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Caractérisation d'un modèle de souris transgénique de cardiomyopathie dilatée

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Academic year: 2021

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Caractérisation d’un modèle de souris transgénique de

cardiomyopathie dilatée

Mémoire

Aude Popek

Maîtrise en biologie cellulaire et moléculaire

Maître ès sciences (M. Sc.)

Québec, Canada

© Aude Popek, 2018

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Résumé

La cardiomyopathie dilatée est une pathologie affectant la structure du myocarde menant, à terme, à une défaillance cardiaque. Elle constitue la troisième cause la plus importante de défaillance cardiaque. De nombreuses pathologies cardiaques, dont la cardiomyopathie dilatée, résultent de mutations sur le canal sodique voltage-dépendant Nav1.5, responsable de la phase de dépolarisation des potentiels d’action et donc de la contraction. La mutation R219H, sur ce canal, engendre un courant de protons en phase d’hyperpolarisation nommé « courant oméga ». Celui-ci provoquerait une augmentation de la concentration intracellulaire en sodium et en calcium via l’échangeur sodium-calcium à l’origine du remodelage du myocarde dans la cardiomyopathie dilatée.

Objectif : La mutation R219H fut détectée chez un patient souffrant de cardiomyopathie dilatée et

d’arythmie. Les travaux présentés dans ce mémoire consistèrent à déterminer si le modèle de souris R219H présentait un phénotype cardiaque similaire.

Méthode : Une évaluation structurelle des cœurs a été effectuée au moyen de coupes histologiques.

La technique de patch clamp servit à caractériser la biophysique de Nav1.5 et à enregistrer le courant oméga.

Résultats : Les coupes histologiques permirent de mettre en évidence des dysfonctions structurelles

chez les souris hétérozygotes et homozygotes ainsi qu’une désorganisation importante de la structure cellulaire. Les enregistrements d’électrophysiologie montrèrent une activation du canal plus précoce chez les souris hétérozygotes et homozygotes. Une diminution de l’amplitude des potentiels d’action et de la vitesse de conduction fut aussi observée. La présence d’un courant oméga chez les souris portant la mutation fut également confirmée. Les résultats obtenus semblent indiquer que la mutation R219H soit à l’origine du développement de la pathologie, bien que le mécanisme moléculaire sous-jacent reste à déterminer.

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iv

Abstract

Dilated cardiomyopathy is a structural cardiac disorder leading to heart failure. It is the third most common cause of heart failure. Several cardiac pathologies, including dilated cardiomyopathy, result from mutations on the gene encoding the voltage-dependent sodium channel Nav1.5 which is responsible for the upstroke of the action potential and therefore for contraction. The mutation R219H on this channel drives a gating pore current of protons in hyperpolarizing condition called “omega current”. This current ought to induce a rise of the intracellular concentration of sodium and calcium through the sodium-calcium exchanger that might cause the structural remodelling developing in dilated cardiomyopathy.

Objective: The mutation R219H has been identified in a patient with a mixed dilated

cardiomyopathy and arrhythmia phenotype. In the present study, investigation of heart phenotype and electrophysiology of transgenic R219H mice model was conducted.

Method: Histological analysis was used to examine cell structure and tissues. The biophysical

properties of the Nav1.5 channel were characterized by means of the patch clamp technique.

Results: Histological analysis disclosed structural dysfunctions and loss of structural organization

in myocardial cells in both heterozygous and homozygous mice. Finally, a shift of activation in heterozygous and homozygous mice were observed in electrophysiological recordings. A decline of action potential amplitude and conduction velocity was also observed in homozygous mice. The presence of the omega current was confirmed in mice carrying the mutation. Those results suggest that R219H could cause the pathology even if the precise molecular mechanism is not unravelled yet.

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v

Table des matières

Résumé ...iii

Abstract ... iv

Table des matières ... v

Liste des tableaux ... vii

Liste des figures ... viii

Liste des abréviations ...x

Remerciements ... xii

Avant-propos ... xiii

Chapitre I Introduction ... 1

I.1 Structure et fonctionnement du myocarde ... 1

I.1.1 Notion d’anatomie et physiologie ... 1

I.1.2 Système électrique cardiaque ... 2

I.2. Le canal sodique Nav1.5 dépendant du voltage ... 10

I.2.1 Fonction ... 10

I.2.2 Structure ... 11

I.2.3 Cinétique ... 13

I.2.5 Canalopathies associées au gène SCN5A ... 17

I.3 Cardiomyopathie et canalopathie. ... 19

I.3.1 Description et classification ... 19

I.3.2 Cardiomyopathie dilatée ... 20

I.3.3 Les canalopathies associées à la cardiomyopathie ... 22

I.4 Voie alternative de perméabilité : le pore oméga ... 24

Chapitre II Hypothèse et objectifs ... 27

Chapitre III Matériel et Méthode ... 28

III.1 Génération de la souris transgénique R219H ... 28

III.2 Génotypage ... 29

III.3 Séquençage ... 29

III.4 Échocardiographie ... 30

III.5 Caractérisation morphologique ... 30

III.4.1 Histologie ... 30

III.4.2 Mesure de masse ... 31

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vi

III.7 Électrophysiologie ... 33

III.6.1 Protocoles d’enregistrement en voltage clamp ... 33

III.6.2 Protocoles d’enregistrement en current clamp ... 34

III.8 Solutions ... 34

III.9 Analyse des données et statistiques ... 36

Chapitre IV Résultats ... 37

IV.1 Production de la lignée de souris R219H ... 37

IV.2 Caractérisation physique : mesures de masse ... 38

IV.3 Caractérisation électrophysiologique de Nav1.5 ... 39

IV.3.1 Modification des propriétés biophysiques du pore alpha chez les souris R219H ... 39

IV.3.2 Présence du pore oméga chez les souris R219H ... 43

IV.3.3 Altération des potentiels d’action chez les souris R219H ... 46

Chapitre V Discussion ... 50 Chapitre VI Conclusion ... 52 Bibliographie ... 53 Annexe 1 ... 57 Annexe 2 ... 58 Annexe 3 ... 61 Annexe 4 ... 63

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vii

Liste des tableaux

Tableau 1 Concentrations ioniques moyennes extracellulaire et intracellulaire d’une cellule cardiaque de mammifère. ... 4 Tableau 2 Gènes de canaux ioniques impliqués dans des canalopathies et associés au développement de cardiomyopathies. ... 23 Tableau 3 Mutations à l’origine d’un pore oméga sur le canal sodique Nav1.5. ... 25 Tableau 4 Propriétés biophysiques du canal sodique Nav1.5 et Nav1.5-R219H chez des souris âgées de 12 mois et 7 mois de génotype WT, HE et HO. ... 63

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Liste des figures

Figure 1 Représentation schématique du système circulatoire interne cardiaque. ... 1 Figure 2 Représentation du système de conduction interne cardiaque. ... 3 Figure 3 Représentations des activités ioniques au cours d’un potentiel d’action ventriculaire. (A) représentation schématique d’un potentiel d’action ventriculaire. (B) Représentation schématique de l’activité des courants au court du temps. ... 5 Figure 4 Configurations possibles par la technique de patch clamp. ... 10 Figure 5 Structure schématique du canal sodique Nav1.5. ... 11 Figure 6 Structure du vestibule du filtre de sélectivité du canal sodique du cafard américain

