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Le juge et le sauvetage de l'entreprise en difficulté en droit OHADA et en droit français : étude de droit comparé

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Academic year: 2021

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Université Panthéon-Assas

Ecole doctorale de Droit Privé

Thèse de doctorat en droit

soutenue le 11 septembre 2013

LE JUGE ET LE SAUVETAGE DE

L’ENTREPRISE EN DIFFICULTE EN DROIT

OHADA ET EN DROIT FRANÇAIS

ETUDE DE DROIT COMPARE

Auteur : M. BALEMAKEN Eugène Louis René

Sous la direction du Professeur Pierre CROCQ de l'Université Panthéon-Assas

(Paris II)

Membres du jury :

M. Alain GHOZI, Professeur à l'Université Panthéon-Assas (Paris II) M. Jean-Jacques ANSAULT, Professeur à l'Université de Rouen

(2)

AVERTISSEMENT

La Faculté n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans cette thèse ; ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur.

(3)

REMERCIEMENTS

Nos remerciements s’adressent d’abord au professeur Pierre CROCQ, Directeur de thèse qui, en dépit de ses multiples sollicitations en cette qualité, a fait montre d’une disponibilité sans égale au cours du long parcours qui aura été le nôtre. Puisse-t-il trouver ici l’expression de notre profonde gratitude.

Nos remerciements s’adressent ensuite aux responsables de l’Ecole doctorale de droit privé qui ont fait montre de patience et de compréhension jusqu’au bout par une prise en compte constante de nos contraintes professionnelles. Qu’ils trouvent ici le témoignage de toute notre reconnaissance.

Nos remerciements s’adressent enfin aux membres de famille, aux amis qui n’ont eu cesse de nous encourager, ainsi qu’à tous les artisans de l’ombre dont les travaux de saisie, de relecture et autres mises en forme ont permis à cette thèse de prendre corps. Leur soutien multiforme n’aura pas été vain.

(4)

RESUME

L’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, adopté le 10 avril 1998 à Libreville et entré en vigueur le 1er janvier 1998 est venu harmoniser le droit de la faillite dans les pays membres de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du droit des Affaires (OHADA). En effet, ces pays étaient jusque là, en la matière, dotés de textes inadaptés datant de l’époque coloniale. Au regard de la parenté aujourd’hui avérée des ordres juridiques africain et français en Droit des entreprises en difficulté, il n’était pas inintéressant de mener une étude comparative sur le rôle du juge dans le sauvetage de l’entreprise en difficulté dans les deux systèmes.

L’étude révèle qu’en droit africain et en droit français, les degrés d’intervention du juge varient selon que l’entreprise est in bonis ou selon qu’elle est en état de cessation des paiements.

Pour permettre au juge de mener à bien la mission de sauvetage de l’entreprise en difficulté, les législateurs africain et français lui ont octroyé des moyens d’action processuels qui se caractérisent de manière tantôt convergente et tantôt divergente selon les cas, par une maîtrise de l’instance et, par l’exécution immédiate des décisions judiciaires rendues.

L’étude révèle cependant l’existence dans les deux ordres juridiques de nombreux obstacles qui s’opposent à la mission de sauvetage incombant aux juges africain et français, obstacles tant d’ordre fonctionnel que d’ordre structurel.

A côté des solutions apportées ici et là à toutes ces problématiques, et à bien d’autres soulevées tout au long de l’étude, de nouvelles propositions sont faites pour rendre l’action du juge plus efficiente. Il reste que, qu’il s’agisse du droit africain ou du droit français, à travers la question relative au rôle du juge dans le sauvetage de l’entreprise en difficulté, se pose la récurrente problématique de la réelle capacité du droit à juguler les phénomènes économiques.

Descripteurs :

Accès au juge – actions – arrêt des poursuites – cessation des paiements – compétence du juge – confidentialité – créanciers – débiteur – entreprise en difficulté – exécution provisoire – formation – indépendance et impartialité du juge – intervention judiciaire – prévention des difficultés– recours – sauvetage de l’entreprise – spécialisation de la justice – suspension des poursuites – voies d’exécution.

(5)

ABSTRACT

The Uniform Act organizing collective proceedings for discharge of liabilities, adopted on 10 April 1998 in Libreville and entered into force on 1 January 1998 cam e harmonize the insolvency law in the Member countries of the Organization for the Harmonization of the law of Affairs (OHADA). Indeed, these countries were up there, in material, with inadequate texts dating from the colonial era. Under today proven relatives of African and French legal systems in law firms in difficulty, it was interesting to carry out a comparative study on the role of the judge in the rescue of the firm in difficulty in both systems.

The study reveals that African law and French law, judge's intervention levels vary depending on whether the company is in bonuses or depending on whether it is in a State of cessation of payments.

To enable the judge to carry out the mission to rescue of the firm in difficulty, African and French lawmakers have granted action procedural means characterized sometimes convergent and sometimes divergent manner as appropriate, by a master of the instance and immediate execution of judicial decisions.

However, the study reveals the existence in both legal orders of many obstacles that oppose the incumbent judges African and French, rescue mission obstacles so many functional order than structural. Next to the solutions here and all these problems, there other proposals are made to make more efficient action by the judge. It remains that, whether it's African law or French law, through the question of the role of the judge in the rescue of the firm in difficulty, arises the recurring problem of the real capacity of the law to curb economic phenomena.

Keywords:

Access to the Courts - actions - stay of proceedings - cessation of payments - jurisdiction of the Court - privacy policy - company - debtor - creditors in trouble - provisional enforcement - training - independence and impartiality of the judge - judicial intervention - prevention of difficulties - use - rescue of the undertaking - specialization of justice – stay of proceedings - channel execution.

(6)

PRINCIPALES ABREVIATIONS

Act. proc. coll. : Actualité des procédures collectives

A.U.D.C.G. : Acte uniforme OHADA relatif au droit

commercial général.

A.U.S.C. : Acte uniforme OHADA relatif au droit des

Sociétés Commerciales et du Groupement d’intérêt Economique

AJDA : Actualité juridique de droit administratif

Al. : Alinéa

Ann. Fac... : Annales de la faculté de droit de...

Art. : Article

AUPC : Acte uniforme portant organisation des procédures

collectives d’apurement du passif

AUPSRVE : Acte uniforme portant organisation des procédures

simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution

AUS : Acte uniforme du 15 décembre 2010 portant

organisation des sûretés

Bull, avoués : Bulletin de la chambre des avoués près la cour d’appel de Paris

Bull. civ. : Bulletin des arrêts de la Cour de cassation

(chambre civile)

Bull. crim. : Bulletin des arrêts de la Cour de cassation

(chambre criminelle)

Bull. Joly : Bulletin mensuel d’information des sociétés

C.Cass. : Cour de cassation

C.civ : Code civil

C.Com Code de commerce

(7)

CCJA : Cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA

Cf. : Confère

Civ. : Chambre civile

Com. : Chambre commerciale

D. : Recueil Dalloz

D. affaires : Dalloz affaires

D. cah. dr. aff. : Dalloz, cahier droit des affaires

Dict. perm. Difficultés des entreprises

: Dictionnaire permanent : difficultés des entreprises

Doc. (AN ou Sénat) : Documentation parlementaire

DP : Dalloz périodique

Dr. et patrimoine : Droit et patrimoine

Dr. soc. : Droit social

Dr. sociétés : Droit des sociétés

ERSUMA : Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature de

l’OHADA

Gaz. Pal. : Gazette du Palais

I.D.E.F. : Institut International de Droit d’Expression Française

Ib : Ibidem

J. Cl. (Civil, Procédure, Pénal, etc.)

: Juris-Classeur

JCP (éd.G., éd. E.) : Juris-Classeur Périodique

JDl : : Journal de droit international

L.G.D.J. : Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence

OHADA : Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du

Droit des Affaires

Op. Cit. : Opere citatere

P. : Page

P.U.A. : Presses Universitaires d’Afrique

P.U.F. : Presses Universitaires de France

(8)

