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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Des choses aux mots : le dessin d'observation à l'école maternelle, un outil pour l'apprentissage

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Academic year: 2021

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DES CHOSES AUX MOTS :

LE DESSIN D’OBSERVATION À L’ÉCOLE MATERNELLE,

UN OUTIL POUR L’APPRENTISSAGE

Georges GARDET*, Dominique BERGER*, Patricia HEBERT**, Éliane RUBI* et Martine DANIÈRE*

*IUFM de l’Académie de Lyon

**École maternelle d’application d’Estiallet à Montbrison (Loire)

RÉSUMÉ : À l’école maternelle, la réalisation d’une trace écrite par l’élève prend souvent la forme d’un dessin, éventuellement avec quelques mots accompagnateurs pour les plus grands. Dans le champ scientifique ou technique, ces dessins peuvent êtres demandés individuellement aux élèves dans le cadre de l’observation d’objets, d’êtres vivants ou de phénomènes. Selon B. Calmettes, les dessins d’observation obtenus, sont au moins de deux types selon que les élèves ont ou n’ont pas directement sous les yeux la réalité observée au moment de leur production écrite. Dans ce dernier cas, cet auteur préfère le terme de dessin « de mémoire » (Calmettes, 2000). Nous conserverons dans ce travail le terme de dessin d’observation comme moyen de communiquer une observation tout en précisant à chaque fois le scénario pédagogique dans lequel le dessin d’enfant est produit.

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1. CADRAGE THÉORIQUE ET HYPOTHÈSES DE L’ÉTUDE

Les difficultés des élèves dans la production de dessins d’observation sont « liées d’une part, aux techniques graphiques et d’autre part, à une analyse non scientifique de l’objet ou du phénomène observé » (Calmettes, 2000). Sur le plan psychologique, cette forme d’expression passe par une procédure métacognitive complexe : elle exige une observation de la réalité par l’enfant, une analyse et le prélèvement d’indices pertinents, l’abstraction de ces derniers et leur transposition graphique. Néanmoins, les dessins produits par les élèves des classes maternelles, « maladroits dans la forme, peuvent témoigner, par les détails représentés, d’une excellente observation de l’enfant » (Coquidé-Cantor, 2002).

La tâche est donc difficile pour le jeune élève, mais elle semble potentiellement favorable aux apprentissages. Cependant, la question de la définition précise de ces apprentissages en fonction des situations didactiques disponibles à l’école maternelle reste ouverte.

Dans le cadre de cette question, nous avons tenté de mettre à l’épreuve les hypothèses suivantes : - les dessins successifs de l’enfant traduisent l’évolution de l’image mentale, des connaissances et

des conceptions qu’il a sur la réalité observée (H1)

- cette évolution est principalement due aux interactions entre les élèves et le maître (tutelle individuelle, retour réflexif) qui les aide à décrire ce qu’ils ont représenté et à le comparer à la réalité observée (H2).

Ces hypothèses supposent l’adoption dans le domaine des sciences des thèses socio-constructivistes sur l’apprentissage. Celui-ci correspond alors à une modification des images mentales et/ou des conceptions de l’apprenant, étroitement dépendante des interactions avec l’enseignant et les autres apprenants.

2. ANALYSE DE PRODUCTIONS D’ÉLÈVES DE GRANDE SECTION DE MATERNELLE

Nous avons construit, testé et analysé des situations de classes en Grande Section (GS) afin d’étayer les deux dernières hypothèses H2 et H3. Nous présenterons 2 exemples de ces situations.

1/ Situation 1 : observations d’objets techniques

Les élèves ont sous les yeux (par groupes de 6 tournants sur la semaine) les outils en matière plastique d’une mallette de jeux de construction (un marteau, une pince, un tournevis et une clé

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plate) et doivent les dessiner avec seulement un crayon à papier. Ces outils ont été présentés à ces élèves au cours des séances précédentes et une affiche se trouve face à eux, portant une photo de chaque outil et son nom à côté. De plus, ils ont déjà utilisé l’ensemble du jeu de construction pendant plusieurs semaines.

Le choix de ces outils a été guidé par le fait qu’ils sont relativement simples à dessiner réduisant les difficultés de technique graphique pour les élèves. Nous pourrions ainsi et a priori mieux interpréter leurs productions du point de vue de l’avancée des connaissances scientifiques sur l’objet qu’elles révèlent chez eux.

