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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Acquis et perspectives de la recherche

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ACQUIS ET PERSPECTIVES DE LA

RECHERCHE SUR LES ACTIVITES

D'EVEIL EN PHYSIQUE ET TECHNOLOGIE

Jean-Louis MARTINAND

L'article précédent fait apparaître, en s'appuyant sur des exemples vécus, ce que peut être une initiation aux sciences physiques à l'école élémentaire. Les travaux de Rose MARESCOT ont été conduits et coordonnés par la Section Sciences du Service de la Recherche à l'Institut National de Recherche Pédagogique. Le but de cet article est de dégager les principaux acquis et perspectives des activités de recherche de cette Section.

Les premiers travaux ont commencé à la suite des réunions de la Commission de Rénovation de 1968 et de l'arrêté sur les disciplines d'éveil (1969). Il s'agissait alors d'« inventer » les activités d'éveil dans le domaine scientifique, de remplir le cadre vide proposé aux instituteurs avec le tiers-temps. Les équipes de l'I.N.R.P. composées surtout de professeurs d'Ecoles Normales, travaillant avec leurs stagiaires en formation initiale ou en recyclage, avec des maîtres d'application ou d'anciens stagiaires, et de quelques Inspecteurs Départementaux. avec leurs conseillers pédagogiques et des maîtres novateurs, ont alors développé une innovation foisonnante, essayant de multiples thèmes d'études sur tous les sujets imaginables. L'équipe parisienne (deux professeurs d'Ecole Normale détachés et une psychologue à mi-temps) a coordonné et impulsé ce travail au moyen de stages-rencontres au rythme de 2 ou 3 par an et par grand domaine scientifique, et par l'édition d'un bulletin de liaison interne.

Une série de publications de recherche en est le résultat (1), prolongée par des articles (2) et surtout des guides du maître couvrant sciences physiques et biologiques (3) (pour l'initiation technologique, une traduction d'un manuel allemand a été recommandée après discussion avec les équipes de recherche (4)). Leur impact a été assez important, malgré les difficultés de développement des activités d'éveil, car ils ont été longtemps les seuls documents aidant réellement les maîtres, et parce que les instructions ministérielles qui paraissent maintenant (cycle préparatoire en 1977, cycle élémentaire en 1978 (5)) s'inspirent dans une certaine mesure de ces recherches. On peut noter enfin qu'ils peuvent servir à préciser les méthodes possibles et aider les professeurs pour le nouvel enseignement de physique en 6ème et 5ème introduit dans les conditions difficiles (horaire, emploi du temps, préparation des maîtres, équipement) (6).

A  -­‐  LES  ACQUIS  DE  L'INNOVATION  

a - On peut résumer comme suit les quatre points principaux sur lesquels portait la

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1. Evolution des programmes et de la pratique des leçons de choses, introduites vers 1880, aboutissant après la dernière guerre à une dégénérescence suivie de leur suppression presque totale en physique et technologie (7). Celles-ci étaient trop souvent réduites à une nomenclature ou un dessin « d'imitation » en présence de l'objet montré par le maître. Soulignons cependant que ceci était un grand progrès par rapport à ce qui se faisait avant, c'est-à-dire le commentaire et la récitation d'une page de manuel ; une génération a été nécessaire pour introduire vraiment les leçons de choses.

2. Recherches de psychologie de l'enfant et d'épistémologie génétique, qui permettent de mieux repérer les difficultés et les possibilités des élèves de l'école primaire et suggèrent ainsi un renouvellement des manières de les observer pendant leurs activités (8).

3. Réflexion sur la nature de l'activité scientifique, pratique sociale complexe, avec ses méthodes, ses techniques, mais aussi ses attitudes et ses fonctions, et qui ne peut se réduire à ses produits, les « connaissances scientifiques », voire à leur fixation dans les livres (9).

4. Intention d'articuler initiation scientifique et développement général, comme le proposait la Commission de Rénovation pour les activités d'éveil (10).Ce point était d'autant plus important pour la physique et la technologie qu'elles ne figuraient pas au départ parmi les activités d'éveil, et que pendant quelques années de nombreux postes de physique des Ecoles Normales ont été supprimés.

b - Pour aider les instituteurs à maîtriser les activités scientifiques en classe, une

sorte de « modèle de démarche pédagogique » en activités d'éveil leur a été proposé (11).