Periplaneta americana (NavPaS). ... 12 Figure 7 Représentations schématiques des états de la protéine relativement à la position des portes « m » et « h ». ... 13 Figure 8 Représentations schématiques d’un potentiel d’action ventriculaire et de sa correspondance sur un enregistrement d’électrocardiogramme de surface. ... 19 Figure 9 Gènes impliqués dans le développement de la DCM et l’emplacement des protéines qu’ils codent. ... 22 Figure 10 Canulation d’un cœur de souris et installation de la canule sur le système de perfusion. 32 Figure 11 (A) Gel d’agarose indiquant le résultat du génotypage. (B) Résultats du séquençage effectué pour le gène SCN5A de souris âgées de 12 mois de génotype sauvage, hétérozygote, homozygote à partir du produit PCR d’ADN génomique.. ... 37 Figure 12 Masse cardiaque totale de souris âgées de 7 mois et de 12 mois. ... 38 Figure 13 Masse ventriculaire gauche de souris âgées de 12 mois estimée à partir des échocardiographies. ... 39 Figure 14 Tracés de courant sodique en configuration cellule entière sur des cardiomyocytes ventriculaires de souris âgées de 7 mois et 12 mois de génotype sauvage, hétérozygote et homozygote.. ... 40 Figure 15 Courbe courant-potentiel (I-V) obtenue à partir des tracés de courant sodique enregistrés sur des cardiomyocytes ventriculaires de souris âgées de 7 mois et de 12 mois.. ... 40 Figure 16 Courbes d’activation et d’inactivation obtenues à partir de cardiomyocytes ventriculaires de souris âgées de 7 mois et 12 mois de génotype sauvage, hétérozygote et homozygote. ... 42 Figure 17 Courbe de la récupération de l’inactivation obtenue à partir de cardiomyocytes ventriculaires de souris âgées de 7 mois et de 12 mois de génotype sauvage, hétérozygote, et homozygote.. ... 43 Figure 18 Exemples de tracés bruts de courant oméga obtenus à partir de cardiomyocytes ventriculaires de souris âgées de 7 mois de génotype sauvage, hétérozygote et homozygote à un pH7,4, pH6 et pH8. ... 44 Figure 19 Exemples de tracés bruts de courant oméga obtenus à partir de cardiomyocytes ventriculaires de souris âgées de 12 mois de génotype sauvage, hétérozygote et homozygote à un pH7,4, pH6 et pH8. ... 45 Figure 20 Courbes courant-potentiel (I-V) obtenues à partir de cardiomyocytes ventriculaires de souris âgées de 7 mois et de 12 mois de génotype sauvage, hétérozygote et homozygote. ... 46 Figure 21 Tracés de potentiels d’action obtenus de cardiomyocytes ventriculaires de souris âgées de 7 mois et de 12 mois de génotype sauvage, hétérozygote et homozygote. ... 47 Figure 22 Amplitude des potentiels d’action et taux maximal de changement de voltage dans des cardiomyocytes ventriculaires de souris âgées de 7 mois et de 12 mois de génotype sauvage, hétérozygote et homozygote... 48

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Figure 23 Durée du potentiel d’action à 50% et 90% de la repolarisation obtenue dans des cardiomyocytes ventriculaires de souris âgées de 7 mois et de 12 mois de génotype sauvage, hétérozygote et homozygote... 49 Figure 24 Vecteur pACNTV/SCN5A-R219H inséré dans les cellules souches embryonnaires (ES) de souris. ... 57 Figure 25 Représentation schématique de la construction utilisée (ii) et de la structure des exons WT (i) et muté (iii) du gène SCN5A. ... 57 Figure 26 Masse cardiaque totale normalisée de souris âgées de 7 mois et de 12 mois. ... 58 Figure 27 Masse ventriculaire gauche normalisée de souris âgées de 12 mois estimée à partir des échocardiographies. ... 59 Figure 28 Modification du diamètre ventriculaire gauche en diastole et systole et de l’efficacité de contraction des ventricules chez des souris homozygotes R219H. ... 59 Figure 29 Exemples d’images d’échocardiographie obtenues en mode TM (temps-mouvement) permettant le calcul du diamètre ventriculaire gauche en fin de diastole et systole chez des souris de génotype sauvage, hétérozygote et homozygote âgées de 12 mois. ... 60 Figure 30 Coupes frontales et transversales de cœurs de souris âgées de 12 mois de génotype sauvage, hétérozygote et homozygote (0.8X). ... 61 Figure 31 Grossissement 40X dans la région de l’apex et de la paroi du ventricule gauche des coupes frontales de souris âgées de 12 mois de génotype sauvage, hétérozygote et homozygote. ... 62

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Liste des abréviations

A : ampère

ACN : tACE-Cre/Neor

ADN : acide désoxyribonucléique

ADNc : acide désoxyribonucléique complémentaire ARN : acide ribonucléique

ARVC : cardiomyopathie arythmogène du ventricule droit bpm : battement par minute

BrS : syndrome de Brugada BSA : albumine sérique bovine Ca2+ : calcium

CaCl2 : chlorure de calcium Ca(OH)2 : hydroxyde de calcium Choline-Cl : chlorure de choline Cre : recombinase

CsF : fluorure de césium CsOH : hydroxyde de césium DCM : cardiomyopathie dilatée ddH2O : eau di-distillée

DMEM : Dulbecco’s Modified Eagle Medium DTD : diamètre en télédiastole

DTS : diamètre en télésystole E : potentiel

EDTA : acide éthylène diamine tétra-acétique

EGTA : acide éthylenebis (oxyéthyléné(nitrilo) tétra-acétique) ES : souche embryonnaire

G : conductance g : gramme

HCN4 : gène codant pour le canal ionique activé par l’hyperpolarisation contribuant au courant If HE : hétérozygote

HEPES : acide 4-(2-hydroxyéthyl)-1 pipérazine éthanosulfonique HO : homozygote

Hz : Hertz I : courant K+ : potassium

KCl : chlorure de potassium

KCNQ1 : gène codant pour le canal potassique voltage-dépendant, sous-famille Q membre 1 K-glutamate : glutamate mono-potassique

KH2PO4 : phosphate de mono-potassium KOH : hydroxyde de potassium

L : litre

LQT3 : long QT 3

LVEDD : diamètre télédiastolique du ventricule gauche LVESD : diamètre télésystolique du ventricule gauche LVNC : non-compaction ventriculaire gauche

MES : acide 2-(N-Morpholino)éthanesulfonique MgCl2 : chlorure de magnésium

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xi min : minute mL : millilitre mM : milli molaire mol : mole ms : milliseconde MΩ : méga Ohm N : normalité Na+ : sodium

NaCl : chlorure de sodium NaHCO3 : bicarbonate de soude

NaH2PO4 : dihydrogénophosphate de sodium NaOH : hydroxyde de sodium

Neor : marqueur de séléction néomycine phosphotransfèrase NMDG : N-méthyl-D-glucamine

pA : pico ampère pb : paire de bases

PCR : réaction de polymérase en chaîne pF : pico farad

R : résistance

RCF : force centrifuge relative

RYR2 : gène codant pour le récepteur cardiaque de la ryanodine S : siemens

SCN5A : gène codant pour le canal sodique voltage-dépendant Nav1.5 SDS : dodécylsulfate de sodium

SEM : erreur type de la moyenne

tACE : enzyme de conversion de l’angiotensine murin Tris : trihydroxyméthylaminométhane

U : unité V : volt

VTD : volume en télédiastole VTS : volume en télésystole

V1/2 : constante représentant le voltage au niveau du point moyen lorsque l’activation est maximale. WT : type sauvage

µL : microlitre µm : micromètre ºC : degré Celsius

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Remerciements

Je remercie, en tout premier lieu, mon directeur de recherche, Mohamed Chahine, de m’avoir permis de travailler sur ce projet passionnant et d’avoir mis à ma disposition tous les moyens nécessaires à sa réalisation.

Je tiens tout particulièrement à remercier ma collègue, Valérie Pouliot, qui m’a accompagnée et soutenue tout au long de ces deux années de maîtrise. Sa patience et son aide ont été inestimables. Je remercie également mon collègue Hugo Poulain pour ses conseils avisés et son aide au patch clamp.

J’aimerais remercier également les personnes avec qui j’ai eu l’occasion de collaborer sur ce projet, et en particulier Sabrina Biardel du service de pathologie de l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec (IUCPQ) et à l’équipe du professeur Jacques Couët de l’IUCPQ, et tout particulièrement, Marie-Claude Drolet.

Enfin, je tiens également à remercier l'ensemble des membres de ma famille ainsi que mes amis, Maria, Christian et Annie pour leur soutien et leurs encouragements tout au long de ma maîtrise. Je remercie également mon amie, Jenny Wong, pour sa patience et le temps consacré à la relecture de mon mémoire de maîtrise.

