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De l’approche communicative à la perspective actionnelle ou de l’évolution des besoins sociaux des apprenants

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CENTRE DE CIVILISATION POLONAISE UNIVERSITÉ PARIS-SORBONNE

POLONICUM, CENTRE D’ENSEIGNEMENT DE POLONAIS LANGUE ÉTRANGÈRE UNIVERSITÉ DE VARSOVIE

LE

POLONAIS

LANGUE ÉTRANGÈRE

ENSEIGNER ET APPRENDRE

SOUS LA DIRECTION DE Leszek Kolankiewicz ETD’Andrzej Zieniewicz

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(3)

aPPrenants

formations

cursus

aPPrenanTs -FormaTions -cursus

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MArc wLodArczyk

de l’aPProche communicative

à la PersPective actionnelle

ou de l’évolution des Besoins

sociaux des aPPrenants

Apprendre une langue étrangère, c’est affirmer à la fois sa propre identité et celle de l’étranger en allant vers les conditions d’une coopération et en se donnant les moyens d’éviter les affrontements.

Louis Porcher

Dans le monde actuel d’échanges internationaux et d’inte­ rac tions interpersonnelles rapprochées, la connaissance d’une deuxième langue paraît évidente. La maîtrise, même partielle, d’une troisième langue, est un atout incontestable qui apparaît même de plus en plus une nécessité pour tous ceux qui sont appelés à travailler dans ou en relation avec des pays étrangers. Le mono linguisme étant en voie de disparition, le bilinguisme rend sa place au plurilinguisme. Suivant différents points de vue, d’autres acceptions sont également possibles : ainsi parle­ t­on des personnes plurilingues, multilingues ou polyglottes 1.

Quelle que soit la définition retenue, l’approche plurilingue met l’accent sur le fait qu’un locuteur peut faire appel à la compétence communicative acquise pour entrer efficacement en interaction avec un autre locuteur et dans un but bien précis par le biais des moyens de communication fiables et efficaces.

Aussi la glottodidactique réclame­t­elle un multilinguisme pragmatique et un enseignement­apprentissage des langues adaptés aux besoins des apprenants et aux défis qu’ils sont amenés à

1 Cf. à ce propos les définitions par Beacco et Byram ou Hagège.

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relever dans la société contemporaine, que ce soit dans leur milieu de travail, dans un contexte scolaire ou pendant leurs vacances à l’étranger. Ce rajeunissement des méthodes d’enseignement des langues s’effectue dans un cadre interdisciplinaire où se rencontrent les sciences du langage et de l’éducation, où se croisent linguistes, socio­ et psycholinguistes, ethnographes – l’apprenant devenant « un sujet social ».

Ainsi, avec l’arrivée de l’approche communicative au début des années 1970, institutionnalisée par la suite 1, nous avons affaire

à une pédagogie novatrice qui donne la priorité aux échanges, quitte à commettre des erreurs dues à l’interférence du système linguistique source de l’apprenant – à moins que celles­ci ne bloquent la communication.

Heureusement, le communicationnel entre­t­il dans l’ensei­ gnement­apprentissage des langues en chassant de mauvaises habitudes, tant chez les enseignants que chez les enseignés. D’ailleurs, l’opposition enseignant versus enseigné n’est plus valable : il y a centration sur l’apprenant qui devient un acteur social. Le professeur de langue n’est plus un maître qui domine et qui impose sa volonté aux élèves tout en exigeant une bonne connaissance de la leçon. Il s’approche des apprenants, se transforme en animateur et les encourage à s’exprimer librement (dans les limites des consignes bien claires) chacun en tant qu’individu, personne, et non seulement comme élève. L’enseignant définit les objectifs des « travaux » à mener : il informe les étudiants, explique les enjeux et les stratégies didac­ tiques envisagés, donne des consignes précises sur les activités proposées. Les échanges sont motivés « par un objectif ou un besoin, personnel ou suscité par la situation d’apprentissage », les apprenants « perçoivent clairement l’objectif poursuivi » et,

1 L’Analyse des besoins des apprenants donne lieu à des publications conformes aux

directives européennes. Ainsi ont vu le jour : en 1973, Systèmes d’apprentissage des

langues vivantes par les adultes (Trim, Richterich, Van Ek, Wilkins), en 1975 Threshold

Level (program communicatif de niveau minimal défini pour l’anglais (Van Ek)) ou encore Un niveau-seuil (Coste, Courtillon, Ferenczi et al.), en 1976.