Si on le compare à celui couramment utilisé pour les sciences physiques au lycée, et qu'on peut caractériser comme une démarche de présentation mathématisée et d'illustration expérimentale, on constate qu'il s'agit ici d'une démarche d'investigation en situation d'autonomie. Nous insistons sur cette idée d'investigation, de découverte, de construction des notions par résolution de problèmes réels, et faisons donc passer au second plan l'idée d'administration de la preuve, c'est-à-dire le « raisonnement expérimental, qui n'est en fait que la démarche d'exposition des résultats, et la recherche d'une pseudo-rigueur du langage qui substitue à l'appropriation des concepts la répression sur les mots. Plus exactement, nous situons la mise en forme nécessaire des résultats dans son véritable cadre, celui de la confrontation et de la communication orales et écrites entre enfants et adultes dans une recherche commune de l'objectivité.

Au cours de la mise au point de ce « modèle pédagogique » qui n'est pas une recette ni même une « méthode » mais une « grille de lecture » pour situer chaque phase de l'activité, deux aspects ont toujours été mis en avant :

1. Importance fondamentale donnée aux attitudes, pour des raisons à la fois épistémologiques et psychopédagogiques dans la ligne des travaux de G. BACHELARD et H. WALLON (12). D'une part, il semble que si l'on s'intéresse à l'activité scientifique, et pas seulement à ses produits accumulés (connaissances, instruments, savoir faire), il faut accorder beaucoup d'attention aussi bien aux aspects cognitifs (connaissances, stratégies et moyens de symbolisation) qu'aux aspects pratiques (instruments, savoir faire) et surtout aux attitudes, sans lesquelles le dynamisme et les blocages d'une activité restent incompréhensibles. La

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« formation de l'esprit scientifique », c'est d'abord le développement d'attitudes scientifiques.

Or les attitudes scientifiques ne sont en fait que des attitudes générales appliquées à un domaine spécifiquement scientifique : la curiosité, l'esprit critique, la créativité, l'efficacité ..., ne sont pas vraiment différents dans la vie quotidienne, l'art ou la science ; elles prennent seulement des formes spécifiques en s'investissant dans des activités aux fonctions et démarches diverses. En retour, leur développement général est difficilement concevable si elles ne peuvent s'exercer dans tous ces domaines.

Attribuer autant d'importance aux attitudes est donc la seule façon d'accorder étroitement développement général de la personnalité et formation des capacités spécifiques, en les liant dès le départ, dans les activités des enfants.

2. Il ne s'agit pas cependant de négliger la signification proprement scientifique des acquis. Car des attitudes, des méthodes ne peuvent en tournant à vide que se réduire à des manies, si des concepts et des techniques authentiquement scientifiques ne sont pas atteints. Cet aspect, trop souvent négligé dans les innovations et les recherches de pédagogie générale, amène à insister sur trois éléments :

- la nécessité d'utiliser des objectifs clairement définis, objectifs généraux et objectifs relevant des disciplines spécifiques. Pour le maître, un tableau d'objectifs (13), c'est un moyen pour programmer de manière souple le travail de l'année et préparer la séance qui vient (objectifs « fondamentaux ») ; c'est aussi un instrument pour observer la classe pendant les activités et prendre en connaissance les décisions d'intervention (objectifs « possibles »), et enfin pour évaluer les résultats. Exprimés de manière compréhensible pour les enfants, rendus concrets par des exercices d'évaluation spécifiques, les objectifs fondamentaux peuvent devenir la trame d'une sorte de contrat entre les enfants et le maître, permettant à chacun de mieux savoir où il en est et donc d'accéder à un réel pouvoir de proposition.

