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La Coopération structurée permanente et l’initiative européenne d’intervention (IEI)

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Academic year: 2021

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Submitted on 17 May 2021

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La Coopération structurée permanente et l’initiative

européenne d’intervention (IEI)

Catherine Schneider

To cite this version:

Catherine Schneider. La Coopération structurée permanente et l’initiative européenne d’intervention (IEI). Paix et sécurité européenne et internationale, Université de Nice Sophia Antipolis, 2019, pp.183-194. �halshs-03157503�

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La Coopération structurée permanente et l’initiative européenne d’intervention (IEI)

Catherine Schneider,

Professeur émérite à l’Université de Grenoble-Alpes, chaire Jean Monnet,

Présente les développements de l’Europe de la défense intervenus en 2017 et 2018 - la Coopération structurée permanente et l’initiative européenne de sécurité. La première, très inclusive, se situe au sein de l’Union, la seconde, en réaction contre ce caractère inclusif, est en dehors, mais affiche sa complémentarité.

Presents the European Defence developments in 2017 and 2018- the Permanent structured cooperation and the European Security Initiative. The first, very inclusive, lies within the Union, the second, in response to this inclusiveness, is outside, but highlights its complementarity.

I. Introduction

Le développement de l’« Europe de la défense » a connu, en 2017 et 2018, des avancées importantes. Nous présentons ci-après deux d’entre elles, nettement distinctes – la Coopération structurée permanente (CSP) se situe dans l’Union européenne et l’Initiative européenne d’intervention (IEI) est en dehors de ce cadre –, mais liées, dans la mesure où l’IEI peut-être considérée comme une réaction au caractère trop « inclusif » de la CSP.

II. La Coopération structurée permanente (CSP)

On a longtemps regretté que la possibilité offerte aux Etats membres de l’UE de mettre en place une coopération structurée permanente ne soit pas utilisée. Cette lacune est désormais comblée. On verra dans quelles conditions en exposant les origines de la CSP (II.1). Cette Coopération structurée permanente a pour objet « d’offrir à tous les Etats membres un cadre politique essentiel contribuant à l’amélioration de leurs ressources militaires et de leurs capacités de défense respectives grâce à des initiatives bien coordonnées et des projets concrets reposant sur des engagements plus contraignants (II.2). Elle obéit à des règles particulières de gouvernance (II.3). Elle fait déjà l’objet d’analyses contrastées entre ses défenseurs qui y voient une réelle opportunité dans le contexte général de la relance de la PSDC initiée depuis 2013, et ceux qui dénoncent un miroir aux alouettes, vague substitut au (x) projet (s) en faveur d’un euro-groupe de la défense rassemblant une avant-garde pour une véritable union européenne de défense (II.4).

II.1. Aux origines de la Coopération structurée permanente

La Coopération structurée permanente (CSP/PESCO) a été créée par la décision 2017/2315/PESC du Conseil de l’Union en date du 11 décembre 2017, en application des

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articles 42.6 et 46 du TUE et du protocole n° 10 du TUE. Il aura fallu quelques 10 années de tergiversations, pour que les Etats membres, trouvent un consensus pour la création de ce mécanisme de différenciation1, présenté souvent comme une avancée majeure du traité de

Lisbonne et dont l’objet est de renforcer l’intégration européenne en matière de défense. Il s’agit plus particulièrement d’œuvrer, dans le cadre de l’Union, au développement des capacités civiles et militaires européennes, grâce à des initiatives coordonnées des Etats membres via des projets concrets.

La coopération structurée permanente, prévue aux articles 42.6 et 46 TUE, doit être distinguée d’autres mécanismes de différenciation dont certains sont applicables à l’ensemble des politiques de l’Union et d’autres propres à sa politique étrangère et de sécurité commune. Parmi les premiers, le plus connu est celui des coopérations renforcées (art 20 TUE et 326-334 TFUE) instaurées par le traité d’Amsterdam et interdites à la PESC avant que le traité de Nice ne les autorise, dans le domaine de la PESC, et le traité de Lisbonne dans celui de la PSDC. Parmi les seconds, figure le mécanisme (jamais encore mis en œuvre), instauré par le traité de Lisbonne et prévu aux articles 42.5 et 44 TUE, qui autorise le Conseil à confier à un groupe d’Etats membres « qui le souhaitent et qui disposent des capacités nécessaires », la réalisation d’une mission PSDC. De l’avis des principaux observateurs, les articles 42.5 et 44 sont circonscrits aux seules missions et opérations de gestion de crise de l’Union : surtout l’utilisation du singulier (une mission) exclurait tout caractère permanent de la délégation consentie par L’Union au groupe d’Etats concerné.

Le retard pris par les Etats membres pour mettre en place la coopération structurée permanente peut surprendre, au regard de la relative souplesse du processus décisionnel applicable à sa création : d’une part elle est dispensée de certaines conditions opposables à d’autres mécanismes – on pense à la coopération renforcée exigeant un seuil minimum de 9 Etats membres et reposant sur une clause dite de dernier ressort, selon laquelle doivent être préalablement explorées toutes les voies d’une décision impliquant l’ensemble des Etats membres ; d’autre part, la CSP ne nécessite pas pour sa mise en œuvre l’unanimité du Conseil, qui est le processus décisionnel de droit commun de la PESC, mais plutôt la majorité qualifiée. Elle obéit à un régime procédural particulier impliquant que les Etats membres souhaitant participer à la Coopération structurée permanente notifient leur intention au Conseil ainsi qu’au haut représentant, le conseil disposant alors d’un délai de 3 mois pour adopter la décision fondatrice après avis consultatif du haut représentant.