Parmi les plus communs des premiers dessins obtenus, nombre d’éléments viennent étayer nos hypothèses.

L’enfant dessine ce qu’il sait de l’objet (ou ce que le mot correspondant évoque pour lui) au lieu d’observer véritablement celui-ci : il semble transcrire sur le papier une image mentale au sens où l’entend Calmettes : « un signifiant symbolique qui représente en le schématisant l’état en un instant d’une connaissance et d’une activité » (étayage hypothèse H1).

Photo 1 Dessin 1

Interprétation (premiers dessins)

Ici, par exemple, la croix en bas à droite (Photo 1) n’est pas fidèle à la réalité (la tenaille en plastique placée devant l’élève) mais il semble que l’élève a construit une première symbolisation de la pince : « ça se croise et ça tourne autour du croisement ». Cette croix contient de l’information sur « les pinces » (forme, fonction), même si le plus important mécaniquement n’est pas retranscrit : le bras de levier provoqué par le fait que ce croisement n’est pas au centre de la pince (position de l’axe). Dès les premiers dessins, les objets sont topologiquement structurés (à l’exception du marteau ici) c’est-à-dire d’une seule partie, non éclaté en partie distincte comme l’on peut

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Autre exemple (dessin 1) : sur ce dessin de la clé plate à 6 pans, l’élève a essayé de traduire le fait que la clé « accroche » l’écrou qu’elle enserre, d’où ces dents représentées dans les 2 zones de la clé plate destinées à accueillir l’écrou. Ce dessin traduit, lui aussi, une connaissance de l’enfant sur la clé (forme, fonction) qui dépasse la simple reproduction du modèle présent devant lui.

L’évolution des dessins est sensible à la tutelle de la maîtresse qui aide à décrire ce qui est représenté et à le comparer à la réalité observée (étayage hypothèse H2).

Interprétation (évolution)

Ici, par exemple (photo 2), la maîtresse a montré à l’élève qui avait fait le dessin de la photo 1 que la tenaille avait des poignées par rapport à son dessin. L’élève semble dans un premier temps ne tenir compte que de cette nouvelle information (voir le dessin qu’il cache légèrement avec sa main gauche), mais ce dessin n’est pas compatible avec son image mentale (photo 1).

Photo 2 Dessin 2

D’où, de lui-même, l’élève propose un dessin qui fait la synthèse de tout ce qu’il sait sur « les pinces », mais qui surdimensionne les poignées (cf. Sénési 1998 : surdimensionnement des parties de l’objet sur lesquelles la main agit directement).

Quelques semaines plus tard : il dessine à l’accueil et la maîtresse aide à décrire ou fait reconnaître l’outil et ses diverses parties à d’autres… Ici (dessin 2), le dessin du tournevis a été institutionnalisé par la maîtresse, il est en effet valable :

- topologiquement : proportion manche/reste de l’outil correcte

- techniquement : tous les éléments sont présents (manche rugueux, bout plat…), mais on ne sait pas si l’enfant les assimile à leurs fonctions techniques

La pince s’avère plus difficile d’autant plus qu’il faut institutionnaliser deux dessins : position ouverte et fermée

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2/ Situation 2 : observation d’êtres vivants

La séquence commence par une séance où la maîtresse fait émettre des hypothèses à ses 29 élèves, par un jeu de questions/réponses, sur la constitution puis le nom de l’animal qui se cache dans la cage devant eux, cage elle-même recouverte d’une couverture opaque : la maîtresse consigne au tableau les éléments constitutifs de l’animal (ex : une

queue) ou non (ex : des cheveux). Ensuite, toute la classe découvre les gerbilles et les hypothèses sont vérifiées : « l’animal à bien quatre pattes… ».

À la séance suivante, la maîtresse place alors la cage devant 6 élèves regroupés en atelier, le reste des élèves fait d’autres activités (phase 1). Elle leur demande de dessiner une gerbille (au crayon à papier et sur feuille blanche) en « regardant bien comme on a appris à le faire avec les outils du jeu de construction ».