- le rôle décisif du maître, à deux moments cruciaux et difficiles de la démarche d'investigation : la formulation du problème, l'énonciation et l'organisation de l'acquis. On oublie facilement, si l'on n'y prend pas garde, que les enfants travaillent avec des préoccupations, et donc sur des problèmes très divers. Ainsi dans un cours préparatoire où les élèves essayaient de classer ce qui flotte et ce qui coule, l'un d'eux pensait seulement avoir « fabriqué des bateaux » : à l'encontre des autres, il avait, avec beaucoup d'application et d'intérêt, fait tout autre chose que séparer les variables d'un problème scientifique. Souvent, un problème non formulé, ou mal formulé entraîne un blocage de la recherche ; les enfants vont uniquement essayer de deviner quelle réponse souhaite le maître, ou s'agiter. A l'autre bout de la démarche, les résultats doivent être mis en forme, communiqués aux autres, critiqués, conservés par écrit : les connaissances et savoir faire scientifiques acquis apparaissent ici en tant que tels,

- l'insertion des acquis dans la vie de l'enfant. De toutes manières la démarche scientifique est un détour, elle exige une prise de recul par rapport aux besoins et aux intérêts immédiats, aux difficultés du moment. Mais ce n'est pas une raison pour l'isoler totalement au départ des préoccupations et des autres activités, comme le propose MIGNE pour les adultes (14). Sans sous-estimer les difficultés, il semble possible, et en tous cas souhaitable, de partir des évènements de la vie enfantine, des interrogations ; de ne pas cloisonner trop vite en disciplines qui, si elles ont un sens pour l'adulte (ce qui montre que c'est pour les adultes que se pose le problème de l'interdisciplinarité), n'en ont pas beaucoup pour les enfants ; de favoriser le

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réinvestissement, l'application dans la vie des connaissances, des techniques et des attitudes.

L'ensemble de ces considérations peut être synthétisé dans une démarche en trois étapes, selon un classement légèrement différent de celui présenté par Rose MARESCOT, car il adopte un point de vue plus épistémologique et moins pédagogique. Le tableau 1 résume les trois étapes et les activités correspondantes. On constate que la pédagogie proposée se centre sur un thème, avec résolution du problème ou réalisation active et autonome du projet. Elle se rapproche d'une « méthode de découverte », telle que la pratiquent certains Anglo-Saxons par l'accent mis sur l'autonomie, mais s'en écarte par l'attention portée à la formulation collective du problème, et surtout l'explicitation et la structuration progressive de l'acquis.

Elle a peu de chose à voir avec une « méthode de redécouverte » qui s'attache moins aux fonctions de la démarche scientifique qu'à certains aspects de son développement historique (15).

TABLEAU 1

ETAPES ACTIVITES

1 - En partant d'une situation vécue provoquant des questions individuelles - poser collectivement un problème précis qui motive l'ensemble du groupe et a une signification scientifique

- former un projet collectif de réalisation

L'enfant explore et agit en situation d'autonomie (point de départ provoqué ou spontané) ; il s'étonne et pose des questions, propose son projet ; il participe à un entretien permettant une libre confrontation des points de vue ; le maître oriente cet échange vers un problème expérimental ou un projet technique

2 - Recherche des éléments de réponse par l'observation,

l'expérimentation, l'analyse des documents

. Les enfants cherchent une solution en travaillant de façon aussi autonome que possible (en groupe, individuellement, ou par classe)

. L'analyse critique des résultats se fait au cours d'une présentation à laquelle participe en général toute la classe

3 - Expliciter, généraliser, organiser, appliquer et contrôler 1'acquis

· Au cours d'un entretien de classe, les enfants explicitent avec le maître les objectifs atteints

. Ils réalisent les traces écrites et matérielles, individuelles et collectives . Ils répondent éventuellement à l’exerice de contrôle établi par le maître pour certains objectifs

. Ils essayent d’appliquer l’acquis à d’autres situations, de le confronter aux acquis antérieurs

c - En physique et technologie, l'adéquation et même la possibilité d'une telle

démarche ne sont pas évidentes a priori. Il y a des difficultés nouvelles à surmonter, qui n'apparaissent pas en biologie. Elles demandent un effort important de remise en question des évidences traditionnelles, d'imagination et de rigueur, de la part des

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physiciens, enseignants autant que chercheurs. Examinons maintenant rapidement les plus notables de ces difficultés :

1. à l'école élémentaire, physique et technologie relèvent pour les enfants du même domaine d'investigation. La double erreur consistant à rejeter la technologie hors des sciences physiques, et à ne pas la reconnaître comme une discipline majeure, avec ses démarches, son objet (connaissance des structures et du fonctionnement des objets techniques, des procédures de production, de mise au point et d'utilisation), débouchant sur un savoir propre, avec des concepts propres (en particulier le concept fondamental de fonction technique), ses points de vue (caractère social, finalité , évolution des objets), est très répandue chez les physiciens. Elle conduit à exclure du champ d'activité des enfants la plupart des problèmes qui pourraient facilement amorcer une formation scientifique, en particulier tout ce qui se rapporte aux objets techniques, où les variables physiques apparaissent souvent beaucoup plus nettement que dans la nature.

