• Aucun résultat trouvé

Élaboration et validation d'un outil de mesure bref et modernisé de l'alliance thérapeutique : le Questionnaire Intégratif de l'Alliance Thérapeutique (QIAT)

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Élaboration et validation d'un outil de mesure bref et modernisé de l'alliance thérapeutique : le Questionnaire Intégratif de l'Alliance Thérapeutique (QIAT)"

Copied!
143
0
0

Texte intégral

(1)

© Benjamin Simard, 2020

Élaboration et validation d'un outil de mesure bref et

modernisé de l'alliance thérapeutique : le Questionnaire

Intégratif de l'Alliance Thérapeutique (QIAT)

Mémoire

Benjamin Simard

Maîtrise en mesure et évaluation - avec mémoire

Maître ès arts (M.A.)

(2)

ii Résumé

Les questionnaires mesurant l’alliance thérapeutique utilisent des définitions variables pour opérationnaliser ce construit, reflet d’un manque de cohésion théorique, et plusieurs écueils concernant leur fiabilité et validité ont été identifiés (redondance conceptuelle avec la satisfaction des services, items moins pertinents dans les phases avancées des suivis, structures factorielles instables et effets plafond). Le Questionnaire Intégratif de l’Alliance Thérapeutique (QIAT) a été élaboré afin d’opérationnaliser une définition modernisée, intégrative et flexible de l’alliance thérapeutique et de pallier ces lacunes. Pour valider le QIAT, 223 canadiens francophones suivis pour des motifs reliés à la santé mentale ou au bien-être psychologique ont été recrutés par le biais de médias sociaux et de courriels institutionnels afin de remplir des questionnaires sur une plateforme web sécurisée. Un processus de sélection des meilleurs items à partir de la théorie classique des tests et de la théorie de réponse aux items (TRI), de l’analyse factorielle exploratoire et de plusieurs autres critères a mené à la création du QIAT-SG-10 (suivi global) et du QIAT-DS-6 (dernière séance). Les deux versions du QIAT ont démontré des indices de cohérence interne nettement appréciables ainsi que des preuves solides de validité convergente, discriminante et concourante. La structure factorielle (deux facteurs corrélés) a également été confirmée. En comparaison au Session Rating Scale, le QIAT-DS-6 a démontré une meilleure fidélité en TRI, alors que le QIAT-SG-10 a présenté un effet plafond légèrement plus élevé que le Working Alliance Inventory – Short Revised (WAI-SR), mais il discrimine mieux l’alliance de la satisfaction des services. Malgré une certaine redondance avec le WAI-SR, le contenu des items du QIAT révèle des distinctions importantes (emphase sur les compétences affectives du thérapeute et sur les aspects de négociation, intégration du lien émotionnel relié au travail collaboratif et la pertinence des items peu importe les phases du suivi) justifiant son existence.

(3)

iii Abstract

Questionnaires measuring therapeutic alliance use various definitions to operationalize this construct, reflecting a lack of theoretical cohesion, and several pitfalls concerning their reliability and validity have been identified (conceptual redundancy with service satisfaction, less relevant items in the advanced phases of therapeutic process, unstable factor structures and ceiling effects). The Therapeutic Alliance Integrative Questionnaire (QIAT) was developed to operationalize a modernized, integrative, and flexible definition of therapeutic alliance and to address these shortcomings. To validate the QIAT, 223 French-speaking Canadians engaged in a therapeutic process for reasons related to mental health or psychological well-being were recruited through social media and institutional emails to complete questionnaires on a secure web platform. Selecting the best items based on classical test theory and item response theory (IRT), exploratory factor analysis, and several other criteria led to the creation of the QIAT-SG-10 (overall follow-up) and QIAT-DS-6 (last session). Both versions of the QIAT demonstrated appreciable indices of internal consistency as well as strong evidence of convergent, discriminant, and concurrent validity. The factor structure (two correlated factors) was also confirmed. In comparison to the Session Rating Scale, the QIAT-DS-6 demonstrated better reliability in IRT, while the QIAT-SG-10 showed a slightly higher ceiling effect than the Working Alliance Inventory - Short Revised (WAI-SR), but its discrimination from service satisfaction was higher. Despite a certain redundancy with the WAI-SR, the content of the QIAT items reveals important distinctions (emphasis on the emotional skills of the therapist and on aspects of negotiation, integration of the emotional bond specifically related to collaborative work, and the relevance of the items regardless of phases of therapeutic process) justifying its existence.

(4)

iv

Table des matières

Résumé ... ii

Liste des tableaux et figures ... v

Remerciements ... vi

Introduction ... 1

Chapitre 1 : Contexte historique de l’alliance thérapeutique ... 6

Chapitre 2 : La définition de l’alliance de travail de Bordin ... 10

Chapitre 3 : Comparaison des échelles d’alliance thérapeutique les plus utilisées ... 13

Chapitre 4 : Avancées et controverses – vers une définition modernisée et intégrative de l’alliance thérapeutique... 26

Chapitre 5 : Théorie du développement d’une échelle de mesure ... 40

Chapitre 6 : Stratégies d’élaboration du QIAT ... 49

Chapitre 7 : Méthodologie de l’étude de validation ... 54

Chapitre 8 – Résultats ... 65

Chapitre 9 – Discussion ... 94

Conclusion ... 113

Bibliographie ... 117

(5)

v

Liste des tableaux et figures Tableau 1

Comparaison des échelles de mesure d’alliance thérapeutique les plus utilisées selon le modèle générique de Hougaard______________________________________________17

Tableau 2

Comparaison des échelles de mesure d’alliance thérapeutique les plus utilisées selon certaines caractéristiques sélectionnées________________________________________18

Tableau 3

Propriétés des items du QIAT-SG en TCT et saturations factorielles en AFE___________67

Tableau 4

Statistiques d’ajustement du QIAT-SG-10 aux différents modèles testés en AFC________69

Tableau 5

Paramètres du QIAT-SG-10 pour le modèle à deux facteurs corrélés en AFC___________70

Tableau 6

Corrélations entre le QIAT-SG-10 et le WAI-SR_________________________________71

Tableau 7

Corrélations entre le QIAT-SG-10 et les différentes mesures servant à soutenir sa validité discriminante et concourante ________________________________________________73

Tableau 8

Caractéristiques des participants et médianes/moyennes marginales estimées des scores totaux au QIAT-SG-10 selon les niveaux des variables catégorielles étudiées________74-75

Tableau 9

Comparaison entre différentes caractéristiques du QIAT-SG-10 et du WAI-SR_________76

Tableau 10

Comparaison de différentes caractéristiques des items du QIAT-DS__________________78

Tableau 11

Statistiques d’ajustement du QIAT-DS-6 aux différents modèles testés en AFC_________81

Tableau 12

Paramètres du QIAT-DS-6 pour le modèle à deux facteurs corrélés en AFC___________82

Tableau 13

Corrélations entre le QIAT-DS-6, le SRS et le SAI pour la validité convergente________83

Tableau 14

Corrélations entre le QIAT-DS-6 et les différentes mesures servant à soutenir sa validité discriminante et concourante ________________________________________________85

Tableau 15

Médianes et moyennes marginales estimées pour les scores totaux à la QIAT-DS-6 selon les niveaux des variables catégorielles étudiées__________________________________86-87

Tableau 16

Comparaison entre différentes caractéristiques du QIAT-DS-6, du SRS et du SAI_______90

Figure 1

Courbes caractéristiques d’options (CCO) du SRS-5 et SRS-10_____________________91

Figure 2

Courbes caractéristiques d’options (CCO) du SAI________________________________92

Figure 3

(6)

vi

Remerciements

Je ne pense pas qu’il soit possible de mesurer la taille du défi que représente un projet avant que le processus ne soit bien entamé; je dois dire à ce sujet que j’avais nettement sous-estimé l’ampleur et la place que prendrait ce mémoire dans les deux dernières années de ma vie! Cependant, malgré tous les obstacles, les déceptions et les craintes, c’est rempli de gratitude que je termine ce parcours. À ce sujet, des remerciements sont de mise.

Merci à ma directrice de mémoire, Claudia Savard, pour sa disponibilité hors du commun, sa flexibilité, sa rétroaction rapide, juste et toujours respectueuse, sa proactivité indéfectible, son optimisme, mais aussi son réalisme, qui a su plus d’une fois calmer mes ardeurs de jeune chercheur idéaliste (et parfois trop perfectionniste)!