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par conséquent, leur « action donne lieu à un résultat identi­ fiable » (Goulier, p. 21). Aussi les apprenants sont­ils amenés à faire plus facilement un effort pour avancer dans le processus d’apprentissage, que ce soit dans des conditions d’autonomie ou celles de « vie coopérative » d’une classe de langue.

Ainsi, la communication devient un échange interactionnel

entre au moins deux individus situés socialement, échange qui se réalise au travers de l’utilisation de signes verbaux et non verbaux, chaque individu pouvant être tour à tour (ou exclusivement) soit producteur, soit consommateur de messages. (Moirand, p. 9­10).

La position statique et centralisée où celui qui sait questionne ceux qui ne savent pas, est remplacée par un schéma décentralisé et mobile de l’organisation de la classe. Par là même, les étudiants ont envie de s’exprimer, quelle que soit la forme de leur intervention, et désormais le rôle de l’enseignant est de surveiller la communication. Du sujet passif, l’apprenant est transformé en

vecteur du processus d’apprentissage. (Cuq, p. 21).

De son côté, la grammaire explicite offre de nouvelles propo­ sitions. On fait notamment appel aux pratiques de conceptualisa­ tion qui consistent à faciliter l’auto-structuration des connaissances

du sujet en situation d’apprentissage en l’amenant à découvrir lui-même les règles de fonctionnement de la langue. (Galisson, p. 89).

À toutes ces activités mentales s’ajoute la notion d’heuristique. On ne donne plus la règle mais on utilise des procédés de découvertes, autrement dit, on découvre les règles avec les étudiants. Ce travail est coûteux en temps, mais étant actif, il devient plus motivant et, par conséquent, donne parfois des résultats remarquables. Par ailleurs, la pédagogie communicative n’empêche aucunement l’enseignement­apprentissage de la grammaire où le côté ludique n’est pas à négliger : c’est en détournant l’attention des étudiants de l’apprentissage même de la langue qu’on facilitera l’appro­ priation de celle­ci. En s’exprimant librement, les apprenants ont toutes les chances de retenir inconsciemment certains savoir­faire linguistiques, donc atteindre l’objectif.

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L’approche communicative a, certes, fait souffler un air nouveau sur la didactique, elle n’a pourtant pas été à l’abri des critiques parfois écrasantes parmi lesquelles on doit rappeler celles qu’exposait éloquemment Robert Galisson et ceci, dès le début des années 1980, connues sous le terme de « zones d’ombres ». Citons­en quelques­unes 1 :

­ Le projet néglige le gonflement du coût inhérent au passage d’un savoir linguistique à un savoir communicatif.

­ L’autonomisation de l’apprenant appelle quelques réserves. ­ La situation faite à l’enseignant est pour le moins inconfortable. ­ L’enseignant se voit écarté du devant de la scène pédagogique. ­ Les concepts de base, empruntés et paupérisés, manquent

de fiabilité.

­ L’éclectisme en matière de théorie s’explique aussi par… l’ignorance.

En effet, les précurseurs de l’approche communicative étaient fortement encouragés par la réussite de la méthodologie com­ municative en milieu extra­scolaire (formation continue, stages intensifs…), certains se sont heurtés à l’incompatibilité des prin­ cipes du communicatif avec un contexte scolaire « captif » et ses contraintes, inexistantes dans un monde « extérieur », d’autres témoignaient d’un scepticisme profond jusqu’à se demander si la compétence de communication était « enseignable ».

Actuellement, avec l’apprentissage par les tâches, l’apprenant

est conçu comme acteur social possédant une identité personnelle, et l’apprentissage comme une forme de médiation sociale. (Cuq,

p. 21). Le rôle de l’enseignant est donc celui d’inciter et de gui­ der à l’aide des consignes précises ainsi que de gérer le processus d’enseignement­apprentissage tout en laissant une certaine liberté d’action : plus les apprenants sont capables d’agir spontanément et

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indépendamment en classe, plus ils seront à l’aise avec la langue qu’ils apprennent hors d’un contexte scolaire, quand ils auront fini leur cours.