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Avant-propos

Le modèle de souris transgénique R219H a été produit avant mon arrivée dans le laboratoire. Après avoir contrôlé le développement de la colonie, l’objectif principal de ma maîtrise fut de mettre en place un protocole de dissociation cellulaire dans le but d’obtenir des cellules ventriculaires chez des souris adultes de génotype sauvage, hétérozygote et homozygote. Suite à l’obtention de ces cellules, j’ai été en charge d’effectuer, au moyen de la technique de patch clamp, une caractérisation électrophysiologique. La partie « résultats » de ce mémoire de maîtrise présente uniquement le génotypage que j’ai réalisé, avec l’aide de l’assistante de recherche Valérie Pouliot, ainsi que les résultats obtenus au patch clamp. Des mesures de masse cardiaque que j’ai réalisées au cours de mes expérimentations avec les animaux sont également présentées dans cette partie.

Afin de compléter la caractérisation électrophysiologique par une caractérisation morphologique, des coupes histologiques ont été réalisées avec la collaboration de Sabrina Biardel du service pathologique de l’IUCPQ à Québec. Des échocardiographies ont également été réalisées en collaboration avec l’équipe du Professeur Jacques Couët de l’IUCPQ afin de déterminer plus précisément l’activité et la morphologie cardiaques des souris transgéniques. Les résultats des échocariographies et des coupes histologiques sont exposés, respectivement, en Annexes 2 et 3 de ce mémoire.

Relativement aux coupes histologiques, j'ai réalisé les opérations sur les animaux afin d'en prélever les cœurs. Après une nuit dans une solution de PBS-PFA, ceux-ci ont été ramenés à l’IUCPQ par l’assistante de recherche Valérie Pouliot. J'ai ensuite coupé les cœurs avec son aide à l'IUCPQ et je les ai disposés dans des cassettes qui ont, par la suite, été transférées au service pathologique. Le service pathologique a alors paraffiné les cassettes et effectué une coupe au cryostat pour chaque moitié de cœur, la coloration et les numérisations. Après avoir sélectionné les coupes obtenues, je les ai analysées. Concernant les échocardiographies, celles-ci ont été réalisées par Marie-Claude Drolet. J’étais présente le jour des examens avec l’assistante de recherche afin de réaliser les mesures de masse des animaux et des cœurs et de les mettre dans la solution de PBS-PFA pour que des coupes histologiques soient réalisées sur ces mêmes cœurs. Après réception des résultats des échocardiographies, je les ai analysés.

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1

Chapitre I Introduction

I.1 Structure et fonctionnement du myocarde

I.1.1 Notion d’anatomie et physiologie

Le cœur est une pompe composée de quatre chambres : deux oreillettes (droite et gauche) et deux ventricules (droit et gauche). Les oreillettes sont situées au niveau de la surface supérieure du myocarde et sont de taille beaucoup plus petite que les deux ventricules qui les supportent. Le cœur comporte aussi quatre valves permettant une circulation unidirectionnelle du sang entre ses différentes chambres (Figure 1). La valve tricuspide se situe entre l’oreillette droite et le ventricule droit et la valve pulmonaire entre le ventricule droit et l’artère pulmonaire. Entre l’oreillette gauche et le ventricule gauche se trouve la valve mitrale et entre le ventricule gauche et l’aorte, la valve aortique. Le cœur est connecté au système vasculaire afin de pourvoir l’ensemble des organes en oxygène et en nutriments et de permettre le recyclage ou le retrait des déchets produits par l’organisme.

Figure 1 Représentation schématique du système circulatoire interne cardiaque. Le sang

veineux rejoint l’oreillette droite puis le ventricule droit pour être éjecté dans l’artère pulmonaire afin d’être oxygéné au niveau des poumons. Il rejoint ensuite l’oreillette gauche puis le ventricule gauche pour être délivré, via l’aorte, à l’ensemble de l’organisme.

Le sang déficient en oxygène, provenant des organes, rejoint l’oreillette droite par la veine cave supérieure et inférieure. Il traverse ensuite la valve tricuspide et se déverse dans le ventricule droit avant d’être expulsé dans la circulation pulmonaire par l’artère pulmonaire. Après s’être chargé en

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oxygène, il retourne à l’oreillette gauche pour ensuite se déverser dans le ventricule gauche. Le sang oxygéné est alors envoyé vers l’aorte pour être distribué à l’ensemble des organes. Le remplissage des ventricules se fait approximativement de manière synchrone après l’ouverture des valves tricuspide (ventricule droit) et mitrale (ventricule gauche) à cause d’une légère différence de pression entre les oreillettes et les ventricules. La plus grande partie du sang circule alors de manière passive dans les ventricules lorsque leur pression interne est inférieure à celle des oreillettes. À mesure que les ventricules se remplissent, leur pression interne augmente. La contraction des oreillettes permettra d’expulser le volume de sang restant dans les ventricules.

I.1.2 Système électrique cardiaque

I.1.2.1 Système de conduction

La circulation sanguine au sein du myocarde, et par extension au niveau des organes, est effectuée grâce à la coordination de la contraction des oreillettes et des ventricules. Les oreillettes et les ventricules ont la propriété de se contracter de manière rythmique et coordonnée grâce à la propagation d’influx électriques (ou potentiels d’action) aux cellules les composant. Les cellules du nœud sinusal (ou cellules « pacemaker ») situées dans la paroi supérieure de l’oreillette droite possèdent la propriété de déclencher spontanément une impulsion électrique menant éventuellement à une contraction à une fréquence comprise entre 60 et 100 battements par minute (bpm). Elles sont responsables de l’initiation de la contraction du myocarde. L’influx électrique qu’elles génèrent se propage ensuite à l’ensemble des cellules adjacentes de l’oreillette droite et de l’oreillette gauche au moyen des « jonctions communicantes ». L’influx converge finalement vers le nœud atrio-ventriculaire situé au niveau de la cloison séparant les oreillettes des ventricules. L’influx est alors ralenti afin de permettre aux ventricules de se remplir. Le nœud atrio-ventriculaire permet un découplage de la contraction des oreillettes et des ventricules. L’influx électrique est ensuite transmis simultanément et très rapidement aux deux ventricules par le biais du faisceau de His et du réseau des fibres de Purkinje étalées sous l’endocarde. La contraction ventriculaire s'amorce au niveau de l’apex pour se propager ensuite à l’ensemble des ventricules simultanément (Figure 2).

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3

Figure 2 Représentation du système de conduction interne cardiaque1. Les cellules du nœud sinusal induisent le déclenchement d’impulsions électriques qui se propagent à l’ensemble des oreillettes avant d’atteindre le nœud auriculo-ventriculaire. L’influx est ensuite transmis aux ventricules au moyen du faisceau de His et du réseau des fibres de Purkinje.

Le cœur est en systole lorsque le myocarde se contracte et que les fibres musculaires raccourcissent alors qu’il est en diastole lorsque celui-ci se relâche et que les fibres se détendent permettant ainsi aux ventricules de se remplir. La contraction des oreillettes est initiée vers la fin de la diastole ventriculaire. Elle n’est donc pas essentielle à un remplissage complet des ventricules au repos. La diastole a une durée d’un peu plus de deux fois supérieure à celle de la systole. Cette durée diminue à mesure que le rythme cardiaque augmente. La contraction des oreillettes devient alors indispensable pour remplir les ventricules adéquatement. Le rythme cardiaque basal est compris entre 60 et 100 bpm.

I.1.2.2 Électrophysiologie cellulaire

I.1.2.2.1 Le potentiel électrique membranaire

L’activité contractile cardiaque résulte de la contraction répétée de chaque cardiomyocyte et de leur capacité à générer et transmettre un stimulus électrique. Cela repose sur une propriété fondamentale partagée par l’ensemble des cellules, à savoir, la présence d’un potentiel électrique de part et d’autre

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4

de leur membrane. Le potentiel membranaire (ou transmembranaire) de repos correspond à la différence de potentiel électrique entre les milieux intracellulaire et extracellulaire lorsque la cellule n’est pas excitée. Le milieu intracellulaire possède un voltage négatif, comparativement au milieu extracellulaire, qui est d’environ - 85 mV dans les cellules cardiaques. Ce potentiel de repos résulte essentiellement de la différence de concentration des ions potassium, sodium et calcium entre le milieu intracellulaire et extracellulaire. La concentration en sodium et calcium est plus importante dans le fluide interstitiel alors que la concentration en potassium est plus importante dans le milieu intracellulaire (Tableau 1). Cette différence de concentration ionique est contrebalancée par le phénomène de diffusion passive à travers la bicouche lipidique. Le taux de diffusion est fonction du gradient de concentration et tend, à terme, à établir un équilibre électrochimique. Le maintien de la répartition inégale des charges au repos résulte essentiellement de l’activité de la pompe Na+

/K+ -ATPase qui permet l’extrusion de sodium et l’import de potassium contre leur gradient de concentration, dans un rapport 3Na+/2K+. La variation de potentiel, lorsque la cellule est excitée, est causée par l’activité des canaux sodiques, potassiques et calciques. Les canaux ioniques sont responsables de la génération des potentiels d’action dans les cardiomyocytes. La perméabilité des ions K+, Na+, Ca2+ est alors dépendante de l’état dans lequel les canaux se trouvent et du nombre de canaux ouverts pour une même espèce ionique.