Merci à ma conjointe, Pauline Brayet, pour son soutien moral et psychologique inconditionnel (et ô combien nécessaire!), mais également pour ses précieux conseils méthodologiques et stratégiques, informés de sa propre expérience dans le monde académique. Je t’admire pour tout ce que tu es mon amour.

Merci à mes parents, Lise Foucault et Réjean Simard, pour leur confiance inébranlable dans ma capacité à exceller dans ce qui me tient vraiment à cœur. Merci à ma sœur, Gabrielle Simard, pour son esprit artistique et créateur, qui vient balancer mon côté plus analytique et rationnel.

Merci à mes amis, particulièrement Mikaël, Marc-Antoine, Julien, Gabriel et Emmanuëlle, pour leur profonde amitié et toutes ces fois où ils m’ont permis de me « sortir de ma tête » pour profiter de la vie et du moment présent.

De toute évidence, il y a dans tout projet d’envergure, en filigrane, un réseau qui supporte celui ou celle qui est à l’avant-scène. Je vous remercie tous de plus profond de mon cœur.

(7)

1 Introduction

Le concept d’alliance thérapeutique fascine et stimule la recherche depuis maintenant près de 50 ans et sa genèse peut être comprise comme une conséquence d’une découverte importante ayant eu lieu vers la fin des années 70. En effet, des méta-analyses rapportent à l’époque que la psychothérapie est indubitablement efficace comme traitement pour diverses conditions psychiques, mais qu’aucune des grandes approches psychothérapeutiques reconnues (psychanalyse, thérapie humaniste-existentielle, thérapie comportementale et cognitive) ne se démarquent. En d’autres mots, il n’y a pas de différence statistiquement significative quant au degré d’efficacité entre les thérapies psychologiques s’appuyant sur des modèles théoriques variés (Luborsky, Singer, & Luborsky, 1975; Smith & Glass, 1977). Cette constatation sera d’ailleurs confirmée en grande partie dans les méta-analyses subséquentes, où l’étude des modérateurs (Spielmans & Flückiger, 2018) permettra de préciser que tous les types psychothérapies bona fide, c’est-à-dire celles fondées sur une théorie psychologique et conçue intentionnellement pour être thérapeutique (contrairement à une intervention contrôle préalablement considérée inerte), sont également efficaces, tout autres facteurs considérés égaux, comme la durée et la fréquence des séances, la présence d’une supervision pour les psychothérapeutes et l’allégeance du chercheur (Wampold & Imel, 2015; Wampold, Minami, Baskin, & Tierney, 2002; Wampold et al., 1997). La seule exception n’ayant pas confirmé cette règle, jusqu’à présent, concerne le trouble de stress post-traumatique, pour qui des traitements basés sur l’exposition seraient supérieurs aux autres types de psychothérapies (Kline, Cooper, Rytwinksi, & Feeny, 2018).

Ce constat a donc poussé la communauté scientifique à s’interroger sur la nature des facteurs communs à tous ces types de psychothérapies qui les rendent efficaces et sur les ingrédients communs au changement. Naturellement, la relation soignant-soigné étant un dénominateur commun à toutes ces approches, celle-ci s’est vue attribuée une attention scientifique croissante, voire exponentielle (Horvath, 2010). La popularité de la recherche sur les facteurs communs du changement est en partie due au fait que les domaines d’application sont très diversifiés. En plus de la psychothérapie, on peut citer la médecine, les sciences infirmières, le travail social, la physiothérapie, l’éducation, la réhabilitation, etc. (Horvath et al., 2014). Le concept théorique d’alliance thérapeutique, définie globalement comme le degré d’engagement d’une dyade thérapeutique dans un travail collaboratif dirigé

(8)

2

vers un but significatif (Bordin, 1979), est le symbole de cette quête de l’essence du changement. De fait, la popularité de ce concept n’est pas sans fondement; il s’agit du facteur le plus souvent et le plus robustement mis en relation avec les résultats thérapeutiques, avec une corrélation et une taille d’effet modérées (r=0.28 [IC 99.9% 0.256-0.299], d = 0.579 [IC 95% = 0.530-0.627]). Ainsi, l’alliance thérapeutique explique à elle seule tout près de 8% de la variance des résultats thérapeutiques (Flückiger, Del Re, Wampold, & Horvath, 2018), ce qui correspond à plus de 50% de la variance expliquée par la thérapie (5 à 7 fois plus que le type d’approche utilisée), et, de façon encore plus spectaculaire, entre 50 à 97% de la variabilité des résultats thérapeutiques attribuables aux thérapeutes (Baldwin, Wampold, & Imel, 2007; Duncan, 2015; Owen, Duncan, Reese, Anker, & Sparks, 2014). En d’autres mots, la recherche démontre que ce qui différencie un bon d’un moins bon thérapeute, c’est principalement sa capacité à former une alliance avec tous ses patients, surtout avec ceux pour qui l’engagement dans le travail collaboratif est plus ardu (Duncan, 2015). Cette constatation a ainsi permis d’alimenter le mouvement de la thérapie informée par la rétroaction (TIR), dont les visées sont de réduire les détériorations cliniques et les fins prématurées (Lambert & Shimokawa, 2011). Finalement, l’étude de la contribution (négative et positive) des thérapeutes sur l’alliance thérapeutique a mené à la création de plusieurs programmes de formation mettant l’accent sur la construction et la réparation de l’alliance (Eubanks-Carter, Muran, & Safran, 2015). Bref, les portées cliniques de ce concept théorique emblématique de la relation thérapeutique sont multiples et l’alliance continue de stimuler la recherche en psychothérapie.

L’intérêt renouvelé pour le concept d’alliance thérapeutique dans la communauté scientifique, bien qu’il ait conduit à d’importantes avancées théoriques, empiriques et cliniques, peut également être compris comme le symptôme d’un manque de cohésion et de consensus concernant sa définition. En effet, sa position emblématique de représentant des facteurs communs à toutes les psychothérapies a généré une dérive sémiotique, menant à la construction d’une multitude de questionnaires tentant d’opérationnaliser une variante de l’alliance compatible avec la vision (rarement athéorique) de ses auteurs (Horvath, 2018). Même si la plupart des chercheurs prennent comme référence la définition classique de Bordin (1979) telle que présentée ci-haut, ce qui n’est d’ailleurs pas toujours le cas (Agnew‐ Davies, Stiles, Hardy, Barkham, & Shapiro, 1998; Gaston, 1990; Luborsky, 1976; O'Malley,

(9)

3

Suh, & Strupp, 1983), plusieurs omettent certaines de ces composantes ou au contraire ajoutent des dimensions à leur définition d’alliance, ce qui mène à une grande hétérogénéité des outils de mesure et diminue la possibilité de généralisation des études selon l’instrument utilisé pour opérationnaliser l’alliance (Hatcher & Barends, 2006).

Des questionnements figurent également quant à la meilleure façon de circonscrire l’alliance dans le temps, cette dernière étant parfois définie de façon plus macroscopique, souvent mesurée comme une tendance sur plusieurs séances, tantôt de façon plus microscopique, c’est-à-dire mesurée séance par séance, voir moment par moment (Horvath, 2018). Or, l’utilisation de ces échelles à temporalité variable n’est pas toujours appropriée au contexte clinique, ce qui est particulièrement le cas des échelles plus macroscopiques (qui sont typiquement construites pour évaluer l’alliance globale après 3 à 5 séances) qui sont parfois utilisées pour mesurer les variations de l’alliance de séance en séance, amoindrissant ainsi la validité des réponses obtenues (Falkenström, Hatcher, Skjulsvik, Larsson, & Holmqvist, 2015). Or, paradoxalement, les chercheurs s’intéressent de plus en plus aux patrons de variation de l’alliance de séance en séance, d’une part car certains de ces patrons semblent plus corrélés au succès thérapeutique que d’autres (Stiles et al., 2004), et d’autre part, car il est possible de prédire une portion plus grande de variance dans les résultats thérapeutiques à partir de mesures d’alliance de plusieurs sessions précoces versus une seule séance (Crits-Christoph, Gibbons, Hamilton, Ring-Kurtz, & Gallop, 2011). Le choix d’outils de mesure non adaptés au contexte temporel mesuré peut en partie s’expliquer par le faible nombre de questionnaires spécifiquement conçus dans l’intention de mesurer l’alliance de façon répétitive, séance après séance. Cette réalité est d’ailleurs particulièrement problématique pour les cliniciens et chercheurs utilisant le modèle de la thérapie informée par la rétroaction. Par ailleurs, des avancées théoriques récentes très riches sur le plan conceptuel, notamment concernant les aspects de négociation des besoins relationnels et contractuels (Doran, 2016), ne sont pas suffisamment représentées dans les outils plus récents. En outre, plusieurs problèmes méthodologiques concernant la validité et la fiabilité des outils de mesure eux-mêmes viennent ajouter à la problématique théorique associé au concept d’alliance thérapeutique (Agnew‐Davies et al., 1998; Hatcher & Barends, 2006; Horvath, 2018). Ainsi, le faible nombre de questionnaires validés en français, l’applicabilité variable des outils à toutes les approches théoriques, les items biaisés avec les résultats

