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Des recherches en éducation au domaine des technologies éducatives : quelles dynamiques d’appropriation des approches critiques?

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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ésumé

Le présent article vise à contribuer au repérage des sources et des objets d’étude critiques dans les travaux sur les technologies éducatives en comparant leur dynamique d’appropriation des approches critiques à celle à l’œuvre au sein du champ dans lequel ils s’inscrivent : les sciences de l’éducation. L’article montre que les recherches en éducation possèdent un ancrage critique important depuis leur institutionnalisation. Par contraste, les travaux sur les technologies éducatives semblent davantage avoir mobilisé implicitement plusieurs formes de critique jusqu’à présent sans viser pour autant à baliser un programme de recherche critique aux cadres épistémologiques cohérents..

Mots-clés

Perspectives critiques, épistémologie recherches en éducation, technologies.

Abstract

This article aims at identifying critical sources and issues in educational technologies research by comparing the way they use critical perspective to the way such approach are used in the field of research within they are embedded: the sciences of education. The article shows that educational research has a critical foundation since its institutionalization. In contrast, research on educational technologies seems to have implicitly practiced critical posture without aiming to set out a critical research program with coherent epistemological frameworks.

Keywords

Critical perspectives, epistemology, educational research, technology.

R

Introduction

Durant les dernières décennies, des travaux scientifiques à vocation critique ont jalonné l’étude des technologies en éducation1

(Dieuzeide, 1982; Fichez, 1998; Miège, 2000; Moeglin, 2010) dans l’espace francophone et dans l’espace anglophone (Beynon et Mackay, 1989; Cuban, 2001; Noble, 1998; Selwyn, 2015). Néanmoins, ces travaux, entrepris par un nombre limité de chercheurs, n’ont pas abouti à l’établissement d’une tradition critique aux contours bien balisés dans le domaine. On peut s’étonner que les technologies en éducation n’aient pas fait l’objet d’une attention critique plus soutenue dans la mesure où elles se situent à l’intersection de deux champs de recherche disposant chacun d’une tradition critique bien établie : d’une part, les sciences de l’éducation, qui ont peu appliqué la critique au cas des technologies et, d’autre part, les théories critiques des technologies, qui ont peu été mobilisées dans les recherches en éducation. Depuis une dizaine d’années, les approches critiques dans le domaine suscitent toutefois davantage d’intérêt. Celui-ci est notamment perceptible à travers diverses initiatives de structuration théorique et humaine, auquel ce numéro thématique tente de participer. La relative dispersion et la non-cumulativité des recherches sur les technologies à visée éducative en sciences humaines et sociales ne contribuent toutefois pas à favoriser la constitution d’un programme de recherche critique aux cadres théoriques et épistémologiques cohérents (Stockless, 2018). Cet article est fondé sur le postulat selon lequel les travaux critiques portant sur les technologies en éducation s’approprient plus ou moins implicitement et indistinctement plusieurs formes de critique, qui ne correspondent pas nécessairement aux façons Périne Brotcorne

Université catholique de Louvain (Belgique) Simon Collin Université du Québec à Montréal (Canada) Elisabeth Schneider Université de Caen Normandie (France)

Des recherches en éducation

au domaine des technologies éducatives :

quelles dynamiques d’appropriation

des approches critiques?

Critical perspectives, epistemology, educational research, technology.

doi: 10.18162/fp.2019.543

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dont l’approche critique s’est déployée dans le champ de recherches auquel ils appartiennent pourtant : les sciences de l’éducation.

Dès lors, cet article vise à repérer les sources et les objets d’étude critiques dans les travaux sur les technologies éducatives en vue de contribuer à la structuration de ce champ au sein de la production scientifique francophone.

Pour ce faire, on pointe d’abord quelques traits communs majeurs aux approches critiques en sciences sociales, au-delà de la pluralité des courants qui s’en revendiquent (I). On identifie ensuite la façon dont les recherches en éducation mobilisent ces principes (II) avant d’analyser, plus spécifiquement, leurs formes d’appropriation par les travaux sur les technologies en éducation (III). Ce bref détour par les recherches en éducation montre que les travaux dans le domaine des technologies en éducation n’empruntent pas nécessairement des voies critiques analogues à celles des sciences de l’éducation. L’objectif n’est pas de donner un portrait exhaustif de l’ensemble des travaux critiques qui ont jalonné l’histoire des deux champs de recherche. Il s’agit plutôt de brosser à grands traits la manière dont les deux ensembles de travaux ont globalement incorporé les formes de critique et les ont adaptées aux enjeux relatifs à leurs propres objets d’investigation. Aussi, l’article se base-t-il sur un corpus de textes visant explicitement à contribuer à la structuration « épistémo-théorique » des deux champs concernés, en particulier concernant la dimension critique. Au vu de cet objectif n’ont été retenus que les textes témoignant, sinon d’une dimension programmatique explicite, du moins d’une portée théorique et/ou réflexive sur une problématique en lien avec les approches critiques. Les travaux empiriques, les thèses et les mémoires ainsi que les comptes rendus et les résumés de lecture ont été d’emblée exclus de la sélection.