L’une des causes de ce retard réside certainement dans les divergences entre Etats membres sur ce mécanisme, dont témoignent déjà parfaitement les travaux ayant présidé à l’élaboration du traité établissant la constitution et plus particulièrement ceux du groupe de travail PESC VIII, présidé par Michel Barnier. En effet le dispositif, retenu en définitive et repris à grands traits par le traité de Lisbonne, traduit un compromis, certains n’ayant pas hésité à parler de régression, par rapport à certaines propositions visant à mettre en place un euro-groupe de la défense sur le modèle de celui de l’Euro à caractère non inclusif, car fondé sur des critères stricts de participation et surtout à valeur constitutionnelle. L’idée était en effet d’inscrire la création du groupe et son statut, dont bien évidemment son mode de fonctionnement, directement dans le traité via un protocole additionnel aux conditions précises et contraignantes, ce qui aurait permis de mettre en œuvre, entre les Etats participants pré-identifiés, le mécanisme dès l’entrée en vigueur du traité, et ce sans autorisation préalable du

1

Il convient d’entendre par là la capacité reconnue à l’Union de développer des politiques et actions qui ne seront pas applicables à l’ensemble de ses Etats membres afin d’éviter que l’intégration soit tirée par le bas du plus petit dénominateur commun de ce que les Etats membres ont la capacité ou la volonté d’accepter. Principe général qualifié également de flexibilité et qui remet en cause les principes d’uniformité du droit applicable et d’identité des droits et obligations des Etats membres, propres aux origines de la construction communautaire, il se décline en une multitude de régimes particuliers mêlant clauses d’ opting out ou d’opting in au profit de nombreux et différents Etats membres.

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Conseil. C’est bien plutôt le principe d’un mécanisme inclusif permettant de rassembler le maximum d’Etats membres grâce à la souplesse des critères de participation qui a été retenu ainsi que celui d’une création nécessitant une décision ultérieure de mise en œuvre par le Conseil. Ainsi au lieu d’exiger, comme certains l’avaient évoqué, que les Etats participants à la CSP s’engagent à respecter un objectif de convergence budgétaire fixé à 2 % du PNB pour leurs budgets de défense, tant l’article 42.6 TUE que le protocole n° 10, établissent des critères de participation fort peu contraignants, dans l’idée « de rassembler le maximum d’Etats membres dans le même bateau ». Le premier évoque, de manière on ne peut plus floue, « les Etats membres qui remplissent les critères les plus élevés de capacité militaire et qui ont souscrit des engagements plus contraignants en la matière ». Quant au second, il met à la charge des Etats souhaitant participer, de simples objectifs, qui sont, d’une part de procéder

le plus intensivement au développement des capacités de défense nationale et le cas échéant la

participation à des forces multinationales, ainsi qu’aux principaux programmes de l’Agence européenne de défense, et, d’autre part, d’avoir la capacité de fournir soit à titre national soit comme composantes de groupes multinationaux de forces, des unités de combats pour les missions de gestion de crise de l’UE visées à l’article 43. TUE. Les « engagements » très généraux souscrits par les Etats pour la réalisation de ces objectifs sont pour le moins peu contraignants, qu’il s’agisse de coopérer en vue d’atteindre les objectifs concernant le niveau des dépenses d’investissement en matière d’équipement de défense, de « rapprocher dans la mesure du possible leurs outils de défense », [ ] de prendre des mesures concrètes pour renforcer la disponibilité l’interopérabilité, la flexibilité et la capacité de déploiement de leurs forces,[], de participer le cas échéant au développement de programmes communs ou européens d’équipements majeurs dans le cadre de l’AED ».

Dans leur lettre de notification présentée au Conseil le 13 novembre 2017, conformément à l’article 46 TUE, les Etats membres présentent la coopération structurée permanente comme « un cadre juridique ambitieux pour les investissements en matière de sécurité et de défense, fiable et contraignant au sein du cadre institutionnel de l’UE ». Cette dernière précision est importante, qui traduit explicitement le rejet du syndrome de type Schengen, à savoir la création de coopérations hors du système de l’Union.

Ce dernier type de coopérations n’est pas interdit par les traités dans les domaines de la sécurité et de la défense, et ce d’autant plus qu’il s’agit de domaines où les compétences des Etats l’emportent largement sur celles de l’organisation : ont ainsi toujours été « autorisées »

les coopérations particulières entre Etats membres (cf. ex art 17 TUE et art. 42.3 TUE version

Lisbonne). L’ambiguïté des termes utilisés parfois par les traités de l’Union, comme la complexité de son système distributif de compétence, pourraient laisser à penser que ce sont ces traités qui « gèrent » la question de l’Europe de la défense et de la sécurité. Ce n’est évidemment pas le cas d’une part parce que la coopération en matière de défense a été introduite très tardivement dans le champ de compétences de l’Union, et d’autre part parce qu’elle s’est développée par d’autres voies, multilatérales (OTAN UEO etc.) et bilatérales (cf. coopérations franco britanniques et franco allemandes etc.). Ce qui se fait au sein de l’UE en matière de défense et de sécurité ne correspond qu’à une partie de « l’Identité européenne de sécurité et de défense ». L’initiative européenne d’intervention (IEI) relève de cette voie « hors Union ».