(10)

4

thérapeutiques (questions adressant davantage la satisfaction ou le progrès perçu jusqu’à présent plutôt que l’alliance) ou ne s’appliquant qu’à la phase initiale de la thérapie, l’absence de différenciation claire entre les dimensions postulées par la théorie dans les études empiriques et les effets plafond importants avec des scores généralement très élevés d’alliance (limitant la variance des scores et soulevant la possibilité de contamination de ces derniers par des aspects de soumission de la part du patient) viennent mettre en lumière la pertinence de faire une synthèse des éléments de continuité et de discontinuité, des certitudes et des problèmes identifiés dans l’histoire conceptuelle et dans l’opérationnalisation de l’alliance thérapeutique afin de créer un outil modernisé de l’alliance thérapeutique, adapté au contexte clinique dans lequel il sera utilisé.

De fait, l’objectif de ce mémoire sera d’élaborer un nouvel outil de mesure de l’alliance thérapeutique, basé sur une définition modernisée de ce concept, c’est-à-dire solidement ancrée dans la théorie de Bordin, mais actualisée des aléas et avancées théoriques et méthodologiques identifiés depuis les quarante dernières années.

Pour ce faire, le contexte historique du développement du concept de l’alliance thérapeutique sera détaillé dans le chapitre un, le tout menant à une exploration détaillée de la définition classique de Bordin (chapitre deux). Ensuite, dans le chapitre trois, une analyse comparative des échelles d’alliance thérapeutique les plus utilisées sera effectuée, pour en déceler leurs points communs et leurs divergences ainsi que leurs forces et leurs faiblesses. Puis, dans le chapitre quatre, les avancées théoriques et empiriques permettant de mieux définir l’alliance et d’en souligner les controverses seront exposées. Plus spécifiquement, nous aborderons dans cette section les aspects de dimensionnalité, du lien affectif versus de la relation thérapeutique, de la négociation en contraste au consensus, de la temporalité, des apports de l’approche qualitative et des impacts du paradigme de la thérapie informée par la rétroaction. Cette analyse permettra la création d’une définition moderne et intégrative de l’alliance thérapeutique. Ensuite, le chapitre cinq détaillera clairement l’objectif (et les hypothèses de recherche y étant reliées) de ce mémoire, soit essentiellement le développement et la validation d’un nouvel outil de mesure de l’alliance thérapeutique.

Dans le chapitre cinq, un survol de la théorie soutenant la construction d’une échelle de mesure sera effectué, ce qui mettra la table pour le chapitre six, où les stratégies

(11)

5

d’élaboration de la mesure actuelle, opérationnalisant la définition élaborée dans le chapitre quatre, seront explicitées. Puis, dans le chapitre sept, la méthodologie utilisée pour valider le questionnaire sera détaillée. Ainsi, il sera question de la validation préliminaire (pré-test empirique), des modifications apportées au questionnaire face à ces résultats, et de la validation finale. Par la suite, les résultats de l’étude de validation seront présentés dans le chapitre huit, lesquels seront discutés dans le chapitre neuf, pour terminer avec une conclusion dans le chapitre dix.

(12)

6

Chapitre 1 : Contexte historique de l’alliance thérapeutique

Les travaux fondateurs de Bordin (1979), menant à une définition plus globalement acceptée de l’alliance thérapeutique, ont été influencés par trois grands courants théoriques; la psychanalyse, la thérapie centrée sur le patient (Rogers, 1957) et la théorie des facteurs communs de Frank (1961).

Tout d’abord, Freud est probablement le premier à avoir théorisé l’importance de la relation thérapeutique dans le traitement psychothérapeutique. Ce dernier s’interroge au début du siècle sur les motifs qui poussent certains patients à poursuivre leur traitement malgré l’activation de défenses (qui les protègent du matériel inconscient douloureux qui tend à faire surface) et l’apparition de résistance. Pour décrire ce phénomène, Freud explique qu’une partie du transfert, processus au cours duquel des sentiments ou des désirs inconscients envers les premières figures d’attachement d’une personne se trouvent reportés sur le thérapeute (Laplanche & Pontalis), qu’il nomme unobjectionable positive transference, agit comme un liant entre la partie consciente du patient qui s’allie avec son thérapeute pour « combattre » les symptômes du patient (Freud, 1958/1912). Pour lui, cette partie consciente du transfert positif que peut avoir un patient envers son thérapeute est considérée comme le principal véhicule du succès thérapeutique, non seulement en psychanalyse, mais également dans toutes les autres méthodes de traitement (Freud, 1958/1912). De fait, le principal but du traitement psychanalytique est de connecter le patient à la fois au traitement et au thérapeute (Freud, 1958/1913). On voit ici déjà se profiler le lien collaboratif et affectif, deux dimensions pouvant circonscrire le concept d’alliance thérapeutique, ce dont il sera question plus loin.

Le terme « alliance » a probablement été introduit pour la première fois dans la littérature psychanalytique par Sterba (1934), qui décrivait l’importance de l’alliance entre le thérapeute et la partie rationnelle de l’ego du patient, c’est-à-dire celle lui permettant de s’observer lui-même et de ce fait d’être en mesure de profiter des interprétations du thérapeute. Ainsi, Sterba met surtout en lumière la contribution du patient à l’alliance, plus spécifiquement sa capacité cognitive à collaborer aux tâches thérapeutiques (Hougaard, 1994). Zetzel (1956), quant à elle, souligne davantage l’importance des aspects socioémotionnels de la relation thérapeutique lorsqu’elle décrit l’alliance, en particulier pour

(13)

7

les patients plus complexes pour lesquels des modifications à la technique psychanalytique classique (notamment en prenant une posture plus proactive et en effectuant davantage d’auto-dévoilement) sont considérées nécessaires (Hougaard, 1994). Au final, c’est Greenson (1965) qui popularise véritablement le concept d’alliance au sein de la communauté psychanalytique. Alliant en quelque sorte les conceptions de Sterba et Zetzel, il inclut dans sa définition de l’alliance de travail (Working alliance) à la fois la capacité cognitive du patient à s’auto-observer et sa motivation à performer le travail analytique, de même que son attraction amicale non distordue envers le thérapeute (Hougaard, 1994). Ainsi, on peut constater que la psychanalyse se concentre principalement sur la contribution du patient à l’alliance, et parle peu de celle du thérapeute. D’autre part, elle pose les assises théoriques des deux dimensions de l’alliance qui seront plus tard confirmées empiriquement; le lien affectif et le lien collaboratif.

À l’opposé de la psychanalyse, Carl Rogers (1957), le fondateur de la thérapie centrée sur le client, argumente que les conditions nécessaires et suffisantes au changement psychique sont sous la responsabilité du thérapeute. De plus, elles sont selon lui de nature émotionnelle. Ainsi, ces attitudes affectives du thérapeute envers son patient, soit l’authenticité (aussi nommé congruence), la compréhension empathique et l’acceptation inconditionnelle, sont les ingrédients qui permettent le changement psychique et ce, peu importe le type de psychothérapie, à condition qu’elles soient communiquées au moins minimalement au patient (Rogers, 1957). De ce fait, Rogers souligne indirectement l’asymétrie relationnelle propre au processus psychothérapeutique et la responsabilité structurelle du thérapeute dans l’élaboration et le maintien d’un climat propice au changement. Sans nécessairement évoquer le terme d’alliance thérapeutique, il est le premier à définir clairement les composantes de ce qui constituera plus tard la dimension du lien affectif de l’alliance. Par ailleurs, Orlinsky et Howard (1972, 1975) intégreront dans leur modèle tridimensionnel de l’alliance les attitudes affectives facilitatrices de Rogers (1957), avec la résonnance empathique et l’affirmation mutuelle (très similaire au concept d’acceptation inconditionnelle), la troisième dimension étant plus cognitive (l’alliance de travail de Greenson). Luborsky (1976), qui travaillera en même temps que Bordin pour extirper l’alliance de ses racines psychanalytiques, avancera que les aspects davantage affectifs de l’alliance (relation d’aide, type 1) précèdent le développement des aspects

(14)

8

davantage cognitifs et concrets (relation de travail collaboratif, type 2). Toutefois, cette opérationnalisation séquentielle de l’alliance ne recevra pas la validation empirique souhaitée (Davis, 2011).