Tableau 1 Concentrations ioniques moyennes extracellulaire et intracellulaire d’une cellule cardiaque de mammifère.

Concentration extracellulaire (mM) concentration intracellulaire (mM)

Na+ 140 20

K+ 4 150

Ca+ 2,5 0,001

Cl- 110 5

I.1.2.2.2 Le potentiel d’action

Un potentiel d’action constitue une variation transitoire du potentiel membranaire de repos en fonction du temps. Il est le résultat de l’activation et de l’inactivation coordonnées des canaux sodiques, potassiques et calciques. La forme des potentiels d’action des cellules cardiaques varie suivant la région, mais également, suivant qu’elles soient dotées d’automaticité. Malgré la variabilité de forme, les potentiels d’action présentent tous cinq phases relativement distinctes.

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Figure 3 Représentations des activités ioniques au cours d’un potentiel d’action ventriculaire.

(A) représentation schématique d’un potentiel d’action ventriculaire. (B) Représentation schématique de l’activité des courants au court du temps. La phase 0 de dépolarisation se caractérise par un courant sodique entrant qui dépolarise le potentiel transmembranaire (INa). Après la

fermeture des canaux sodiques, un courant potassique sortant engendre une phase de repolarisation précoce (Ito). L’équilibre électrique entre l’influx de calcium (ICa) et l’efflux de potassium (IKs,r)

engendre la phase plateau 2. La phase 3 de repolarisation résulte de la fermeture des canaux sodiques et calciques et d’un efflux important de potassium. Image de (Nerbonne JM, 2005).

La phase 0 du potentiel d’action ou phase de dépolarisation rapide correspond à un changement de perméabilité au sodium (Figure 3). Une entrée importante de sodium s’effectue par le biais des canaux sodiques Nav1.5. Les canaux sodiques s’inactivent rapidement ce qui permet l’initiation de la phase 1 ou phase de repolarisation rapide. Elle résulte d’un courant transitoire sortant de potassium (Ito pour transient outward potassium current) qui s’active et s’inactive rapidement. Il s’ensuit la phase 2 ou phase plateau principalement causée par l’activation de canaux calciques de type L responsables d’un courant entrant de calcium. Celui-ci est contrebalancé par l’activation de courants potassiques rectifiants (IKur, IKr, IKs). Finalement, une phase de repolarisation due à l’augmentation de la conductance des courants potassiques (courant IKr et IKs) permet le retour au potentiel membranaire de repos.

A

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I.1.2.2.3 Principes de bioélectricité

L’activité électrique, dans les cellules excitables, est possible grâce à la différence de potentiel électrochimique créée de part et d’autre de la membrane. Cette différence de potentiel se maintient, lorsque les canaux sont fermés, car la bicouche lipidique est un bon isolant. Le mouvement des ions au travers de cette bicouche requiert l’ouverture des canaux et un gradient électrochimique qui favorise leur mouvement. Il est possible de déterminer le potentiel électrochimique établi de part et d’autre de la membrane quand celui-ci ne dépend que d’une espèce ionique au moyen de l’équation de Nernst :

Cette différence de potentiel calculé pour un type ionique correspond au potentiel d’équilibre de cette espèce ionique. Ainsi, le potentiel d’équilibre du potassium, par exemple, est d’environ – 90 mV. Étant donné que le potentiel électrochimique (ou transmembranaire) est la « force » permettant la circulation unidirectionnelle de cet ion, à mesure que la différence entre le potentiel transmembranaire et le potentiel d’équilibre du potassium se réduit, cette « force » diminue aussi. Le flux net du potassium est nul si le potentiel transmembranaire est égal à son potentiel d’équilibre. L’équation de Nernst repose sur le principe suivant lequel le flux d’une espèce ionique (en considérant que la membrane est imperméable aux autres ions) ainsi que sa direction sont proportionnels au gradient électrique et chimique établi de chaque côté de la membrane.

L’équation de Nernst permet d’obtenir le potentiel membranaire dans le cas où celui-ci ne dépendrait que de la circulation d’un seul type ionique. Dans le cas où plusieurs ions seraient impliqués, le potentiel membranaire peut être calculé au moyen de l’équation de Goldman-Hodgkin-Katz :

Veq : le potentiel d’équilibre

Vm : le potentiel membranaire

R : constante des gaz parfaits (8,315 J.K-1.mole-1)

T : température absolue en Kelvin (°K = °C + 273,16)

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7

F : constante de Faraday (9,6485.10-4 C mol-1)

pK : la perméabilité membranaire relative du K +

pNa : la perméabilité membranaire relative du Na+

pCl : la perméabilité membranaire relative du Cl

-Le potentiel calculé au moyen de l’équation de GHK correspond également au potentiel d’inversion dans le cas où le flux ionique est nul. Il s’agit du potentiel atteint lorsqu’une espèce ionique est en équilibre.

Comme il a été mentionné plus haut, le flux des ions à travers la bicouche lipidique ne dépend pas seulement du potentiel membranaire, mais aussi de l’ouverture des canaux. La bicouche lipidique est comparable à un isolant et les canaux à des résistances dans un système électrique. Ainsi, la résistance est maximale lorsque les canaux sont fermés. Inversement, la conductance est maximale lorsque les canaux sont ouverts. Considérant une espèce ionique en particulier, il est possible de déterminer son flux à travers la membrane en tenant compte, d’une part, de la différence entre son potentiel d’équilibre et le potentiel transmembranaire et, d’autre part, de la résistance des canaux. Le flux des ions, c’est-à-dire le nombre de charges circulant au travers de la membrane, correspond au courant (I, mesuré en Ampère (A)). Le courant rend compte du débit de ce flux et peut être calculé au moyen de la loi d’Ohm :

I

ion

= G

ion

(E

m

– E

ion

)

La loi d’Ohm est habituellement formulée par la relation suivante :

∆V =R.I

Iion : le courant ionique

Gion : la conductance pour l’ion

Em : potentiel membranaire

Eion : potentiel d’équilibre de l’ion

∆V : la différence de potentiel membranaire (∆V = (Em – Eion))

R : la résistance (R= 1/ Gion)

Suivant la loi d’Ohm, le courant ionique est proportionnel, à la fois, à la conductance des canaux (

G

ion) et à la différence entre le gradient électrochimique et le potentiel d’équilibre de l’ion (soit

Em-Eion). Cette différence constitue la « force électrochimique » (« driving force »). La force électrochimique correspond à la variation du voltage cellulaire (∆V, mesuré en Volt (V)) en fonction de l’état des canaux et du courant.

(21)

8

La facilité avec laquelle le canal ionique laisse circuler les ions correspond à la conductance (G, mesurée en Siemens (S)). La conductance ionique n’est pas seulement dépendante de la propriété intrinsèque du canal à laisser circuler un ion (γ, conductance unitaire), mais aussi du nombre de canaux à la membrane (N) et de leur probabilité d’ouverture (Po). Ainsi, la conductance G pour un ion est calculée par la relation suivante : Gion = γNPo. Inversement, la résistance du canal (R, mesurée en Ohm (Ω)) correspond à la difficulté avec laquelle les ions circulent par le canal. La résistance R est égale à l’inverse de la conductance, soit 1/G. Enfin, la propriété d’isolation de la bicouche lipidique génère une capacitance membranaire (Cm, en Farad (F)), c’est-à-dire une accumulation locale de charges.

Le potentiel membranaire de repos d’un cardiomyocyte (-85 mV) est relativement proche du potentiel d’équilibre pour le potassium (-90 mV). La repolarisation cellulaire (phase 3 du potentiel d’action) est alors principalement dépendante de l’extrusion du potassium. Cela favorise la circulation du sodium et du calcium vers le milieu intracellulaire.