En revanche la Coopération structurée permanente relève bien de l’Union : elle est de nature très fortement inclusive, puisque rassemblant 25 Etats membres à l’exclusion de Malte, du Danemark qui, depuis le traité de Maastricht, bénéficie d’un régime d’opting out en matière de défense et de sécurité, et du Royaume uni pour cause de Brexit.

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II.2 L’objet de la CSP : le développement de projets concrets de

renforcement des capacités et du soutien aux opérations de l’Union

L’idée générale qui a présidé à la création de ce mécanisme est de sortir de l’ambiance délétère héritée du protocole n° 10 du traité de Lisbonne relatif à la Coopération structurée permanente, dont tous les observateurs avaient dénoncé le caractère trop peu contraignant, tant pour les politiques nationales de défense que pour les coopérations entre Etats. Ces derniers vont donc s’engager dans la participation à des projets communs dont la liste a été arrêtée par le Conseil, sur la proposition des Etats membres qui ont procédé ensemble à leur sélection sur la base de deux critères, à savoir le soutien au développement des capacités et la fourniture d’un appui substantiel aux opérations et missions de la PSDC de l’Union. Sur quelques 50 propositions présentées par un ou plusieurs Etats membres, ce sont 17 projets qui ont en définitive été retenus par le Conseil le 6 mars 20182 conformément à l’art. 4.2. e de la

décision fondatrice de la CSP. S’agissant des projets capacitaires, ils concernent en premier lieu la formation des personnels qui est assez représentée avec, par exemple, les projets d’un centre d’excellence pour les missions militaires de formation de l’UE (EUTM), d’un centre de certification européen pour les armées européennes. On remarquera également, dans les projets capacitaires, ceux touchant, aux transports terrestres (véhicules blindés d’infanterie, amphibie et légers), à l’artillerie, aux drones sous-marins détecteurs et destructeurs de mines), aux secours militaires d’urgence en cas de catastrophe, ou encore à la cyber défense (projet sur des équipes de réactions rapides aux attaques cyber et l’assistance mutuelle dans la cybersécurité)

Plusieurs projets intéressent quant à eux le soutien aux opérations militaires de l’Union, qu’il s’agisse du projet d’un commandement médical européen (EMC) en vue de doter l’Union d’une capacité médicale durable sur le terrain, du cluster d’Hub logistique visant à améliorer l’approvisionnement logistique des missions et opérations de l’UE notamment en matière de transports transfrontières, du noyau opérationnel pour la réponse de crises (EUFOR CROC) et enfin de la standardisation des procédures pour le commandement stratégique des missions de la PSDC.

En définitive l’établissement de cette première liste des projets, n’aura pas échappé à certains enjeux. Le premier d’ordre politique, propre à la démarche inclusive, aura favorisé la sélection de projets à l’importance plus réduite mais qui présentaient l’avantage d’une diversification géographique : on pense plus particulièrement au projet soutien au feu pour l’artillerie dont le leadership est assuré par la Slovaquie et qui rassemble d’autres Etats du groupe de Visegrad. Un deuxième enjeu, à la fois politique et technique aura consisté à tenter d’écarter de la CSP des projets de coopération déjà anciens et relativement en panne, afin d’éviter que la Coopération structurée permanente ne se transforme en « sessions de rattrapage » de ces coopérations. Une seconde liste de projets3, portant désormais leur nombre

à 34, a été validée par les ministres de la défense des Etats membres le 20 novembre 2018. Cette nouvelle liste a fait à juste titre l’objet de certaines critiques4. L’excès de l’approche

inclusive et son obsession à rassembler le plus grand nombre d’Etats a conduit à retenir pas moins de 10 projets (dont six qui ne rassemblent que deux Etats et quatre trois seulement) souvent de faible envergure. Quelques rares projets phare tels ceux de l’Eurodrone MALE ou encore du Cobasing (partage de bases militaires extérieures entre alliés) émergent d’une liste de projets hétéroclite, qui répond bien plus aux envies des Etats membres qu’à leur volonté de

2 Cf. liste et analyse détaillée sur B2 PRO, 7 décembre 2017

3 Cf. B2 PRO, «17 projets ne suisaient pas. La PESCO s’enrichit d’une seconde vaque. La Liste », 16 novembre

2018

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combler véritablement les lacunes européennes. Par ailleurs le déséquilibre entre les projets capacitaires (au nombre de 12) et les projets opérationnels (au nombre de 5) perdure et semble remettre en cause, l’esprit même de la CSP qui se voulait aussi bien opérationnelle que capacitaire.