Finalement, les travaux anthropologiques de Frank (1961) sur les facteurs communs aux différents modes de soins psychiques impliquant un « guérisseur » et un « malade » ont également influencé la montée de la popularité du concept d’alliance thérapeutique. En effet, selon Frank (1961, 1993), toutes les formes de thérapie de l’esprit, qu’elles soient prodiguées par des gourous, des shamans, des prêtres ou des psychologues, doivent leur efficacité à (1) une relation de confiance émotionnellement chargée entre un aidant et un aidé et à (2) l’habileté de cet aidant à convaincre (par la rhétorique) son patient que la thérapie est crédible et puissante (éliciter des attentes favorables) à l’aide d’un cadre physique (église, tipi, hôpital), théorique (le mythe donnant une explication plausible aux symptômes) et de procédures (les rituels) qui facilitent les expériences de maitrise et de contrôle. De plus, ces mythes et ces rituels doivent être adaptés en fonction des préférences personnelles du patient et de son contexte culturel. Il précise que le principal effet de ces activités est de réduire le sentiment d’impuissance du patient à se changer lui-même, une condition qu’il nomme démoralisation (Frank & Frank, 1993). Une des principales sources de démoralisation provient des significations pathogènes que les patients attribuent aux sentiments et aux évènements dans leur vie, c’est-à-dire à leur vision assomptive du monde (assumptive world). Pour combattre cette démoralisation, les psychothérapeutes efficaces persuadent leur patient de transformer ces significations pathogènes en une vision assomptive du monde qui ravive l’espoir, augmente l’estime de soi ainsi que le sentiment de contrôle, et réintègre le patient à son groupe d’appartenance (Frank & Frank, 1993). En résumé, il suggère que la psychothérapie est une forme de rhétorique (persuasion) qui repose sur les méthodes de l’herméneutique, c’est-à-dire l’étude de la compréhension et de l’interprétation du sens des phénomènes, plutôt qu’un processus opérant à travers les postulats des sciences comportementales appliquées (Frank & Frank, 1993). Cela n’est pas sans rappeler la vision de Strong (1968), qui considère l’entreprise psychothérapeutique comme un processus d’influence sociale, qui attribue l’efficacité de la thérapie au degré d’expertise, de confiance et d’attractivité (charisme) que le patient perçoit de son thérapeute. Par ailleurs, Frank considère ces facteurs non spécifiques comme étant thérapeutiques en soi, mais il note

(15)

9

également qu’une partie de leur efficacité est due à leur interaction avec certaines techniques spécifiques; un lien affectif puissant et des attentes positives du patient peuvent augmenter sa motivation et son implication dans la thérapie et, par le fait même, amplifier les effets de facteurs thérapeutiques plus spécifiques (Hougaard, 1994). Frank (1961, 1993) maintient que les techniques, ou facteurs spécifiques, sont essentielles, mais que leur efficacité dépend principalement du sentiment d’alliance que le patient a envers son « guérisseur » symbolique ou réel. Par conséquent, avant même que les études empiriques ne démontrent l’absence de différence significative entre les différents types de thérapies bona fide, Frank offre un cadre théorique qui soutient ces conclusions. En ce sens, il est un pionnier important du concept de l’alliance thérapeutique.

(16)

10

Chapitre 2 : La définition de l’alliance de travail de Bordin

Dans la littérature scientifique, la référence la plus souvent citée pour définir l’alliance est basée sur le travail d’Edward Bordin (1979, 1994). Ce dernier extrait le concept d’alliance de son origine psychanalytique pour en faire un construit explicitement panthéorique, généralisable à tous les types de psychothérapie. En se basant sur ses prédécesseurs psychanalystes, pionniers de la recherche sur l’alliance (Greenson, 1965; Menninger, 1958; Sterba, 1934; Zetzel, 1956), Bordin offre un cadre théorique robuste permettant de circonscrire l’alliance de travail, dont l’essence est constituée du degré d’engagement d’une dyade thérapeutique dans un travail collaboratif dirigé vers un but significatif (Bordin, 1979). Ainsi, contrairement à la psychanalyse et à la psychothérapie centrée sur le client, qui responsabilisent respectivement le patient et le thérapeute dans la création de l’alliance, Bordin met l’accent sur la contribution mutuelle de la dyade à ce processus (Hougaard, 1994). Il identifie trois caractéristiques centrales, nécessaires à l’émergence de ce processus interpersonnel : (1) une entente sur ce qui constitue les problèmes du patient et ce à quoi les solutions pourraient ressembler (objectifs), (2) un accord sur les tâches thérapeutiques à accomplir pour atteindre ces buts (ce qui implique une confiance mutuelle en l’efficacité de ces méthodes et une acceptation mutuelle des responsabilités de chacun dans ces procédures) et (3) le développement d’un lien affectif (confiance, acceptation et attachement) dont l’intensité et la qualité dépendra des méthodes et des approches utilisées (Bordin, 1979). Ainsi, la théorie de l’alliance de Bordin pose la question : « À quel degré le travail accompli en thérapie reflète et incarne un accord mutuel sur les buts et les tâches thérapeutiques? ». La composante sur le lien affectif s’intéresse pour sa part à la question suivante : « Y a-t-il assez de confiance et de respect pour permettre un plein endossement des buts et une participation complète dans les tâches? » (Hatcher & Barends, 2006). Au final, n’importe quel aspect, caractéristique ou qualité d’une thérapie peut être examiné à travers ce filtre conceptuel en analysant la contribution de l’aspect à l’étude au travail collaboratif orienté vers un but significatif.

Par ailleurs, Bordin a développé trois concepts qui explicitent comment l’alliance de travail s’élabore et se maintient dans le temps. Tout d’abord, l’alliance est activement (bien que parfois implicitement) négociée au début du traitement et continuellement renégociée durant le suivi. Ensuite, différentes modalités thérapeutiques impliqueront des négociations

(17)

11

autour de différents types d’engagements et d’activités (compléter un journal des pensées, révéler des désirs intimes, etc.). Finalement, les stress ou les ruptures d’alliance devront être réparés (renégociation) pour permettre le succès thérapeutique (Bordin, 1979). Dans son article de 1994, il définit également trois éléments clés de l’alliance de travail qui seraient responsables du changement : (1) la force de l’alliance, (2) la puissance des tâches thérapeutiques et (3) la dynamique des ruptures et des résolutions de l’alliance (Bordin, 1994). De cette façon, Bordin situe l’alliance comme étant à la fois un processus facilitant l’action des ingrédients spécifiques (tâches) de la thérapie, mais aussi comme étant un ingrédient thérapeutique en lui-même.

Les limites de la définition de Bordin

Bien que le cadre conceptuel de Bordin offre probablement la meilleure façon de circonscrire l’alliance de travail, il semble tout de même avoir mené à des dérives sémiotiques. À la base, la définition de Bordin s’intéresse et permet avant tout de qualifier à quel point la relation et les techniques reflètent, incarnent et assistent les participants dans leur travail collaboratif délibéré. En d’autres mots, l’alliance doit être considérée à un niveau d’abstraction plus élevé que les attitudes relationnelles et les méthodes spécifiques d’intervention (Hatcher & Barends, 2006). Ce postulat implique donc qu’on ne peut pas comparer directement l’alliance et ces processus psychothérapeutiques plus concrets, c’est-à-dire soit en les considérant comme sur un pied d’égalité (alliance perçue comme une technique ou une attitude relationnelle), soit en les considérant comme des rivaux (par exemple alliance versus technique spécifique), ce que certains chercheurs éminents de l’alliance (Agnew‐Davies, Stiles, Hardy, Barkham, & Shapiro, 1998) ont pourtant fait (Hatcher & Barends, 2006). Encore une fois, selon le cadre conceptuel fourni par Bordin, on devrait plutôt juger de la pertinence d’une technique ou d’une attitude relationnelle en mesurant à quel point elles contribuent à l’alliance, c’est-à-dire à engager le patient dans un travail collaboratif (Hatcher & Barends, 2006). En d’autres mots, l’alliance n’existe pas sans technique, ni sans relation affective d’ailleurs. Elle est une propriété émergente des composantes (relationnelle, techniques, etc.) de la thérapie, elle n’est pas une composante en soi (Hatcher & Barends, 2006).

