliste laisse supposer que c'est cet aspect scientifique qui frappe le lecteur tout d'abord. Cette science, bien reelle, de Colette est tissee dans une enveloppe de charme et de seduction, qui tiennent, eux, a d'autres traits de la nature de l'ecrivain. C'est ici le moment de rappeler que la nature est, chez Colette, inseparablement liee a ses souvenirs d'une enfance extreme-ment heureuse, libre des malheurs et des deceptions qui devaient l'accabler plus tard. Par suite, cette peinture de la nature garde toujours une coloration sentimentale, une sorte de tendresse infuse dans le regard meme de Colette. Ce n'est jamais d'un oeil indifferent qu'elle voit choses ou betes, rien de ce qui existe ne lui est vraiment etranger. C'est comme si une parente secrete, qui eclate sans qu'elle en dise rien, la liait au monde.

L'evocation de cette enfance heureuse, a laquelle la nature est inevitablemant associee, est,chez Colette, un des sujets qui reviennent le plus volontiers sous sa plume. Colette est essentiellement un ecrivain autobiographique, et c'est dans ses propres experiences qu'elle a puise de

(44)

3 5

-quoi r e m p l i r de nombreuses oeuvres: journalisme, memoires,

ou romans. Mais c ' e s t s u r t o u t dans ses souvenirs d'enfance

q u ' e l l e a trouve ses deux chefs-d'oeuvre - Sido e t La Maison

de Claudine. Cet appel s i imperieux des souvenirs du passe,

nous r a p p e l l e une a u t r e oeuvre q u i , e l l e a u s s i , f a i t s u r g i r

d'une faqon magique, l e s annees d'enfance: l e s deux volumes

de Du Cote de Chez Swann de Marcel P r o u s t . Et Proust a u s s i

a s s o c i a i t a c e t t e enfance des impressions sur l a nature q u i ,

par l e u r f r a i c h e u r e t l a p r e c i s i o n s c i e n t i f i q u e des n o t a t i o n s ,

p o u r r a i e n t egalement e t r e rapprochees des d e s c r i p t i o n s de

C o l e t t e . Mais l a s ' a r r e t e l a p a r e n t e . Car, s i Colette e r r e ,

e l l e a u s s i , parmi ses s o u v e n i r s , "a la recherche d'un temps

perdu", e l l e na le f a i t pas comme P r o u s t , pour y trouver

une r e a l i t e absolue, mais bien p l u t o t pour y r e v i v r e l e s

annees l e s plus heureuses de sa v i e . I I y a toujours un

p e t i t r e l e n t de n o s t a l g i e dans sa contemplation de la n a t u r e .

Au d i r e de Claude Chauviere, dans ses souvenirs Colette

c h e r c h e r a i t "ses propres r a c i n e s , l e s s e c r e t s de son sang,

e t l a savaur inoubliee du Temps Perdu." Le c r i t i q u e ,

Andre Rousseaux, d i s c u t e a u s s i la place du souvenir chez

C o l e t t e , e t , h cet egard, i l e c r i t : "Ne cherchons pas trop

Colette dans ses j a r d i n s , accroupie au bord de 1'humus ou

du p a i l l i s . La e s t sa figure c h a r n e l l e . Mais a - t - o n

remarque q u ' e l l e n ' a jamais pu sa f i x e r a un j a r d i n , e t

que l e s plus beaux de ceux ou e l l e a passe v a l e n t surtout

1. Claude Chauviere: C o l e t t e , p . 5. Cite d'une Simone R a t e l .

(45)

3 6

-a t r -a v e r s l -a poesie du souvenir? L-a plus v r -a i e Colette e s t

dans le s o u v e n i r , dans l e s travaux du s o u v e n i r . "

l

Or, parmi tous ses souvenirs t e t l e u r nombre e s t l e g i o n ; ,

c ' e s t dans ceux de son enfance q u ' e l l e se complait s u r t o u t ,

periode d'enchantement, de pure f e i i c i t e . Avec quel

a t t e n d r i s s e m e n t ne r a c o n t e - t - e l l e pas l a vie heureuse de

f a m i l l e dans l a maison t r a n q u i l l e a Saint-Sauveur* "Ohi

aimable vie p o l i e i e e de nos j a r d i n s J " d i t - e l l e dans Sido.