La participation des Etats membres aux projets, parce qu’elle s’inscrit résolument dans le principe de différenciation repose sur leur libre choix. Ils sont en effet presque totalement libres de participer ou non aux projets puisque la seule condition qui est imposée aux Etats parties à la Coopération structurée permanente est de s’engager sur au moins un projet. Ils le feront naturellement d’abord en fonction de leurs propres priorités nationales, certes opérationnelles mais aussi industrielles. La « participation » aux projets est définie de manière graduée : la plus forte étant celle de la conduite en leadership, qui est complétée par la participation « de droit commun » et enfin le statut de simple observateur. Au demeurant, l’investissement des Etats dans les projets retenus, qu’ils en assurent le leadership ou qu’ils y participent ou se contentent d’être observateur, apparait très variable : certains d’entre eux comme l’Italie (4 leaderships et participation à tous les autres sauf celui de l’assistance mutuelle en matière de cyber) ou l’Allemagne (4 leaderships, dont les projets les plus ambitieux, et trois participations) se signalent par une implication forte. D’autres Etats et plus particulièrement, la République tchèque, la Pologne et la Suède assurent le « service minimum », alors même que, s’agissant de ces deux derniers ils disposent de capacités militaires mais aussi financières plus élevées que d’autres Etats membres, notamment d’Europe centrale (Croatie, Autriche, Roumanie, Bulgarie) qui ont décidé au contraire de jouer le jeu de la Coopération structurée permanente, en participant à au moins 4 projets. Quant à la France, elle est d’abord apparue très en retrait, en ne conduisant que deux projets à dimension modeste (la communication sécurisée par radio et la fonction opérationnelle énergétique) et en participant seulement à deux autres projets (le centre d’excellence sur les missions EUTM et EUFOR CROC). Néanmoins, elle renforcera en mars 2018, son investissement dans la Coopération structurée permanente, en rejoignant en tant que participant 4 autres projets (Hub logistique, mobilités militaires transfrontalières, commandement médical européen, projet cyber relatif aux équipes d’intervention rapide). Certains n’ont pas manqué de s’interroger sur le décalage existant entre l’affichage de pionnier ou défenseur de la Coopération structurée permanente et la réalité des engagements que la France y a « péniblement » souscrits. Certainement une des explications les plus plausibles est celle d’un désenchantement au regard du caractère trop inclusif du mécanisme, dont témoigne parfaitement le projet « concurrent » initié par la France, qui est celui de l’initiative européenne d’intervention (cf. infra).

II.3 Des règles de gouvernance marquées par les contraintes du

fonctionnement de l’Union

La Coopération structurée permanente obéit à un principe de gouvernance duale, celle de l’Union, s’agissant de ses règles générales d’organisation et de fonctionnement, résolument ancrée dans l’intergouvernementalisme et celle des Etats membres participant aux projets, pour ce qui touche à leur gestion.

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Si la création de la Coopération structurée permanente avait laissé entrevoir une « baisse de la garde » de la logique intergouvernementale, en introduisant la majorité qualifiée pour l’adoption par le Conseil de sa décision fondatrice (art. 46.3) ainsi que pour les décisions touchant à l’accueil ou encore à la suspension d’un Etat membre (art. 46.4), il n’a pas échappé aux observateurs que l’adoption des décisions et recommandations de son fonctionnement général par le Conseil, qui ont été précisées par la décision fondatrice 2017/2315/PESC en son article 4.25, impliquent que ce dernier statue à l’unanimité (art. 46.6). Par ailleurs on ne saurait

ignorer que les opposants principaux à la méthode d’intégration appliquée à la défense sont les grands absents de la Coopération structurée permanente : le Royaume Uni, pour cause de Brexit, et le Danemark, pour cause d’opting out vis-à-vis de la PSDC.

Deux premières décisions importantes du Conseil touchant au fonctionnement de la CSP devaient déjà être prises sur la base de l’article 46.6 et en application de l’art. 4.2 de la décision fondatrice exigeant l’unanimité du Conseil.

La première, adoptée par le Conseil le 25 juin 2018, porte sur la détermination des principes généraux applicables à la gouvernance par les Etats membres des projets. Elle vient encadrer les principes d’autonomie et d’autogestion qui la commandent. Il est ainsi demandé aux Etats participant à un projet, de s’assurer de la cohérence de son agenda avec d’autres projets de la Coopération structurée permanente ou encore avec d’autres initiatives conduites dans d’autres cadres. Sont aussi rappelés les principes de transparence et d’inclusivité devant présider à la gouvernance des projets. On retiendra surtout de ces principes généraux que les règles de fonctionnement pour la gestion du projet doivent être adoptées à l’unanimité, les Etats pouvant néanmoins décider à l’unanimité, de prendre certains types de décisions à la majorité. Quand on sait que l’exigence de l’unanimité, requise dans d’autres cadres de coopération européenne pour l’armement et pratiquée à tous les niveaux, même les plus modestes de la gestion des projets – on pense plus particulièrement au GAEO6 –, a été

largement dénoncée par leurs acteurs comme un frein majeur à leur bon fonctionnement, on appréciera.

La seconde décision du Conseil de mise en œuvre de la Coopération structurée permanente est relative à l’encadrement général de la participation des Etas tiers à ses projets. Toujours en cours de négociation avec un non paper commun de 11 Etats membres7, elle devrait être

adoptée en novembre/décembre 2018 et apparait porteuse d’enjeux politiques et économiques non négligeables. Alors que la décision fondatrice renvoie à la participation exceptionnelle des Etats tiers, certains Etats membre plaident en faveur d’une Coopération structurée permanente ouverte, fondée certes sur la valeur ajoutée substantielle du tiers mais aussi sur les avantages, en termes de coût, pour les projets. Ils préconisent par exemple de mettre en place au Conseil une procédure d’admission simplifiée (procédure de silence valant acceptation et délégation à un niveau infra-ministériel comme celui du COPS). Il restera à la décision de régir également deux questions délicates, la conditionnalité politique opposée au tiers et le statut exact qui lui sera conféré au Conseil et dans ses instances particulières dans le cadre de la CSP.