Rev. gén. procédures : Revue générale des procédures

Rev. huissiers : Revue des huissiers de justice

Rev. proc. coll. : Revue des procédures collectives

Rev. sociétés : Revue des sociétés

RJ com. : Revue de jurisprudence commerciale

RJDA : Revue de jurisprudence de droit des affaires

RTD civ. : Revue trimestrielle de droit civil

RTD com. : Revue trimestrielle de droit commercial et de droit

économique

RTDH : Revue trimestrielle des droits de l’homme

T.G.I. : Tribunal de Grande Instance

(9)

SOMMAIRE

AVERTISSEMENT ... 1 REMERCIEMENTS ... 2 RESUME ... 3 ABSTRACT ... 4 PRINCIPALES ABREVIATIONS ... 5 SOMMAIRE ... 8 INTRODUCTION GENERALE ... 10

PREMIERE PARTIE : LA MESURE DU ROLE DU JUGE DANS LE SAUVETAGE DE L’ENTREPRISE EN DIFFICULTE ... 29

TITRE 1 : UNE DIVERSITE DE DEGRES D’INTERVENTION ... 32

CHAPITRE 1 : LES DEGRES DE L’INTERVENTION DU JUGE A TITRE PREVENTIF ... 34

SECTION 1 : UNE INTERVENTION INTENSE DANS LE REGLEMENT PREVENTIF AFRICAIN ... 36

SECTION 2 : UNE INTERVENTION GLOBALEMENT ALLEGEE DANS LE DROIT FRANÇAIS DE LA PREVENTION ... 63

CONCLUSION DU CHAPITRE 1 DU TITRE 1 ... 112

CHAPITRE 2 : LES DEGRES DE L’INTERVENTION DU JUGE A TITRE CURATIF ... 113

SECTION 1 : LA DETENTION DU POUVOIR DE DECIDER DU SORT DE L’ENTREPRISE ... 115

SECTION 2 : L’ENCADREMENT LEGAL DU CHOIX DU JUGE QUANT AUX MODALITES DU DEVENIR DE L’ENTREPRISE ... 142

CONCLUSION DU CHAPITRE 2 DU TITRE 1 ... 158

CONCLUSION DU TITRE 1 ... 159

TITRE 2: UNE COMMUNAUTE DE MOYENS D’ACTION PROCESSUELS .... 161

CHAPITRE 1: LA MAITRISE DE L’INSTANCE PAR LE JUGE ... 163

SECTION 1: LA COMMUNE DEROGATION AU DROIT COMMUN PROCESSUEL .... 163

SECTION 2: LE REAMENAGEMENT DES PRINCIPES DIRECTEURS DU PROCES ... 185

CONCLUSION DU CHAPITRE 1 DU TITRE 2 ... 199

(10)

SECTION 1 : LA COMMUNE CONSECRATION DE L’EXECUTION PROVISOIRE DE

PLEIN DROIT ... 200

SECTION 2 : LES RESTRICTIONS AU DROIT DE CRITIQUE DES DECISIONS ... 220

CONCLUSION DU CHAPITRE 2 DU TITRE 2 ... 268

CONCLUSION DU TITRE 2 ... 269

DEUXIEME PARTIE : LA MESURE DES OBSTACLES S’OPPOSANT A LA MISSION DE SAUVETAGE DES JUGES AFRICAIN ET FRANÇAIS ... 270

TITRE 1 : LES OBSTACLES D’ORDRE FONCTIONNEL ... 272

CHAPITRE 1 : LES DIVERSES MODALITES D’INTERVENTION DU JUGE. 274 SECTION 1 : LE MOMENT DE L’INTERVENTION DU JUGE ... 274

SECTION 2 : LA CONFIDENTIALITE DE L’INTERVENTION DU JUGE ... 307

CONCLUSION DU CHAPITRE 1 DU TITRE 1 ... 339

CHAPITRE 2 : LA PRISE EN COMPTE VARIABLE PAR LE JUGE DES INTERETS DES CREANCIERS ... 340

SECTION 1 : VARIATIONS QUANT AU SORT DES CREANCIERS PROPRIETAIRES 341 SECTION 2 : IDENTITE DU SORT DES CREANCIERS SAISISSANTS ... 396

CONCLUSION DU CHAPITRE 2 DU TITRE 1 ... 432

TITRE 2 : LES OBSTACLES D’ORDRE STRUCTUREL ... 433

CHAPITRE 1 : LA STRUCTURE DE LA JUSTICE ECONOMIQUE ... 435

SECTION 1 : LA SPECIALISATION DES JURIDICTIONS... 436

SECTION 2 : L’ACCES AU JUGE DE L’ENTREPRISE EN DIFFICULTE ... 462

CONCLUSION DU CHAPITRE 1 DU TITRE 2 ... 492

CHAPITRE 2 : LA QUALITE DU PERSONNEL D’ENCADREMENT DE LA FAILLITE ... 493

SECTION 1 : LE POIDS DES MISSIONS LEGALES ASSIGNEES AU PERSONNEL D’ENCADREMENT DE LA FAILLITE ... 493

SECTION 2 : LES PREOCCUPATIONS COMMUNES ... 529

CONCLUSION GENERALE ... 595

BIBLIOGRAPHIE ... 600

INDEX ALPHABETIQUE ... 648

(11)

INTRODUCTION GENERALE

1. Au commencement et pendant très longtemps, était le « droit des faillites »1

dominé par deux traits principaux. D’un côté, son caractère répressif et, de l’autre, l’intérêt porté au créancier victime de la défaillance du débiteur ayant manqué à ses engagements2. Le failli a trahi la confiance de ses créanciers3 et encourt de ce fait, sinon la mort comme dans l’ancien droit romain, du moins la réprobation4. A l’arsenal des sanctions, s’ajoutera, dès l’époque romaine, l’organisation d’une procédure collective5 de vente des biens du débiteur à l’initiative et au profit de ses créanciers, sous le contrôle de l’autorité publique.

2. Le Code de commerce de 1807 n’a pas rompu avec ces principes dans la

mesure où, il s’est caractérisé par une grande sévérité à l’égard des commerçants faillis, en réaction sans doute aux abus antérieurs résultant notamment des scandales retentissants provoqués par la faillite de certains fournisseurs des armées et dont s’était ému Napoléon.

3. Cependant, à la fin du 19e siècle, l’idée se fit jour selon laquelle, le débiteur défaillant n’était pas nécessairement un citoyen malhonnête ou incapable. Mais peut– être avait-il été seulement malchanceux et méritait dès lors d’être traité moins sévèrement. A partir de cette idée, un système sélectif fut introduit par le décret du 20 mai 1955. Ce texte institua une dualité de procédures. Il y avait d’abord le règlement judiciaire qui s’avéra être le mode normal d’apurement du passif et s’appliquait aux commerçants dont le comportement ne justifiait ni une élimination de la vie des

1 Le terme « faillite » est encore utilisé dans le langage courant. Mais, juridiquement, il ne désigne plus aujourd’hui, sous l’expression

« faillite personnelle » qu’une sanction professionnelle susceptible de frapper le dirigeant d’entreprise coupable d’agissements

déterminés.

2 F.PEROCHON et R. BONHOMME, Entreprises en difficulté-Instruments de crédit et de paiement L-G.D.J, 8e éd, n°2, p.2. 3 Du latin « fallere », c'est-à-dire tromper.

4 F.PEROCHON et R.BONHOMME, ouvrage précité, n° 2, p.2. Dans l’ancien droit français, l’infamie, la mise au pilori, et l’exc lusion du

monde des marchands auquel le failli appartenait symbolisées par la rupture de son comptoir, de son banc (d’où l’expression « banca

rotta » qui donnera banqueroute) le frappent.