2. il existe un niveau non quantitatif de la physique. Or trop peu d'enseignants arrivent à imaginer une physique non quantitative, ou, s'ils l'admettent, confondent des aspects très différents. En réalité, ce sont les relations quantitatives entre mesures, à commencer par la plus simple, celle de proportionnalité, que les enfants on de la peine à manipuler. Mais il y a longtemps qu'ils comparent et qu'ils mesurent, aussi bien pour imiter les adultes que pour réaliser un projet technique ou assurer l'équité d'une compétition ou d'un échange ; il ya ici les débuts de la construction des grandeurs physiques. Mais il y a aussi tout un autre domaine, qualitatif, qui est celui fondé sur des comparaisons aboutissant aux relations d'équivalence et d'ordre : c'est ici que se construisent des concepts aussi fondamentaux que ceux de solide, de gaz, de conducteur, de verticale (16) ...

3. on dit souvent qu'avant d'expérimenter, il faut avoir beaucoup observé ; certains pensent même qu'il existe un « âge pour l'observation », plus précoce que « l'âge pour l'expérimentation », et donc que les « sciences d'observation » peuvent et doivent être abordées plus tôt. Avec l'idée que « l'objet détient la vérité » en dehors de toute action sur lui, qu'il suffit de regarder pour voir et de voir pour comprendre, on dispose de croyances « épistémologiques » naïves qui ont fait beaucoup de tort aux sciences physiques. Il n'y a d'ailleurs pas si longtemps qu'on les jugeait inaccessibles

Il n'y a d'ailleurs pas si longtemps qu'on les jugeait inaccessibles et peu souhaitables avant la classe de seconde (17).

4. Il ne faudrait cependant pas croire qu’il n’existe que des obstacles subjectifs de ce type. Même franchis, ceux-ci laissent subsister une difficulté majeure : la structure notionnelle extraordinairement riche et complexe des sciences physiques. La réalité physique est peut-être plus « simple » que la réalité biologique – si cette appréciation paut d’ailleurs avoir un sens ! –, mais l’expérience de la recherche pédagogique montre qu’il n’en est pas de même, au moins actuellement, pour leurs réseaux de concepts. Alors que la biologie, physiologie et écologie comprises, s’appuie surtout sur des concepts classificatoires, pour lesquels la délimitation des domaines de validité et la formulation des problèmes correspondants permettent de dégager assez simplement des niveaux d’approche hiérarchisés, les sciences physiques, tout en présentant un tel aspect, comportent tout ce monde des grandeurs liées à la mesure qui se laisse beaucoup moins facilement ranger en niveaux progressifs bien séparés.

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5. enfin, les connaissances physiques, souvent abstraites et ponctuelles, ne présentent pas, à l'évidence, des liens immédiats avec la vie quotidienne et l'environnement. Il semble que la physique, surtout lorsqu'elle rejette le point de vue technologique, a tendance à s'isoler dans ses propres questions. Or, on ne maîtrisa pas une science si on n'est pas capable de formuler son savoir au niveau qui est adéquat à l'application ; pour cela, il est nécessaire de pouvoir passer d'un niveau de formulation à un autre, de pouvoir communiquer avec ceux qui ont une expérience pratique.

C'est donc un réexamen de la notion de compétence scientifique qui doit alors être effectué, pour les maîtres, autant que pour les élèves, afin de formuler les objectifs des activités d'éveil en physique et technologie.

B  -­‐  PERSPECTIVES  DE  LA  RECHERCHE  

a - Même si cette entreprise d'innovation contrôlée a atteint son but en faisant

apparaître les conditions d'une pratique des activités d'éveil – le développement de leur implantation n'étant plus du ressort de la recherche – on ne peut dissimuler ses limites. La prise de conscience de celles-ci est liée à la poursuite de la réflexion évoquée en A-a et dans la prise en compte des problèmes qui surgissent lorsqu'on s'intéresse à l'ensemble de l'année scolaire ou même de l'école élémentaire, ainsi qu'aux instruments de travail pour les maîtres. La critique des contenus des guides du maître (3) a été très utile de ce point de vue. Une double interrogation s'est développée au sein des équipes de recherche : au niveau «macroscopique», concernant les cheminements et les acquis d'une année scolaire prise dans son ensemble, au niveau « microscopique », concernant les voies empruntées par l'enfant qui découvre et apprend.