(18)

12

Près de 40 ans après la sortie de l’article phare de Bordin, on constate donc que la principale force du concept de l’alliance de travail, soit son aspect panthéorique, a à la fois grandement stimulé son exploration empirique, mais qu’il a en même temps permis aux chercheurs de diverses orientations d’assimiler ses idées à travers leur propre filtre théorique, de sorte que le concept d’alliance a acquis une personnalité multiple dans le monde des facteurs communs (Horvath, 2011). Comme Bordin n’a pas pris clairement position sur la façon d’opérationnaliser concrètement sa théorie, qui se voulait une définition fonctionnelle narrative1 (Horvath, 2018), de multiples chercheurs ont créé et continuent de créer de

nouveaux outils de mesure, venant combler ce flou opérationnel en diluant de plus en plus le concept, ce qui le rend de moins en moins utile (Hatcher & Barends, 2006). De fait, même les quatre échelles de mesure de l’alliance les plus couramment utilisées en recherche, soit, en ordre décroissant d’utilisation, la Working Alliance Inventory (Horvath & Greenberg, 1989), la California Psychotherapy Alliance Scale (CALPAS; Marmar & Gaston, 1988), la Helping Alliance Questionnaire II (HaQ-II; Luborsky et al., 1996) et la Vanderbilt Psychotherapy Process (Gomes-Schwartz, 1978) partagent moins de 50% de variance commune en ce qui a trait à leur structure factorielle (Horvath, Del Re, Flückiger & Symonds, 2011), un chevauchement modeste indiquant des différences non triviales dans la nature des variables mesurées. Ce manque de consensus autour de l’alliance réduit le potentiel de généralisation des résultats des études s’y attardant et donc son utilité clinique.

1 Une définition narrative se concentre sur le fonctionnement d’un phénomène, ce qu’il fait, alors qu’une définition persuasive adresse les limites et le contenu d’un construit (Horvath, 2018)

(19)

13

Chapitre 3 : Comparaison des échelles d’alliance thérapeutique les plus utilisées

Un estimé conservateur suggère qu’il existe actuellement plus de 70 questionnaires validés opérationnalisant le concept d’alliance thérapeutique (Horvath, 2018). Malgré tout, le développement de nouveaux outils se poursuit. Cette prolifération a des causes multiples. Premièrement, on peut la comprendre comme une conséquence de l’absence d’une définition consensuelle de l’alliance. Ainsi, plusieurs auteurs prétendent incarner dans leur outil la définition classique de Bordin, mais omettent des aspects centraux du modèle tripartite, comme la Therapeutic Bond Scale; (Saunders, Howard, & Orlinsky, 1989) et/ou ajoutent des concepts qui ne sont pas inclus dans ce modèle, par exemple la dimension « capacité de travail du patient » dans la CALPAS (Marmar & Gaston, 1988) ou celle de l’ouverture dans la Agnew Relationship Measure (Agnew‐Davies et al., 1998). Certaines échelles de mesure vont même jusqu’à explicitement étendre leur définition de l’alliance à tous les processus psychothérapeutiques qui sont corrélés au changement, comme c’est le cas dans la Vanderbilt Psychotherapy Process Scale (VPPS; O'Malley et al., 1983). Deuxièmement, une partie de ces questionnaires sont des versions adaptées d’outils plus anciens ou carrément de nouveaux outils ayant pour but de mieux répondre aux particularités d’une population spécifique (patients hospitalisés, enfants, groupes, etc.), comme la Scale to Assess Relationship (McGuire-Snieckus, McCabe, Catty, Hansson, & Priebe, 2007) qui a été spécifiquement élaborée pour les patients psychiatriques en communauté présentant une pathologie sévère. Troisièmement, de nouveaux questionnaires sont construits pour opérationnaliser des définitions explicitement alternatives de l’alliance, comme l’Alliance Negociation Scale (Doran et al., 2012) qui met l’accent sur l’importance de la négociation de l’alliance (en opposition au concept de consensus). Quatrièmement, plusieurs outils sont élaborés en réponse à des problèmes méthodologiques identifiés dans les outils antérieurs, comme le manque de différenciation empirique claire entre les sous-dimensions théoriques proposées, des items qui sont trop biaisés par des manifestations précoces des résultats thérapeutiques (comme le Haq-I; Luborsky, 1976), ou des restrictions d’applicabilité des échelles à certaines approches thérapeutiques (Agnew‐Davies et al., 1998; Gaston, 1990; Hatcher & Barends, 1996; Horvath & Luborsky, 1993).

(20)

14

Inspiré par les travaux de Bales (1950) sur les analyses du fonctionnement de groupes, ainsi que par les travaux de Bordin (1979, 1994) sur l’alliance, Hougaard (1994) a généré un modèle heuristique très efficace pour voir plus clair dans cette hétérogénéité des variables mesurées par les questionnaires d’alliance thérapeutique. Il commence par diviser le concept en deux dimensions, soit (1) la relation personnelle (l’aire socio-émotionnelle de Bales ou le lien affectif de Bordin) et (2) la relation collaborative (l’aire des tâches de Bales ou l’accord sur les objectifs et les tâches de Bordin). Puis, il s’intéresse à la contribution spécifique du thérapeute, du patient et à la contribution commune de la dyade à chacune de ces deux dimensions, résultant en six sous-dimensions de l’alliance, qui sont présentées dans le tableau 1. Chacune de ces sous-dimensions sont de nouveau divisées en concepts propres à la nature de leurs sous-dimensions. Par exemple, la contribution du thérapeute à la relation collaborative contient la notion d’engagement, d’optimisme et d’expertise, alors que la contribution du patient à la relation collaborative contient la notion de motivation, d’attentes favorables et de capacité au travail. On voit ici l’apport complémentaire (image miroir) des deux participants au même concept sous-jacent (engagement-motivation, optimisme-attentes favorables et expertise-capacité au travail).

On peut ainsi classer tous les outils de mesure de l’alliance thérapeutique selon ce que leurs items mesurent en se référant à ce système, ce qui permet facilement de les comparer et de constater les concepts qui sont couverts par la majeure partie de ces questionnaires, et ceux qui le sont moins et qui divergent selon ce que les auteurs ont décidé (implicitement ou explicitement) de prioriser. Par soucis de clarté et de concision, nous avons choisi d’analyser les quatre questionnaires de l’alliance les plus utilisés dans la littérature scientifique, qui illustrent à eux seuls la grande diversité des sous-concepts couverts. Nous avons également choisi d’inclure l’Alliance Negotiation Scale (ANS; Doran et al., 2012), un questionnaire utilisant une définition alternative de l’alliance, comme nous pensons que les modifications proposées à la définition classique de l’alliance soutenues par les auteurs de cet outil, qui seront détaillées dans le chapitre 4, sont très pertinentes et qu’elles teinteront notre propre définition de ce concept. Finalement, nous avons décidé d’inclure un des questionnaires ultra-bref de l’alliance thérapeutique parmi les plus utilisés dans les thérapies informées par la rétroaction (Østergård, Randa, & Hougaard, 2018), le SRS (Duncan et al., 2003), comme nous visons à ce que notre outil puisse être utilisé dans un tel contexte. Le Tableau 1 présente

(21)

15

ainsi une comparaison de ces questionnaires selon le modèle générique de Hougaard et le Tableau 2 les compare selon différentes caractéristiques sélectionnées (perspective du répondant, type d’attitude mesurée, nombre d’ancrages, dimensions, etc.).