5 Stricto sensu, une procédure collective est une procédure patrimoniale universelle qui appréhende tous les actifs du débiteur et

(12)

affaires, ni une sanction particulière. Cette procédure se terminait par un concordat à l’issue duquel le commerçant était remis à la tête de ses affaires. Il y avait ensuite la faillite réservée aux commerçants indignes. Elle ne conduisait pas au concordat mais à l’union, c'est-à-dire à la liquidation forcée de tous les biens du débiteur.

4. Mais le système issu du décret de 1955 s’est révélé rapidement inadapté6 en ce qu’il reposait, entre autres considérations, sur une perception trop juridique de la faillite et de l’entreprise, ce qui le conduisait à ignorer certaines contraintes économiques7. En effet, le fait que le sort de l’entreprise dépendait exclusivement d’un jugement porté sur la moralité commerciale du débiteur pouvait conduire à faire disparaitre une entreprise viable8. Par ailleurs, le régime issu du décret du 20 mai 1955 ne s’appliquait qu’aux commerçants alors que de nombreuses personnes morales dépourvues de la qualité de commerçant menaient des activités économiques. Enfin, les procédures s’ouvraient généralement trop tard, à un moment où l’entreprise se trouvait déjà en état de cessation des paiements, d’où l’intérêt qu’il y avait à appréhender les difficultés de l’entreprise avant ce « moment fatidique ».

5. Des critiques adressées aux textes sus énoncés, est née une idée nouvelle : la

procédure ne saurait dépendre du seul jugement moral sur le débiteur, et doit prendre en compte le sort de l’entreprise elle-même, ainsi que celui de ses composantes. Il n’est dès lors pas exagéré de soutenir que l’idée fondatrice du droit français des entreprises en difficulté doit être trouvée dans la thèse de la séparation de l’homme et de l’entreprise9. Ainsi qu’il a été fort opportunément relevé, dans le but d’adapter « le

droit des faillites aux besoins économiques contemporains, il convient que le débiteur ne puisse plus dissimuler l’entreprise et que la nécessaire protection du crédit et des créanciers ne puisse plus écarter celle des autres intéressés et celle de l’intérêt général »10.

6 M. JEANTIN et P. LE CANNU, Droit commercial-Instruments de paiement et de crédit –Entreprises en difficulté, Dalloz , 5e éd., n°539,

p. 349.

7 DERRIDA, « La réforme du règlement judiciaire et de la faillite », Defrénois, 1969, n°3, p.18. 8 M. JEANTIN et P. LE CANNU, op.cit., n°539, p.350.

9 En ce sens, M.JEANTIN et P. LE CANNU, op.cit., n°540, P.350.

(13)

6. La séparation de l’homme et de l’entreprise s’est opérée à la suite des travaux

du Doyen Roger HOUIN11. Les préoccupations y relatives ont conduit à l’émergence en France d’un « droit des entreprises en difficulté » à la faveur des réformes de 196712. Selon certains auteurs13, « le changement de terminologie reflète un

changement de perspective réel », cette branche traditionnelle du droit commercial

qu’était le droit des faillites poursuivant, désormais, « dans un domaine élargi et avec

des moyens renouvelés, un objectif d’abord économique, s’efforçant de traiter et même (…) de prévenir les difficultés des entreprises »14

.

7. Même si la consécration du principe de la séparation de l’homme et de

l’entreprise ayant marqué le passage « du droit des faillites au droit des entreprises

en difficulté » s’est révélée quelque peu limitée15, cette mutation amorcée en 1967, s’est accélérée à partir de 1984 pour donner naissance aux textes de 1984 et 198516

sur la base desquels, a été conçue la réforme ayant débouché sur les textes de 2005, 2008 et 200917 qui constituent aujourd’hui le droit positif français en matière d’entreprises en difficulté.

8. A la lumière de l’évolution du droit français, force est de soutenir que le droit

contemporain des entreprises en difficulté appréhende aujourd’hui le débiteur comme exploitant d’abord d’une entreprise18, «c'est-à-dire un centre de production de biens

11 R. HOUIN, « Permanence de l’entreprise au travers de la faillite », « Liber amircorium », Baron I.Frédéricq, 1965, t.II, p.609 ; v.

également, BRUNET, « De la distinction de l’homme et de l’entreprise », Etudes Roblot, 1984, p.471.

12 Il s’agit en l’occurrence de la loi n°67-563 du 13 juillet 1967 sur le règlement judiciaire, la liquidation des biens, la faillite personnelle et

les banqueroutes et de l’ordonnance n°67-820 du 23 septembre 1967 tendant à faciliter le redressement économique de certaines entreprises.

13 F. PEROCHON et R.BONHOMME, op. cit., n°6, p.4. 14 F. PEROCHON et R.BONHOMME, op. cit.,n° 6, p.5

15 Bien que constituant l’un des piliers de la loi de 1967, la séparation de l’homme et de l’entreprise n’avait pas été totaleme nt consacrée

par ladite loi. En effet, des interférences subsistaient entre le sort économique de l’entreprise et la situation des dirigeants, ce qui expliquait d’ailleurs la subsistance de nombreuses sanctions tant civiles que pénales pouvant être prononcées contre les diri geants. Au surplus, si l’on pouvait admettre que la loi de 1967 avait réellement consacré le principe de la séparation de l’homme et de l’ entreprise lorsque celle –ci était organisée sous une forme sociale, il en allait autrement lorsque l’entreprise demeurait la propr iété personnelle du débiteur.

16 Il s’agit d’abord de la loi n°84-148 du 1er mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises qui

tend à favoriser la détection précoce des difficultés et leur résolution amiable. Il s’agit ensuite de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises qui substitue aux deux procédures collectives antéri eures, une procédure unique de redressement judiciaire « destinée à permettre » la sauvegarde de l’entreprise, la maintien de l’activité et de l’emploi et l’apurement du passif.

17 Il s’agit d’une part de la loin°2005-845 de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005, complétée par le décret n°2005 -1677 du 28

décembre 2005, textes entrés en vigueur le 1er janvier 2006, en général pour les nouvelles procédures seulement. Il s’agit d’autre part de

l’ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté, modifiée par l’ordonnance n° 2009-112 du 30 janvier 2009 portant diverses mesures relatives à la fiducie et du décret n°2009 -160 du 12 février 2009 pris pour l’application de l’ordonnance n°2008-1345 du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté et modifiant les procédures de saisie-immobilière et de distribution du prix d’un immeuble.

18 Le vocabulaire juridique Cornu définit l’entreprise comme un «ensemble de moyens humains et matériels concourant, sous une

(14)

ou services et un outil de travail, donc une cellule de tissu économique local, régional, national, dont la survie est d’intérêt général et dont la protection relève, aux yeux du législateur, de l’ordre public économique et social »19. Parce que

l’entreprise en difficulté est contagieuse en ce sens que, en cessant d’exécuter ses engagements, elle met ses propres clients et fournisseurs en difficultés, propageant ainsi la maladie à d’autres entreprises qui, à leur tour, licencieront et cesseront leurs paiements20, il convient de manière urgente, pour le législateur des procédures collectives21 modernes, de briser l’engrenage des faillites.

9. C’est alors qu’apparaît, dans toute sa dimension, l’importance du droit des

entreprises en difficulté au double plan quantitatif et qualitatif. Quantitativement, les statistiques22 laissent apparaître que la Courbe d’évolution des défaillances d’entreprises, est, de par le monde, sans cesse croissante23

à telle enseigne que, comme le relève si bien un auteur, le problème des entreprises en difficulté « sera

encore longtemps d’actualité »24, ce d’autant plus que, tant qu’il y aura des

entreprises, il y aura des entreprises en difficulté25. Ces défaillances d’entreprises ne menacent plus comme autrefois uniquement les petites et les moyennes entreprises26 du moment où, même les grandes entreprises sont menacées de disparition ou disparaissent, tous secteurs d’activités confondus27

, sans pour autant que cette situation soit forcément la conséquence d’une mauvaise gestion. Qualitativement,

essentiellement de produire pour les marchés certains biens ou services, financièrement indépendant de tout autre organisme » (cf.