D'un autre point de vue, on peut répartir ces interrogations en catégories fondées non sur la différence d'échelle, mais sur les relations entre activités et objectifs :

1. outre les attitudes, le but des activités d'éveil est de former des compétences. Or une compétence est toujours une capacité complexe, intégrant dans un ensemble structuré et disponible, méthodes, langages, connaissances et savoir faire. Certes, un de ces aspects apparaît dominant, parce qu'il se rapporte, à un moment donné, à l'obstacle principal pour la réussite de la tâche et le développement de l'enfant, mais il n'est jamais isolé. Ainsi un concept fait partie d'un réseau conceptuel, il n'a de valeur que s'il est associé à des moyens mobilisables pour communiquer, raisonner, poser des questions, inventer des dispositifs, programmer des expériences ou réaliser des manipulations. Même si l'on se restreint au seul plan des concepts, un concept se définit souvent par différence, opposition avec ceux auxquels il se rattache étroitement ; l'appropriation des connaissances exige donc des activités de structuration, d'organisation, c'est-à-dire des comparaisons systématiques, des mises en relations entre l'expérience personnelle, le savoir construit et l'information reçue, aboutissant à des formulations nouvelles.

Pour réagir à juste titre contre un enseignement verbal, même actif, les physiciens ont récemment beaucoup insisté sur l'expérimentation, ou plutôt la manipulation – il vaudrait mieux dire dans notre cas le « tâtonnement manipulatoire » –. Nous voudrions étudier maintenant, au delà de cette activité indispensable, comment l'enfant peut organiser rétrospectivement son expérience, comparer ce qu'il vient de découvrir et de formuler avec ce que les autres ont trouvé, généraliser ses acquis.

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Nous voudrions mieux définir par quels types d'interventions le maître peut favoriser cette structuration.

2. une connaissance scientifique est la réponse à un problème. Mais comment dans la classe même, naît et se développe un problème scientifique jusqu'à sa forme dernière, au moment de la formulation de la solution ? Comment passe-t-on d'une interrogation globale, indifférenciée, personnelle, teintée d'affectivité, à un problème moins égocentrique, plus abstrait, supposant une relation hypothétique entre des variables à découvrir, ou au moins une affirmation à valider par l'expérience ? Une connaissance beaucoup plus précise de ce qui se passe dans la tête des enfants est indispensable pour que le maître puisse orienter et aider le progrès de chacun.

3. à une autre échelle, selon quels principes directeurs peut-on prévoir la succession des thèmes d'étude pour une année scolaire ? Peut-on s'en remettre intégralement à l'occasion et à l'étonnement, en escomptant ainsi couvrir la plupart des objectifs fondamentaux ? Ou faut-il programmer à l'avance une liste de sujets obligatoires ? Quelles sont les conditions à satisfaire pour articuler développement général de l'enfant, globalité de l'éveil et formation scientifique authentique ?

4. enfin, parce que ceci a été trop négligé jusqu'à présent, il est urgent de s'interroger sur le rôle des activités documentaires dans les activités scientifiques éducatives. Si l'on prend conscience du caractère limité, parcellaire, des acquis du tâtonnement expérimental sur un thème donné, même après une première généralisation faisant appel aux résultats et à l'expérience de tous les enfants de la classe, on ne peut se passer d'une confrontation avec les connaissances transmises par l'adulte, les livres, les documents. Encore importe-t-il de trouver ceux qui sont réellement adaptés aux capacités des enfants et aux besoins de l'éveil scientifique ; et s'il le faut de définir le contenu et la forme des documents à produire. (18)

b - Actuellement, les recherches auxquelles participent les physiciens se répartissent

en deux groupes :

1. un premier, qui devrait aboutir, à bref délai, à une nouvelle livraison de

Recherches Pédagogiques concerne plus spécialement (19)

- les représentations préscientifiques des enfants et leur évolution ; - les démarches de résolution de problèmes ;