Working Alliance Inventory (WAI)

D’abord, le Working Alliance Inventory (Horvath & Greenberg, 1989) est un questionnaire de 36 items à sept choix de réponse de type Likert (allant de (1) « does not correspond at all » à (7) « corresponds exactly ») spécifiquement élaboré à partir du modèle théorique tripartite de l’alliance de travail de Bordin. Il a donc été conçu pour mesurer 3 dimensions : le lien affectif, le consensus sur les objectifs et l’entente concernant les tâches thérapeutiques. Il mesure l’alliance globale perçue depuis le début de la thérapie. Cet outil a également été explicitement élaboré pour pouvoir être utilisé avec toutes les approches thérapeutiques; c’est ce qui explique le qualificatif « athéorique » qui lui est souvent attribué et qui a certainement participé à sa grande popularité, étant l’outil de mesure de l’alliance le plus utilisé dans les recherches empiriques (Horvath, 2018). Trois versions du questionnaire ont été construites : une pour le patient, une pour le thérapeute et une pour un observateur. Les trois études initiales de validation ont été effectuées auprès de patients avec des diagnostics et des modalités de traitement variés (Elvins & Green, 2008). Pour la version du patient, le coefficient alpha a été évalué à .93 pour le questionnaire complet et entre .85 et .88 pour les sous-échelles (lien, objectifs et tâches), lesquelles sont d’ailleurs fortement inter-corrélées, avec des r variant entre .62 et .92, questionnant la multi-dimensionalité de cette échelle (Horvath & Greenberg, 1989). La validité de contenu du questionnaire a été évaluée par sept experts du domaine de l’alliance (Horvath & Greenberg, 1989). La validité prédictive a été démontrée pour une grande variété de types de résultats thérapeutiques (Horvath, 1994), incluant des études contrôlant pour des facteurs confondants importants comme le changement précoce et les caractéristiques des patients (Klein et al., 2003). Plusieurs versions courtes ont été construites, la plus récente, et celle ayant les meilleures qualités psychométriques étant le WAI-SR (Hatcher et Gillapsy, 2006) avec 12 items choisis à partir des 36 items de la version originale à l’aide de la théorie des réponses aux items, permettant d’ailleurs d’identifier qu’un nombre d’ancrages réduit (cinq versus sept choix de réponse de type Likert) maximise les qualités métrologiques de l’échelle, étant donné que les patients ne semblent pas bien discriminer les niveaux les plus faibles d’endossement (Hatcher &

(22)

16

Gillaspy, 2006). Ces ancrages varient entre (1) « seldom », (2) « sometimes », (3) « fairly often », (4) « very often » et (5) « always ». Pour cette échelle de mesure, les coefficients alpha varient entre .91 et .92 et les scores totaux corrèlent fortement (r = 0.94-0.95) avec ceux de la WAI (Hatcher & Gillaspy, 2006). La WAI mesure surtout la contribution commune du patient et du thérapeute au lien collaboratif (44 % des items). À l’opposé, elle n’inclut aucun item adressant la contribution du patient au lien socioémotionnel et collaboratif, si on exclut les énoncés mesurant la satisfaction des patients (22.2%), aspect surreprésenté selon plusieurs critiques (Elvins & Green, 2008). Bien qu’elle tienne compte de la contribution du thérapeute au lien socioémotionnel (16.6%), un item seulement (2.8%) mesure sa contribution au lien collaboratif. Les énoncés sont rédigés majoritairement à la première personne (69.4%) et mesurent des attitudes affectives, cognitives et comportementales de façon relativement équilibrée. Bien qu’il existe une version traduite et validée en français de la WAI (Guédeney, Fermanian, Curt, & Bifulco, 2005), la seule version de la WAI-SR traduite en français (Bottemine, 2017) n’a pas été formellement validée empiriquement.

(23)

17 Tableau 1

Comparaison des échelles de mesure d’alliance thérapeutique les plus utilisées selon le modèle générique de Hougaard incluant le nombre d’items et le pourcentage pour chacune des dimensions

Lien socioémotionnel Lien collaboratif

Patient Thérapeute Mutuel Patient Thérapeute Mutuel

Outil de mesure C o n fian ce Attitu d e am icale Ou v er tu re/r éc ep tiv ité C o n fo rt - ém o tio n s n ég ativ es Au th en ticité Ap p réc iatio n Acc ep tatio n in co n d itio n n elle C o m p réh en sio n e m p ath iq u e C o n fo rt - ém o tio n s n ég ativ es Ap p réc iatio n m u tu elle C o m p réh en sio n m u tu elle C o n fian ce m u tu elle Qu alité g én ér ale d e la relatio n C ap ac ité au tr av ail Mo tiv atio n Atten tes f av o rab les E x p er tis e E n g ag em en t Op tim is m e Acc o rd s u r le rati o n n el Acc o rd s u r les o b jectif s Acc o rd s u r les tâc h es WAI - - - - 1 3 2 - - 2 1 2 - - - 8 1 - - 1 9 6 0 6 (16.7%) 5 (13.9%) 8 (22.2%) 1 (2.8%) 16 (44.4%) WAI-SR - - - 2 1 - - 1 - - - 3 - - - - 4 1 0 3 (25%) 1 (8.3%) 3 (25%) 0 5 (41.2%) HaQ-II 1 1 - - - 1 - 3 - - - 1 2 - 1 2 1 1 - 1 1 3 2 (10.5%) 4 (21.0%) 3 (15.8%) 3 (15.8%) 2 (10.5%) 4 (21,0%) CALPAS - - - - 1 - 1 2 - - - 5 5 3 - 1 - - 3 3 0 4 (16.7%) 0 13 (54,2%) 1 (4.2%) 6 (25%) ANS - - - 2 1 - 1 - 2 - - - 2 4 2 (16.7%) 4 (33.3%) 0 0 0 6 (50%) SRS - - - 1 - - - 1 - - - - 1 1 0 1 (25%) 0 1 (25%) 0 2 (50%)

Note. ANS = Alliance Negotiation Scale; CALPAS = California Psychotherapy Alliance Scale; HAQ-II = Helping Alliance Questionnaire- II; SRS = Session Alliance Scale; WAI = Working Alliance Inventory; WAI-SR = Working Alliance Inventory – Short Revised;

(24)

18 Tableau 2

Comparaison des échelles de mesure d’alliance thérapeutique les plus utilisées selon certaines caractéristiques sélectionnées Perspective

du répondant (nb. d’items)

Type d’attitude mesurée (nb. d’item) Format de réponse Nombre d’ancrage Temps mesuré Dimensions théoriques Méthode sélection des items 1ère Pers. Inférence

Aff. Cogn. Comp. Thérapeute Dyade WAI-SR 7 (58.3%) 0 5 (41.7%) 5 (41.7%) 5 (41.7%) 2 (16.7%) Fréquence 5 Suivi global 1. Lien 2. Objectifs 3. Tâches Théorique et empirique HAq-II 14 (73.7%) 0 5 (26%) 6 (31.6%) 7 (36.8%) 6 (31.6%) Likert 6 Suivi global 1. Relation d’aide 2. Relation collaborative Théorique CALPAS 24 (100%) 0 0 9 (37.5%) 7 (29.2%) 8 (33.3%) Quantité 7 Dernière séance 1. Compréhension et implication du thérapeute 2. Consensus stratégie de travail 3. Engagement patient 4. Capacité travail patient Théorique et empirique ANS 6 (50%) 5 (41.7%) 1 (8.3%) 5 (41.7%) 2 (16.7%) 4 (33.3%) Fréquence 7 Suivi global 1. Confort avec émotions négatives 2. Attitude flexible du thérapeute Théorique et empirique SRS 3 (75%) 0 1 (25%) 1 (25%) 2 (50%) 1 (25%) EVA - Dernière séance 1. Lien 2. Objectifs 3. Tâches Théorique /pragmatique Note. Aff = Affective; Cogn = Cognitive; Comp = Comportementale; EVA = Échelle visuelle analogue; Nb = Nombre; 1ère Pers. = première personne

(25)

19 Helping Alliance Questionnaire-II (HAQ-II)

Ensuite, le Helping Alliance Questionnaire II (Luborsky et al., 1996) est une révision du Helping Alliance Questionnaire I (Luborsky, 1976), la première tentative d’opérationnalisation de l’alliance thérapeutique dans une échelle de mesure. Enracinée dans la théorie psychodynamique, cette nouvelle version vient répondre à deux critiques majeures concernant la première édition de l’outil, soit la trop grande présence d’items abordant explicitement les changements symptomatiques précoces et l’absence d’énoncé formulé à la négative (Luborsky et al., 1996). Pour corriger le tir, Luborsky enlève donc six questions concernant l’amélioration symptomatique précoce des 11 questions originales et ajoute 14 nouveaux énoncés reliés aux efforts collaboratifs du patient et du thérapeute (autour du thème des objectifs et des tâches thérapeutiques) ainsi qu’à la perception qu’a le patient des attitudes socioémotionnelles de son thérapeute. Il inclut également cinq items libellés à la négative. Au total, la nouvelle version a donc 19 questions à six choix de réponse sur une échelle de type Likert, variant entre (1) « I strongly feel it is not true » et (6) « I strongly feel this is true ». L’échelle mesure l’alliance globale perçue depuis le début de la thérapie. Deux versions sont disponibles; une pour le patient et une pour le thérapeute.