La notion même de la tâche, on la doit à des chercheurs anglo­ saxons, dont David Nunan et Dave Willis, qui se sont penchés sur l’enseignement­apprentissage par l’accomplissement des tâches (doing Task-based Teaching), déjà dans les années 1990. Selon David Nunan la pédagogie actionnelle devrait reposer sur des activités de compréhension, de production et d’interaction tout en privilégiant le côté pragmatique par rapport à la forme linguistique. Par ailleurs, Marcelo Tano souligne : Si l’apprentissage

d’une langue est de communiquer efficacement, la priorité devrait être mise sur la fluidité et l’aisance et non sur l’exactitude, car les erreurs font partie du processus d’acquisition du langage 2.

Si à un moment ou un autre et, malgré des erreurs linguistiques, les étudiants constatent – quelquefois stupéfaits, qu’ils arrivent à utiliser la langue pour échanger avec succès, ils retrouvent leur confiance en eux et, par conséquent, sont plus motivés à com­ muniquer dans cette langue. Ainsi une acquisition progressive de savoir­être et de savoir­faire prend le pas sur les savoirs et, même si les apprenants font des fautes, ce qui compte avant toute chose, c’est qu’ils puissent communiquer afin de résoudre un problème, accomplir une tâche, atteindre un objectif visé.

En effet, est définie comme tâche toute visée actionnelle que

l’acteur se représente comme devant parvenir à un résultat donné en fonction d’un problème à résoudre, d’une obligation à remplir, d’un but qu’on s’est fixé (CERCL 2001, p.16). À ce propos Nunan

remarque qu’en concevant une tâche, il est impératif de tenir compte de plusieurs facteurs : les objectifs, le support, les activités,

2 Tano, Marcelo, « L’enseignement­apprentissage de l’espagnol de spécialité par les

tâches et ses conséquences sur l’autonomie de l’apprenant­usager », communication faite lors de la VIIIe Rencontre Internationale du Groupe d’Étude et de Recherche

en Espagnol de Spécialité (GERES), 2010, Autonomie et guidage dans

l’enseignement-apprentissage de l’espagnol de spécialité, Bordeaux, 18­19 juin 2010.

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les rôles respectifs de l’enseignant et des apprenants, le dispositif. Au cadre dressé par Nunan, Dave Willis ajoute un paramètre, qui n’en est pas des moindres, celui du résultat de la tâche, et explique qu’une tâche communicative consiste à échanger des significations pour parvenir à un résultat.

Alors que l’approche communicative visait principalement l’interaction langagière, et que son agir de référence était un agir sur l’autre par la langue (les actes de parole), il devient dans la perspective actionnelle un agir avec l’autre (l’action sociale) pour lequel la communication langagière n’est que l’un des moyens, et non plus l’objectif. (Puren, p. 9). Rappelons par ailleurs que toute

situation pédagogique implique « un contrat » qui cadre les rela­ tions entre les participants des échanges lors d’un cours de langue, les apprenants n’étant donc pas les seuls à être concernés : c’est à l’enseignant qu’incombe la lourde tâche de définir les finalités des interactions, les étapes, les moyens pédagogiques et d’instaurer un climat de travail tout en veillant à faire respecter les termes du « contrat ». Et, comme dans tout contrat, vient l’heure des négo­ ciations : les rôles, les buts communs et individuels, les modalités d’agir, les moyens d’atteindre les objectifs, les supports, les modes de présentation des résultats. La construction des règles de vie de la

communauté qu’est la classe favorise la socialisation grâce à l’expé-rience de la responsabilité, mais aussi la clarification des points de vue, l’écoute d’autrui, la confiance et l’échange (Cuq, p. 55).

Ce contrat d’apprentissage englobant également les liens sociaux qui se créent dans les interactions et les tâches effectuées en classe, présente les caractéristiques globales suivantes :

­ elles sont généralement choisies par l’enseignant en fonction de ses objectifs ;

­ elles sont effectuées par un seul apprenant ou par plusieurs ; ­ leur accomplissement donne lieu à une évaluation qui porte

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également sur la forme (une réalisation linguistique correcte). (Rosen, p. 25).

L’approche actionnelle étant en même temps une sorte de « pédagogie du projet », les étudiants sont amenés à réaliser une opération, effectuer une mission, accomplir une tâche, actions par lesquelles les participants s’engagent en interaction, réception,

production, compréhension ou médiation ou une combinaison de deux ou plus de ces activités comme, par exemple, l’interaction avec un service public et la réponse à un formulaire ou la lecture d’un rapport suivie d’une discussion avec des collègues pour parvenir à une décision sur un projet, ou le respect d’un mode d’emploi pour réaliser un assemblage et, dans le cas où il y a un observateur ou un assistant, le commentaire ou la demande d’aide sur la procédure, ou encore la préparation (à l’écrit) d’une conférence et la conférence, ou la traduction officieuse pour un visiteur, etc. (CERCL 2001, p. 16).