I.1.2.3 La technique de patch clamp

I.1.2.3.1 Historique

La technique de patch clamp permet de mesurer l’activité des canaux ioniques de manière globale, c’est-à-dire au niveau de la cellule entière, ou de manière unitaire, en isolant un fragment de la membrane plasmique. Elle est née de l’évolution des techniques utilisées pour comprendre les phénomènes électriques au niveau cellulaire. Plusieurs avancées importantes, notamment techniques, ont permis l’élaboration de cette technique telle qu’elle est connue aujourd’hui.

Les premiers enregistrements de potentiels d’action avaient été effectués indépendamment par Cole & Curtis(Curtis HJ, 1940) et Hodgkin & Huxley(Hodgkin AL, 1939) sur l’axone géant du calamar en y insérant des mini-électrodes. Peu de temps après, Cole(Cole KS, 1949) et Marmont(Marmont G, 1949) ont réussi à enregistrer sur l’axone de calamar le voltage membranaire au repos ainsi que les courants intracellulaires produits lorsque celui-ci est excité. L’activité des courants ioniques mesurés au niveau de l’axone géant de calamar a été abondamment décrite par Hodgkin et Huxley et ils ont postulé l’existence de pores qui seraient responsables de leur flux à travers la membrane cellulaire. Ce n’est, cependant, qu’une dizaine d’années plus tard que des enregistrements de courants unitaires transitant par des canaux ioniques ont pu être obtenus (Müller P R. D., 1962), (Müller P R. D., 1963). Les enregistrements avaient été réalisés sur une bicouche lipidique artificielle. L’utilisation de microélectrodes de verre à l’extrémité polie a également permis une

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amélioration importante de la qualité des enregistrements. Ces microélectrodes ont été utilisées pour la première fois par Neher et Hans Dieter Lux(Neher E, 1969). Neher et Sackmann(Hamill OP, 1981) ont, par la suite, montré que polir les pipettes de verre permet de diminuer de façon importante le bruit électrique. De plus, en appliquant des succions successives après avoir collé la pipette à la membrane, il se crée un « Gigaseal » (un « seal » avec une résistance élevée) qui permet d’isoler une portion extrêmement réduite de la membrane cellulaire afin d’enregistrer des courants unitaires(Sackmann B, 1984). Neher et Sackmann sont à l’origine de la technique de patch clamp telle que nous la connaissons aujourd’hui.

I.1.2.3.2 Principe

La technique de patch clamp consiste à coller à la surface de la membrane cellulaire une pipette de verre à l’extrémité polie dont le diamètre est de l’ordre du micromètre. L’extrémité de la pipette est remplie d’une solution mimant la composition du liquide intracellulaire. La pipette demeure collée (« seal ») à la membrane en créant une pression négative par succion. Plusieurs configurations sont possibles selon que l’on veuille mesurer l’activité globale des canaux ioniques ou leur activité unitaire. En appliquant de nouvelles succions ou en imposant transitoirement un voltage, il est possible de briser la membrane cellulaire et permettre l’accès de la pipette au milieu intracellulaire. Cette configuration est dite « attachée » (« cell-attached »), car il y a une continuité entre la membrane cellulaire et l’extrémité de la pipette. Cette configuration permet de contrôler le voltage cellulaire, d’enregistrer l’ensemble des courants ioniques de la cellule, mais aussi de les isoler en variant la composition de la solution intracellulaire de la pipette ou de la solution extracellulaire. Il est aussi possible, après avoir effectué le « Gigaseal », d’isoler une portion de la membrane cellulaire contenant un canal ionique, en retirant la pipette, exposant ainsi la portion intracellulaire de la membrane. Dans ce cas, il s’agit d’une configuration « inside-out ». Inversement, une configuration « outside-out » est obtenue en permettant le repli de la portion de membrane arrachée après que la pipette ait été retirée (Figure 4).

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Figure 4 Configurations possibles par la technique de patch clamp. La configuration

cellule-entière (b) permet d’enregistrer l’ensemble des courants cellulaire alors que les configurations « inside-out » et « outside-out » permettent une étude unitaire des canaux ioniques en isolant un fragment de la membrane cellulaire. La figure présentée provient de (Zhao Y, 2008).

Une fois établi l’accès au milieu intracellulaire de la cellule, il est possible d’adopter deux configurations d’enregistrement, le « voltage clamp » ou le « current clamp ». La méthode de

voltage clamp en configuration cellule-attachée permet de mesurer les courants ioniques circulant à

travers la membrane cellulaire. Elle consiste à imposer graduellement différents potentiels membranaires et à mesurer les courants entrants ou sortants engendrés. Il est possible d’éliciter les courants mesurés, c’est-à-dire de mesurer plus spécifiquement des courants sodiques, potassiques ou calciques, dépendamment de leur cinétique, de la composition des solutions utilisées ou encore en utilisant des bloqueurs spécifiques des canaux ioniques. La méthode de current clamp en configuration cellule-attachée est utilisée afin de déterminer le potentiel membranaire correspondant à différents courants imposés en fonction du temps et permet d’enregistrer des potentiels d’actions.

I.2. Le canal sodique Nav1.5 dépendant du voltage

I.2.1 Fonction

Le gène SCN5A, situé sur le chromosome 3 à la position 22.2, code pour la sous-unité alpha du canal sodique dépendant Nav1.5. Il appartient à la famille des canaux sodiques voltage-dépendants qui compte 9 membres (Nav1.1 à Nav1.9) chez les mammifères. Le canal sodique cardiaque est composé de la sous-unité alpha (Nav1.5) qui forme le pore du canal et de la sous-unité bêta. La unité alpha seule est suffisante afin de permettre la circulation du sodium. Les sous-unités bêta sont cependant capables de modifier la cinétique du pore(Rook MB, 2012). Un grand

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nombre de protéines, également, interagissent avec la sous-unité alpha. Le canal Nav1.5 est majoritairement exprimé au niveau du cœur et il est responsable de la phase de dépolarisation du potentiel d’action des cardiomyocytes, à l’exception de celui initié par les cellules du nœud sinusal et du nœud atrio-ventriculaire.

I.2.2 Structure

La protéine Nav1.5 se compose de 24 segments transmembranaires répartis en 4 domaines homologues (DI-DIV) de 6 segments (S1-S6). La boucle extracellulaire reliant les segments S5 et S6 de chaque sous-unité forme le pore du canal et les segments S1 à S4 forment le domaine sensible au voltage (VSD pour « Voltage sensor domain »). Le segment S4, aussi appelé centre de transfert de charge, comporte des charges positives à intervalle régulier portées par des arginines. Chaque arginine est suivie de deux résidus hydrophobes. Le nombre de charges positives des segments S4 est variable suivant le domaine.

Figure 5 Structure schématique du canal sodique Nav1.5. Le canal se compose de 4 domaines

homologues de 6 segments. Les segments 1 à 4 constituent le domaine sensible au voltage et les boucles reliant les segments 5 et 6 forment le pore du canal. La boucle intracellulaire reliant le segment 6 du domaine III et le segment 1 du domaine IV est la boucle d’inactivation du canal. Image tirée de (Song W, 2012).

La cristallisation du canal sodique bactérien NavAb a révélé que le pore du canal se compose d’un large vestibule, au niveau de la surface extracellulaire, ouvrant sur un filtre de sélectivité responsable de la sélectivité au sodium (Payandeh J, 2011). Ce filtre comporte, dans le canal bactérien, des résidus Thr-Leu-Glu au niveau des quatre domaines, avec les charges négatives des Glu dirigées vers la surface extracellulaire. Ces résidus sont très conservés dans les canaux bactériens, mais sont remplacés, chez les vertébrés, par les résidus Asp-Glu-Lys-Ala. Le filtre de sélectivité déduit à partir du canal sodique d’insecte NavPaS s’apparente à une petite crevasse formée par la pénétration partielle d’une portion de la boucle extracellulaire située entre les segments S5 et S6 des domaines I à IV de la protéine (Shen H, 2017). La présence des résidus

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Asp-12

Glu-Lys-Ala (DEKA) au niveau de ce segment semble être critique. Un anneau de charges négatives est présent juste au-dessus des résidus DEKA, composé des résidus Glu-Glu-Gln-Asp chez NavPaS et juste au-dessous des résidus DEKA, des oxygènes portés par des groupements carbonyles sur les Asp et Glu. Sous le filtre de sélectivité, une cavité hydratée centrale donne accès à la porte d’activation du canal.