- l'organisation annuelle des thèmes d'étude ;

- la construction à l'école primaire des premiers aspects de la notion de matière (substance porteuse de propriétés observables, associée à l'idée de l'universalité de ces propriétés, agent causal et support de la transmission des effets, possédant une composition chimique et une structure interne) ;

- des exemples de contribution des activités en physique et technologie à la structuration des notions d'espace, de mouvement et de temps (en particulier : repères physiques comme verticale et plan horizontal, droite « physique », notion de vitesse) ;

- le rôle possible de concepts méthodologiques comme interaction et fonction technique en tant que guides de recherche implicites ou explicites ;

- les aspects physiques du mesurage ;

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2. le deuxième groupe de recherches a débuté plus récemment, certains des thèmes donnant naissance à des équipes interdisciplinaires (20) :

- construction et mise au point d'instruments pour l'évaluation en classe, en particulier d'une grille pour l'observation des enfants en cours d'investigation ;

- étude de modèles pour l'implantation des activités d'éveil et la formation des maîtres ;

- relations entre les langages (oral, écrit, plastique) et les activités d'éveil. Il s'agit ici d'étudier en parallèle la progression de la pensée scientifique et les modifications des moyens de symbolisation et de communication (vocabulaire, morphologie, syntaxe, énonciation, argumentation) ;

- relations entre mathématiques et activités d'éveil.

c - A l'étape actuelle, une question-clé pour le développement de la recherche

semble être la mise au point d'un modèle descriptif plus élaboré des démarches pédagogiques en activités d'éveil scientifique. Il importe d'abord de prendre du recul par rapport au schéma donné dans la première partie de cet article et qui est souvent pris pour une « recette d'éveil » ; d'autres types d'activités ont leur place, associés à d'autres styles pédagogiques. Il s'agit de pouvoir situer une activité donnée dans la diversité des cheminements possibles, de reconnaître sa fonction, et d'assurer une cohérence entre les interventions pédagogiques et la dynamique propre de ces activités. (21)

Le premier élément de ce modèle consiste à différencier trois grands types d'apprentissages :

- les apprentissages spontanés, occasionnels, à l'école et hors l'école, que l'enfant réalise chaque fois qu'il surmonte un obstacle pour satisfaire son plaisir ou répondre à un besoin, au cours d'un jeu, d'une activité qui l'intéresse et a pour lui une signification profonde. On peut qualifier de « fonctionnelles » de telles activités, comme une construction, une compétition, etc...

- les apprentissages «heuristiques» ou résolution de problèmes par tâtonnement manipulatoire ou même expérimentation ;

- les apprentissages systématiques, fondés sur l'appropriation par transmission et structuration guidée, plus proches par certains aspects de la pédagogie traditionnelle d'exposition, mais avec une importance plus grande accordée à l'utilisat ion des ressources documentaires, à la comparaison effective avec les expériences de chacun, à l'application, et donc à l'intégration de l'acquis en un tout cohérent.

A ces types d'apprentissage, on peut faire correspondre des styles pédagogiques plus particulièrement adaptés. C'est le deuxième élément du modèle :

apprentissages spontanés style incitatif - le maître est à l'écoute des besoins des enfants et cherche à faciliter leur libre expression

apprentissages heuristiques style « concertant » - le maître anime, relance, conseille, présente certaines exigences, mais à d'autres moments observe en laissant les enfants autonomes apprentissages systématiques style normatif - le maître propose, transmet,

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L'étude devrait se poursuivre avec la caractérisation des contenus et instruments pédagogiques, des traces de l'activité, du rôle des groupes et des personnes. Il faudrait aussi différencier des domaines qui modèlent profondément les démarches : le monde des documents requiert des approches et apprentissages spécifiques, même s'il intervient aussi au cours de la résolution expérimentale des problèmes ; de même un projet de construction collective, la discussion d'un problème de vie apparu dans la collectivité, une interrogation angoissée sur les machines ou la pollution, conduisent à des échanges d'opinion, font apparaître des attitudes, des valeurs qui ne sont pas celles de l'investigation et de la manipulation. (22)

Faute de place, nous nous contenterons de deux remarques à nos yeux fondamentales. D'abord la démarche d'investigation autonome (résolution de problèmes) constitue le cœur des activités d'éveil scientifique ; elle correspond aux possibilités de l'enfant, elle est, à son niveau, une authentique démarche scientifique parce qu'elle en assume les fonctions principales ; elle assure donc la cohérence entre les objectifs de développement général et la formation scientifique. Mais elle est aussi la base indispensable pour toute autre démarche, d'une part en faisant déboucher les apprentissages spontanés sur un acquis explicite, d'autre part en donnant aux apprentissages systématiques une référence expérimentale à la fois concrète, diversifiée et commune.