PAILLUSSEAU, D-2003.260 et 322, spéc. n°66 s.)

19 F.PEROCHON et R.BONHOMME, op.cit, n°1, p.1. 20 Idem.

21 Pour les besoins de la présente étude, les termes « droit des entreprises en difficulté » et « droit des procédures collectives » seront

indifféremment employés.

22 V. à cet effet, SAYAG et SERBAT, « L’application du droit de la faillite, éléments pour un bilan », Etudes du CREDA, Litec 1992. 23 Il est malheureusement regrettable de constater que, de manière générale, dans les Etats Parties au Traité OHADA, il n’existe pas de

statistiques précises en matière de défaillances d’entreprises. En France, il ressort des statistiques établies par L’INSEE que le nombre de défaillance d’entreprises est passé de 8000 en 1966 à 47000 en 1998, cf.Y.Guyon, Droit des affaires, t.2, entreprises en d ifficultés-redressement judiciaire-faillite, Economica, 7e éd., n°1003, p.2. De même, il ressort des chiffres fournis par l’AGS et le Ministère de la

Justice la situation suivante à partir de l’année 2000 en termes de procédures collectives ouvertes : environ 43700 en 2000, environ 43100 en 2001, environ 43800 en 2002, environ 44700 en 2003, environ 48650 en 2004,51.149 en 2005 (Ministère de la Justice), environ 47300 en 2006, environ, 50.200 en 2007, environ 55700 en 2008, cf. F.PEROCHON et R.BONHOMME, op.cit, n°20, pp.12 et s.

24 Cf. P.-G POUGOUE, Compte rendu du colloque de l’IDEF sur le droit des entreprises en difficulté, Libreville (Gabon) 6/13 mai 1990,

cité par P.NGUIHE KANTE in, Les techniques de sauvetage des entreprises en difficulté en droit camerounais, thèse Docto rat 3e cycle

en Droit privé, Université de Yaoundé II-Soa (Cameroun), 1999, p 15.

25 F. ANOUKAHA, « L’émergence d’un nouveau droit des procédures collectives d’apurement du passif dans les Etats africains membres

de l’OHADA », Afrique juridique et politique, la Revue du CERDIP, n°1, vol.1, janvier –juin 2002, p.85, n°53.

26 Y.Guyon, ouvrage précité, n°1004.

27 Tel fut notamment en France le cas de BOUSSAC et de MANUFRANCE et, surtout, en 1984 de CREUSET -LOIRE, et en 1986 des

CHANTIERS NORMED. Comme le relève à juste titre le professeur Yves Guyon (op. cit. n°1004), la disparition de telles entreprises produit des conséquences beaucoup plus ravageant que la liquidation d’un petit banquier. A titre d’illustration, la société C REUSET-LOIRE assurait directement 30.000 emplois et beaucoup plus si l’on tenait compte de ses sous traitants. Par ailleurs, entre 6 et 8 milliards de fonds publics où ont été engloutis en vain dans les tentatives de redressement (cf. Le Monde, 14 décembre 1984) .

(15)

l’importance des procédures collectives s’apprécie également du point de vue de ceux qui y participent28. En effet, toute défaillance d’entreprise met en jeu de nombreux intérêts difficilement conciliables dont notamment la sauvegarde de l’entreprise, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif.

10. Si, en France, l’émergence d’un droit des entreprises en difficulté sur les

ruines du droit des faillites s’est faite par strates successives, l’évolution se présente de manière différente dans les pays africains relevant de l’espace OHADA29

. En effet, pendant que s’opérait en France une véritable « mutation »30

du droit de la faillite, bon nombre de pays africains appartenant aujourd’hui à cet espace, restaient embastillés par la législation résultant du livre III du Code de commerce français de 1807 tel qu’il avait été rendu applicable en Afrique31

par la loi française du 04 mars 188932 et les décrets-lois du 08 août et 30 octobre 193533. La particularité de ces différents textes résidait naturellement dans le fait qu’ils comportaient les défauts imputables au droit des faillites en France avant l’avènement des réformes de 1967 en ce que qu’ils ne prenaient pas en compte les besoins économiques contemporains et brillaient par leur caractère répressif tout en ignorant le principe de la séparation de

28 Y. Guyon, ouvrage précité, n°1005, p.5.

29 L’abréviation OHADA signifie « Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires ». Cette organisation a été créée

par le Traité signé à Port-Louis (Ile Maurice) le 17 octobre 1993 et révisé par le Traité signé à Quebec (Canada) le 17 octobre 2008. Il résulte des dispositions de l’article 1er dudit Traité que celui-ci « a pour objet l’harmonisation du droit des affaires dans les Etats parties

par l’ élaboration et adoption des règles communes simples, modernes et adaptées à la situation de leurs économies, par la mise en œuvre de procédures judiciaires appropriées, et par l’encouragement au recours à l’arbitrage pour le règlement des différends contractuels ». A ce jour l’OHADA compte 17 pays qui sont : le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, les Comores, le Congo, la Côte

d’Ivoire, le Gabon, la Guinée, la Guinée Bissau, la Guinée équatoriale, le Mali, le Niger, la République Centrafricaine, le S énégal, le Tchad, le Togo et la République Démocratique du Congo.

29 C'est-à-dire en tenant compte de la refonte effectuée par la loi du 28 mai 1838. Il semble bien que les réformes introduites à compter

du décret n°55-583 du 20 mai 1955, n’ont pas été rendues applicables en Afrique. A ce propos, v. M.KONE, Le nouveau droit commercial des pays de la zone OHADA, comparaisons avec le droit français L.G.D.J, 2003, n°12, p.11.

30 L’expression est de P.-G POUGOUE et Y KALIEU, in L’organisation des procédures collectives d’apurement du passif OHADA,

collection Droit uniforme, PUA, 199, n°4, p.5.

31 C'est-à-dire en tenant compte de la refonte effectuée par la loi du 28 mai 1838. Il semble bien que les réformes introduites à compte r

du décret n°55-583 du 20 mai 1955, n’ont pas été rendu applicable en Afrique, cf. M.KONE, le nouveau droit commercial des pays de la zone OHADA, comparaisons avec le droit français L.G.D.J, 2003, n°12, p.11.

32 Rendue applicable outre-mer par un décret du 09 juillet 1890. 33 Sur cette question, v. notamment les différents auteurs suivants :

F.M SAWADOGO, Présentation générale de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif, in : Traité et Actes uniformes commentés, 3e éd., Juriscope, 2008, p.877.

R.BARRE et E. SCHAEFFER (sous la direction de), Droit des entreprises en difficulté, Acte du congrès de l’Institut International des droits d’expression et d’inspiration française, (IDEF) tenu au Gabon Bruylant, Bruxelles 1991. Cet ouvrage traite du droit des Etats Africains suivants : Benin, Cameroun, Congo, Gabon, Madagascar, Mali, République Centrafricaine et Sénégal.

C. KOUASSI, Traité des faillites et liquidations en Coté d’Ivoire, Etudes juridiques et formulaires, éd. SOGOGEC, collection espace entreprise, 1987.

D. ABAR-CHI, Pour une adaptation du droit nigérien des procédures collectives à l’évolution socio-économique, thèse de Doctorat en droit, Université d’Orléans, 1990.

A. AGGREY, Guide de la faillite, Juris–Edition juridiques de Côte –d’ivoire, 1989 (plusieurs fascicules).

M.POCANAM, « Réflexions sur quelques aspects de droit de la faillite au Togo », Penant, n°812, mai-septembre 1993, p.189 à 230.

F.M. SAWADOGO, « L’application judiciaire du droit des procédures collectives en Afrique francophone, à partir de

(16)

l’homme et de l’entreprise. Comme le relève en effet à ce propos un autre auteur, « l’entreprise en tant que cellule économique, n’est pas diss ociée de la personne de

son dirigeant dont l’infamie rejaillit sur son sort et la condamne inexorablement sans tenir compte de ses perspectives de redressement » 34.