Figure 6 Structure du vestibule du filtre de sélectivité du canal sodique du cafard américain Periplaneta americana (NavPaS). Cette figure provient de (Shen H, 2017). Au niveau du vestibule,

les résidus Glu-Gln-Asp génère un anneau de charge négative sous lequel se trouve le filtre proprement dit avec la présence des résidus DEKA critiques pour la sélectivité au Na+.

La cristallisation du canal sodique d’insecte a révélé qu’au niveau de la surface supérieure du pore, la boucle L5 crée un espace donnant accès au filtre de sélectivité. La région est enrichie en charges négatives portées respectivement par les boucles L5 du domaine I et III et L6 du domaine IV. La présence de ces charges négatives (surtout due à la présence d’acide aspartique) permet alors l’exclusion d’anions au profit de cations. Les boucles L5 ont aussi la particularité de posséder des hélices et des feuillets-β antiparallèles permettant des interactions avec la sous-unité β (qui peut moduler l’activité et la cinétique du canal sodique) au moyen d’interactions covalentes et non-covalentes, probablement dû à la présence de ponts disulfures. De plus, il a été montré que, dans le cas du canal sodique bactérien, le sodium traverse le pore sous sa forme hydratée (Catterall WA W. G., 2017). Cela explique notamment la sélectivité au sodium comparativement au calcium qui possède la même envergure.

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I.2.3 Cinétique

Le canal adopte successivement différents états, à savoir un état activé, inactivé et fermé, permettant de contrôler le flux de sodium entrant. Le changement d’état du canal est dépendant de l’ouverture et de la fermeture de deux portes, traditionnellement désignées sous le nom de porte « m » et « h ». La porte « m » désigne la porte d’activation alors que la porte « h » désigne la porte d’inactivation. Après l’atteinte d’un potentiel seuil d’environ -75 mV, la porte « m » s’ouvre et laisse circuler massivement le sodium vers l’intérieur de la cellule produisant ainsi la dépolarisation de la phase 0 du potentiel d’action. Très rapidement, le canal s’inactive par la fermeture de la porte « h » ; le pore demeure ouvert, mais il devient impossible aux ions de traverser le canal. Enfin, il s’en suit une période de récupération de l’inactivation permettant au canal de retourner à son état initial fermé, soit la porte « m » close et la porte « h » ouverte (Figure 7). Cette période de récupération de l’inactivation est une période réfractaire à une nouvelle activation.

Figure 7 Représentations schématiques des états de la protéine relativement à la position des portes « m » et « h »2. La porte d’activation « m » s’ouvre lorsque la cellule se dépolarise. La porte

d’inactivation « h » se ferme rapidement après la dépolarisation faisant entrer le canal dans une période réfractaire à toute nouvelle dépolarisation. Le canal retourne à sa configuration initiale après avoir récupéré de l’inactivation.

I.2.3.1 Activation

L’activation du canal sodique est directement liée au changement de conformation induit par le déplacement des segments S4 au cours d’une dépolarisation. Les charges positives des segments S4 interagissent avec des résidus environnants leur permettant de se déplacer soit du côté intracellulaire soit du côté extracellulaire. Lorsque la cellule se dépolarise, les segments S4, initialement

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maintenus au niveau du cytosol par les forces électrostatiques des charges négatives, se déplacent vers la surface extracellulaire du fait de l’abolition de ces forces. Ce déplacement entraîne un changement de conformation de la protéine qui permet d’activer le canal (Catterall WA W. G., 2017). Le mécanisme intramoléculaire précis à l’origine de l’ouverture du pore demeure cependant obscur.

Deux modèles ont été proposés afin d’expliquer la manière dont s’effectue le couplage électromécanique permettant le déplacement du segment transmembranaire S4 et l’ouverture du pore du canal. En d’autres termes, comment se positionne ce segment et quel est le moyen par lequel il se déplace suite à une dépolarisation. Les deux modèles « sliding-helix » (Catterall WA, 1986) et « helical screw » (Guy HR, 1986) ont été proposés en 1986. Dans le modèle « helical

screw », développé par Guy et Seetharamulu, le segment S4 effectue des rotations autour de son axe

en se mouvant vers la surface extracellulaire. Les charges positives sur le segment S4 sont neutralisées par le biais d’interactions successives avec des résidus chargés négativement sur les segments S1 et S3 environnants. Cela permet, d’une part, le mouvement de S4 et, d’autre part, la sélectivité du pore aux cations. Le modèle « helical screw », développé par Catterall, suppose un mouvement du segment S4 quelque peu différent. Il n’effectuerait pas de rotation autour de son axe tel une vis, mais un mouvement de translation vers la surface extracellulaire grâce à la formation successive d’interactions entre les résidus chargés positivement sur S4 et des résidus hydrophiles et chargés négativement portés par les segments S1, S2 et/ou S3. Le déplacement du segment S4, en réponse à une dépolarisation, entraîne la portion protéique le reliant au segment S5 dans le domaine DI et, par la même occasion, déplace le segment S6 pour ouvrir le pore.

D’après le modèle déduit de la cristallisation du canal bactérien NavAb, les VSD effectueraient un mouvement de rotation, dans le sens horaire, dans le plan de la membrane au cours de l’activation du canal. Ce mouvement se ferait de manière concomitante à celui du segment S4 vers la surface extracellulaire. Cette rotation du module sensible au voltage infligerait une torsion au niveau de la boucle intracellulaire reliant les segments S4-S5 et entraînerait, par la même occasion, un changement des interactions entre le segment S6 et les résidus avoisinants. D’après ce modèle, le mouvement du pore au moment de son ouverture serait comparable à celui d’un iris de caméra (Catterall WA W. G., 2017). La cristallisation du canal d’insecte NavPaS a permis d’obtenir une résolution complète du VSD des quatre domaines ainsi que les boucles connectant les segments du VSD, permettant ainsi de comprendre un peu plus le mécanisme par lequel se meut le VSD pour permettre l’activation du canal. Cela a aussi permis d’obtenir plus précisément le nombre de charges positives portées par les arginines et lysines au niveau des segments S4 de chacun des

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domaines ainsi que leur disposition au niveau des hélices. Les segments S4 des domaines I et III possèdent quatre arginines, dont la première se situe au niveau du second tour de l’hélice (R2) et la dernière au niveau du cinquième tour de l’hélice (R5). Les segments S4 des domaines II et IV possèdent des arginines du second tour au sixième (R2-R6). De plus, les quatre VSD possèdent des conformations différentes et les charges des segments S4 se retrouvent à différentes positions en fonction de leurs interactions avec le centre de transfert de charge CTC et d’autres résidus environnants. La capture du canal NavPaS par microscopie électrique s’est effectuée alors qu’il était fermé. Même si une caractérisation précise du nombre de transferts de charges des S4 a été obtenue ainsi que les résidus environnants avec lesquels ils interagissent dans cet état, l’enchaînement des interactions successives nécessaires à l’ouverture du pore ainsi que les changements de conformation engendrés ne peuvent être complètement élucidés.

I.2.3.2 Inactivation

L’ensemble des canaux sodiques possèdent deux composantes d’inactivation, soit une composante rapide (type N) et une composante lente (type C). L’inactivation rapide du canal est essentielle à la repolarisation des potentiels d’action alors que l’inactivation lente aurait un rôle de modulation de l’excitabilité.

I.2.3.2.1 Inactivation rapide

Le mouvement des segments S4 vers la portion extracellulaire aurait un rôle dans l’inactivation rapide du canal (Yang N, 1996). L’inactivation du canal s’enclenche avec un léger retard par rapport à l’activation, permettant ainsi la conduction du sodium. La porte d’inactivation est une boucle intracellulaire reliant le segment 6 du DIII au segment 1 du DIV. Elle se caractérise par la présence de trois résidus hydrophobes (IFM pour isoleucine, phénylalanine, méthionine) interagissant avec le pore du canal (Stühmer W, 1989), (West JW, 1992).