Au-delà des travaux déjà connus par les auteurs du fait de leur autorité scientifique en la matière dans les champs concernés, les textes de référence ont été identifiés par le biais de moteurs de recherche d’abord généralistes (Google Scholar essentiellement) puis spécialisés (ERIC, Francis, Cairn.info2 pour

les textes francophones, notamment). Bien que ces portails numériques de ressources scientifiques ne proposent pas un accès exhaustif aux publications scientifiques, la recherche bibliographique mise en œuvre a fait l’objet d’une démarche réflexive et itérative tant au niveau des requêtes effectuées que de l’identification des axes structurants.

De fait, les requêtes ont été menées à partir de mots-clés en lien avec la dimension critique : « approche critique en éducation », « critique et recherche en éducation », « perspective critique, technologies/ numérique et éducation » et leur équivalent en langue anglaise. Les documents identifiés à cette étape ont fait l’objet d’une lecture rapide afin de s’assurer qu’ils cadraient bien avec problématique et qu’ils respectaient les critères d’inclusion ou d’exclusion. À partir de cette première sélection, une démarche similaire a été effectuée de façon plus restreinte au sein de quelques revues spécialisées apparaissant, au terme de cette première lecture, comme jouant un rôle majeur dans la diffusion des thématiques critiques (la revue Éducation et sociétés, notamment). L’exploration des bibliographies a permis d’identifier des ressources hors de ces bouquets numériques, lesquelles ont été intégrées le cas échéant. L’exhaustivité étant impossible, c’est la complétude et la représentativité qui ont été visées par un principe de saturation. Le fait que les trois auteurs appartiennent à des aires géographiques et scientifiques différentes contribue à cette vigilance.

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Sur base des caractéristiques propres aux approches critiques identifiées par le biais de travaux visant explicitement à dégager les attendus des postures critiques en sciences sociales (voir section 1), les textes sélectionnés ont fait l’objet d’un premier classement thématique. Celui-ci a ensuite été complété par une analyse thématique ouverte consistant à identifier d’autres caractéristiques critiques qui émergeaient de façon récurrente au fil de la lecture des textes au sein des deux champs concernés. La mobilisation de textes à la fois francophones et anglo-saxons n’a pas vocation à comparer la manière dont la réflexion critique est posée dans chacune de ces traditions de recherche. Elle vise plutôt à donner un aperçu plus complet de l’état actuel des perspectives critiques sur le numérique en éducation étant donné le faible nombre de travaux revendiquant une approche explicitement critique sur cette question du côté francophone.

Approches critiques : de quoi parle-t-on?

Depuis quelques années, le label « critique » semble jouir d’une certaine popularité au sein des recherches sur les technologies en éducation. Loin de constituer un programme au sens strict du terme tant les courants de recherche en sciences sociales convoquant la critique sont pluriels (théorie critique, sociologie critique de la domination, sociologie pragmatique de la critique), les approches critiques renvoient à des territoires de recherche différents partageant un air de famille (De Munck, 2011). Au-delà de la diversité des courants de recherche qui viennent, chacun à leur manière, alimenter le questionnement critique sur les phénomènes de société, cette section vise à identifier quelques principes majeurs qui fondent le propre des approches critiques en sciences sociales.

Un écueil courant consiste à amalgamer deux conceptions distinctes de la critique (De Munck, 2011). Dans sa première acception, la critique consiste à problématiser le monde social par le biais d’une démarche de dénaturalisation des activités sociales des individus. Il s’agit donc d’une opération de dévoilement des logiques qui se logent au creux de ce qui paraît normal et évident. Ce geste critique est dès lors inhérent à toute démarche en sciences sociales.

Loin de récuser cette conception technique de la critique, plusieurs chercheurs (Corcuff, 2012; Granjon, 2015) invitent à ne pas la confondre avec les travaux critiques au sens non générique du terme. Ceux-ci visent, outre une démarche épistémologique indispensable d’explication et de compréhension du réel – inhérente à toute étude scientifique – à évaluer (formuler un jugement sur l’ordre social) et à transformer (soutenir le changement social) la société pour contribuer à l’émancipation de tous (De Munck, 2011).