q u ' e l l e e c r i v i t a l ' a g e de e i n q u a n t e - s e p t a n s . "La paix

ou l e s enfants ne sa b a t t a i e n t p o i n t , ou betes e t gens

s ' e x p r i m a i s n t avec douceur, un j a r d i n ou t r e n t e ans durant,

un mari e t une femme vecurent sans e i e v e r la voix l ' u n contra

1 ' a u t r e . . . " I I s u f f i t d'un objet quelconque, d'une b e l l e

f l e u r , d ' u n a r b r e , ou seulement d'un parfum, pour f a i r e

s u r g i r devant ses yeux c e t t e periode enchantee, e t la beaute

d ' u n jour de printemps l u i f a i t s ' e e r i e r : "Mais c ' e s t un

i n s t a n t s i pur, que l ' o n y goute le bonheur da ne penser a

% % 3

r i e n , n i a personne, sauf a 1'enfance."

t

Dailleurs Colette se demande parfois si elle voit

encore ces jours lointains tels qu'ils ont vraiment existe, ou si la lumiere sous laquelle elle les voit maintenant n'est pas un mirage. Parlant des maisons natalss, tet elle evoque

la sienne avec attendrissement dans La Maison de Claudine). elle constate dans une de ses derni&res oeuvres qu1 "une

1. Andre Rousseaux: Ames et Visages du Vingti&me Siecle, v. 2, p. 56.

2. Sido, pp. 25, 26.

(46)

3 7

-maison n a t a l e , meme bien-aimee, n ' e x i s t e jamais t o u t h f a i t

r e e l l e m e n t , puisque nous la voyons avec nos yeux d ' e n f a n t s ,

v a s t e s e t d e f o r m a t e u r s . "

1

I I l u i semble quelquefois que

son enfance e t a i t baignee d'une lumiere toute s p e c i a l s , e t

que ces j o u r s - l a ont e t e d'une f e i i c i t e p a r f a i t e . Ainsi

p a r l e - t - e l l e de l a lumiere dans le j a r d i n de Saint-Sauveur,

par une r a v i s s a n t e journee d ' e t e : "Tout le chaud matin se

n o u r r i s s a i t d'une lumiere jaune, a tremblements rouges e t

v i o l e t s , mais je ne p o u r r a i s d i r e s i ce rouge, ce v i o l e t

dependaient, dependent encora, d'un s e n t i m e n t a l bonheur ou

2

d'un eblouissement o p t i q u e . " Neanmoins, tout en sachant

que chacun e s t p o r t e a e m b e l l i r son enfance, Colette ne se

l a s s e jamais de se r a p p e l e r ces annees heureuses e t d'eprouver

pour e l l e s un r e g r e t meiancolique.

C ' e s t a i n s i que dans une de ses d e r n i e r e s oeuvres, Journal

a Rebours, Colette evoque encore ces premieres annees da sa

v i e . "Mon enfance, ma l i b r e e t s o l i t a i r e adolescence, toutes

deux p r e s e r v e e s du souci de m'exprimer, furent toutes deux

occupees uniquement de d i r i g e r l e u r s s u b t i l e s antennes vers

ca qui se contemple, s ' e c o u t e , se palpe e t se r e s p i r e .