Dans l’étude de validation initiale, les coefficients alpha varient entre .90 et .93 et la structure factorielle confirme un modèle à deux facteurs, avec les énoncés formulés positivement comme premier facteur et ceux formulés négativement comme deuxième (Luborsky et al., 1996). La validité convergente avec les autres mesures populaires de l’alliance thérapeutique (par exemple la WAI et la CALPAS) est en général de plus faible amplitude que pour les autres mesures les plus populaires de ce concept (Elvins & Green, 2008), avec une corrélation de r = 0.59 avec la CALPAS par exemple (Luborsky et al., 1996). La validité prédictive avec les résultats thérapeutiques a été démontrée dans plusieurs études (Martin, Garske, & Davis, 2000). Hatcher et Barends (1996) considèrent la Haq-II comme étant trop générale, ne permettant pas de distinguer les aspects importants de l’alliance. D’un autre point de vue, on peut noter que, par rapport au modèle générique de l’alliance, elle couvre de façon assez uniforme les différentes catégories du lien socioémotionnel et collaboratif. De fait, il s’agit de la seule échelle de mesure de l’alliance analysée dans ce mémoire qui couvre aussi largement et uniformément toutes ces dimensions. Les questions sont majoritairement (73.7%) formulées à la première personne et mesurent des attitudes

(26)

20

affectives, cognitives et comportementales de façon relativement équilibrée. À notre connaissance, il n’existe pas d’étude portant sur la validation d’une version française de la HAq-II.

California Psychotherapy Alliance Scale (CALPAS)

La California Psychotherapy Alliance Scale (Gaston, 1991) est un questionnaire comportant 24 items à sept choix de réponse sur une échelle de type Likert allant de (1) « not at all » à (3) « moderately » à (7) « very much so » mesurant l’alliance thérapeutique telle que perçue lors de la dernière séance. Il existe 3 versions; une remplie par le patient, une par le thérapeute et une par un observateur. Il existe également une version pour patient abrégée composée de 12 questions. L’outil a été développé à partir d’analyses factorielles et de considérations théoriques (principalement psychodynamiques), utilisant une définition de l’alliance dite éclectique (Gaston, 1991). La moitié des questions sont formulées à la négative. Il comporte quatre dimensions, confirmées par les analyses factorielles, soit (1) la capacité de travail du patient, (2) l’engagement du patient, (3), la compréhension et l’implication du thérapeute et (4) le consensus sur les stratégies de travail.

L’étude de validation initiale de la version du patient de cette échelle a été menée auprès d’un grand nombre de patients avec des diagnostics variés mais peu dysfonctionnels et provenant de cliniques psychothérapeutiques privées où les thérapeutes utilisaient trois types d’approches (Gaston, 1991). Cette dernière a révélé un alpha de Cronbach satisfaisant (.83) pour l’échelle complète, alors que ceux-ci étaient insatisfaisants pour trois des quatre sous-échelles (.43 à .73), suggérant ainsi que les scores totaux devraient être privilégiés. La validité convergente avec la WAI était élevée, et plusieurs études ultérieures ont révélé une bonne validité prédictive (Barber, Connolly, Crits-Christoph, Gladis, & Siqueland, 2000; Muran et al., 1995). La validité discriminante a notamment été confirmée par une absence d’association entre l’échelle de désirabilité sociale de Marlow-Crowne et les scores totaux à la CALPAS-P (Gaston, 1991). Le focus conceptuel de la CALPAS et de ses sous-échelles porte surtout sur la contribution individuelle du patient et du thérapeute à l’alliance (Elvins & Green, 2008). Si on analyse cette échelle de mesure avec le modèle générique de l’alliance de Hougaard (1994), on remarque que la majorité des questions (54.2%) porte sur la contribution individuelle du patient au lien collaboratif, ce qui n’est pas étonnant considérant

(27)

21

que deux des quatre dimensions, la capacité au travail du patient et l’engagement du patient, réfèrent à cette portion de l’alliance. Le lien socioémotionnel est sous-représenté dans cet outil, avec seulement 16,7% des items y faisant référence, tous étant relié à la contribution du thérapeute. Par ailleurs, toutes les questions sont écrites à la première personne et ces dernières couvrent de façon égale les attitudes affectives, cognitives et comportementales. À notre connaissance, il n’existe pas d’étude portant sur la validation d’une version française de la CALPAS.

Alliance Negociation Scale (ANS)

L’Alliance Negotiation Scale (Doran et al., 2012) est un questionnaire autorapporté par le patient comportant 12 items à sept choix de réponse sur une échelle de type Likert allant de (1) « never » à (7) « always » créé pour opérationnaliser le concept de négociation (Safran, Muran, & Proskurov, 2010) de l’alliance en ce qui a trait aux aspects du lien socioémotionnel et du lien collectif (objectifs et tâches thérapeutiques). La théorie à l’origine de ce concept s’inspire principalement de la psychanalyse relationnelle. Par cet outil, Doran (2012) vient répondre à la critique fréquente stipulant que les outils mesurant l’alliance thérapeutique mettent trop l’accent sur les aspects de consensus, confondant ainsi possiblement les résultats avec des aspects de soumission ou de « fausse » observance pour satisfaire aux demandes implicites de la situation ou du thérapeute. Leur outil se veut explicitement opérationnalisé selon une définition alternative et complémentaire à la définition de Bordin (1979); elle ne vient pas la remplacer. En d’autres mots, il s’agit selon eux d’une autre dimension de l’alliance. Les énoncés ont été sélectionnés grâce à une analyse de contenu par des experts suivie d’une analyse factorielle exploratoire. Il y a des items référant à des attitudes du patient et du thérapeute, formulés à la négative et positivement, de même que des énoncées couvrant les trois dimensions de l’alliance de travail de Bordin (lien, objectifs, tâches). Ils réfèrent à l’alliance globale telle que perçue par le patient depuis le début de sa thérapie.

Récemment, une version pour le thérapeute a été publiée (Doran, Gómez‐Penedo, Safran, & Roussos, 2018). Deux facteurs ont été identifiés grâces aux analyses factorielles exploratoires: (1) le confort avec les émotions négatives (confort du thérapeute face à l’expression des frustrations, déceptions ou désaccords du patient envers le thérapeute ou la

(28)

22

thérapie) et (2) l’attitude flexible du thérapeute (perception du patient de la capacité du thérapeute à tenir compte de la rétroaction et des préférences de son patient pour adapter les stratégies de travail). La corrélation entre ces deux facteurs est de r = 0.34, indiquant une variance commune de 12%, ce qui suggère que les deux facteurs mesurent des dimensions différentes (Doran et al., 2012). Dans l’étude de validation initiale, les alphas de Cronbach étaient adéquats, atteignant .84 pour l’échelle complète, .86 pour le facteur 1 et .81 pour le facteur 2 (Doran et al., 2012). La validité convergente a été démontrée dans les études de validation par des corrélations statistiquement significatives et d’amplitude très élevée entre les scores à l’ANS et ceux de la WAI, avec un r = 0.82 pour les scores totaux (variance commune de 67%) et r = 0.66 et 0.78 (variance commune de 44 et 61%) pour le premier et le deuxième facteur respectivement, suggérant que le premier facteur est plus différencié et unique par rapport à ce que mesure la WAI (Doran, 2016). Cependant, lorsque les scores de l’ANS étaient dichotomisés en « bas » (un écart-type en dessous de la moyenne, équivalent à 60/84 dans cet échantillon) et « élevé » (score supérieur à 60/84), les corrélations entre les scores de l’ANS et de la WAI étaient respectivement de r = 0.49 et r = 0.72 (p non significatif dans les test T), suggérant que l’ANS révèle des aspects problématiques de la relation thérapeutique qui ne sont pas capturés par la WAI, comme la soumission et la « fausse observance », ce qui expliquerait les corrélations moins fortes avec la WAI pour les scores de l’ANS bas (Doran, Safran, & Muran, 2017). La validité discriminante, de son côté, a été démontrée par l’absence d’association entre les scores totaux à l’ANS et les types d’approches psychothérapeutiques et la désirabilité sociale, ainsi que par la très faible association, mais significative, avec les scores initiaux de psychopathologies (Doran, 2016). Contrairement à ce qui avait été postulé, le diagnostic était significativement associé aux scores totaux de l’ANS. En effet, les patients souffrant de trouble de la personnalité avaient des scores ANS moins élevés que les patients présentant d'autres diagnostics (Doran, 2016).