La porte d’inactivation du canal NavPaS cristallisé possède un arrangement similaire aux Nav humains au niveau de la porte d’inactivation rapide malgré l’absence des résidus IFM. Dans le canal NavPaS, les résidus ATD remplacent les résidus IFM. La portion entre le domaine III et IV portant les résidus ATD est coincée entre le segment 6 du DIII et le segment 6 du DIV, plaçant les résidus ATD à la même distance des extrémités C-terminales des segments 6 des domaines III et IV. Cela permettrait, suivant la conformation déduite du canal, d’importantes interactions entre la boucle reliant les domaines III-IV, le domaine C-terminal ainsi que le segment 6 du domaine III et le domaine sensible au voltage au niveau du domaine IV. Dans le canal humain, il semblerait que la

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portion située entre le segment 6 du DIII et les résidus IFM empêche ces résidus de rejoindre le pore intracellulaire à moins d’un changement de conformation adopté par les segments S6 des DIII et IV. Auquel cas, le pore s’en trouverait obstrué. De plus, étant donné la conservation importante de certains résidus au niveau de l’extrémité C-terminale et leurs interactions avec des résidus aussi très conservés de la portion cytoplasmique reliant les segments S4-S5 du DIV et leurs interactions possibles avec le domaine sensible au voltage et les résidus ATD (ou IFM), on peut en déduire que le domaine sensible au voltage ainsi que le domaine C-terminal ont aussi un rôle à jouer dans l’inactivation rapide du canal.

I.2.3.2.2 Inactivation lente

L’inactivation lente peut s’enclencher lorsque le canal est soumis à une dépolarisation prolongée ou à une série de dépolarisations. Le canal peut alors s’inactiver pendant une centaine de millisecondes à plusieurs secondes. L’inactivation lente a pour conséquence une diminution de l’amplitude de courant en diminuant le nombre de canaux disponibles. L’inactivation lente et l’inactivation rapide ne sont pas affectées par les mêmes agents pharmacologiques, ce qui suggère que le mécanisme intramoléculaire soit différent. Le mécanisme à l’origine de cette composante demeure peu compris, mais il semble que l’inactivation lente résulte d’un remodelage du pore de la protéine (Vilin YY, 2001). Le processus d’inactivation lente est différent suivant les isoformes. Il a été principalement caractérisé dans le canal Nav1.4 et Nav1.5. La probabilité d’entrée en inactivation lente est beaucoup plus importante pour Nav1.4 que pour Nav1.5 et il semblerait que cela soit aussi le cas pour Nav1.1 et Nav1.2. La différence de probabilité d’entrée en inactivation lente entre Nav1.4 et Nav1.5 résulte surtout de la différence de structure de la région du pore dans le domaine II de la protéine. De plus, il semblerait que l’interaction du canal Nav1.4 avec la sous-unité bêta favorise la stabilisation de cet état (Vilin YY, 2001).

I.2.4 Expression et régulation

Le canal sodique Nav1.5 est principalement exprimé au niveau du cœur, mais il a aussi été détecté dans le cerveau et l’intestin (Wu L, 2002), (Lyford GL, 2003). L’expression de la protéine dans le cœur n’est pas homogène. Elle est abondante dans la portion du système de conduction située dans les ventricules, mais pratiquement absente de la portion située au niveau des oreillettes. Son niveau d’expression, dans le ventricule, varie aussi en fonction des parois ; elle est plus abondante au niveau de l’endocarde que de l’épicarde (Remme CA V. A., 2009). La protéine est abondamment exprimée au niveau des disques intercalaires, mais de manière moins importante au niveau de la membrane latérale des cardiomyocytes (Maier SKG, 2004). Le canal sodique possède de nombreux

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partenaires d’interaction et est sujet à diverses modifications post-traductionnelles dont, notamment, la glycosylation, la phosphorylation et l’ubiquitination (Detta N, 2015). Les modifications post-traductionnelles modulent aussi bien la densité de concentration de la protéine à la surface cellulaire, son internalisation ou sa dégradation, ainsi que les cinétiques d’activation et d’inactivation (Marionneau C, 2015). De nombreuses protéines interagissent avec Nav1.5, notamment au niveau de l’extrémité C-terminale. Elles sont impliquées dans la régulation de l’expression du canal à la surface cellulaire en régulant son externalisation ou son internalisation, mais aussi dans la régulation de la densité de courant (Detta N, 2015), (Marionneau C, 2015). Certaines de ces protéines interagissant avec le canal sodique, par exemple la CaMKIIδc (isoforme cardiaque de la Ca2+/Calmodulin-dependent protein kinase II), peuvent devenir des cibles potentielles dans le traitement de certaines pathologies cardiaques. La CaMKIIδc est surexprimée dans des modèles de souris de défaillance cardiaque et cette surexpression modifie les propriétés biophysiques du canal en provoquant une inactivation à des potentiels plus hyperpolarisés et en ralentissant la récupération de l’inactivation (Wagner S, 2006).

I.2.5 Canalopathies associées au gène SCN5A

Les canalopathies sont un groupe hétérogène de maladies causées par des dysfonctionnements des canaux ioniques. Elles peuvent être héritées ou acquises et sont le résultat d’altérations soit de la fonction du canal ionique (et plus particulièrement du pore alpha) soit de la fonction des protéines régulatrices de ce canal (comme de la sous-unité bêta).

Des canalopathies héréditaires, causées par des mutations sur le gène SCN5A, ont commencé à être rapportées dans les années 90. Les mutations sporadiques ou à caractères familiaux sur SCN5A représentent environ 20 % des cas de canalopathies et le gène SCN5A est impliqué dans presque toutes les canalopathies détectées (Roston TM C. T., 2017). La majorité des mutations sur SCN5A causent des troubles rythmiques (aussi bien de la tachycardie que de la bradycardie) sans anormalité morphologique, à l’exception de la cardiomyopathie dilatée. Neuf pathologies héréditaires sont liées au gène SCN5A et sont référencées dans le catalogue OMIM3 (« Online Mendelian Inheritance in

Man »). Le syndrome du QT long 3 (LQT3) et le syndrome de Brugada (BrS) sont les

canalopathies les plus fréquentes avec, respectivement, une prévalence d’environ 1:2500 et 1:10 000. Le syndrome du LQT3 se caractérise, au niveau du potentiel d’action, par un

3

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prolongement de la phase de repolarisation ventriculaire. La durée nécessaire pour retourner au potentiel membranaire de repos est alors supérieure à ce qu’elle devrait être normalement. Cela se traduit par un allongement de l’intervalle QT sur un électrocardiogramme de surface (Figure 8). Ce type d’anomalie au niveau de la repolarisation est propice à la survenue de « EADs » (post-dépolarisations précoces) pouvant mener au déclenchement de torsades de pointe (tachycardies ventriculaires polymorphes). Celles-ci conduisent finalement à l’arrêt cardiaque.

Le syndrome de BrS a été décrit pour la première fois en 1991 par les frères Brugada (Brugada P, 1992). Celui-ci se caractérise, au niveau électrique, par des fibrillations ventriculaires (perte de l’activité électrique organisée menant à une contraction désorganisée des ventricules) et de la tachycardie ventriculaire (augmentation du rythme ventriculaire). Les fibrillations aboutissent à un arrêt circulatoire dans l’organisme et sont la cause de morts subites. La tachycardie ventriculaire peut aussi mener à de la fibrillation ventriculaire. Un électrocardiogramme mettra en évidence un bloc de branche droite et une élévation persistante du segment ST au niveau du point J (Figure 8). Des mutations sur SCN5A sont aussi responsables de fibrillations auriculaires (battement désynchronisé des oreillettes) qui sont le type d’arythmie la plus fréquente au Canada et aux États-Unis (Savio-Galimberti E, 2014). Le gène SCN5A est aussi impliqué dans la maladie rythmique de l’oreillette (« sick sinus syndrome ») qui se caractérise par de la bradycardie causée par un dysfonctionnement du nœud sinusal (Benson DW, 2003).

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Figure 8 Représentations schématiques d’un potentiel d’action ventriculaire et de sa correspondance sur un enregistrement d’électrocardiogramme de surface. L’onde P indique

une dépolarisation des oreillettes. Le complexe QRS indique la dépolarisation des ventricules qui s’ensuit. La phase de repolarisation est indiquée par l’onde T. Image de (Kaczorowski GJ, 2011).

