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ARTheque - STEF - ENS Cachan | La science imaginée

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Academic year: 2021

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Patrice COUTERET Dépanement Audio-visuel Université de Paris 7

MOTS-CLES : PARADIGME - SCIENTISME - PARADOXES - REDEFINITIONS

RESUME:LaScience telle que les scientifiques se l'imaginent constitue, à mes yeux, une partie de ce que KUHN (1983) appelle un" paradigme ". Ces "préconceptions", selonHOLTON(1982), plus ou moins conscientes sont bien sûr transmises par les formations universitaires. fen parlerai ici telles que je lesairecueillies, de- puis plusieurs années, en posant certaines questionsàdes étudiants " scienti-fiques" (niveau DEUG 2àDEA) au cours de mon U.V. : nEpistémologien.

SUMMARY : Science such as scientists suppose it is, according to me, thatKUHN(1983) called "paradigmn. Of course these more or less conscious " preconceptions n asHOLTON'Sopinion (1982), are transmitted by academic studies. 1willspeak of those 1 have collected, during several years, frorn scientific students in my course of" Epistemology n, by asking different questions.

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1. INTRODUCTION

L'épistémologie que j'enseigne -et qui consiste, pensait F. de Saussure, à " travailler", à savoir ce qu'on fait quand on fait de la science- me semble plus un "pousse-à-penser" qu'un "prêt-à-penser". Aussi pour mettre en évidence lascience telle qu'on se l'imagine,j'ai préféré, dans mon enseignement, interroger d'abord les étudiants à propos de leurs préconceptions implicites avant de leur exposer les travaux deKUHN(1983),LAKATOS(1976) ouHOLTON(1982). Mona prioriest que l'essentiel du "paradigme" (KUHN 1983) est transmis très tôt par le bain culturel d'une part (in Okapi, 1986 etDALBERA, 1983) et la formation initiale d'autre part (surtout, bien sûr, pour les étudiants des filières scientifiques !). Mon intention est de leur montrer, après les avoir verbalisées, les conséquences paradoxales et/ou incohérentes de certaines prises de positions.

Les résultats moyens sur lesquels je m'appuie ici ont été obtenus à l'Université de Paris 7 à partir des réponses d'étudiants:

A) De niveau DEUG II ou Licence SNV (Sciences de la Nature et de la Vie) ayant choisi d'inclure dans leur cursus deux UV optionnelles (dénommées" non-scientifiques" par les documents administratifs) : Epistémologie et Histoire des Sciences. Depuis huit ans ils sont une trentaine sur environ 600 inscrits soit un étudiant sur vingt.

B) De niveau entre le DEUG (minimum) et les DEA scientifiques suivant l'UV; " Epistémologie " incluse dans le cursus de Licence-Maîtrise lCST (Information et Communication Scientifique et Technique; depuis 4 ans promotions de 15à20 étudiants).

Les questions qui vont suivre leur ont été posées à la première séance après avoir convenu avec eux de ce que pourrait être un discours cohérent; poser et partir de données, de postulats ou de définitions les plus précis - explicites - possibles; puis raisonner pour en tirer des conséquences "logiques"J'invite le lecteur à répondre à ces questions pour lui-même avant d'en lire les réponses.

2. QUESTIONS ET REPONSES

Question 1 :"Quel est l'objet d'étude des Sciences 1". Réponse unanime: "La réalité, le monde ou l'univers".

Question 2 : "Quand, dans une conversation courante vous utilisez le mot "Sciences" quelles disciplines désignez-vous 1"

Réponses : a) 60 à 80%disent: mathématiques, physique, chimie, biologie "; une proportion variable ajoute parfois la médecine.

b) Le reste dit désigner aussi bien ces disciplines que les Sciences humaines, sociales, économiques et politiques. Pour eux "Science" désigne plutôt une activité spécifique, une méthodologie dont le modèle serait la méthode expérimentale.

Conséquences des prises de positions adoptées par la majorité :

1- Si seules les sciences" exactes" ou " dures" sont de " vraies" sciences, alors l'Homme, ce qu'il vit, pense, fait et dit, les arts, la société, l'économie, la politique ne font pas partie de la réalité.

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2- Il découle que la science, en tant qu'activité humaine, intellectuelle, sociale, économique et politique ne fait pas partie non plus de la réalité.

3- Donc le scientifique qui réfléchit, contrôle et organise son travail, le fait à partir d'une position "irréelle" non-scientifique.Lesens de son activité est ainsi placé hors champ. Bref le scientifique ne sait pas ce qu'il fait selon ses propres critères et la science ressemble alors plutôt à un processus automatique aveugle (un calcul d'ordinateur ?).

Question 3 : "On dit que la science part d'hypothèses, d'idées, d'axiomes ou de postulats (non démont-rés-rables). A votre avis ce qui se passe avant l'hypothèse - LAKATOS (1976) l'appelle le "contexte de la découverte" - c'est-à-dire l"'incubation"(HADAMARD,1975), le travail imaginatif de débroussaillage, les associations d'idées, les "songes", le "Euréka", les "préconceptions" (HOLTON,1982) doivent-ils être inclus dans l'activité scientifique ou considérez-vous que celle- ci ne doive s'occuper que de l'après: la confirmation ou la réfutation (POPPER, 1973) de l'hypothèse-dans un "contexte de la preuve" ?