Finalement, la validité prédictive a été soutenue par une relation statistiquement significative entre les scores précoces totaux de l’ANS et ceux à la fin de la thérapie sur la Symptom Checklist 90 (SCL-90; r = -0.31), une échelle de détresse psychologique, et de la Inventory of Interpersonal Problems 32 (IIP-32; r = -0.30), une échelle du fonctionnement interpersonnel (Doran et al., 2017). Ces associations étaient beaucoup plus importantes pour le premier facteur que pour le deuxième facteur, suggérant son potentiel prédictif plus grand

(29)

23

(Doran et al., 2017). En regard du modèle générique de l’alliance de Hougaard (1994), on remarque que cette échelle couvre principalement la contribution mutuelle au lien collaboratif (50%) et dans une plus faible proportion, la contribution du thérapeute au lien socioémotionnel (33%). De plus, les questions réfèrent surtout à des attitudes affectives et comportementales. À notre connaissance, il n’existe pas d’étude portant sur la validation d’une version française de l’ANS.

Session Rating Scale (SRS)

Le Session Rating Scale (SRS; Duncan et al., 2003) est un questionnaire ultra-bref autorapporté par le patient portant sur l’alliance thérapeutique. Il est formé de quatre questions liées à des ancrages de type échelle visuelle analogue, mesurant 10 centimètres, et associée à des énoncés de valeur opposée, permettant un score total maximum de 40 points (la cotation se fait en additionnant le score des quatre questions en arrondissant au centimètre près). Il a été conçu spécifiquement pour être utilisé de façon répétée à chaque séance, priorisant ainsi la faisabilité (maximiser l’utilisation par les cliniciens) sur les propriétés psychométriques. Il s’agit donc d’un outil clinique et non d’un instrument conçu pour la recherche. Il est adapté aux besoins du paradigme de traitement informé par la rétroaction (Duncan et al., 2003). Paradoxalement, cet outil a été utilisé abondamment dans la recherche sur les TIR, contredisant de ce fait l’utilisation initialement visée par ses auteurs.

Concrètement, les patients remplissent le questionnaire à la fin de la séance et le remette immédiatement à leur thérapeute, afin de permettre une discussion ouverte et immédiate concernant les besoins du patient au niveau du lien socioémotionnel et collaboratif et de favoriser les ajustements de la dyade. L’outil est inspiré des schémas théoriques de l’alliance de travail de Bordin (1979) avec son modèle tripartite, ainsi que des propositions de Gaston (1990) qui a mis l’accent sur l’importance de la congruence entre les croyances du patient et du thérapeute concernant leur perception des mécanismes de changement en psychothérapie. Les trois premiers items reflètent chacun une dimension du modèle tripartite de Bordin, soit la qualité du lien affectif («Je me suis senti écouté, compris et respecté »), l’entente sur les objectifs (« nous avons travaillé sur ce que je voulais et nous avons parlé de ce dont je voulais ») et les tâches thérapeutiques (« L’approche du thérapeute me convient »), alors que le quatrième aborde la satisfaction globale de la séance (« Globalement, la séance

(30)

24

d’aujourd’hui m’a convenu »). Ce dernier item vient combler, selon les auteurs, le besoin de tenir compte du sentiment de confiance que la collaboration sera aidante (confident collaboration), le facteur le plus fortement associé aux résultats thérapeutiques dans une étude d’analyse factorielle exploratoire réalisé par Hatcher et Barends (1996) sur les 3 échelles d’alliance les plus utilisées. Dans l’étude de validation initiale, l’indice de cohérence interne était adéquat, avec un alpha de Cronbach à .88 (Duncan et al., 2003). L’analyse de la validité convergente démontrait des corrélations statistiquement significatives de r = .48 avec la Haq-II (Duncan et al., 2003), de r = 0.46 à 0.78 avec la WAI-S (Campbell & Hemsley, 2009; Cazauvieilh, 2018; Janse, Boezen-Hilberdink, van Dijk, Verbraak, & Hutschemaekers, 2014) et de r = 0.57 à 0.65 avec la WAI-SR (Reese et al., 2013). L’étude de Reese et al. (2013) a également démontré l’absence d’association entre les scores à la SRS et une échelle de désirabilité sociale, soutenant des éléments de validité discriminante. Pour ce qui est de la validité prédictive, une corrélation de r = 0.29 (p<.01) a été identifiée entre les scores totaux à la SRS pour la deuxième séance et les scores finaux de la Outcome Rating Scale (ORS; Miller, Duncan, Brown, Sparks, & Claud, 2003), une échelle ultra-brève de bien-être psychologique s’inspirant du Outcome Questionnaire-45 (OQ-45; Lambert et al., 1996). Un coefficient de détermination faible, mais statistiquement significatif, de R2= 0.02, a

également été identifié entre les scores à la SRS de la deuxième séance et les scores à la SCL-90, en fin de thérapie (Janse et al., 2014). Dans l’étude de validation initiale de la SRS menée par Duncan et al. (2003), il est noté que les thérapeutes qui avaient été encouragés à utiliser une échelle brève d’alliance dans leur clinique l’avaient fait dans 96% des cas avec la SRS versus 29% pour la version courte (12 questions) de la WAI, soulignant ainsi sa meilleure capacité à s’adapter au contexte clinique. Évidemment, avec quatre questions seulement, la SRS couvre peu des différentes catégories du modèle générique de l’alliance de Hougaard (1994). Les questions sont principalement formulées à la première personne (75%) et réparties relativement équitablement entre les attitudes affectives, cognitives et comportementales. Une version traduite en français a été superficiellement validée par Cazauvieilh (2018) dans sa thèse doctorale, mais cette version n’a pas fait l’objet d’une étude de validation formelle publiée dans une revue révisée par les pairs.

(31)

25 Synthèse

En résumé, le WAI met l’accent sur la contribution commune du patient et du thérapeute au lien collaboratif; la HAQ-II touche un peu à tous les types de contribution, mais ne différencierait pas suffisamment les différentes dimensions de l’alliance selon certains auteurs; la CALPAS priorise la contribution individuelle du patient au lien collaboratif (particulièrement la capacité au travail); l’ANS touche à la contribution individuelle du thérapeute au lien socioémotionnel et à la portion commune du lien collaboratif à travers un filtre conceptuel alternatif de l’alliance; et la SRS, avec ses quatre questions, laisse à découvert plusieurs section du modèle générique de l’alliance. Finalement, il ne faut pas oublier que la presque totalité de ces mesures n’ont pas été formellement validées en français.

Références

Documents relatifs

[r]

D’autre part, je rappelle au lecteur que la prise en charge d’une personne souffrant de douleur chronique médicalement inexpliquée en clinique spécialisée dans

[r]

Découvrir du monde GS (numération): associer le nombre à la quantité.. Consigne : Colorie la case qui indique le bon

Afin de célébrer les avancées dans les domaines de recherche communs à Sanofi et à l’Institut Pasteur, en 2012 ont été créés les prix Sanofi - Institut Pasteur.. Ce sont

Le jeu peut ensuite être mis à disposition des élèves toute la

- L’implication du patient (et de son entourage) dans le projet de soins, en effet si le soignant doit partager ses connaissances avec le patient, celui-ci devra se

&#34;De la relation de confiance à l'alliance thérapeutique&#34; : étude conceptuelle et son application dans les soins infirmiers.. Rech