L’absence, dans le cadre de la CSP, des marqueurs traditionnels, tant institutionnels que fonctionnels de la logique supranationale témoigne de ce qu’elle constitue incontestablement 5

Il s’agit des décisions et recommandations : fournissant une direction et des orientations stratégiques (a), définissant les différentes étapes de la réalisation des engagements plus contraignants (b), mettant à jour les engagements plus contraignants (c), évaluant les contributions apportées par les Etats membres (d), établissant la liste des projets (e), établissant un ensemble commun de règles de gouvernance pour les projets (f), établissant les conditions générales selon lesquelles des Etats tiers pourraient être invitées à titre exceptionnel à participer à des projets donnés et déterminant si un Etat tiers donné satisfait à ces conditions (g).

6 Le GAEO, groupe armement de l’Europe occidentale, a été créé en 1993. Cf. C. SCHNEIDER, chronique

relations extérieures/ PESD, Annuaire de droit européen 2003, Bruylant, 2005.

7 Cf. Une coopération structurée permanente bien ouverte aux pays tiers, plaident onze pays », B2 Pro,

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un pré-carré du Conseil. S’agissant en premier lieu des marqueurs institutionnels de la méthode communautaire et plus particulièrement du rôle très important qu’elle réserve à la Commission et au Parlement, on constate que ces derniers ne sont mentionnés ni dans l’article 46. TUE, ni dans la décision fondatrice. Ils sont donc les grands absents de ce mécanisme à la création duquel ils n’ont même pas été associés a minima, on pense plus particulièrement aux voies de la consultation ou de l’information. Le Parlement, comme il fallait s’y attendre, s’est inquiété de sa marginalisation. Quant à la Commission, elle a trouvé d’autres voies telles celles de l’action préparatoire de recherche de défense (avril 2017), du fonds européen de défense (juin 2017), et enfin du programme européen de développement industriels et défense visant à soutenir la compétitivité et la capacité d’innovation de l’industrie de défense de l’Union (juillet 2018), pour entamer une communautarisation de la défense qui s’inscrit dans la relance de l’Europe de la défense appelée mainte fois de ses vœux par le Président Junker8 .

Sur le plan fonctionnel, le marqueur traditionnel de la logique supranationale, que constitue le financement par le budget de l’Union est également écarté pour la Coopération structurée permanente comme d’ailleurs il l’avait été pour l’Agence européenne de défense 9. En effet les

règles retenues pour le financement de cette dernière, à savoir celui des Etats membres qui y participent et non pas de l’organisation10 , témoignent de la filiation résolument

intergouvernementale de la Coopération structurée permanente (cf. art. 8 décision 2017/2315/PESC). Une passerelle est néanmoins prévue au profit des projets qui pourront bénéficier de « contributions » du budget général de l’organisation et de certains de ses instruments pertinents : une première illustration de la mise en œuvre de cette passerelle résulte des modalités de financement du programme EDIPP qui prévoit explicitement un bonus au profit des projets qu’il soutient dans l’hypothèse où ces derniers sont développés dans le cadre de la Coopération structurée permanente (art. 11).

II.3.2. La gouvernance décentralisée des projets aux mains des

Etats membres qui y participent

La gestion des projets est aux mains des Etats membres qui y participent. Ils décident à l’unanimité, ou à la majorité s’ils l’ont décidé, des règles de leur fonctionnement, qu’ils ont ainsi la liberté d’adapter à leurs besoins. Ce sont par exemple les règles touchant, à la préparation, la présidence et la coordination de leurs réunions, à la répartition entre eux des rôles et responsabilités et des modalités de financement du projet, à la présence d’observateurs, à l’accueil d’un nouveau participant, à la sortie d’un participant du projet y compris les aspects juridiques et financiers, à la participation de la Commission, aux cas d’un éventuel soutien du SEAE et de ses composantes (Etat-major de l’UE et agence européenne de défense), aux stratégies d’acquisition, au choix des structure d’appui à la maitrise de l’ouvrage et à la sélection des entreprises. La décision du 25 juin 2018 est donc venue proposer un encadrement général de la gouvernance des projets, ancré à la fois dans 8

Cf. C SCHNEIDER, Chronique PESC 2016-2017, Annuaire du droit de l’Union (ADUE) 2017, éd. Panthéon Assas, à paraitre décembre 2018.

9 Les dépenses de l’Agence sont en effet couvertes par son budget propre, qui ne relève pas du budget général de

l’Union.

10

Ainsi le financement de la Coopération structurée permanente est-il directement inspiré de celui de la PSDC et de ses opérations militaires, dont le financement est à la charge des Etats qui y participent (à l’exception des couts communs assumés par le mécanisme ATHENA, qui est lui-même un mécanisme hors budget de l’Union) Seules les dépenses administratives de la PSDC, générées par les Instituions de l’UE et du SEAE sont prises en charge par le budget de l’Union. Le financement de la PSDC est donc dérogatoire à celui de la PESC qui est quant à lui assumé par le budget de l’Union.

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l’autogestion et la souplesse. Il n’en demeure pas moins vrai, que le processus décisionnel de droit commun applicable à la gestion des projets reste celui de l’unanimité. Certes il peut être modifié pour chaque projet par une décision unanime de ses Etats parties et il sera particulièrement intéressant de suivre la pratique en la matière, qui sans aucun doute commandera leur bonne gestion.

II.4. Un mécanisme qui fait l’objet d’évaluations contrastées

Présentée par les Etats membres dans le cadre de leur lettre de notification au Conseil et au Haut représentant comme « un cadre juridique ambitieux […] pour les investissements en matière de sécurité et de de défense […] offrant aux Etats un cadre politique essentiel contribuant à l’amélioration de leurs ressources militaires et de leurs capacités respectives grâce à des initiatives coordonnées et des projets concrets […] en les associant étroitement à des projets d’acquisition multinationales et à des entités industrielles appropriés », la Coopération structurée permanente a néanmoins subi le feux de nombreuses critiques.

