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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Communiquer des notions abstraites : intention et réalité

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Academic year: 2021

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COMMUNIQUER DES NOTIONS ABSTRAITES

INTENTIONS ET REALITES

Amos DREYFUS Université Hebraïque de Jerusalem

MOTS CLES : Intentions, Perceptions, Misconceptions, Communications.

RESUME : Enseigner, c'est très souvent communiquer des notions abstraites. L'élève, récepteur actif, est censé se "construire" une image personnelle de la notion émise par l'enseignant. Mais celle-ci, pour des raisons que l'on exposera, est souvent perçue par l'élève sous la forme non fonctionnelle d'une coquille vide de signification. Ensuite, l'élève donne souvent à la coquille un contenu imprévisible. Ce contenu, inadéquat du point de vue scientifique, n'en est pas moins adopté par l'élève, qui le trouve satisfaisant. C'est donc en enseignant la notion que le professeur aura causé chez l'élève la construction active de misconceptions (qui dénotent parfois d'une remarquable ingéniosité). Des exemples de notions erronées ainsi formées démontreront le besoin d'établir, àchaque niveau scientifique, un mode effectif de communication enseignant-apprenant, qui permettrait le diagnostic immédiat des perceptions imprévues des élèves.

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1. COMMUNIQUER DES NOTIONS ABSTRAITES ET REALITES

INTENTIONS

Enseigner les sciences, c'est bien souvent communiquer des notions abstraites. Or, par le fait même d'être abstraites, ces notions sont souvent difficiles à communiquer. Considérez par exemple, l'enseignement de la cellule vivanteàdes lycéens de 15-16 ans. Il y a là une "idée" qui ne peut que rester abstraite. En effet l'expérience personnelle des élèves, découlant de leur connaissance du corps pluricellulaire, ne révèle rien de l'activité de la cellule. De même, l'observation au microscope ne trahit rien des fonctions métaboliques, biochimiques ou biophysiques, de la cellule. Celles-ci ne pouvant être perçues directement par les sens, leur inculcation dépendra de déductions abstraites et d'explications difficiles, pour des élèves dont la formation scientifique est encore rudimentaire. Et pourtant, ces fonctions sont bien les "traits" qui étayent le concept de cellule vivante, et leur connaissance, à un niveau scientifique adapté à celui de l'élève, est un des objectifs principaux de l'enseignement de la biologie. Ceci, c'est l'intention. Quant à la réalité, de très nombreuses recherches dans de nombreux pays, démontrent qu'à tous les niveaux de l'enseignement scientifique, les "misconceptions" concernant les processus biologiques de base, sont très fréquentes. Le rôle du professeur de biologie serait-il impossible ? Les théories "constructivistes" semblent fournir à l'enseignant des instructions précises, explicites et appliquables, concernant l'enseignement de concepts etde principes.

L'idée principale est que, pour acquérir un nouveau concept, l'élève doit être engagé activement dans un processus de restructuration de son savoir. Le point de départ du processus de "changement conceptuel", c'est le savoir "naif' de l'élève, ses préconceptions, ses représentations qui ont été appelées "savoirs non conceptualisés". Ce savoir, souvent "imprécis et pauvrement différentié" a tendance a être fortement ancré, car "il a servi l'élève avec succès". Ces préconceptions doivent être identifiées, puis au cours d'un genre de dialogue socratique, les élèves doivent analyser leurs idées sous différentes perspectives, jusqu'au point où "abasourdis", ils sont "prêts à reconsidérer sérieusement la validité de leurs vues". Celte phase de connit est considérée comme cruciale dans le processus de changement conceptuel: seul l'élève mécontent de ses connaissances - qui lui semblent "inadéquates pour bien "saisir" un certain phénomène" - reconnaîtra le besoin de "remplacer et réorganiser ses concepts centraux". Finalement, les nouvelles conceptions obtenues au dernier stage, doivent être, du point de vue de l'apprenant "intelligibles, plausibles et fructueuses". Les trois stages du changement conceptuel ont été nommés "prise de conscience, déséquilibre et reformulation". L'intervention de l'enseignant est généralement considérée comme essentielle à tous les stades du processus : ils doivent amener l'élève à "prendre la responsabilité" pour la modification ou l'abandon et le remplacement de conceptions jusque là considérées comme satisfaisantes.

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Nous allons maintenant essayer d'exposer certaines implications pratiques de la méthode de "conflit cognitif', et de traiter de certaines difficultés qui nous semblent être inhérentesàcette méthode.

2. UN SCENARIO EXPERIMENTAL ET DES QUESTIONS PRELIMINAIRES.

L'occasion d'essayer la méthode nous a été donnée au cours d'une recherche sur les misconceptions des lycéens Israéliens de la première année du cycle supérieur. Les misconceptions principales furent identifiées par tests écrits et par interviews. Plus tard, nous avons essayé de définir (recherche encore en cours) le niveau auquel les différentssujet~pouvaient être enseignés aux groupes expérimentaux. Les interviews devinrent alors des mini-cours, donnés àdes groupes de 3-5 élèves. Les objectifs de ces cours étaient :

a) d'identifier des conflits efficaces et b) d'essayer de les résoudre avec les élèvesàun niveau à la fois signifiant pour les élèves et scientifiquement acceptables.