Deserts l i m i t e s , e t sans p e r i l s : empreintes, sur la neige,

de l ' o i s e a u e t du l i e v r e ; etangs couverts de g l a c e , ou

v o i l e s de chaude brume d ' e t e ; assuremant vous me donnates

a u t a n t de j o i e s que j ' e n p o u v a i s c o n t e n i r . " Ainsi

s ' e x t a s i a i t - e l l e sur l e s beautes de la nature qui l ' e n t o u r a i e n t ,

1. Trois-Six-Neuf, p. 46. 2. Sido, p. 30.

(47)

3 8

-e t -e p r o u v a i t , nous d i t - -e l l -e , un-e pur-e f -e i i c i t -e quand, au

p o i n t du j o u r , e l l e e r r a i t s e u l e dans l a s pr£s e t l e s b o i s

da Saint-Sauveur. " C ' e s t sur ce chemin, c ' e s t a c e t t e

heure, que je p r e n a i s conscience de mon p r i x , d'un e t a t de

grace i n d i c i b l e e t de ma connivence avec le premier souffle

accouru, la premier o i s e a u , le s o l e i l encore ovale, deforme

par son e c l o s i o n . . . " Comme ces t e x t e s nous illuminent c e t t e

e x t r a o r d i n a i r e s e n s i b i l i t e d ' e n f a n t pour la n a t u r e ! Combien

p e u t - i l e x i s t e r de p e t i t e s campagnardes, l i b r e s ou s o l i t a i r e s

comme e l l e , qui comme e l l e auront e t e uniquement tandues vers

l a nature? Nous aurons a r e v e n i r sur c e t t e "connivence"

comme e l l e d i t , retenons pour l

1

i n s t a n t seulement que ces

a f f i n i t e s s i profondes ne peuvent dans son souvenir se detacher

du climat de son enfance.

Son enfance, c ' e s t a u s s i sa mere, c e l l e qui r e n d i t le

foyer a ^aint-Sauveur s i heureux. .Bien que c i t a d i n e d ' o r i g i n e ,

Sido p o s s e d a i t c e t t e s e n s i b i l i t e r u r a l a dont Colette ne se

l a s s e jamais de f a i r e l ' e i o g e e t c ' e s t e l l e , nous le savons,

q u i , la premiere, o u v r i t l e s yeux a C o l e t t e , qui l ' a r r e t a i t

devant l e s mille, p e t i t e s beautes de la n a t u r e , qui f r e m i s s a i t

de sympathie envers tout ce qui v i t , egalement secourable a

la c h e n i l l e ou a la p l a n t e b l e s s e e . Colette aime la nature

que Sido a i m a i t . Des annees plus t a r d , l o r s q u ' e l l e r a p p e l a i t

l a memoire de sa mere bien-aimee, l e s souvenirs de toutes ces

p l a n t e s e t de ces b e t e s que Sido s o i g n a i t avec t a n t de tendresse

(48)

-39-surgissaient en foule a son esprit.

Les ouvrages de Colette les plus ceiebres pour leur evocation de son enfance Sido et La Maison de Claudine -le sont ega-lement pour sa peinture de la nature. "Tout est encore devant mes yeux, le jardin aux murs chauds, les dernieres cerises sombres pendues a l'arbre, le ciel palme de longues nuees roses,— tout est sous mes doigts: revolte vigoureuse de la chenille, cuir epais at mouilie des feuilles d'hortensia, — et la petite main durcie de ma mere."

En dehors de ce sentiment qui impregne beaucoup de pages sur la nature, il nous faut essayer d'analyser les autres elements sentimentaux que nous pouvons deeouvrir. iaous notions, en passant, un peu plus haut, que Colette avait toujours eu une receptivite remarquable vis-a-vis des choses de la nature — ceci c'est sa marque propre, ce que ni une enfance a la campagne, ni une m&re, elle-meme extreme-ment sensible a la vie sous toutes ses formes, n'auraient pu lui apporter, si Colette ne 1*avait eu en naissant eomme un don. Elle a une sorte d'instinct pour la nature - une

apprehension intuitive qui vient de ce que son etre est mysterieusement accorde a tout ce qui vit. Peut-etre

peut-on comparer cela a 1'inspiratipeut-on poetique, mais une inspiration qui serait continue, il me semble que cela

rappelle plutot l4instinct. La connaissance qu'elle semble avoir de toutes choses, on dirait qu'elle na fait que

Figure

TABLE DES MATIERSS

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