Réponses: a) Les 2/3 affirment que la science ne doit s'intéresser qu'à l'après ; l'avant est considéré hors-champ (l'expression: "Ce n'est pas notre problème!!" revient souvent).

b) 1/3 l'envisage plutôt comme une activité double de création d'idées (et pour cela tous les moyens sont bonsa priori)et de sélection - grâce à l'expérimentation - de celles qui peuvent être pertinentes, fiables et efficaces.

Question 4 : "Quand on considère les contenus c'est-à-dire l'aspect strictement informationnel des connaissances scientifiques, y a-t-il, pour l'essentiel, une différence entre une hypothèse et le savoir confirmé à partir d'elle?"(une idée réfutée ne devient évidemment pas une "connaissance" ou un "savoir").

Réponses: Tous ont grosso modo répondu non (aux nuances et réaménagements près).

Le choix de 2/3 des étudiants consistant à inclure la science dans le seul contexte de la preuve conduit à une conclusion "difficile à digérer" : la science, ça n'apprend rien! Ca rend sûr et ça rassure (sûreté et sécurité ont la même étymologiel (BLOCHetVON WARTBURG, 1986).Letravail scientifique apparaît alors uniquement comme un discours "en quête de certitude"(GREIMASet LANDOVSKI,1979),"àpartir de l'hypothèse, opinion pure, la science se donnant la certitude comme tâcheàaccomplir"(MOULOUD,1979).

Question5 :"La science propose des explications de l'origine de l'univers, de la vie, de l'Homme. Quels noms donnons-nous à de telles explications faites pour rassurer "ailleurs" (en dehors de la science ou de notre civilisation)?

Réponses: Tous: "Mythes, religions, croyances".

Le paradigme exprimé ici par la majorité des étudiants, je choisis de l'appeler: position scientiste; elle conduit à de nombreux paradoxes et incohérences. A chacun de se débrouiller comme il peut pour les réduire en se fabriquant ses propres définitions car les réponses ne sont pas dans les théories.

Avant de conclure voici quelques remarques à partir d'une anecdote. Un physicien de renom, spécialiste de la théorie quantique et soutenant la théorie astronomique du " Big Bang" affmnait

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récemment lors d'une conférence: "Dieu existe (et a créé le monde) n'est pas une hypothèse scientifique". D'après ce qui précède, dans le mode de pensée que j'ai appelé "scientiste", d'une part :

- l'expression hypothèse scientifique est un non-sens;

- la proposition contraire implicitement affirmée: "Dieu n'existe pas (et n'a pas créé le monde) est une hypothèse scientifique", est une contradiction;

- le fait de choisir le Big Bang où Dieu est nié en tant qu'acte de foi ou de croyance. D'autre part :

- aucune société, concernant les problèmes évoqués à la question 5 ne semblant s'être contentée d'un simple "Nous ne savons pas! "( D'ailleurs au niveau individuel existe-t-il quelqu'un qui s'en satisfasse? Moi je ne peux pas !), le fait qu'il y ait explication (quelle qu'elle soit!)est nié en tant que nécessité, qu'on l'appelle "besoin", "Terreur de l'Histoire" (ELIADE, 1969), "angoisse" (MANNONI,1979), "bouche-trous"(FREUD, 1984) etc. Et même lorsqu'on se choisit un absolu tel que Dieu, le doute subsiste. Einstein lui-même(HOLTüN,1982) ne se demandait-il pas si Dieu avait le choix en créant le monde?

3. CONCLUSION

En guise de conclusion on peut noter que les réponses proviennent, pour la plupart, d'étudiants ayant choisi d'inclure dans leur cursus une UV explicitement consacréeàune réflexion (au sens étymologique) sur la science. On peut conjecturer sur les réponses des autres étudiants (19 sur

20)suivant les mêmes études ....

4. BIBLIOGRAPHIE

BLOCH (O.) et VON WARTBURG (W.), 1986. -Dictionnaire étymologique de la languefrançaise Ed. Presses Universitaires de France, Paris.

DALBERA (J.-P.), 1983. -Science et imaginaire.C.A.E.S. du C.N.R.S. ELIADE(M.), 1969.- Lemythe de l'éternel retour.Ed.Gallimard, coll. Idées, Paris.

FREUD (S.), 1984. -Sigmund Freud présenté par lui-même.Ed. Gallimard, coll. Folio, Paris.. GREIMAS (A.1.)et LANDVOSKI(E.), 1979.-Introductionàl'analyse du discours en sciences sociales.Ed. Hachette, Paris.

HADAMARD(J.),1975. -Essai sur la psychologie de l'invention dans le domaine mathématique Ed. Gauthier-Villars, Paris.

HOLTON (G.), 1982. -L'invention scientifique.Ed. Presses Universitaires de France, Paris. KUHN (T.S.), 1983. -La structure des révolutions scientifiques.Ed.Champs.

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MANNONI (M.), 1979. -La théorie comme fiction . Ed. Seuil, Paris.

MOULOUD (N.), 1979. -Les structures, la recherche et le savoir. Ed. Payot, Paris.

- La science: une pilule magique contre la guerre et lafaim. Résultats d'enquêtes faites pour la revue Okapi à propos de l'image de la science chez les enfants. Article inJournal Libération, Paris, le 25 avril.

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