En visant à annexer une démarche évaluative aux tâches de description et de compréhension du monde social, les travaux critiques ont un rapport spécifique à la production de connaissances, que l’on peut qualifier d’objectivité engagée. Ils défendent l’idée d’un travail scientifique d’objectivation de la réalité sociale basé sur des valeurs explicitement énoncées et assumées. Il ne s’agit pas de nier la rigueur scientifique, mais de reconnaître qu’aucune activité scientifique n’est neutre sur le plan normatif. Ce positionnement récuse dès lors l’idée d’une rupture nette entre jugements de fait et jugements de valeur, et invite les chercheurs à être attentifs aux conditions et aux valeurs qui sous-tendent la production des savoirs scientifiques. Sous la condition d’une solide démarche scientifique empirico-théorique, l’opération d’évaluation critique de la société peut alors mener à la troisième dimension constitutive

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d’une démarche critique : celle qui touche à sa fonction de transformation sociale. C’est dans cet esprit que Boltanski (2009) évoque la nécessité de « donner des armes » aux acteurs sociaux.

Ces positionnements à la fois épistémologiques, normatifs et politiques ont une incidence sur le choix des objets d’étude. Les travaux pleinement critiques portent leur attention sur les questions de pouvoir, de domination, d’idéologies, d’inégalités et d’injustice sociale dans tous les domaines de la société. À l’inverse d’une perspective positiviste considérant les faits sociaux comme des « choses naturelles », ils partent du principe qu’ils ont une épaisseur sociohistorique qui explique leurs modalités actuelles (Granjon, 2015). Dans cette optique, les traits actualisés des savoirs, des discours, des pratiques et des représentations sociales sont considérés comme le résultat d’un processus de co-construction de rapports de force entre acteurs socio-historiquement situés. Loin d’être neutres, les décisions qui président aux choix sociaux sont donc porteuses de valeurs et d’intérêts particuliers qu’une approche de la société en termes de rapport social (Pfefferkorn, 2007) permet de révéler.

En sciences humaines et sociales, la volonté d’inscrire l’analyse des situations sociales dans une perspective sociétale plus large n’est que modeste étant donné la nécessité d’arrimer les recherches à une démarche d’enquête empirique circonscrite sur le plan spatio-temporel. Néanmoins, cette perspective a pour intérêt majeur de viser à mettre au jour les formes de reproduction du monde social que l’étude trop isolée des phénomènes sociaux laisse sinon largement dans l’ombre.

Ces analyses empiriques ne se limitent en ce sens pas à la description des conduites et des expériences individuelles hétérogènes, mais s’attachent au contraire à réinscrire l’étude des phénomènes micro et subjectifs dans une structure sociale objective plus large qui en conditionnent une partie de leurs traits actuels.

Approche critique en éducation : entre appropriation et renouvellement

Cette partie vise à pointer la façon dont les recherches en éducation se sont approprié les principes des approches critiques identifiés ci-dessus. Après un bref regard historique sur l’évolution des approches critiques dans le domaine, on montre que celles-ci ont progressivement été mobilisées pour documenter des objets de recherches toujours plus nombreux : de la sociologie de l’éducation à l’étude des situations d’enseignement-apprentissage en didactique, les problématiques traitées au prisme des questionnements critiques concernent à la fois les institutions éducatives, les acteurs éducatifs, les questions relevant de l’enseignement et de l’apprentissage.

Bref regard historique

La recherche en éducation est protéiforme. Elle est tant menée par des chercheurs en sciences de l’éducation qu’en dehors, lesquels mobilisent leurs cadres théoriques disciplinaires pour interroger les phénomènes éducatifs.

En France, les approches critiques ont initialement irrigué le champ de la sociologie de l’éducation dont

la sociologie critique de la domination de Pierre Bourdieu constitue la matrice théorique principale. À

partir du paradigme de la reproduction des inégalités, un pan de recherches s’est déployé : reproduction des élites et de la classe encadrante que sont les enseignants, reproduction des inégalités sociales pour

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les élèves. Les questionnements critiques dépassent progressivement le dévoilement des inégalités entretenues par les systèmes scolaires pour interroger la pertinence de l’organisation de l’éducation : choix curriculaires, modes d’enseignement et d’apprentissage (Sauvé, 1997). Ces travaux, visant à montrer que les savoirs enseignés sont loin d’être neutres, mais constituent, au contraire, le résultat de rapports de pouvoir (entre disciplines scolaires, associations professionnelles), donnent lieu à une approche de la fabrique des savoirs scolaires (Harlé, 2010).

En pointant les mécanismes sociaux générateurs des modalités des savoirs scolaires, cette perspective, au carrefour de la sociologie de l’éducation et de la didactique, s’inscrit dans une approche critique soucieuse de saisir les structures qui génèrent les traits actualisés de phénomènes sociaux inégalitaires. L’émergence de la préoccupation de l’acteur et de ses logiques d’action (Lahire, 1998), de sa difficulté à être dans une société postmoderne (Ehrenberg, 1995) a contribué à déplacer les questionnements des recherches vers des approches plus micro et ethnographiques centrées sur les acteurs en situation. L’objectif est de documenter ce qui se passe concrètement au sein des murs de l’institution scolaire (Barrère, 2002; Bonnéry, 2007) et en dehors (Le Pape et Van Zanten, 2009). Cet infléchissement épistémologique et théorique n’est pas propre aux recherches en éducation, mais constitue un mouvement de fond repérable dans l’ensemble des sciences sociales; il correspond à un glissement du paradigme de la domination vers le paradigme de l’activité (Voirol, 2014). Celui-ci recoupe le tournant pragmatique dans lequel s’inscrit la sociologique pragmatique de la critique (Boltanski, 2009) œuvrant au redéploiement d’une sociologie critique à partir du point de vue de l’acteur en situation.