Il s’agit donc de partager les rôles pour préparer aussi bien un gâteau d’anniversaire que de prononcer un discours ou faire l’interprète. Ainsi l’accent est mis sur l’autonomie et la responsabilité de l’apprenant et son rôle de médiateur dans tout type d’échanges entre locuteurs (d’autres acteurs sociaux) en train de réaliser différents actes de communication. Et comme les psy­ cholinguistes ont démontré qu’il est impossible de ne pas tenir compte de sa langue maternelle dans le processus d’enseignement­ apprentissage d’une langue étrangère, les apprenants, traduisant un texte 1, réalisent, là encore, des actes de communication

(Delisle).

Par ailleurs, on tiendra toujours compte des problèmes

spéci-fiques que rencontrent les francophones quand ils abordent l’étude du polonais (catégories grammaticales n’ayant pas d’homologue

1 Selon la définition retenue dans Le Cadre européen commun de référence pour les

langues, le texte est toute séquence discursive (orale et/ou écrite) inscrite dans un domaine particulier et donnant lieu, comme objet ou comme visée, comme produit ou comme processus, à activité langagière au cours de la réalisation d’une tâche. (CECR

2001 :15). aPP renan T s -Forma T ions -c ursus

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direct en français, telles que le cas ou l’aspect, l’ordre des mots

« libre », absence d’article etc.) (Włodarczyk, p. 23­135). Ainsi, pour les étudiants polonophones serait­il difficile de comprendre l’emploi des articles et des temps français. Hélène Włodarczyk a bien raison de dire que notre souci n’est pas d’enseigner la

grammaire comme une fin en soi mais de donner aux apprenants étrangers les moyens de communiquer en polonais. Pour cela, il est nécessaire d’ajouter à l’enseignement de la grammaire conçue traditionnellement comme morphologie (modèles de déclinaison et conjugaison) des indications permettant de produire des messages non seulement corrects mais adaptés à la situation dans laquelle ils sont prononcés. (Włodarczyk, p. 123­135).

D’où les énoncés inadaptés aux circonstances dans lesquelles ils sont produits : Pardon ? (Przepraszam au lieu de Słucham ?

Proszę ?) ou bien A vos souhaits ! (Na zdrowie !) au moment de

porter un toast…

Par conséquent, la mondialisation, les moyens techniques et les technologies nouvelles ainsi que la grande mobilité des étu­ diants due notamment à l’harmonisation des diplômes au niveau européen, ont eu leur incidence sur la réflexion et le travail com­ mun de tous les acteurs de l’enseignement­apprentissage des langues. Tous, étudiants, jeunes diplômés, salariés expérimentés, seniors se voient circuler constamment au sein de l’Europe unie. La perspective actionnelle est censée préparer les apprenants à un travail en commun reprenant ainsi le modèle du travail sur un projet dans une entreprise où chacun a une tâche précise à accomplir dans le cadre d’un contrat. D’ailleurs, le rôle des institutions publiques dans l’enseignement­apprentissage des langues est indéniable, comme nous pouvons le constater en lisant, par exemple les passages tirés d’une circulaire relative à l’enseignement des langues, qui annonce la grande rupture historique entre la méthodologie traditionnelle de « grammaire­

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traduction » et la méthodologie directe 1. L’apport institutionnel

(et politique) s’avère très important : dans la Préface de l’édition de 1980 du Threshold Level English, il est question d’une approche fonctionnelle de l’enseignement de la langue et on recommande de

transformer un enseignement de la langue d’une stérilité scolastique, dominé par la grammaire, en un médium vital pour un échange plus libre des personnes et des idées. Ainsi, en 2001, un autre référentiel

européen voyait le jour. Le Cadre européen commun de référence

pour les langues (CECR), publié par la Conseil de l’Europe, sert

de référence, entre autres, à :

­ la description des objectifs d’acquisition des langues vivantes à tous les niveaux visés (A, B, C) avec un souci de promouvoir le multilinguisme

­ l’ (auto­) évaluation de l’apprenant ­ la conception de programmes scolaires

­ la conception des ressources pour la mise en œuvre des programmes scolaires

­ la rédaction de manuels

­ la conception d’outils pédagogiques

­ la mise en place des supports accompagnant le processus d’enseignement­apprentissage

­ une certification uniformisée à un niveau international.