Une première catégorie d’entre elles vient des « nostalgiques » de sa vision non inclusive, qui stigmatisent « le côté obscur » d’une approche voulue par les Etats membres pour que, en réalité, rien ne change11. Alors que la Coopération structurée permanente aurait dû être un

véritable « euro-groupe de la défense », constitué des Etats membres formant un noyau dur de la défense européenne, des Etats les plus capables et les plus volontaires et pouvant avancer « sans qu’on leur mette des bâtons dans les roues »12 , elle propose au contraire un

affadissement total de cet objectif. La conception inclusive qui a été retenue, certes laisse la Coopération structurée permanente très ouverte à la quasi-totalité des Etats membres mais dont le degré d’investissement à son profit laisse à désirer. Ce degré d’investissement repose à la fois sur la capacité douteuse de certains de contribuer de manière significative au renforcement des capacités européennes de défense et sur la volonté d’autres Etats, qui en auraient les moyens mais qui sont prêts à endosser, au lieu et place du Royaume Uni, à la fois la vision souverainiste de l’Europe et celle de la protection des intérêts de l’OTAN. De sérieux doutes sont ainsi émis quant à la capacité de la Coopération structurée permanente de contribuer à la concrétisation de véritables résultats sur ce qui manque tant aux européens, qu’il s’agisse de faire converger leurs planifications militaires et leurs investissements en matière d’équipements militaires, de développer des projets capacitaires communs, et de renforcer l’interopérabilité de leurs forces et bien sûr de permettre à leurs industries de défense de renforcer leur compétitivité, et ce pour faire face à une « concurrence » qui va désormais bien au-delà de celle qui existe avec les grands groupes américains. Plutôt que de contribuer à une véritable relance de l’intégration, au profit de l’Europe de la défense, la Coopération structurée permanente ne serait-elle pas plutôt une « vieille marmite », qui ne servirait qu’à « resservir des plats réchauffés », à savoir des projets qui auraient pu être réalisés sans elle, et à proposer une bureaucratie supplémentaire à un appareil politico-administratif particulièrement labyrinthique.

Une autre source d’interrogations légitimes, porte sur la capacité de l’Union de concevoir une véritable synergie entre toutes ses initiatives récentes pour une relance de la PSDC, qu’il s’agisse de l’action préparatoire de défense, du fonds européen de défense et de sa première concrétisation avec le programme européen de développement industriel dans le domaine de

11

Cf. F. SANTOPINTO, La défense européenne, entre Doctor FED & Mister PESCO, Courrier du GRIP,� 14 décembre 2017.

12

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la défense (EDIDP). L’action préparatoire de recherche relative aux capacités de défense, mise en œuvre classiquement par une décision de la Commission du 11 avril 2017, permet d’anticiper, au titre des perspectives financières 2021-2027, l’intégration future dans le futur programme de recherche et de développement (PCRD) par lequel l’Union soutient financièrement la recherche, d’un projet RED spécifique à la défense. Cette action préparatoire de recherche relative aux capacités de défense essentielles pour les opérations de la PSDC, bénéficie d’un budget global de 90 millions € sur 3 années (2017-2020) et sa mise en œuvre a été délégué par la Commission à l’AED. Quant au Fonds européen de défense lancé par la Commission le 7 juin 2017, son objectif est à la fois de consolider les initiatives déjà entreprises à titre expérimental dans le domaine de la recherche mais aussi de les accompagner par d’autres initiatives, cette fois-ci dans le cadre de la politique industrielle. C’est à ce titre que la Commission a proposé en 2017 la création du programme européen de développement industriel dans le domaine de la défense (EDIDP), qu’elle a doté d’un budget annuel de 500 millions € par année, jusqu’en 2020 et d’un milliard pour les années suivantes. Le règlement fondateur de ce programme, qui doit être adopté selon la procédure législative ordinaire, conjointement par le Conseil et le Parlement, devrait intervenir à l’automne 2018. Ainsi au-delà des innovations substantielles que représentent ces nouveaux instruments « supranationaux », qui ont notamment levé le tabou du financement par le budget de l’Union, au titre de la recherche mais aussi de la politique industrielle, des produits et technologies militaires, c’est bien évidement la cohérence avec ceux mis en œuvre dans le cadre de la coopération intergouvernementale qui devra être observée minutieusement.

La politique de défense et de sécurité commune (PSDC) de l’Union, via les transversalités mise en place avec d’autres politiques « communautaires » (recherche, industrielle et bientôt transports) semble progressivement échapper au pré-carré de l’intergouvernementalisme qui a présidé à sa création. L’irruption massive de la Commission, jusque-là très marginalisée en est une parfaite illustration. Il reste néanmoins encore beaucoup de place pour des initiatives qui, comme la Coopération structurée permanente, relèvent de l’intergouvernemetalisme de la PSDC, voire d’initiatives lancées en dehors de l’Union, comme l’initiative européenne d’intervention (IEI).