Au sein des recherches en éducation ainsi que dans les didactiques disciplinaires3, ce tournant

pragmatique de la critique est soutenu notamment par la diffusion croissante des travaux de Dewey dans les publications pédagogiques. Il s’agit de renouveler l’approche de l’activité enseignante pour lutter contre les inégalités et donner à l’individu le pouvoir d’agir dans des finalités démocratiques. Fondée sur l’expérience comme nécessaire à la démocratie, l’école est, selon Dewey, prise dans un paradoxe fructueux entre la nécessité de maintenir et de transmettre ce qui a été identifié comme savoirs, normes, éléments culturels et sociaux et la nécessité de contribuer à la réformation de la société par la mise en place d’interactions entre les élèves et le milieu éducatif. Ces deux pôles doivent être en interaction sous peine de développer des formes de servilité et des rapports de domination (Zask, 2001). Cette approche permet de dépasser la frustration de l’impuissance des acteurs de l’éducation devant le dévoilement des rapports de domination à l’œuvre et de s’inscrire dans des finalités politiques et morales en adéquation avec les enjeux démocratiques propres à l’éducation (Panait et Teodoro, 2017). Elle n’interroge toutefois pas les modes de production des phénomènes sociaux par les structures éducatives et passe, en cela, à côté d’une approche critique.

Thématiques critiques dans les recherches en éducation

L’éducation aux prises avec les logiques économiques et industrielles

Dans le contexte de mondialisation et de libéralisme économique, les enjeux économiques apparaissent comme des facteurs de remise en cause des objectifs de justice sociale et de lutte contre les inégalités, éléments pourtant encore présents dans les textes de politique éducative nationale. Ils suscitent des travaux sur les discours de légitimation à l’œuvre en particulier concernant les compétences comme

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cadre pour la formation des individus, l’injonction à l’efficacité économique des systèmes éducatifs et l’évaluation dans toutes les sphères éducatives.

L’évaluation

L’évaluation des élèves et des professionnels, résultat de l’individualisation du travail et de la responsabilité de son efficacité, nie sa part collective et le poids de l’organisation du travail. Les logiques économiques internationales sont remises en question à l’aune de leur impact sur les processus de subjectivation des acteurs éducatifs et sur les trajectoires professionnelles. C’est là l’apport de l’analyse du travail (Thémines et Le Guern, 2018), de la clinique de l’activité tout comme de l’approche psychanalytique (Bodergat et Buznic-Bourgeacq, 2015) dans une perspective pluridisciplinaire qui permet de nourrir la théorie critique.

La réflexivité

La réflexivité qui s’est constituée comme un paradigme pour la formation des enseignants est issue de la conceptualisation de la construction identitaire entre subjectivité et expérience sociale. L’individu doit élaborer un savoir sur soi et un pouvoir pour l’action. De cet objectif omniprésent dans la formation des enseignants aujourd’hui découle un ensemble d’éléments normatifs langagiers : le pouvoir d’action et la notion de posture professionnelle, par exemple. Si l’on considère l’individu comme le résultat d’une entreprise d’intériorisation de normes construites sociohistoriquement et que toute réflexivité émerge dans une relation à l’autre, la réflexivité apparait comme un élément de la production normative des institutions.

L’école comme cadre normatif

La normativité des cadres de l’école est l’objet persistant des travaux de Duru-Bellat et Van Zanten (2009). Elles font le point sur les résultats d’enquêtes qui identifient les écarts entre les attentes institutionnelles, les discours et les pratiques, les trajectoires scolaires et professionnelles des acteurs de l’école, ce qui contribue à dégager les processus normatifs à l’œuvre dans les rapports sociaux de genre, les formes scolaires et les pratiques culturelles. Ces objets posent ainsi à nouveau les questions de rapport de domination, non plus d’abord à travers un rapport de classe, mais sur la base d’identités multiformes.

Deux polarisations essentielles : les élèves et les enseignants

D’autres travaux ancrés en didactique utilisent les apports des approches critiques en sociologie de l’éducation pour élargir la question de l’enseignement et de l’apprentissage.

La massification de l’enseignement, ses effets ainsi que les difficultés rencontrées par les familles populaires sont des questionnements qui nourrissent des approches didactiques soucieuses de considérer les élèves comme individus et sujets, en s’appuyant sur les recherches en sociologie de l’école et sur la question des variations socioculturelles. Un apport important est la prise en compte des enjeux situés en contexte extrascolaire. Cette ouverture s’appuie sur les apports de la sociologie des inégalités (Bonnéry, 2007) ouvrant l’approche critique à la réflexion sur les contenus scolaires.