Nos premières considérations furent pour le statut du savoir (préconceptions) préalable - éventuel - des élèves. Strauss (1979) propose deux catégories : Le savoir issu de l'expérience "qui n'est ni réfléchi ni conscient", et le savoir culturel "qui dépasse l'immédiat, posture des modèles et n'a pas d'équivalent dans notre expérience physique". Le savoir culturel est celui dont nous sommes conscient. qui est "construit dans les laboratoires ou par nos réflections sur des théories". Assez ressemblantes nous ont parues les catégories suggérées par West et Pines (1984) (le savoir intuitif, naïf, obtenu par interaction avec l'environnement, influencé par le langage, ete ; le savoir formel, c'est-à-dire une interprétation du monde qui vient "de quelqu'un d'autre"), et aussi de celles de Caroll : la savoir scolaire et le savoir acquis en dehors de l'école. Ces catégories qui nous ont guidé ne sont pas délimitées avec précision ; elles seraient plutôt les extrémités d'un espace continu auquel peuvent être rapportées toutes les connaissances et les idées des élèves. Pour chaque sujet "suspect de misconceptions" il fallait maintenant établir si les habiletés intellectuelles des élèves et leurs connaissances scientifiques leur permettaient: a) d'être engagés activement dans une situation de conflit signifiant (donc de mécontentement et de déséquilibre) ; b) de résoudre le conflit d'une manière acceptable du point de vue scientifique.

3. LE CONCEPT DE LA TRANSPIRAnON

DE L'EXPERIENCE

LE SA VOIR ISSU

Le climat du littoral central d'Israël est chaud et humide. En conséquence, la sueur s'y évapore peu et lentement. En été, le corps est continuellement couvert du sueur,

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surtout dans les villes où le vent est arrêté par les bâùments élevés. Dans le désert du sud du pays, la température ambiante est généralement plus élevée que sur la côte, mais l'air étant très sec, la sueur s'évapore rapidement et la peau est normalement assez sèche. Cet état de choses a crée une misconception très fréquente, selon laquelle "on se sent mieux dans le désert (exact), parce qu'on y transpire moins" (faux). Le conflit fut rapidement et facilement établi, basé uniquement sur l'expérience, les connaissances extra-scolaires et le sens commun des élèves: 1) Transpirer, c'est perdre de l'eau; 2) Le danger de déshydraùon est plus grand dans le désert que sur la côte, c'est bien connu; 3) Or si on transpire plus sur la côte, pourquoi est-on plus rapidement déshydraté dans le désert ?

Le conflit était parfait. Très surpris, les élèves adoptèrent sans difficulté et sans avoir à restructurer radicalement leurs connaissances préalables, la nouvelle conception selon laquelle on peut perdre de l'eau en quantité sans s'en rendre compte, ete. Mais ce nouveau savoir "officiel" avait une vie à lui, indépendante des intentions de l'enseignant. La construction active du savoir dépassa les prévisions et les élèves formèrent rapidement de nouvelles (mis) conceptions.

En résumé: les élèves ont atteint le stage du conflit significant (question a), les conflit a été résolu (question b).

L'enseignant a donc communiqué avec succès aux apprenants ce qu'il avait l'intention de leur communiquer. Mais la communication ne s'est pas limitée aux désirs de l'enseignant. Lenouveau savoir a déclenché la formaùon indépendante de nouvelles conceptions, qui, quoique conçues avec ingéniosité, n'étaient pas toujours acceptables du point de vue scientifique.

..t LA MEMBRANE CELLULAIRE: "SAVOIR CULTUREL".

Le fonctionnement de la membrane plasoùque de la cellule vivante est extrêmement complexe. Il ne peut être perçu par les sens et n'a pas d'équivalent dans l'expérience physique personnelle de l'élève. Une certaine conception de la membrane est néanmoins indispensable

à

toute étude de la cellule.

Priés d'expliquer le fonctionnement de la membrane, les élèves suggérèrent très souvent des mécanismes intéressants, mais basés sur des préconceptions intuitives, imprécises, naïves, et erronées.

Les conflits furent établisàdifférents niveaux. Certains, très simples, fonctionnèrent rapidement; "Si la membrane rejette tout ce qui n'est pas utile à la cellule, il est impossible d'empoisonner une cellule. Celle-ci n'a certainement pas besoin de poison". D'autres interpellèrent des misconceptions très fréquentes au niveau philosophique (téléologie et antropomorphisme).

Mais quand les élèves réalisèrent "qu'il doit y avoir une autre explication", il devint évident qu'il était très difficile de leur fournir, à leur niveau scientifique, une explication qui leur semble complète et satisfaisante.