III. L’initiative européenne d’intervention (IEI)

Cette initiative se situe hors du cadre institutionnel de l’UE. Elle exprime une démarche sans doute plus ambitieuse, et se veut résolument non inclusive. Elle relève exclusivement pour son mode de fonctionnement, des décisions prises par ses Etats membres, qui se sont par ailleurs déjà dotés d’un secrétariat ad hoc, fixé à Paris. Son extériorité par rapport à l’Union et son autonomie incontestable au regard de la Coopération structurée permanente – malgré certaines tentatives, notamment de l’Allemagne de l’y inclure – sont incontestables.

III.1. Aux origines de l’initiative européenne d’intervention (IEI)

Ce nouveau mécanisme trouve son origine dans le discours prononcé par le président Macron le 26 septembre 2017 à l’université de Paris la Sorbonne, dans lequel il appelait de ses vœux pour 2024 une « Europe, souveraine stratégique et autonome ». Il proposait surtout plus concrètement de construire une culture en commun via une initiative européenne

d’intervention « visant à développer une culture stratégique partagée » et permettant à

l’Europe d’être « dotée d’une force commune d’intervention, d’un budget de défense commun et d’une doctrine commune pour agir ». Dans cette première esquisse, on a aussitôt remarqué,

(11)

qu’il est question de l’Europe et non pas de l’Union européenne : cela conduit à deux commentaires immédiats. Le premier est que le Royaume Uni, malgré le Brexit, en fait partie intégrante comme le justifient sa puissance militaire, son budget élevé de défense et sa volonté affichée d’intégrer l’IEI lors du sommet franco- britannique de Sandhurst. Le second est qu’il s’agit sans doute d’une réponse aux déceptions, notamment françaises, engendrées par la Coopération structurée permanente : trop inclusive et limitée aux capacités et équipements, elle ne répond pas aux objectifs du développement d’une culture stratégique commune entre « les pays militairement capables et politiquement volontaires » […] leur permettant « de pouvoir se préparer pour intervenir là où ils le décideront, au moment où ils le décideront » dans le cadre d’ interventions »13 aux scenarios les plus variés, militaires de haute

ou basse intensité, mais aussi de réaction aux catastrophes naturelles. C’est donc la France qui a pris contact avec un certain nombre de partenaires potentiels, susceptibles de constituer une part importante des forces européennes et sur la base des critères retenus : détenir des capacités militaires et avoir la volonté d’intervenir de manière active.

La lettre d’intention des Etats parties pour ce « nouveau Schengen »14 de la défense

européenne, a été signée le 25 juin 2018, entre neuf Etats européens,15dont le Royaume Uni et

le Danemark, qui dans le cadre de la PSDC de l’Union bénéficie d’un opting out et qui en revanche, a fait le choix de s’associer à cette initiative de défense européenne, hors Union. La Finlande est le dixième Etat à rejoindre l’initiative, comme elle l’a annoncé le 3 septembre 2018 dans le cadre de la visite officielle du Président Macron. Quant à l’Italie, invitée à y participer, elle a reporté sa décision, pour les raisons de politique interne que l’on connait. De ce nouveau mécanisme il est possible de retenir un certain nombre d’idées forces qui seront autant de référents à suivre dans le cadre de son évolution et de ses réalisations concrètes.

III.2. Une initiative hors Union et qui affiche « sa

complémentarité » avec celles de l’Union

Nul doute que l’IEI fera rebondir, si elle ne l’a pas déjà fait, le vieux débat entre une intégration conduite (et encadrée) par l’Union et des coopérations européennes développées sans elle. S’écarter des lourdeurs du système de l’Union et de son syndrome bureaucratique, pour appréhender et répondre aux véritables besoins de sa PSDC, notamment en matière de gestion de crise, a d’ailleurs été évoqué de manière à peine voilée par la Ministre Florence Parly : il s’agit de « continuer à avancer en évitant lourdeurs et blocages institutionnels, avec

un seul objectif : l’efficacité sur le terrain ».

Un discours plus diplomatique et nuancé a fait apparaitre la complémentarité de l’IEI avec les développements récents et non négligeables que l’on doit à la relance de la PSDC de l’Union. La coopération structurée permanente, entièrement tournée vers le développement des capacités militaires et le soutien aux opérations de terrain, ne comporte aucune dimension stratégique qui constitue le noyau dur de l’IEI (cf. infra). Il en est de même du fonds de défense qui a pour principal objectif d’ouvrir les financements communautaires au profit de la recherche et du développement industriel et technologique des activités et produits de la défense. La Haute représentante de l’UE F. MOGHERINI s’est faite le chantre d’une coexistence apaisée entre l’IEI et la Coopération structurée permanente, en soulignant que l’approfondissement de la compréhension partagée d’un point de vue stratégique, de se

13

Cf. Fédérer les pays militairement capables et politiquement volontaires (Fl. PARLY), B2 PRO, 26 juin 2018.

14 Formule utilisée pour signaler que cette coopération entre Etats européens se développe totalement en dehors

de l’Union et de sa PSDC.

15 Il s’agit en plus du Royaume Uni et du Danemark, de l’Allemagne, de la Belgique, de l’Espagne, de l’Estonie,

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préparer et avoir des échanges entre les forces armées […] ne peut qu’aider à l’approfondissement de la défense dans le contexte de l’UE »16 . L’absence de duplication

vaudrait aussi pour les structures opérationnelles « existantes » de l’UE, on pense au Battlegroups qui n’ont à ce jour jamais été utilisés et dont on désespère d’ailleurs qu’ils le soient, tant ils apparaissent en définitive inadaptés aux besoins, notamment des interventions d’urgence. En effet il est clairement établi, dans la lettre d’intention, que l’IEI « n’entraine pas la création d’une nouvelle force de réaction rapide […] et qu’elle ne se verra pas affecter des forces nationales à ses propres fins »17. Enfin un argument majeur en faveur de l’absence de

double emploi avec les derniers instruments de la PSDC résulte du champ élargi de l’IEI qui couvre également les opérations de protection civile comme celles développées ensemble par les Britanniques, les Français et les Néerlandais, lors de l’ouragan Irma aux Antilles en 2017.