Par ailleurs, les travaux sur la professionnalisation s’intéressent au travail réel des enseignants et se nourrissent d’autres disciplines pour mieux penser la complexité des situations investiguées. Le métier

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d’enseignant, longtemps considéré comme un métier à part, est analysé à la lumière des travaux en clinique de l’activité et en didactique (Bodergat et Buznic-Bourgeacq, 2015). La dimension critique apparait ici en mobilisant la sociologie des épreuves concernant la souffrance au travail et les contraintes issues des contextes d’enseignement en particulier (Thémines et Le Guern, 2018).

Vers des recherches critiques renouvelées en éducation

Les évolutions des formes et des activités relevant de l’éducation depuis une trentaine d’années mènent à un renouvellement nécessaire de l’approche critique.

L’internationalisation des questions éducatives, conjointe à l’autonomisation des établissements scolaires et à la réorganisation des collectivités locales, contribue à rebattre les cartes des processus d’actualisation des structures génératrices des phénomènes sociaux. Dans ce contexte, il s’agit de saisir concrètement les modalités de transformation des dynamiques institutionnelles qui concourent aux processus actuels de légitimation des inégalités sociales face au système d’éducation par le prisme d’une articulation d’échelles d’analyse variées, du local à l’international. De telles perspectives impliquent d’être interdisciplinaires en s’appuyant sur d’autres sciences sociales, comme la sociologie des organisations et la sociologie politique.

Par ailleurs, l’enjeu actuel est aussi de parvenir à dépasser les deux modèles du dévoilement et de l’émancipation, qui semblent avoir atteint leurs limites (Martuccelli, 2005). Face au développement de l’indifférence devant la dénonciation et de compétences de réflexivité par les acteurs, le projet critique se déplacerait vers l’étude des processus de construction d’équilibre entre le maintien de la domination et le travail réflexif des acteurs, dans une reconfiguration des professionnalités et des collectifs enseignants, par exemple (Malet, 2013). Ce projet d’une sociologie pragmatique de la critique trouve notamment sa résonance dans le contexte scolaire au sein des travaux portant sur la reproblématisation de thématiques scolaires, comme l’ouverture de l’école, la forme scolaire et la justice scolaire (Derouet et Derouet-Besson, 2009). Si certains enseignants se saisissent eux-mêmes de ces préoccupations pour forger une pensée critique, à titre individuel ou collectif (Robert et Garnier, 2015), la pertinence d’une sociologie critique de l’éducation à la hauteur des enjeux contemporains, liés à une société en réseaux et à des productions discursives œuvrant pour l’actualisation des structures de pouvoir et de domination, reste essentielle.

Approches critiques des technologies en éducation : une appropriation en cours

À la suite de la description de quelques axes constitutifs des approches critiques (section 1) et à leur forme d’appropriation dans les recherches en éducation (section 2), cette section vise à donner un aperçu du degré et de la forme de leur mobilisation dans le domaine spécifique des technologies en éducation.

Par contraste avec les recherches en éducation, qui ont contribué très tôt à une dynamique d’appropriation et de renouvellement des approches critiques en sciences sociales, les études sur les technologies éducatives ont moins cherché à formaliser la posture critique. Bien que les perspectives critiques connaissent un regain d’intérêt dans le champ francophone ces dernières années (Collin, Guichon et Ntebuse, 2015), celles-ci semblent encore en cours de structuration. Pour cette raison, la

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littérature francophone sur cette question est relativement limitée, ce qui explique pourquoi nous avons également pris en considération les travaux anglophones dans cette troisième section. En procédant ainsi, l’idée n’est pas de comparer les littératures francophone et anglophones, mais de donner un aperçu plus complet de l’état actuel des perspectives critiques sur le numérique en éducation; aperçu qui aurait été relativement dépouillé si l’on s’en était uniquement tenu à la littérature francophone.

Critiquer les limites des études sur les technologies éducatives : prémisse à la structuration d’un projet de recherche

critique

Dans l’ensemble, les travaux scientifiques dans le domaine semblent davantage viser à pointer les limites des recherches actuelles qu’à proposer explicitement un programme de recherche critique.

De fait, nombreux sont ceux qui attirent l’attention sur les limites du cadre de pensée dominant dans lequel s’inscrit l’intégration des technologies en éducation (sur le plan scientifique, politique et pratique). Ils convergent vers le constat d’une théorisation insuffisante de la relation entre technologie et éducation (Albero et Thibault, 2009; Chaptal, 2003; Oliver, 2011). La critique majeure repose sur l’idée que l’analyse des technologies en éducation serait grevée par des conceptions simplistes et idéologiquement biaisées du rapport entre technologies et acteurs éducatifs. Ces biais ont principalement trait à la conception technodéterministe selon laquelle les technologies possèdent des propriétés éducatives intrinsèques, contribuant ainsi de facto à améliorer l’efficacité de l’enseignement et de l’apprentissage (Collin et Karsenti, 2013).