Ces deux autres types d'apprentissages, en retour, complètent l'investigation autonome en donnant son impact à la formation scientifique : par eux passent l'enracinement dans le vécu et les possibilités d'application. A l'école, la part des activités fonctionnelles va décroître, alors que celle des activités systématiques augmentera avec la croissance des enfants.

Tels sont, brièvement esquissés, les acquis et perspectives de la recherche pédagogique sur les activités d'éveil en physique et technologie, au moment où les instructions ministérielles leur donnent plus de crédibilité en fixant leur contenu. Pour terminer, nous voudrions insister sur les caractères particuliers d'une telle recherche, à la fois fondamentale, parce que, si elles sont indispensables, ni la psychologie, ni l'épistémologie, ni la physique ne donnent de solutions toutes faites aux problèmes pédagogiques ; et recherche appliquée parce que liée à l'action pédagogique pour laquelle elle produit des instruments de travail, d'observation, de régulation.

Progressant à son rythme, avec ses modèles théoriques, ses méthodes d'essai et d'évaluation, cette recherche ne peut vivre qu'en rapport étroit aussi bien avec l'innovation que toute pratique sociale suscite surtout quand elle se fait dans des conditions nouvelles, qu'avec la formation initiale ou permanente des maîtres dans les Ecoles Normales et l'animation dans les circonscriptions d'inspection. C'est un type de recherche original, associant praticiens, formateurs et chercheurs, non exclusif d'autres types plus conformes aux styles et aux moyens des laboratoires académiques ou des mouvements pédagogiques.

Avec cet article, l'auteur voudrait remercier tous les maîtres, professeurs d'Ecoles Normales et Inspecteurs avec qui il a eu le bonheur de travailler ; il aimerait dire sa reconnaissance à M. HOST, sans qui les activités d'éveil en physique et technologie ne seraient sans doute encore qu'une espérance.

(11)

NOTES

* Dans cet article, nous considérons les sciences physiques sous leur double aspect de sciences techniques et naturelles, telles qu'elles sont depuis qu'elles se sont constituées en sciences expérimentales (XVIIe siècle)

1 Recherches pédagogiques - Activités d'éveil scientifiques à l'école élémentaire

I (RP n°62) Objectifs, méthodes et moyens, 1973

II (RP n°70) Première approche des problèmes écologiques, 1974 III (RP n° 74) Initiation physique et technologique, 1975

IV (RP n°86) Initiation biologique, 1976

consulter aussi, mais il s'agit d'un état déjà ancien de la recherche :

RP n° 51 Les activités d'éveil à dominante intellectuelle au cours

préparatoire

2 V. HOST - L'initiation à la méthode scientifique : l'étude de la nature in

Legrand et al. Pédagogie fonctionnelle pour l'école élémentaire nouvelle, tome 2,

p.81-96, Nathan, 1973.

3 a - collection Tavernier : L'éveil par les activités scientifiques, Bordas, 1973 - De la maternelle au cours élémentaire, guide du maître 1er niveau, 1974 - Piles, ampoules, aimants, guide du maître du CE au CM, 1975

- L'eau, l'air, le temps qu'il fait, guide du maître du CE au CM, 1976 b - collection Dulau-Marbeau (fichier du maître), Nathan

- Activités d'éveil pour les enfants de 5 à 7 ans ; cours préparatoire, 1973 - Activités d'éveil pour les enfants de 7 à 9 ans ; cours élémentaire, 1974

4 ULLRICH et KLANTE : Initiation technologique de la maternelle à l'école

élémentaire, OCDL, 1975.