1 L’Enseignement des langues vivantes, malgré les progrès accomplis en ces dernières années,

n’a pas produit les résultats que nous étions en droit d’attendre du zèle et du savoir de nos maîtres. Nos élèves font bien les versions et les thèmes, mais peu d’entre eux seraient capables de rédiger sans effort une correspondance ou de soutenir une conversation. Or, le but principal de l’enseignement des langues étrangères est d’apprendre à les parler et à les écrire. Si ce but n’est pas atteint au terme du cours d’études, l’enseignement a échoué. La connaissance pratique des langues vivantes est devenue une nécessité pour le commerçant et l’industriel aussi bien que pour le savant et le lettré. Au lycée et au collège, les langues vivantes ne doivent donc pas être enseignées comme les langues mortes. On ne doit pas en faire un instrument de culture littéraire ou une gymnastique intellectuelle. Il faut employer la méthode qui donnera le plus rapidement et le plus sûrement à l’élève la possession effective de ces langues. Cette méthode, c’est la méthode directe. Circulaire du 15 novembre 1901 relative à l’enseignement des langues vivantes. Bulletin Administratif du Ministère de l’Instruction Publique, N° 1495, année 1901, 23 novembre 1901, p. 896.

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Parmi les dispositifs indispensables dans la tâche des profes­ sionnels de l’enseignement et qui visent également les apprenants, trouve sa juste place le Portfolio européen des langues (PEL). Celui­ ci a été créé dans le but d’étendre et de diversifier l’apprentissage des langues à tous les niveaux et tout au long de la vie. On y détaille qualifications et expériences linguistiques et culturelles significatives de manière transparente au plan international. Il s’agit de (a) motiver les apprenants en reconnaissant leurs efforts pour étendre et diversifier leurs capacités langagières à tous les niveaux ainsi que de (b) fournir un état des capacités langagières et culturelles qu’ils ont acquises (à consulter, par exemple, lorsqu’ils passent à un niveau supérieur d’apprentissage ou cherchent un emploi dans leur pays ou à l’étranger). Avec l’apport du Cadre et celui du Portfolio, la glottodidactique se retrouve au service des exigences institutionnelles et politiques. Le rôle des dispositifs européens et nationaux est incontestable, il serait tout de même souhaitable d’éviter des tendances « monopolisantes » pour ne pas dire « monopolistes », toute didactique « prescriptive » n’étant pas acceptable, n’est plus d’actualité. Une des avancées du Cadre

euro-péen commun de référence pour les langues, c’est de passer du stade

de communication à celui d’interaction 1. Ainsi, communiquer

c’est agir (ou plutôt interagir) avec l’autre puisque, désormais, les apprenants sont considérés comme des acteurs sociaux qui ont des tâches (non seulement langagières) à accomplir. Les auteurs du CECR précisent qu’ « il y a « tâche » dans la mesure où l’action est le fait d’un (ou de plusieurs) sujet (s) qui y mobilise (nt) straté­ giquement les compétences dont il(s) dispose(nt) en vue de par­ venir à un résultat déterminé. Et le référentiel européen poursuit :

Les tâches ou activités sont l’un des faits courants de la vie quotidienne dans les domaines personnel, public, éducationnel et professionnel. L’exécution d’une tâche par un individu suppose la

1 Déjà dans les années 1920, le sémiologue russe Michaïl Bakhtine affirmait que

l’interaction constitue la réalité fondamentale de la langue. S’appuyant sur un corpus littéraire, il théorisa la notion de dialogisme en montrant comment tout texte résonne de la parole d’autrui, exhibant les discours hétérogènes de la culture environnante.

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mise en œuvre stratégique de compétences données, afin de mener à bien un ensemble d’actions finalisées dans un certain domaine avec un but défini et un produit particulier. (CECR 2001, p. 121).

Pourtant, la question se pose à savoir si toute succession d’approches est liée à l’évolution naturelle et inévitable de la langue ou est due plutôt à d’autres facteurs « extralinguistiques ». À ce propos Christian Puren émet les trois thèses qui suivent :

Thèse n° 1 : Il y a passage d’une configuration didactique à une autre lorsque les demandes, attentes et besoins sociaux ont évolué jusqu’à un point de rupture par rapport à ceux en fonction desquels la configuration antérieure s’était construite. Thèse n° 2 : La conception des ruptures historiques entre des configurations didactiques différentes et les constructions méthodologiques correspondantes se fonde à chaque époque sur le modèle idéologique contemporain du changement et du progrès social.