La critique d’une conception linéaire et mécanique des effets des technologies sur l’acte éducatif n’est pas neuve. Jacquinot (1985) pointait déjà la survalorisation des technologies comme moteur du progrès pédagogique. Le discours technodéterministe étant réactivé à chaque apparition d’une nouvelle technologie éducative, cette position critique l’est aussi. Elle semble aujourd’hui partagée par la plupart des chercheurs du domaine et étayée par de nombreux résultats empiriques concernant les effets de la technologie sur l’éducation. Toutefois, elle peine à se faire entendre dans le champ politique et médiatique face au discours technodéterministe dont le simplisme continue de s’imposer avec la force de l’évidence.

La simple dénonciation des discours mécanistes en la matière, stérile pour la recherche, permet cependant de fonder la pertinence d’engager des pistes d’analyse alternatives, contextualisées et anthropocentrée des processus d’appropriation des technologies dans diverses configurations pédagogiques. L’enjeu est, comme le pointe Albero (2018, citée dans Stockless, 2018, p. 114), « de proposer des analyses théoriquement et empiriquement étayées, prêtes à courir le risque de la position critique parce qu’elles visent à rendre compte de ce qu’est l’activité humaine dans sa réalité ordinaire ».

Cet effort critique d’ordre méthodologique, propre à la plupart des travaux en sciences sociales, même à ceux qui n’adhèrent pas explicitement aux principes critiques établis en amont, constitue une étape préliminaire indispensable à l’établissement d’un projet de recherche pleinement critique. Celui-ci a l’ambition de compléter la démarche de description et de compréhension des mécanismes d’intégration des technologies éducatives en contexte, par une démarche d’évaluation de ces processus, dans leur forme actuelle, à l’aune de leur plus ou moins grande contribution au mouvement de démocratisation scolaire. Dans cette perspective, loin d’être neutres, les modalités de conception, d’implantation et

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d’appropriation des technologies éducatives sont envisagées comme un ensemble de traits actualisés de rapports sociaux inégalitaires, d’où la nécessité d’inscrire l’analyse de la technologisation des activités éducatives dans le contexte socioéconomique plus large duquel émerge ce mouvement.

L’émergence d’un projet critique : un paysage bigarré

Récemment, certains travaux (Collin et al., 2015; Papendieck, 2018; Selwyn, 2015) invitent à poser les jalons d’une programmation critique dans le champ des technologies en éducation. Toutefois, le caractère ambigu et mouvant de toute démarche critique semble parfois introduire une confusion quant aux implications épistémologiques et analytiques propres à chaque registre critique; il n’est dès lors pas rare de constater des travaux basculer indistinctement d’un type d’argumentaire critique à l’autre.

Par ailleurs, cet état de la posture critique dans le domaine mène les chercheurs à traiter de façon relativement inégale les thématiques emblématiques des approches critiques. De fait, certains objets d’étude semblent bien établis au sein du champ alors que d’autres apparaissent en voie d’appropriation ou peu appréhendés. Ces constats procèdent sans doute du mouvement de structuration en cours et pointent la nécessité de poursuivre l’exercice de clarification épistémologique de la notion de critique au sein du champ. Dans les lignes qui suivent, nous donnons trois exemples, qui représentent autant de cas de figure témoignant d’une structuration inégale des approches critiques des technologies en éducation.

Une thématique critique établie : l’industrialisation de l’éducation et de la formation

L’industrialisation de l’éducation et de la formation constitue une thématique bien établie au sein des recherches critiques du domaine. Elle fait d’ailleurs écho à certaines préoccupations travaillées par les approches critiques en sciences de l’éducation.

Guillemet (2004) brosse l’évolution de la thématique à l’échelle internationale, en particulier concernant la formation à distance. Dans l’espace francophone, les travaux de Dieuzeide (1982), mais davantage ceux de Moeglin (2010) et de Miège (2000) ont considérablement alimenté la thématique dans une perspective critique. Ils ont contribué à mettre au jour le rôle que joue l’intégration des technologies en éducation comme vecteur d’industrialisation du secteur ainsi que les rapports de domination qui se sont construits dans ce cadre entre les différents acteurs en présence.