11. La crise économique qui s’est amorcée dans de nombreux pays africains dès

les années 198035 a incité certains de ces pays à entreprendre des réformes en faveur des législations beaucoup plus modernes. Ces Etats peuvent être classés en trois catégories36. Il y a d’abord les Etats ayant élaboré des avant-projets de textes37. Il y a ensuite les Etats ayant procédé à des réformes partielles38. Il y a enfin les Etats ayant procédé à une réforme complète39. Il reste que les réformes ainsi entreprises, pour louables qu’elles fussent, ne pouvaient que conduire à l’émergence ça et là, de procédures collectives spécifiques à chaque pays concerné inspirées plus ou moins du modèle français et dont la diversité s’avérait être une source d’insécurité juridique40

.

12. C’est dans ce contexte qu’a été adopté le 10 avril 1998 à Libreville, capitale du

Gabon, l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif entré en vigueur le 1er janvier 199841. Cet Acte uniforme est donc arrivé fort opportunément « pour assurer enfin la cohérence entre les législations des différents

pays de l’OHADA relativement à cette matière »42

, une réglementation datant de

l’époque coloniale et généralement perçue comme vieille et inadaptée43

.

34 J.M NYAMA, Stratégie et perspectives du droit de la faillite au Cameroun, thèse, Paris 1980.

35 Crise du système bancaire, remise en cause de certains modèles de développement basé sur l’interventionnisme de l’Etat, etc. 36 Sur cette question, v. J.R GOMEZ, OHADA, Entreprises en difficulté, Lecture de l’Acte uniforme de l’OHADA portant organisation des

procédures collectives d’apurement du passif à la lumière du droit français, BAJAG-MERI, n°s 6 et s., p.21.

37 Dans cette catégorie, il faut classer le Cameroun (qui avait élaboré un avant-projet de loi de 213 articles, lequel s’inspirait dès lois

françaises du 1er mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés de entreprises et du 25 janvier 1985 relative

au redressement judiciaire) et le Benin (dont l’avant projet de loi comportait 226 article et avait été conçu dans le même esprit q ue celui du Cameroun.

38 Sont concernés ici le Gabon (lois gabonaises n°7 et 8-86 du 04 août 1986) qui, dans le même esprit que le Bénin et le Cameroun,

s’étaient inspirés des réformes françaises issues des lois du 1 er mars 1984 et de celle du 25 janvier 1985. La différence entre les

législations de ces pays est que le Gabon et le Guinée avaient adopté des textes définitifs tandis que les textes du Cameroun et du Benin n’étaient que des avant –projets (cf.ISSA-SAYEGH, « Présentation Générale de l’Acte uniforme…, in Penant, numéro spécial OHADA, p.217.

39 Dans cette catégorie figurent le Mali (cf. Articles 173 à 315 du Code de commerce du Mali abrégé) et le Sénégal (cf. articles 927 à

1077 du Code des obligations civiles et commerciales abrogé). Ces deux pays avaient adopté littéralement la loi française du 13 juillet 1967 qui distinguait trois procédures : le règlement judiciaire, la liquidation des biens et la faillite.

40 J.M NYAMA, Eléments de Droit des Affaires Cameroun-OHADA, Presses de l’UCAC, éd.2000, V. Introduction.

41J.O OHADA, n° 7 du 1er juillet 1998, p. 1 et s.

42 P.- G POUGOUE et Y.KALIEU, ouvrage précité, n°5, p.5. 43 F. ANOUKAHA, article précité, p.62, n°1.

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13. L’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement

du passif, loin d’être un fait isolé, s’inscrit dans le cadre d’un vaste mouvement

« d’intégration juridique »44 en Cours dans les pays africains appartenant à la Zone Franc45 depuis la fin des années 1980. En réalité, l’OHADA réalise une triple unification46 : une unification juridique, une unification judiciaire 47et une unification politique48. En ce qui concerne particulièrement l’unification juridique, celle-ci se réalise au travers des « Actes uniformes » que l’article 5 du Traité définit comme « les

actes pris pour l’adoption des règles communes… ». A dire vrai, l’OHADA vise deux « objectifs généraux et permanents », selon l’expression du professeur

ISSA-SAYEGH49. Il s’agit d’une part de la sécurisation juridique des entreprises50. Il s’agit d’autre part de la sécurisation de leur environnement judiciaire. En ce qui concerne la portée des Actes uniformes, l’article 10 du Traité OHADA prend soin de préciser qu’ils sont « directement applicables et obligatoires dans les Etats Parties

nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postér ieure ».

De la sorte, dès lors qu’ils sont adoptés et publiés, les Actes uniformes s’appliquent directement dans l’ordre juridique des Etats Parties sans qu’il soit besoin de prendre des actes législatifs particuliers pour en assurer la transposition dans l’ordre juridique interne51. L’intégration juridique ainsi voulue par le législateur communautaire africain apparaît ainsi comme « un levier indispensable de l’intégration

44 J.ISSA-SAYEGH, « L’intégration juridique des Etats africains de la Zone Franc », Penant, 1997, n°823, p-5 et n°824, p.125.

45 Au lendemain des indépendances, les Etats africains suivants constituaient la Zone Franc : Bénin (ex-Dahomey), Burkina Faso (Ex

Haute-Volta), Cameroun, Centrafrique, Comores, Congo, Côté d’Ivoire, Gabon, Guinée, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Tchad, Togo. Le Mali l’a réintégrée après l’avoir quittée pendant plusieurs années ; Madagascar et la Mauritanie l’ont quitté définitivement ; La Guinée Equatoriale et la Guinée Bissau l’ont rejointe.

46 En ce sens, v. M.KONE, ouvrage précité, n°4, p.5. Dans le même sens, D.ABARCHI, « La supranationalité dans l’Organisation pour

l’harmonisation du droit des affaires en Afrique », Revue burkinabé de droit, 2000, n°37, p.9 et S. L’unification juridique.

47 L’unification judiciaire repose sur la Cour commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) installée à Abidjan. Sur les attribution s de cette

Cour, v. infra, n° 1496 et s.

48L’unification politique se réalise par le fait que l’organe qui légifère désormais en droit des affaires est un organe supran ational

commun aux Etats Parties au Traité OHADA, à savoir le Conseil des Ministres. De ce fait, les législ ateurs nationaux se trouvent dessaisis d’une partie de leurs attributions.

49 J. ISSA-SAYEGH « L’OHADA, instrument d’intégration juridique des pays africains de la Zone Franc », Penant, 1997, n° 823, p.5-31 et

n° 824, p.125 et s.

50 Les avantages d’une loi uniforme sont indéniables. D’abord l’unité du droit des affaires a pour conséquence première d’éliminer ou

d’atténuer les distorsions juridiques susceptibles d’être à l’origine des déséquilibres économiques importants d’un pays à l’ autre selon que les règles juridiques sont rigides ou libérales. Ensuite, le droit uniforme émanant d’une structure communautaire présente l’avantage de sécurité en ce que, une fois connue une législation donnée, celle des autres pays appartenant à la Zone Franc est d’office connue. Enfin, l’unité des règles de droit élimine ipso facto les conflits de lois.

51 Il ya là incontestablement une règle de supranationalité issue de l’article 10 du Traité (Telle est d’ailleurs la position de l’Avis

n°001/2001/EP du 30 avril 2001 donné par la CCJA, RDAI/IBLJ, n°6, 2001, p.756). Cette application directe des Actes uniformes dans l’ordre juridique interne des Etats Parties, est l’une des originalités de l’OHADA par rapport aux autres initiatives d’intég ration juridique. En ce qui concerne par exemple l’harmonisation européenne, la directive ne s’applique pas directement dans le Etats. Il faut pour ce faire, un acte de transposition émanant du législateur national. Il en de même pour ce qui est des conventions d’uniformisati on. A titre d’illustration, les dispositions de la Convention de Genève de 1931 portant loi uniforme sur le chèque ont été introduites en droit f rançais par un décret-loi du 30 octobre 1935.