5 Contenus de formation à l'école élémentaire, CNOP

- cycle préparatoire, 1977 - cycle élémentaire, 1978

Précédemment rédigé par un des Inspecteurs Généraux de la formation des maîtres, mais sans caractère officiel :

P. CHILOTTI : Pour une pédagogie des activités d'éveil (en général) et des

activités physico-technologiques en particulier, INRDP, 1976

6 A. CHOMAT, J.-L MARTINAND : La physique en 6ème, une pédagogie nouvelle ? Bulletin de l'Union des Physiciens, n° 599, déc. 77, p.385-389

7 On peut consulter pour la dernière période :

E. MICHAUD - Pédagogie des sciences, PUF, col. SUP, 1970

Y. DEFORGES - L'éducation technologique, Casterman, col. E3, 1970 8 pour une première approche, signalons ici

J. PIAGET, B. INHELDER, Psychologie de l'enfant, PUF, col. Que sais-je ? H. WALLON, L'évolution psychologique de l'enfant, Colin, col. U Prisme

L. LEGRAND, Psychologie appliquée à l'éducation intellectuelle, Delachaux et Niestlé, 1968

9 R. BLANCHE, La méthode expérimentale et la philosophie de la physique, Colin, col. U2, 1969

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Des préoccupations analogues concei nant l'enseignement secondaire se trouvent dans :

F. HALBWACHS, La physique du maître entre la physique du physicien et la physique de l'élève, in Revue Française de pédagogie n° 33, 1975, p.19-29 10 P. MORISSET, Questions d'enfants et activités d'éveil, Pédagogie actuelle,

INRP, 1976

Pour un point de vue différent de celui des équipes de recherche, mais avec des intentions analogues :

J.-P. SERRI, Les activités d'éveil, Delagrave, 1977, 286p

11 Voir en particutier Recherches Pédaqoqiques n° 62 (op. cit. p.74-77) 12 G. BACHELARD, La formation de l'esprit scientifique , Vrin, 257p

TRAN THONG, La pensée pédagogique d'Henri Wallon, PUF, 1969, 174p Il ne faudrait pas cependant dissimuler les différences avec certaines conceptions pédagogiques de BACHELARD comme de WALLON. Dans le cadre de conceptions «traditionnelles», on trouve aussi des réflexions stimulantes chez :

J. CHATEAU, Psychologie de l'éducation, Vrin, 1970, 58p

13 On trouvera un tableau des objectifs possibles (et non obligatoires), spécifiés aux sciences physiques dans Recherches Pédagogiques n°74 (Op.Cit.), p. 237-268

14 J. MIGNE, Les obstacles épistémologiques et la formation des concepts in

l'Education permanente, n° 2, p.4l-55

15 Ch. BRUNOLD, Esquisse d'une pédagogie de la redécouverte dans

l'enseignement scientifique, Masson, 1947

16 Il ne faut pas confondre cette physique qualitative (il y en a une autre, celle de l'évaluation, de l'utilisation de raisonnements à la limite, etc ... mais qui n'existe que sur la base d'une maîtrise approfondie de la physique quantitative) avec l'évocation analogique du savoir scientifique, la vulgarisation, qui est tout autre chose.

17 Voir par exemple Cahiers Pédagogiques n° 11, janvier 1959, l'Enseignement de la physique, p.22

18 Des discussions suivies ont lieu dans ce sens avec les collègues auteurs de manuels, ou responsables pour les sciences physiques des Bibliothèques de Travail (ICEM).

19 Pour suivre l'évolution de ces recherches, consulter les comptes rendus de stage dans les bulletins de la Section Sciences :

Activités d'éveil scientifique n° 12, p.67-68

n° 13, p.14-21

n° 14, p.14-56

n° 15, p.53-102

n° 16, p.74-83

20 Consulter l'ensemble des bulletins Activités d'éveil scientifique : initiation

(13)

Consulter aussi les bulletins La recherche pédagogique et la mise en place des

activités d'éveil à l'école élémentaire; 4 numéros parus, INRP

21 Voir dans le bulletin Activités d'éveil scientifiques, initiation expérimentale (op. cit.) :

- V. HOST, Propositions en vue de la discussion des points de convergence des différentes recherches en cours, bul. N° 16, p.3-17

- V. HOST, Place des procédures d'apprentissage dites spontanées dans la formation scientifique, bul. N° 17, p.46-58

22 Dans un esprit à bien des égards analogue, mais concernant la formation des adultes :

Références

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