Cette thématique semble s’être quelque peu essoufflée ces dernières années en raison de son manque d’actualisation par rapport aux évolutions éducatives récentes. Elle n’en reste pas moins pertinente pour appréhender les mutations récentes que connaît l’éducation sous l’effet des technologies dites numériques (Guillemet, 2004); elle mériterait, à ce titre, d’être réactivée dans l’espace francophone. L’intérêt pour la question semble en revanche davantage se maintenir dans l’espace anglophone. En témoigne par exemple le projet en cours Education Technology Industry Network mené par Watters ainsi que les travaux de Hall (2011) sur l’industrialisation de l’enseignement supérieur. Elle est aussi convoquée pour appréhender certaines innovations technologiques en éducation, comme les Massive Open Online Courses (MOOC) (Dumitrica, 2017; Hall, 2015). Bien qu’il soit difficile d’expliquer cet écart entre la littérature francophone et anglophone, peut-être peut-on avancer que les systèmes

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éducatifs anglophones, parce qu’ils sont moins régulés, disposent d’une marge d’initiative plus grande que les systèmes éducatifs francophones, ce qui augmente d’autant les risques d’industrialisation de l’éducation et de la formation et les préoccupations scientifiques qui y sont liées.

Une thématique emblématique des approches critiques, peinant à être adaptée à l’éducation : les inégalités numériques

Les inégalités numériques en éducation constituent un objet d’étude emblématique d’un programme de recherche pleinement critique. Pour autant, la dynamique d’appropriation par les chercheurs du domaine semble largement inachevée. Cette problématique se situe à l’intersection de deux préoccupations scientifiques : les inégalités scolaires, largement analysées en sciences de l’éducation mais qui ont peu traité des technologies, d’une part, et les inégalités dites numériques, étudiées en sciences de l’information et de la communication et en sociologie, mais qui ont peu fait l’objet de recherches en éducation. L’enjeu consiste à spécifier la problématique des inégalités numériques aux problématiques éducatives, tout en l’arrimant à celle des inégalités scolaires. Actuellement, le premier terme de l’équation – spécifier les inégalités numériques aux enjeux propres à l’éducation – reste en grande partie à effectuer.

De fait, plusieurs recherches (Gire et Granjon, 2012; Mercklé et Octobre, 2012) sur les inégalités numériques parmi les jeunes d’âge scolaire pointent l’existence de disparités en termes d’accès, de compétences, d’usages et d’intérêt à l’égard des technologies au quotidien en fonction du milieu social d’appartenance des jeunes. Ces constats ne sont pour autant pas de nature éducative et la question des inégalités numériques reste en grande partie à problématiser en regard des enjeux propres à l’éducation et en enseignement. Dans cette optique il s’agit d’examiner : (1) en quoi les inégalités numériques en contexte extrascolaire viennent percoler les usages en contexte scolaire; (2) quelles sont les implications des inégalités numériques sur le parcours éducatif des apprenants et les conditions de travail des enseignants; (3) à quelles conditions les interventions scolaires peuvent contribuer à remédier à ces formes réactualisées d’inégalités sociales et favoriser ainsi une plus grande équité de l’enseignement.

Une thématique propre à un projet de recherche critique, mais peu abordée : l’intelligence artificielle en éducation

Finalement, plusieurs thématiques propres au champ des technologies en éducation mériteraient une approche critique et sont encore pourtant peu abordées jusqu’à présent. C’est le cas de l’intelligence artificielle en éducation (IAED – de l’anglais, Artificial Intelligence in Education, AIED), initiée depuis une trentaine d’années principalement autour du développement de systèmes de tutorat intelligent dont le but est d’individualiser les parcours d’apprentissage des élèves (Becker, 2018). Les recherches appliquées en IAED, très dynamiques ces dernières années, soulèvent des enjeux relevant des approches critiques. Bien que ces développements soient louables, la fragmentation des contenus et des rythmes d’apprentissage vers laquelle ils tendent pourraient mettre à mal la mission fondamentale de socialisation de l’éducation. De plus, l’individualisation des parcours d’apprentissage pourrait contribuer, en l’absence de volonté politique explicite, à reproduire les inégalités scolaires existantes, en permettant aux élèves de milieux favorisés de réaliser leur parcours scolaire plus efficacement et plus rapidement que ceux des milieux défavorisés. On retrouve ici un enjeu déjà discuté de longue date : celui de la relation entre la différenciation pédagogique et les inégalités scolaires (p. ex., Haramein, Hutmacher et Perrenoud, 1979; Jacomino, 2012), que les travaux critiques sur l’intelligence artificielle gagneraient à

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réactualiser pour le cas de l’intelligence artificielle. Souvent mentionnés, ces questionnements critiques touchant à des enjeux réels en termes d’équité scolaire ne font pourtant pas l’objet d’investigations.

Conclusion

Cet article visait à contribuer au repérage des sources et des objets d’étude critiques dans les travaux sur les technologies éducatives. Partant du constat d’un éclatement des positionnements épistémo-théoriques dans ce champ de recherche (Albero, 2018, citée dans Stockless, 2018), l’article postule que les travaux à vocation critique s’appuient indistinctement sur plusieurs registres de critique, dans un mouvement qui diffère de la dynamique d’appropriation des approches critiques au sein du champ dans lequel ils s’inscrivent pourtant : les sciences de l’éducation.