(18)

économique52 ». C’est fort de cette idée que l’on a pu parler, à propos de l’OHADA

précisément, de « la suprématie du droit comme support de l’activité économique »53.

14. A ce jour, neuf Actes uniformes sont en vigueur 54 et constituent dans les différentes matières concernées, le droit communautaire applicable directement dans les Etats parties au Traité OHADA, lequel droit uniforme se substitue ipso facto aux législations nationales antérieures « vétustes, incertaines et disparates 55». C’est donc

à juste titre que M. PAILLUSSEAU a soutenu à ce propos qu’une révolution juridique s’est produite dans l’espace OHADA56

.

15. Traditionnellement, trois fonctions sont assignées au droit des procédures

collectives : assurer l’élimination et la sanction des entrepreneurs malhonnêtes, assurer le paiement des créanciers et tenter le redressement de l’entreprise en difficulté57. Mais, parce que le droit des procédures collectives est un droit de compromis, il importe d’adapter la politique législative aux objectifs visés de manière à faire primer telle ou telle fonction sur les autres58. En effet, comme le relève avec pertinence M.GUYON, « une ambition excessive peut…conduire à un échec total, la

procédure ne permettant ni de redresser, l’entreprise, ni de payer les créanciers, ni de sauvegarder emplois59 ».

16. En droit français, les finalités assignées au droit des procédures collectives

depuis la loi n°85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises sont quasiment les mêmes. La loi du 25 janvier 1985

« destinée à permettre la sauvegarde de l’entreprise, le maintien de l’activité et de

52 P.-G POUGOUE, « OHADA et intégration économique », in Dynamiques de développement, Débats et enjeux politique à l’aube du 21

e siècle éd. Monchrestien, Collection Grands Colloques, Paris, 2003, p.575 et S ; V. également, Y.GUYON, in « l’Organisation pour

l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires », Les Petites Affiches, n°spécial 205, 13 octobre 2004, P.60 : « si le droit n’est pas une condition suffisante pour le développement , il en est une condition nécessaire ».

53 G.TATY, « Brèves réflexions à propos de l’entrée en vigueur d’une règlementation commune du droit des affaires des Etats membres

de la Zone Franc », Penant, 1999, p.223 et s., spéc. p.230.

54 Les Actes uniformes en vigueur à ce jour portant sur les matières suivantes : droit commercial général, droit des sociétés

commerciales et du groupement d’intérêt économique, droit des sûretés, procédures collectives d’apurement du passif, procédures simplifiées de recouvrement des créances et des voies d’exécution, droit de l’arbitrage, droit comptable, contrat de transpor t des marchandises par route, droit des sociétés coopératives.

55 J.PAILLUSSEAU, « une révolution juridique en Afrique francophone-L’OHADA », in perspectives de droit économique-dialogue avec

Michel JEANTIN, Dalloz, 1999, p.93-100.

56 J.PAILLUSSEAU, précité.

57 M. JEANTIN et P.LE CANNU, ouvrage précité n°548, p.354. 58 J.R GOMEZ, ouvrages précité, n°10, p 23.

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l’emploi et l’apurement du passif ». Il s’agit là d’objectifs hiérarchisés60

: la sauvegarde de l’entreprise d’abord, le maintien de l’activité et de l’emploi ensuite61

, et l’apurement du passif enfin. Quant à la loi n°2005-845 de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005, il résulte de son article 12, devenu l’article L.620-1 du Code de commerce que la procédure de sauvegarde62 « est destinée à faciliter la

réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique le maintien de l’emploi et l’apurement du passif »63

. S’agissant de la procédure de

redressement judiciaire64, les dispositions de l’article 88 de la loi du 26 juillet 2005, devenu l’article L.631-1, du Code de commerce énoncent qu’elle « est destinée à

permettre la poursuite de l’activité de l’entreprise, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif65

». S’agissant enfin de la liquidation judiciaire66, il résulte des dispositions de l’article 97 de la loi du 26 juillet 2005 devenu l’article 640-1, du Code de commerce, que cette procédure « est destinée à mettre fin à l’activité de

l’entreprise ou à réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits et de ses biens »67.

17. En droit de l’OHADA, le législateur communautaire africain a assigné des

finalités précises aussi bien de manière générale à l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif que de manière particulière aux procédures collectives traditionnelles ouvertes après cessation des paiements ainsi qu’à la procédure de règlement préventif ouverte avant cessation des paiements.

18. Ainsi, en ce qui concerne l’objet général de l’Acte uniforme, il découle des

dispositions de l’article 1er

dudit Acte que celui-ci a pour objet d’une part

« d’organiser les procédures collectives de règlement préventif, de redressement judiciaire et de liquidation des biens du débiteur en vue de l’apurement collectif de son passif » et, d’autre part, « de définir les sanctions patrimoniales, professionnelles

60 F.PEROCHON et R. BONHOMME, op.cit., n°12, p.7. 61 Encore que les deux choses sont liées.

62 V.infra n° 196 et s., pour les détails sur cette procédure. 63 Code de commerce, article L.60, alinéa1.

64 V. infra, n° 283 et s., 747.

65 Code de commerce, article 631-1, alinéa 2. 66 V. infra, n° 747 et s.

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et pénales relatives à la défaillance du débiteur et des dirigeants de l’entreprise débitrice ».

19. En ce qui concerne les finalités spécifiques attachées aux différentes

procédures prévues dans l’Acte uniforme, l’article 2, alinéa 1 énonce d’abord que « le

règlement préventif est une procédure destinée à éviter la cessation des paiements ou la cessation d’activité de l’entreprise et à permettre l’apurement de son passif au moyen d’un concordat préventif ». L’alinéa 2 dudit article énonce ensuite que le « redressement judiciaire est une procédure destinée à la sauvegarde de l’entreprise et à l’apurement de son passif au moyen d’un concordat de redressement ». L’alinéa

3 énonce enfin que « la liquidation des biens est une procédure qui a pour objet la

réalisation de l’actif du débiteur pour apurer son passif ».

20. A la lumière de ce qui précède, il apparaît que globalement, le droit français

des entreprises en difficulté et le droit africain poursuivent, somme toute, des finalités communes : sauvegarde de l’entreprise, apurement du passif, détermination des sanctions à l’endroit à l’endroit du débiteur et des dirigeants de l’entreprise. En revanche, l’ordre prioritaire des objectifs dans chacun de ses systèmes ne se présente pas de la même manière.

21. En effet, alors qu’en droit français depuis la loi du 25 janvier 1985, la

sauvegarde de l’entreprise est l’objectif premier visé par le législateur des procédures collectives, en droit de l’OHADA, les choses ne sont pas aussi précises que l’on pourrait le penser. A priori, il apparaît que l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif donne la priorité à l’apurement du passif et place ainsi l’intérêt des créanciers au premier plan ce, au détriment de celui de l’entreprise68

. Pour s’en convaincre, il suffit de se reporter à l’intitulé dudit Acte qui, en lui-même, est révélateur de cette situation puisqu’il y est question de

« l’organisation des procédures collectives d’apurement du passif ». Par ailleurs,

l’article 1er

de l’Acte uniforme décline sans équivoque son objectif général qui, mise à part la question liée aux sanctions, est l’organisation des « procédures collectives…

68 V.F.M. SAWADOGO, présentation générale de l’Acte uniforme, op. cit, p. 885 qui écrit : « Quand aux procédures collectives ouvertes

après cessation des paiements, elle visent toutes à apurer le passif, d’où la conclusion que, dans l’Acte uniforme de l’OHADA , le paiement des créanciers est l’objectif premier des procédures collectives » ; V. également, J-R GOMEZ, ouvrage précité, n°11.