Thèse n° 3 : Le fort parallélisme entre les conceptions managé­ riales et les conceptions didactiques tout au long de l’évolution historique est dû aux influences simultanées et aux enjeux en partie identiques dans les deux domaines du management et de l’enseignement. (Puren, p. 6).

Quoi que l’on en dise, les méthodologies nouvelles et les récents textes réglementaires se veulent encourageants envers les appre­ nants. L’enseignement­apprentissage repose désormais sur la réa­ lisation de tâches qui ne sont plus exclusivement langagières. Les méthodes actuelles proposent moins d’activités de mémorisation répétitives (exercices à trous, phrases à relier…) que les manuels de langues d’autrefois, au profit des activités de communication, certes, peut­être pas toujours réelles mais du moins réalistes, tout en proposant des exercices parfaitement (auto­) évaluables. Par ailleurs, l’accomplissement de la tâche donne lieu au « retour sur la forme » : les étudiants sont amenés à appliquer leurs connais­ sances grammaticales par le biais des exercices structuraux axés

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sur la forme. La réalisation linguistiquement correcte étant sub­ sidiaire, les savoir­être et les savoir­faire devenant les objectifs de la leçon, l’enseignant corrige et évalue les performances des apprenants.

L’évaluation (…) ne porte pas exclusivement sur le linguistique mais elle intègre le pragmatique, c’est-à-dire l’adéquation entre la langue utilisée et son contexte d’utilisation (registre de langue adéquat à la situation et aux interlocuteurs, respect des codes socioculturels…), la pertinence des informations utilisées, ainsi que l’efficacité du message transmis. Elle ne porte pas sur un programme mais se réfère à un référentiel conçu en termes d’objectifs opérationnels en langue. Elle est positive parce qu’elle valide ce que le candidat sait faire plutôt que de sanctionner ce qu’il ne sait pas.

(Bourguignon, p. 61)

Ainsi, la pédagogie actionnelle tient compte des ressources

cognitives, effectives, volitives et de l’ensemble des capacités que possède et met en œuvre l’acteur social (CECR, p. 15). Par

conséquent, les nouveaux programmes d’enseignement par l’accomplissement des tâches visent à développer l’autonomie des apprenants dans la pratique des langues vivantes non seulement par le biais des activités langagières. Comme c’est d’ailleurs le cas des programmes des langues vivantes étrangères dans le secondaire, élaborés par nos collègues polonisants à la demande du Ministère de l’Éducation nationale 1. Devant la contrainte d’une

conception claire et une construction hétérogène des contenus d’enseignement, les autorités responsables tentent tout de même de mettre en place des dispositifs qui permettraient l’articulation des programmes d’enseignement avec les apprentissages précédents, grâce notamment à des interfaces entre le primaire, le premier cycle du secondaire, le second cycle du secondaire, l’enseignement supérieur et la formation continue. Ces supports visent l’apprenant

1 Cf. à ce propos : les programmes des langues vivantes étrangères ainsi que les

ressources pour la mise en œuvre de ceux­ci, élaborés par un groupe d’experts dont faisait partie, entre autres, l’auteur de cet article (voir Sitographie).

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dans un contexte d’enseignement­apprentissage tout au long de la vie où sont supposés acquis : savoirs, savoir­être et savoir­faire antérieurs. Certes, les finalités de l’apprentissage sont de taille et les attentes des apprenants n’en sont pas les moindres : il est parfois difficile d’y répondre de manière à satisfaire les deux parties du « contrat », mais il est surtout impératif d’éviter que se creuse le fossé entre les objectifs imposés et institutionnalisés et les aspirations des « apprenants­usagers ». Malgré les quelques « zones d’ombre » des différentes approches, force est de constater que l’enseignement­apprentissage axé sur les tâches suit de très près l’évolution des besoins sociaux des étudiants, tout en tenant compte de leur développement intellectuel et affectif. Par les enjeux qu’elle propose, la pédagogie actionnelle ouvre des perspectives aux apprenants qui, en interaction avec l’autre, auront acquis les compétences visées pour s’approprier une langue et en faire usage en respectant des normes linguistiques et socioculturelles.

Bibliographie

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Références

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