Après avoir identifié quelques traits communs aux approches critiques, le détour par les recherches en éducation a permis de montrer leur important ancrage critique. Celles-ci se caractérisent par une forte dynamique d’appropriation des principes critiques pour l’étude d’objets multiples propres aux préoccupations éducatives. Ces travaux ont aussi progressivement contribué au renouvellement des approches critiques par le prisme de la sociologie pragmatique travaillant au redéploiement de la critique à partir du point de vue des acteurs en situation. En cela, les problématiques critiques en éducation ont suivi un déplacement conceptuel analogue à celui rencontré dans la sociologie générale depuis les années 70.

En revanche, les travaux sur les technologies éducatives ont dans l’ensemble moins cherché à formaliser un programme de recherche critique, structuré sur le plan épistémologique et théorique. Dans l’espace francophone, quelques travaux pionniers, comme ceux de Moeglin et de Miège, ont certes ouvert des voies de recherches critiques, mais celles-ci semblent jusqu’à présent avoir été peu suivies par les chercheurs. Il est vrai qu’un nombre croissant de travaux adoptent un positionnement critique visant à déconstruire les croyances pour interroger la réalité des activités pédagogiques instrumentées par les technologies. Néanmoins, ceux-ci font davantage appel à des opérations critiques d’ordre méthodologique que d’ordre axiologique, dont le propre est d’étudier en quoi les technologies apportent une contribution positive ou, au contraire, font obstacle aux missions de bien commun dévolues à l’éducation.

Les approches critiques sur les technologies en éducation dans l’espace francophone apparaissent dès lors davantage en cours de structuration. Quelques signes laissent toutefois penser que des efforts en ce sens sont en cours4.

La structuration d’un programme de recherche critique dans le domaine gagnerait à trouver sa voie singulière à l’intersection des fondements critiques établis en amont, d’une part, et des théories critiques de la technique (Feenberg, 2014), d’autre part, dont l’ambition est précisément de rendre compte d’un angle mort des approches critiques : les relations entre la technologie et les acteurs éducatifs dans une analyse attentive aux détails des rapports de pouvoir qui se jouent lors des processus sociaux d’innovation et d’appropriation. C’est, à notre sens, dans ce double mouvement d’appropriation que les approches critiques devraient se déployer à l’avenir dans le domaine des technologies en éducation.

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Notes

1 Sur base de la définition donnée par B. Albero (2014, p. 309), le terme « technologies » renvoie, dans cet article, au sens

courant qui lui est donné en éducation et formation, à savoir : « l’ensemble des objets techniques, anciens ou récents, utilisés par les acteurs du domaine. [...] Avec la banalisation du numérique, [ce terme désigne de façon générique] tout un champ d’expériences et de pratiques [éducatives et formatives] étroitement rattachées à la notion d’innovation ». Par souci de commodité, l’expression « technologies en éducation » est utilisée de façon équivalente à « technologies à visée éducative et/ou formative », et à « technologies éducatives », malgré les débats critiques relevant de l’ambiguïté sémantique de cette dernière expression quant à la nature intrinsèquement formatrice des objets techniques que celle-ci sous-tend. Si l’on suit la définition de Baron et Bruillard (1996), ces expressions désignent des technologies présentes dans le contexte éducatif soit en tant que contenus d’enseignement, soit en tant qu’outils de travail, soit en tant que médias qui appuient l’enseignement et l’apprentissage.

2 Cairn.info est un portail Internet lancé en 2002 à l’initiative de quatre maisons d’édition (Belin, De Boeck, La

Découverte et Erès) ayant en charge la publication et la diffusion de revues de sciences humaines et sociales

francophones. Ce projet visait à unir les efforts de ces maisons d’édition pour améliorer leur présence sur Internet. Son ambition est d’aider les maisons d’édition, organismes ou associations ayant en charge des publications de sciences humaines francophones à gérer la coexistence des formats papier et électronique.

3 Concernant la didactique, dans le cadre de cet article, nous ne pourrons que poser quelques éléments dans la mesure où

la dimension critique des constructions didactiques mériterait en soi une note de synthèse. En effet, si l’on considère en particulier les travaux de Brousseau, ils manifestent la préoccupation continue des apprentissages des élèves, appuyés en cela sur Piaget dans leur genèse. La diffusion du modèle coïncide avec le développement d’une épistémologie des savoirs scolaires dans une finalité d’enseignement-apprentissage efficient (Brousseau, 2011). En quoi cela manifeste explicitement ou non la prise en compte des éléments d’une théorie critique ferait l’objet d’une discussion très intéressante, mais dont nous sommes obligés de faire l’économie ici.

4 On pense notamment aux travaux du groupe Kairos autour d’une approche sociocritique du numérique en éducation.

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Pour citer cet article

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