Photo 3

Le retour réflexif (phase 2) en grand groupe porte ensuite sur la comparaison entre eux des dessins de ces 6 élèves. Un autre groupe va alors dessiner une gerbille (phase 3) mais « démarre » cette fois avec une feuille blanche où une silhouette de la gerbille (la forme du corps, museau inclus, mais sans les yeux) a déjà été dessinée par la maîtresse.

Parmi les plus communs des premiers dessins obtenus, nombre d’éléments viennent étayer nos hypothèses.

Interprétation

Ce dessin (dessin 3) est un exemple parmi plusieurs dizaines d’autres qui tend à renforcer l’hypothèse (H2) selon laquelle l’enfant dessinerait ce qu’il sait de la réalité observée au lieu d’observer véritablement celle-ci. Son « savoir » sur l’animal (entendu au sens d’une somme entre ses conceptions, ses connaissances, et ses images mentales) semble de plus ici être parasité par celui qu’il a sur son propre corps : « la gerbille à une tête qui dépasse du corps comme l’humain, un nez qui dépasse de cette tête

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Interprétation

La maîtresse fournit une silhouette à l’élève. Malgré tout, l’élève reste sur son premier dessin : il rajoute une tête à la silhouette (photo 4). L’action du maître consiste donc à aider l’élève à modifier son « savoir » sur la réalité observée, en lui faisant remarquer sur le mode de la description fine les différences entre son dessin et cette réalité : « où sont ses yeux sur ton dessin ? As-tu vu que l’animal a des moustaches… ? ». En tout état de cause, aider l’élève par une interaction verbale avec lui basée sur la description/interrogation systématique de son dessin et la confrontation de celle-ci au réel apparaît beaucoup plus

efficace dans ce cas que de donner la silhouette ou demander à l’élève de « bien regarder par lui-même » (étayage de l’hypothèse H3). Par ce biais, les dessins évoluent rapidement, le corps de l’animal est mieux perçu dans sa globalité et témoignent de l’évolution du « savoir » de l’élève sur l’être vivant, tout en l’initiant à l’observation scientifique. Par exemple, la photo 5 ci-contre montre l’évolution du dessin d’un élève au cours du même atelier (phase 3) grâce a cette « tutelle spécifique » de l’enseignante.

Photo 5 (phase 4) Photo 6 (Phase 3)

C’est aussi lors du retour réflexif (phase 2 ici) que le savoir des élèves peut évoluer, notamment en affichant (ex : photo 6) et comparant les dessins au tableau (étayage hypothèse 3). L’analyse des réussites, des erreurs des uns et des autres va permettre à chacun d’élaborer une image mentale de l’animal, de prendre conscience de sa représentation en la confrontant à celle d’autrui et de découvrir de nouvelles procédures.

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3. RÉSULTATS ET CONCLUSION

L’hypothèse selon laquelle les dessins successifs de l’enfant traduisent l’évolution de l’image mentale, des connaissances et des conceptions, en un mot « de savoir » qu’il s’est construit sur la réalité observée (H1) est validée par nos analyses de productions. Ce résultat recoupe ainsi de nombreux travaux antérieurs, comme ceux de De Vecchi (1995) et Coquidé-Cantor (2000).

Par contre, le rôle indispensable de l’enseignant dans cette évolution n’a été que peu précisé jusqu'à présent. Nous constatons que si l’enseignant aide l’élève à décrire, caractériser, oralement, ce qu’il a représenté et à le comparer à la réalité observée, ses productions évoluent rapidement vers celle institutionnalisée à la fin des séances (hypothèse 2 validée). Cette forme particulière d’interaction enseignant/élève, de tutelle pédagogique, semble en fait indispensable face à la complexité de l’activité métacognitive demandée à l’élève au cours du dessin d’observation. L’aide de l’enseignant porte principalement sur le lien entre le dessin et la réalité observée. Par l’éventuel conflit cognitif qui résulte de la confrontation entre une réalité scientifique et sa représentation, le maître favorise le développement de compétences métacognitives portant sur les procédures ayant permis la production graphique.