Finalement, au début des années 2000, la présence de cardiomyopathie dilatée a été associée à des mutations sur le canal sodique Nav1.5 (Bezzina CR, 2003), (McNair WP K. L., 2004). Dès lors, de nombreux autres cas ont été recensés (Olson TM, 2005), (Remme CA W. A., 2008), (McNair WP S. G., 2011). Cependant, le mécanisme exact par lequel le changement structurel en vient à se développer demeure incompris.

I.3 Cardiomyopathie et canalopathie.

I.3.1 Description et classification

Depuis 1956, la définition de ce que sont les cardiomyopathies ainsi que leur catégorisation n’a cessé de se préciser (Arbustini E, 2013), d’une part, en raison de l’amélioration des techniques non invasives de visualisation du cœur et, d’autre part, en raison d’une compréhension plus approfondie de leur étiologie. Ainsi, en 2006, l’« American Heart Association » (AHA) proposa une nouvelle catégorisation des types de cardiomyopathie et définit les cardiomyopathies comme « un groupe hétérogène de maladies du myocarde associées à un dysfonctionnement mécanique et/ou électrique, qui, habituellement, se caractérisent par une hypertrophie ventriculaire inappropriée ou une dilatation, et d’origine étiologique variée, mais fréquemment génétique. Les cardiomyopathies sont

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soit confinées au cœur ou font partie de désordres systémiques généralisés, souvent menant à l’arrêt cardiaque ou à des troubles liés à l’insuffisance cardiaque progressive.» (Maron BJ, 2006) Contrairement aux définitions précédentes, la base génétique est clairement mentionnée dans la définition de ce que sont les cardiomyopathies.

D’après la définition de l’AHA, les cardiomyopathies peuvent être classées suivant deux catégories, à savoir les cardiomyopathies « primaires » ou « secondaires ». Contrairement aux cardiomyopathies secondaires, les cardiomyopathies primaires ne surviennent pas de manière concomitante à un trouble systémique généralisé, c’est-à-dire affectant plusieurs organes. Les cardiomyopathies primaires peuvent être sous-divisées suivant leur cause, à savoir génétique, mixte (génétique et non-génétique), ou encore acquise. La plupart des cardiomyopathies sont des pathologies monogéniques pour lesquelles la transmission familiale est importante. Il existe cependant une très grande variabilité dans l’expression clinique des cardiomyopathies mono géniques en raison des différences dans le style de vie et l’environnement dans lequel évoluent les familles présentant la même mutation ainsi que la variation génomique qu’elles présentent.

En 2008, la Société européenne de cardiologie (ESC) proposa une définition quelque peu similaire à la définition de l’AHA, mais plus orientée sur l’aspect morphologique du cœur et nuançant de manière plus importante la distinction entre cardiomyopathie primaire et secondaire. Chacun des types de cardiomyopathie (hypertrophique, dilatée, etc.) est sous-divisé selon qu’il soit d’origine génétique ou non.

I.3.2 Cardiomyopathie dilatée

D’après la définition de l’AHA, la cardiomyopathie dilatée (DCM) est une cardiomyopathie primaire ayant une origine mixte dont la prévalence est de l’ordre de 1 : 250 (Burke MA, 2016). Il s’agit de la troisième cause la plus importante de défaillance cardiaque et la première cause de transplantation cardiaque.

I.3.2.1 Origine

La majorité des cas ont une origine génétique avec 20 à 35% d’ordre familial à transmission autosomique dominant. Cependant, quelques cas récessifs sont reliés à la transmission du chromosome X et à la transmission maternelle. Il existe également des cas sporadiques survenant après l’exposition à un ensemble de facteurs hétérogènes. Il peut s’agir d’exposition à des agents toxiques, à des virus ou des bactéries. La prise de stupéfiants et d’alcool ou encore des désordres métaboliques et nutritionnels peuvent aussi être à l’origine de cas de DCM. La plupart des cas

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sporadiques surviennent en raison d'une infection virale qui, souvent, cause une myocardite (inflammation du myocarde). La pénétrance de la maladie peut être très variable, soit en raison de l’âge ou du bagage génétique de l’individu. Il a déjà été montré que la pénétrance pouvait se révéler incomplète dans des cas de DCM familiale monogénique. En raison de la variabilité dans les manifestations cliniques et dans le développement de la pathologie, il est difficile de pouvoir établir une liste de l’ensemble des gènes pouvant potentiellement être impliqués dans le développement de la DCM. À ce jour, environ 60 gènes auraient un rôle dans le développement de la DCM (Arbustini E, 2013).

Dans le cas des DCM ayant une origine génétique, les gènes mutés codent pour diverses protéines aux fonctions variées (Hershberger RE, 2010). Il peut s’agir de protéines intervenant dans la formation du cytosquelette (telles que les lamines A et C), des protéines ayant un rôle dans la fonction contractile (telle que la myosine) et la transmission de la contraction. Certaines d’entre elles sont aussi impliquées dans le maintien de l’architecture nucléaire (Prélamine-A/C) ou ont une fonction mitochondriale. La plupart des cas génétiques (15 à 20%) sont cependant dus à la présence de mutations sur le gène TTN codant pour la titine avec une pénétrance complète autour de l’âge de 40 ans.

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Figure 9 Gènes impliqués dans le développement de la DCM et l’emplacement des protéines qu’ils codent. Les mutations sur le gène codant la protéine titine (TTN) sont responsables de la

majorité des cas de DCM. Figure reprise de (Burke MA, 2016).

I.3.2.2 Pathophysiologie

La cardiomyopathie dilatée est diagnostiquée au moyen d’une échocardiographie qui permet de révéler une dilation du ventricule gauche accompagnée de dysfonctionnements systoliques, à savoir une diminution de la fraction d’éjection4

et de raccourcissement5 ainsi qu’une diminution de la force de contraction du ventricule gauche. L’épaisseur des parois ventriculaires gauches demeure cependant normale. La modification structurelle du myocarde engendre aussi des arythmies et celles-ci peuvent être à l’origine de troubles du système de conduction.

I.3.3 Les canalopathies associées à la cardiomyopathie

Suivant la définition des cardiomyopathies énoncées par l’«American Heart Association » en 2006, les canalopathies sont un sous-type de cardiomyopathie primaire. Cependant, elles n’ont pas été retenues comme cause possible de cardiomyopathie dans la définition de 2008 de l’ESC, étant

4

Pourcentage du volume sanguin éjecté du ventricule gauche à chaque battement cardiaque.

5

(36)

23

donné que les mutations présentes sur les canaux ioniques ne semblaient pas être à l’origine de modifications structurelles du myocarde. Cependant, des cas de canalopathies liées à d’autres pathologies aussi bien cardiaques que non cardiaques ont été rapportés (Roston TM C. T., 2017). Des mutations sur des canaux ioniques ne sont pas seulement à l’origine de troubles de la rythmicité, mais peuvent être impliquées dans des phénotypes plus complexes manifestant une modification structurelle du myocarde, comme notamment la cardiomyopathie (Tableau 2).

Tableau 2 Gènes de canaux ioniques impliqués dans des canalopathies et associés au développement de cardiomyopathies. Les gènes sont SCN5A (code pour le canal sodique

Nav1.5), KCNQ1 (code pour le canal potassique voltage-dépendant, sous-famille Q membre 1), RYR2 (code pour le récepteur cardiaque de la ryanodine) et HCN4 (code pour le canal ionique activé par l’hyperpolarisation, contribuant au courant If). LVNC : non-compaction ventriculaire

gauche, ARVC : cardiomyopathie arythmogène du ventricule droit, DCM : cardiomyopathie dilatée. Tableau adapté de (Roston TM C. T., 2017).

SCN5A KCNQ1 RYR2 HCN4 LVNC (Nakashima K, 2013) (Ohno S, 2014) Milano et al. (2014) (Campbell MJ, 2015) (Roston TM G. W., 2017) ARVC (Tiso N, 2001) Roux-Buisson et al. (2014) DCM (McNair WP K. L., 2004), (McNair WP S. G., 2011) (Xiong Q, 2015) Nair et al. (2012) (Gosselin-Badaroudine P, 2012) (Cheng J, 2010)

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