Au-delà des discours lénifiants sur la non duplication et la valeur ajoutée de l’IEI, la question de son extériorité par rapport à l’Union a été débattue jusqu’au bout, l’Allemagne par la voie de sa chancelière ayant tenté sans succès d’obtenir l’intégration de l’IEI dans la Coopération structurée permanente. Elle n’a cependant obtenu que l’affirmation dans la lettre d’intention, que les Etats de l’IEI veilleront à ce l’IEI « serve les objectifs et les projets de la Coopération structurée permanente dans la mesure du possible ». De même est-il affirmé que « la Coopération structurée permanente produira inévitablement des effets bénéfiques pour l’IEI, dont les Etats parties chercheront à identifier les domaines de coopérations pouvant fusionner avec des projets, existants ou nouveaux et à créer, de la Coopération structurée permanente » (cf. art. 9 de la lettre d’intention du 25 juin 2018). L’option de la simple passerelle entre les deux mécanismes a ainsi clairement remplacé celle de l’absorption défendue par l’Allemagne, qui, sur ce point, n’a pas pu rallier son partenaire français. Ainsi l’IEI dispose-t-elle de ses propres « structures » et modes de fonctionnement résolument ancrés dans l’informel et l’autonomie vis-à-vis de celles de l’UE. Elle aura ses propres ressources et « s’appuiera sur les structures existantes et sur un réseau de liaison d’officiers dans les différentes structures militaires des États participants »18. Elle sera dotée d’une base

de données permanente et d’un secrétariat établi à Paris, fondé sur du personnel français et sur le réseau existant des liaisons, dont dispose les différentes structures militaires du ministère français de la défense, qui pourra être complété par des contributions volontaires nationales19 .

III.3 Une initiative focalisée sur le développement d’une culture

stratégique commune mise au service d’une plus grande efficacité

des opérations sur le terrain

Comme l’a rappelé la Ministre française F. PARLY, l’objectif assigné à l’IEI est de fournir un cadre adéquat et très souple, qualifié par la lettre d’intention de « forum flexible et non contraignant » (cf. § 5), pour le développement d’une culture stratégique commune au service d’une plus grande efficacité opérationnelle, au profit de la défense des intérêts de sécurité européens et ce, « sans préjudice du cadre institutionnel choisi (UE, OTAN, ONU et coalitions ad hoc) »20. Il s’agit de permettre aux forces armées des Etats participants de mieux

se connaitre, de se comprendre pour agir plus rapidement et de manière efficace, étant entendu que les Etats restent entièrement libres dans leur décision de participer, le cas échéant, à telle 16

Cité dans 8 pays adhèrent à l’initiative européenne d’intervention d’E MACRON. La lettre d’intention signée.

B2 PRO, 25 juin 2018. 17 Cf. lettre d’intention § 11. 18 Lettre d’intention, §13. 19 Lettre d’intention, §17. 20 Lettre d’intention, § 5.

(13)

ou telle opération, conformément à leurs processus constitutionnels respectifs21. Ils le feront

au cas par cas et les moyens qu’ils fourniront (ou non) varieront d’une crise à l’autre et peut être en fonction d’une forme de spécialisation entre eux (forces spéciales, moyens logistiques, moyens d’information via le renseignement y compris satellitaires, services médicaux, assistance à la population).

La focalisation sur le développement d’une culture stratégique commune transparait explicitement dans les quatre domaines principaux de réflexion et d’interaction identifiés par la lettre d’intention. Ils portent sur la prospective stratégique et le partage de renseignements, l’élaboration de scénarios de crise et leur planification, l’appui aux opérations et enfin les retours d’expérience et la doctrine. Il reviendra aux rencontres entre ministres et surtout aux Etats-majors des pays concernés de définir un programme de travail dans le cadre de ces priorités et sur des sujets qu’ils auront choisis ensemble. S’agissant des scénarios de crise ont déjà été évoqués « dans les coulisses » ceux relatifs à l’évacuation des ressortissants européens, ou encore l’action humanitaire avec l’appui des forces armées.

Présentée et défendue comme un instrument nouveau, excluant tout double emploi avec ceux de l’Union et de sa PSDC, l’IEI participe de l’idée de développer une culture stratégique partagée, ce qui implique comme n’ont pas manqué de le souligner les observateurs les plus avertis, « de bâtir une doctrine d’intervention plus européenne, où chacun tienne compte des autres modes d’intervention […], ce qui pourrait conduire alors tout autant à changer les modes d’intervention des armées françaises que celles des autres […] un changement autant technique que psychologique »22. Projet construit pour l’avenir à l’horizon 2022-2024, il lui

restera à faire ses preuves dans le parcours du combattant que constituent les péripéties multiples de l’Europe de la défense, dans l’Union et hors Union.

21

Lettre d’intention, § 6.

22

Cf. N. GROS VERHEYDE, l’initiative européenne d’intervention d’Emmanuel MACRON ? Explications, B2 PRO, 4 octobre 2017.

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