(21)

de règlement préventif, de redressement judiciaire et de liquidation des biens du débiteur en vue de l’apurement collectif de son passif ».

22. Il a ainsi été soutenu que le choix du législateur communautaire africain des

procédures collectives de donner la priorité au paiement des créanciers se justifie par le fait que l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif s’inspire essentiellement de la loi française du 13 juillet 196769

et qu’il se situait ainsi dans le prolongement de certains droits antérieurs70

. Cette dernière législation a donc été jugée « adaptée au contexte africain et dénuée de

complexité »71. Pourtant, l’examen attentif des dispositions des articles 2-1 et 2-2 de

l’Acte uniforme concerné, vient quelque peu tempérer ces certitudes. En effet, tandis que l’article 2.1 dispose que « le règlement est une procédure destinée à éviter la

cessation des paiements ou la cessation d’activité de l’entreprise et à permettre l’apurement de son passif… ». L’article 2-2 dispose pour sa part et s’agissant du

redressement judiciaire, que celui-ci est destiné « à la sauvegarde de l’entreprise et à

l’apurement de son passif… ». Dans les deux hypothèses visées par le texte, la

sauvegarde de l’entreprise prime sur l’apurement du passif. Il y donc comme une contradiction entre l’énoncé de l’objectif général visé à l’article 1er

de l’Acte uniforme et l’énoncé des objectifs spécifiques se rapportant aux procédures de règlement préventif et de redressement judiciaire visés à l’article 2. Il paraît dès lors plus juste de conclure à l’existence en droit de l’OHADA, d’un « régime dualiste » faisant coexister l’objectif de paiement des créanciers et l’objectif de redressement de l’entreprise comme l’atteste du reste si bien la note de présentation de l’Acte uniforme72.

23. C’est donc à juste titre que le professeur SAWADOGO, à propos des options

prises par le législateur africain des procédures collectives, fait état de la « tentative

69 F.M SAWADOGO, présentation générale de l’Acte uniforme…, précité, p.888 ; V. également, J.R GOMEZ, op.cit, n°10, p24 70 Notamment le droit malien et le droit sénégalais, supra, n° 11.

71 J-ISSA-SAYEGH, Présentation de l’Acte uniforme…, in Penant, Numéro spécial OHADA, op.cit p.217.

72 Celle- ci est ainsi conçue : « le redressement judiciaire permet au débiteur qui a cessé ses paiements d’obtenir un concordat de

redressement dont l’objet n’est pas uniquement d’obtenir des délais et remises, mais également de prendre toutes mesures, mais également de prendre toutes mesures juridiques, techniques et financiers (y compris la cession partielle de l’entreprise) sus ceptibles de réaliser le rétablissement des conditions de fonctionnement normal de l’entreprise ». cf. avant –projet d’Acte uniforme portant

organisation des procédures collectives d’apurement du passif, octobre 1993, p.5 ; v. également, ISSA-SAYEGH, in Penant, n° spécial OHADA, op.cit, p.220-221.

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de conciliation entre sauvetage de l’entreprise et intérêt des créanciers » 73

Sous ce rapport, il est permis d’affirmer qu’’avec les finalités de sauvetage de l’entreprise et de maintien de l’activité qu’il contient, l’article 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif constitue le socle sur lequel repose l’émergence d’un véritable « droit des entreprises en difficulté » dans l’espace OHADA.

24. Il se dégage in fine de l’analyse qui précède, qu’au-delà de la question liée à

l’ordre hiérarchique, le droit français et le droit africain ont, en commun, la sauvegarde de l’entreprise et le maintien de son activité. Sur cette questi on, la réforme annoncée du droit des entreprises en difficulté dans l’espace OHADA se veut plus tranchée quant à la poursuite de l’objectif de sauvetage de l’entreprise. Il est ainsi proposé de procéder à une réécriture de l’article 1er

de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives du passif, de manière à lui assigner comme objectifs principaux, la prévention et le traitement des difficultés des entreprises74.

25. Il est généralement admis qu’il existe une double typologie des modes de

traitement des difficultés des entreprises : d’une part, les modes non juridictionnels ou extra-juridictionnels et, d’autre part, les modes juridictionnels ou judiciaires75. Tandis que dans le premier cas, le traitement des difficultés de l’entreprise se fait en dehors de toute intervention judiciaire, dans la seconde hypothèse, le traitement des difficultés de l’entreprise se fait devant les Tribunaux . Mais, en réalité, l’essentiel du droit des entreprises en difficulté se déroule de nos jours sous le contrô le de l’autorité judiciaire, qu’il s’agisse des procédures dites préventives intervenant en l’absence de cessation des paiements ou qu’il s’agisse des procédures dites curatives intervenant après cessation des paiements.

26. En France, traditionnellement, le traitement des entreprises en difficulté

relève des autorités judiciaires et non de l’administration ou des créanciers76

. Cette conception se justifie dès lors que « le traitement des difficultés de l’entreprise oblige

73 Cf. « Présentation de l’Acte uniforme…», in Traité et Actes uniforme, p.888).

74 L’article 1 de l’avant projet d’amendements à l’AUPC est ainsi libellé : « Le présent Acte uniforme a pour objet (…) d’organiser…les

procédures collectives…en vue de la prévention et du traitement des difficultés des entreprises ».

75 *sur cette distinction, v. notamment : M. Jeantin et P. LE CANNU op.cit, 281 et s ; Y.GUYON, op.cit., p. 39 et s ; F.PEROCHON et

R.BONHOMME, p.21. et s.

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à transcender entre des intérêts opposés77 » et qu’il est par ailleurs question d’assurer

l’efficacité et la moralité des procédures78

. Cette situation a été accentuée par la loi du 25 janvier 1985 qui a transformé le Tribunal en « grand maitre de la

procédure »79. Avec la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005, alors qu’une présence active du Ministère public dans le déroulement des procédures collectives est observable, le rôle du Tribunal a connu un petit recul80, sans pour autant que ses pouvoirs soient sensiblement amputés81. En droit de l’OHADA, l’on constate une « omnipotence » des Tribunaux 82 dans le déroulement des procédures, ces derniers jouant un rôle décisif tant avant qu’après la cessation des paiements. A titre d’illustration, les trois procédures83

mises en place par l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif sont des procédures essentiellement judiciaires84.

27. En fait, l’intervention judiciaire dans le déroulement des procédures

collectives ne peut être dissociée de l’évolution historique quant à la place même du droit dans le traitement des difficultés des entreprises85. Avec la loi française du 25 janvier 1985, une distinction nette est apparue dans le droit des entreprises en difficulté entre, d’une part le traitement et, d’autre part, la prévention. Si l’on est fondé à soutenir que le traitement des difficultés des entreprises par le moyen du droit de la « faillite » constitue un champ traditionnel d’intervention du droit, il n’en est pas de même pour ce qui est de la prévention, la mise en place d’un « droit de la

prévention des difficultés »86 étant récente. Pour ce faire, il a fallu surmonter l’obstacle majeur constitué traditionnellement par la méfiance des gestionnaires d’entreprises à l’égard du droit, méfiance au demeurant justifiée dès lors que le droit

77 Idem.

78 F.M SAWADOGO, OHADA : Droit des entreprises en difficulté, Bruylant, Bruxelles, collection Droit uniforme africain, 2002, n°4, p.3 79 Idem.

80 On constate en effet un recul du rôle du Tribunal de commerce (en matière de préve ntion) désormais «consacré comme un organe

protecteur des entreprises qui peuvent se placer sous main de justice sans être en cessation des paiements » (cf. rapp. AN n° 2094,

2005, Traitement des entreprises en difficulté, P.CLEMENT, p.15).