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Les élèves réagirent de la même manière, acceptant facilement l'idée que leurs préconceptions étaient erronées. Mais quelques semaines plus tard, ils revenaient vers la sécurité de leurs préconceptions - si "satisfaisantes" - affirmant avec entêtement que "tout le monde sait que finalement les cellules absorbent seulement ce qui leur est utile, et cela prouve que ... ", et en restaient là. Pour la plupart des élèves, le nouveau savoir n'avait eu que peu de conséquences et ils ne faisaient preuve d'aucune tendance à "construire indépendamment" de nouvelles théories.

4. DE LA TRANSMISSION DES CARACTERES HEREDITAIRES : LES ASPECTS "CULTURELS" DU SAVOIR ISSU DE L'EXPE-RIENCE

L'expérience journalière montre que certains traits sont transmis de parents àenfants, d'ancêtres àdescendantsàtravers les générations, mais par contre, elle ne révèle rien des mécanismes de cette transmission. La formation de conceptionsàce sujet dépend de concepts scientifiques abstraits, tels que chromosomes, gènes, acides nucléiques, etc.

Les principales misconceptions de nos interviewés reproduire nt des théories qui avaient été proposées par des savants distingués au dix-neuvième siècle. Cette attractive analogie entre la phylogénèse et l'ontogénèse des concepts scientifiques a souvent été reconnue et analysée. Les misconceptions de ce genre semblent être solidement ancrées dans des théories intuitives, systématiques mais incompatibles avec les principes fondamentaux de la science moderne.

Assez souvent les élèves, ayant apparemment acquis les nouvelles notions de génétique, n'en ont pas pour autant rejeté leurs anciennes idées. Ce demi échec tenait àdes facteurs assez variés.

5. ACQUERIR ET ACCEPTER UN NOUVEAU SAVOIR

Comme Carolll'a remarqué (1964) les concepts purement scolaires sont difficiles à enseigner, car ils sont des notions complexes qui dépendent elles-mêmes d'autres notions complexes.

Le succès de conflicts abstraits comme ceux qui ont été décrits ici, tient avant toutà la "fonctionnalité" du savoir obtenu. Si le nouveau savoir est fonctionnel, et seulement dans ce cas, il aura des conséquences. Par exemple, l'élève rejetera des idées qu'il acceptait auparavant, reconnaîtra des contradictions qu'il avait ignorées jusque là, etc. Mais même quand un nouveau savoir semble fonctionner, certaines observations ont démontré que même les élèves qui l'ont eux-mêmes "construit" avec succès, hésitent souvent àl'adopter ou même àycroire. Nous avons aussi remarqué que le savoir scolaire n'a pas toujours, aux yeux des élèves, l'impact et la réalité d'un savoir personnel bien établi et bien confortable.

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Apprendre, ça ne doit pas être considéré seulement comme un processus, mais aussi, et peut être surtout, comme une attitude.

Les bons élèves, ceux qui ont l'habitude du succès, ont aimé nos conflits. Ils en ont aimé le défi intellectuel et l'effet de surprise. Telle est l'attitude que l'on peut prévoir chez les sujets brillants. Mais les moins doués, les moins bien notés, les défavorisés en tous genres, ceux pour qui l'échec est la routine et qui représente un danger permanent, ceux qui pour des raisons considérées comme psychologiques ou sociologiques ont développé des attitudes négatives envers l'école, ou à l'égard de leur propre potentiel scolaire (estime de soi-même faussée), pouvions nous espérer d'eux qu'ils aiment le conflit? Bien souvent, se sentant menacés, ils am évité des conflits qui pour eux représentaienOt un nouvel échec ("je me suis de nouveau trompé!").Tant que ces élèves n'auront pas modifié leur attitude envers les tâches scolaires,ce qui représentera un travail ardu de réhabilitation, la difficulté principale restera de ne pas les troubler sur le plan affectif.

6. CONCLUSIONS

Les décisions concernant quoi enseigner et à quel niveau peuvent être basées sur les principes du changement conceptuel. Les paramètres de la décision seraient a) le genre de savoir préalable que l'élève "importe" dans le processus de changement; b) l'aptitude de l'élèveàatteindre le stade du contlit signifiant (habiletés intellectuelles, niveau scientifique, etc.) ; c) les conséquences, les implications du savoir obtenu, la fonctionnalité de ce savoir, en termes de l'activité mentale indépendante de l'élève; d) l'attitude de l'élève envers le savoir scolaire et les tâches scolaires.

BIBLIOGRAPHIE (1)

Carroll, J.B. (1964) Words, meanings and concepts. llarvard Educaloinal Reqview, 34, 178-202.

Strauss, S. (1979) U-Shaped behavioral growth, common sense and scientific knowledge, and science education. Tamir, P. ; Blum, A. ; Hosfstein, A.& Sabar, N. (Eds.) Curriculum Implementation and ils Relationships to Curriculum Developmenl in Science. qlsrael Science Teaching Center Hebrew University, Jerusalem.

West, L.H.T. & Pines, L. (1984) An interprétation of research in 'conceptual understanding' within a source-of-knowledge framework. Research in Science Education, 14, 47-56.

(1) Le texte complet de cette présentation, comprenant 2 pages de bibliographie, peut être envoyé, sur demande personnelle, à tous ceux qui le désireraient.

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