Cette tutelle spécifique à l’avantage de dépasser les deux difficultés des élèves identifiées par Calmettes face au dessin d’observation :

- le questionnement de l’enseignant incite l’élève à mettre en mots, à décrire ce qu’il vient de dessiner et ainsi il précise ses images mentales, connaissances et conceptions et en particulier celles qu’ils n’a pas su où a mal dessiner : dépassement de la difficulté graphique

- la confrontation de la description orale de son dessin avec celle de la réalité observée montre implicitement à l’élève qu’apprendre à observer, c’est apprendre à se poser des questions à mettre des mots sur tous les détails du réel, aller vers une forme d’observation investigatrice au sens de J. Guichard : « Le passage à l’expression graphique de l’observation amène à réfléchir davantage, à se poser de nouvelles questions […] Avoir à dessiner l’objet observé conduit à repérer des détails auxquels on n’avait pas accordé d’importance car ils ne semblaient pas correspondre aux questions que l’on se posait » (Guichard, 1998). On pourrait donc par ce biais commencer à faire dépasser à l’élève la difficulté systématique liée à son analyse non scientifique de l’objet ou du phénomène observé. Un « sens » de l’observation qui s’inscrit dans le long terme comme un élément de la démarche scientifique, pour mieux s’en détacher à plus haut niveau scientifique : l’observation ne correspond pas en effet à un simple « catalogue d’informations ; les détails [permettent] d’élaborer des idées générales et une pensée critique ;

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la démarche scientifique n’est donc pas seulement l’observation et la description du réel mais bel et bien la coupure d’avec celui-ci » (De Vecchi 1995).

Au bilan, l’outil « dessin d’observation » peut s’avérer, dans ces conditions, favorable à l’acquisition de compétences scientifiques : il incite de fait à l’observation, la caractérisation, la comparaison des productions, la distinction avec le dessin d’expression, autant de savoir-faire ou attitudes scientifiques

Simultanément, comme le montre le schéma précédant, l’activité langagière est à la fois le support de la tutelle et l’outil de remédiation cognitive et favorise le retour réflexif sur la tache. Des compétences langagières sont donc elles aussi en jeu :

compétences énonciatives : vocabulaire et choix des mots à utiliser ; compétences narratives : organisation du récit de leur action et compétences métalinguistiques.

Par ailleurs, les élèves peuvent percevoir implicitement dans le dessin d’observation deux fonctions de la trace écrite : la communication objective et la mémoire de l’activité

Enfin, l’usage du dessin d’observation en maternelle permet d’améliorer la maîtrise gestuelle des élèves et le développement de compétences psychomotrices fines.

Cette étude conforte donc une hypothèse plus globale : le dessin d’observation serait, dans des conditions précises, un outil d’aide à l’acquisition simultanée de compétences langagières et scientifiques. Elle peut s’inscrire comme un travail préalable à une recherche plus fine et importante s’intégrant dans le cadre théorique de l’analyse des interactions verbales entre enseignant et élèves au cours d’activités scientifiques et techniques. Et ce, dans le cas particulier de l’usage du dessin

CHOSE DESSIN de la CHOSE Mise en MOTS TUTELLE DE L’ENSEIGNANT Interroger, faire décrire à l’élève oralement : - son dessin - la chose Faire confronter ces

interrogations, ces descriptions

Dépassement

difficultés graphiques Initiation à l’observation

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d’observation comme outil pour favoriser des apprentissages scientifiques et langagiers à l’école maternelle. De plus, il conviendrait d’étendre l’étude pour les élèves de moyenne voire petite section de Maternelle.

BIBLIOGRAPHIE

CALMETTES B. (2000), « Les dessins d’observation dans les premières phases d’études d’objets et de phénomènes ». Aster, 31.

COQUIDÉ-CANTOR M., GIORDAN A. (2002). L’enseignement scientifique à l’École Maternelle. Paris : Delagrave Pédagogie et Formation. Coll. Giordan A. et Martinand J.L.

DE VECHHI G., GIORDAN A. (1995). L’enseignement scientifique : comment faire pour que ça

marche ? Nice : Z’Editions. Coll. Guides Pratiques.

GUICHARD J. (1998). Observer pour comprendre les sciences de la vie et de la terre. Paris : Hachette Éducation Paris

SÉNÉSI P.-H. (1998). Formation par la recherche en didactique de la technologie à l’école maternelle. In Actes du 2e colloque « Recherche et formation des enseignants ». Grenoble : IUFM,

Références

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