81 JAZOTTES, RPC 2005, 358, spéc. 360. 82 P.NGUIHE KANTE, thèse précitée, p.238.

83 Il s’agit du règlement préventif, du redressement judiciaire et de la liquidation des biens.

84 Cet interventionnisme judiciaire était peu observé dans l’ancienne législation des faillites hé ritée de la période coloniale applicable

dans les Etat parties au Traité OHADA. Ainsi par exemple, dans le cadre de la liquidation judiciaire qui servait de procédure judiciaire de sauvetage, le Tribunal avait pour unique mission l’homologation du concorda t sans possibilité de remettre en cause une décision prise par un créancier. Il ne pouvait qu’approuver le vote du concordat qui lui était soumis ou le rejeter si les conditions de mor alité exigées par la loi n’étaient pas remplies.

85 Sur cette question, v. JEANTIN et P. LE CANNU, ouvrage précité, n°438, p.208.

86 La formule est empruntée au titre de l’ouvrage d’Y.CHAPUT, Droit de la prévention et du règlement amiable des difficultés des

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ne saurait appréhender les difficultés des entreprises s’il n’est pas suffisamment souple. Par ailleurs, la prise en compte de l’objectif de prévention suppose une règle de droit dont l’application laisse une grande place de négociation conventionnelle87

. Cette situation appelle une double conséquence. La première conséquence est une mutation des formes mêmes du droit : le passage d’un droit imposé à un droit négocié88. La deuxième conséquence est une perception nouvelle de l’institution judiciaire. Non seulement celle-ci n’est plus perçue comme la seule institution à même de contribuer efficacement à la résolution des crises que connaît l’entreprise89

, mais en plus il s’opère un changement des modalités de l’intervention judici aires en ce sens qu’il est désormais fait appel largement aux procédures non contentieuses90

.

28. Au lendemain des indépendances, le législateur africain des procédures

collectives a entrepris une œuvre de refonte de l’ensemble de la législation en vigueur dans les Etats Parties au Traité OHADA dans un contexte où, avant l’avènement dudit Traité, le droit positif en la matière dans la majorité de ces pays, anciennes colonies françaises91, était constitué des textes français qui leur avaient été rendus applicabl es à l’époque coloniale92. L’on peut dès lors légitimement s’interroger sur l’autonomie

du nouveau droit africain des entreprises en difficulté par rapport au droit français en ce qui concerne particulièrement le rôle du juge dans le sauvetage ou le redressement93 des entreprises. En d’autres termes, après l’intervention du Traité OHADA, peut-on valablement soutenir l’existence d’un droit africain des entreprises en difficulté autonome du droit français en rapport avec le rôle du juge dans la prévention et le traitement des défaillances d’entreprises ?

87 M.JEANTIN et P-LE CANNU, op.cit., n°438, p.280.

88 Le passage d’un droit imposé à un droit négocié constitue une évolution essentielle due, en grande partie, à la prise en comp te des

nécessités liées à la prévention des difficultés des entreprises. Sur cette question, v. l’étude de CERCRID (université d Saint-Etienne) : « Pour une réflexion sur les mutations des formes du droit », Procès, 1982, n°9, p. 5 et s.

89 Parallèlement, figurent des interventions administratives, voire purement conventionnelles.

90 Il en est par exemple ainsi du caractère non contentieux de l’homologation du concordat préventif passé par le débiteur avec ses

créanciers dans le cadre du règlement préventif OHADA (v. infra, n° 103 et s.) ou de l’homologation de l’accord amiable dans le cadre de la procédure de conciliation en droit français (v. infra, n° 193 et 194)

91 A l’exception de la Guinée Bissau et de la Guinée Equatoriale. 92 V. supra, n° 10

93Pour les nuances terminologiques liées à ces deux notions, v. J. BRILLMAN, in Le redressement des entreprises en difficulté, Ed.

Hommes et Techniques, Suresnes-France, 1979, p.20, cité par P.NGUIHE KANTE, thèse précitée, p.8. IL semble bien que stricto sensu, le « sauvetage » et le « redressement » ne sont pas synonymes. Alors que le sauvetage renverrait à des mesures d’urgence, le redressement s’inscrit dans la durée et nécessité un ensemble de mesures de réorientation stratégique et/ou de réorganisation dans e l cadre d’un « plan de redressement ». Cependant, pour les besoins de l’étude, les deux termes seront utilisés indifféremment.

(25)

29. Une telle interrogation invite inéluctablement le « commercialiste » à une

étude de droit comparé sur le rôle du juge dans le sauvetage de l’entreprise en difficulté en droit de l’OHADA et en droit français. Mais un tel exercice suppose, au préalable, une bonne compréhension des termes du sujet.

30. Le terme « juge » employé dans le cadre de la présente étude doit être

considéré comme un terme générique qui renvoie indifféremment au Président du Tribunal, au Tribunal lui-même ou au juge commissaire qui, aussi bien en droit français qu’en droit africain, constitue le « chef d’orchestre » en matière de procédures collectives94. Le « sauvetage» s’entend de toutes les mesures prises et de nature à conduire à la sauvegarde de l’entreprise en tant qu’unité économique ainsi que le maintien de l’activité et des emplois qui y sont attachés. Ces mesures peuvent s’inscrire soit dans le cadre de la continuation de l’entreprise entre les mains du débiteur, soit dans le cadre de sa cession à un tiers. Quant à la notion d’ « entreprise

en difficulté », il convient de relever d’entrée de jeu, qu’elle n’est pas facile à définir

en raison notamment de « la diversité des modes d’analyse des défaillances, des

stades différents de gravité de la situation, de la variété des critères permettant de les déceler et de l’hétérogénéité de leurs causes »95

. Généralement, la notion d’entreprise

en difficulté suppose que l’entreprise a cessé de fonctionner de manière harmonieuse et qu’une rupture dans la continuité de son exploitation96

s’est produite, va ou risque de se produire97. En réalité, la notion d’entreprise en difficulté est disparate, en fonction des préoccupations législatives dont elle est la cible98. Pour notre part et, dans le cadre de notre étude, l’entreprise en difficulté est celle qui remplit les conditions de soumission aux différentes procédures tant à visée préventive qu’à

94 Infra, n° 1284 et s.

95 P. NGUIHE KANTE, « Réflexion sur la notion d’entreprise en difficulté dans l’Acte uniforme portant organisation des procédures

collectives d’apurement du passif OHADA », Ann. Fac.des Sciences Juridiques et Politiques de l’Université de Dschang (Cameroun), t 5,

2001, PUA, p. 87, n°1.

96 Sur cette notion comptable, v. A.VIANDIER et DE LAUZAINGHEIN, Droit comptable, Dalloz 1993, n°354 et s. 97 M JEANTIN et P. LE CANNU, op. cit., n° 437 , P.279.

98 P.-M LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz Action, 2012/2013, n°111-11, p.144. A cet égard, il faut relever

que par l’usage de critères objectifs, la Commission des communautés européennes, dans une première communication en 1999, s ans donner une véritable définition de l’entreprise en difficulté , a envisagé 04 situations dans lesquelles, elle estime qu’il y a entreprise en difficulté : entreprise incapable d’assurer son redressement avec ses ressources financières propres ou avec celles dont sont disposés à faire apport ses actionnaires et créanciers, entreprise soumise à une procédure collective fondée sur l’insolvabilité, société dont les associés ont une responsabilité limitée et qui a perdu plus de la moitié de son capital avec une perte du quart de ce capital au cours des 12 derniers mois, société à responsabilité limitée ayant perdu plus de la moitié de ses fonds propres et plus que du quart de ceux-ci au cours des 12 derniers mois. La Commission a, en 2004, posé de nouvelles lignes directrices d’aides aux entreprise s en difficulté et dont l’article 1er précise que l’entreprise est en difficulté dès lors qu’elle remplit les conditions de soumission à une procédure d’insolvabil ité,

ce qui en droit français, correspond au redressement judiciaire, à la liquidation judiciaire et à la sauvegarde (En ce sens, Ph. ROUSSEL GALLE, « Les aides publiques aux entreprises en difficulté : les lignes directrices communautaires, le Ciri et les Codefi », Rev.proc.coll.2006/2, p.128 et s. , sp.,p.129).

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