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Impact perçu d'une formation au Journal créatif et sa pratique sur l'estime de soi

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Academic year: 2021

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Texte intégral

(1)

G'

Université de Sherbrooke

Impact perçu d'une formation au Journal créatif et sa pratique sur l'estime de oi

par

Julie Lacroix

Thèse présentée en vue de l'obtention du grade de

doctorat en psychologie D.Ps.

Département de psychologie

ma

Décembre 2007

r -

(2)

cia

2

Composition du jury

Impact perçu d'une formation au Journal créatif et sa pratique sur l'estime de soi

Julie Lacroix

Cette thèse a été évaluée par un jury composé des personnes suivantes

Nicole Chiasson, directrice de recherche

(Département de psychologie, Faculté des lettres et sciences humaines)

Marie Papineau, autre membre du jury, juge interne

(Département de psychologie, Faculté des lettres et sciences humaines, Université de Sherbrooke)

Pierre Plante, autre membre du jury, juge externe

(Département de psychologie, Faculté des sciences humaines, Université du Québec à Montréal)

(3)

3

cia

RÉSUMÉ

La présente recherche s'appuie sur les conceptions humanistes et actuelles de la créativité, qui reconnaissent l'existence d'une créativité de la vie de tous les jours, donnée à tous et associée à l'actualisation de soi ainsi qu'à une force d'adaptation et de croissance personnelle. Cette recherche vise à étudier les effets perçus d'une formation au Journal créatif, un outil d'exploration de soi et de développement de la créativité, sur l'estime de soi. Considérant la complexité et la subjectivité de l'estime de soi, une méthodologie qualitative a été appliquée afin d'avoir accès aux perceptions et au vécu des sujets. Des entrevues individuelles ont été menées auprès de six participantes ayant complété une formation sur le Journal créatif. Une analyse de contenu a été effectuée, révélant que la majorité des participantes a perçu une augmentation de l'estime de soi suite à la formation au Journal créatif, particulièrement dans le sens d'une amélioration de la relation à soi-même.

Mots-clés : créativité, Journal créatif, estime de soi.

cia

(4)

Table des matières

Compositiondu jury... 2

Résumé...

Remerciements... 7

Introduction... 8

Revuede littérature... 10

Créativité... 10

Créativité courante et actualisation de soi...11

Traits de la personnalité créative et estime de soi ...15

Estimede soi...16

Complexité du concept...16

Historique de l'étude de l'estime de soi...17

Données qui font consensus dans la littérature...19

Définition et dimensions de l'estime de soi...21

Estime de soi et créativité...24

Journalcréatif...28

Objectif de recherche...29

Cadrede référence...30

Élaboration du cadre de référence...30

Dimensions du cadre de référence...31

Première dimension : l'estime de soi de valeur pragmatique conférée par autrui..32

Deuxième dimension : l'estime de soi de valeur affective conférée par autrui...33

Troisième dimension: l'estime de soi de valeur pragmatique conférée par soi...34

Quatrième dimension : l'estime de soi de valeur affective conférée par soi...34

Méthodologie...35

Échantillon...36

Déroulement de l'expérimentation...36

Description de la formation sur le journal créatif...36

Recrutement...37

Instrument de cueillette de données...37

Déroulement des entrevues...38

Cid

-

Considérations éthiques...39

(5)

5

Résultats

.42

1.Estime de soi de valeur pragmatique conférée par soi...43

1.1 Capacité de passer à l'action...44

1.2 Affirmation et expression de soi...44

1.3 Se donner la permission...44

1.4. Confiance en soi...45

1.5

Compétences intra-personnelles...45

1.6 Capacité d'exercer une prise en charge ... 45

1.7 Développement d'outils et de possibilités illimitées...45

2. Estime de soi de valeur affective conférée par soi...46

2.1 Amour et bienveillance envers soi...47

2.2 Acceptation de soi...47

2.3 Sentiment de bien-être...48

2.4 Plaisir et vitalité...48

2.5

Authenticité...48

2.6 Diminution de l'estime...49

2.7 Reconnaissance intérieure...49

2.8 Sentiment de créer quelque chose de beau...49

2.9 Sentiment de plénitude...49

3. Estime de soi de valeur pragmatique conférée par autrui...51

3.1 Reconnaissance extérieure... 51

4. Estime de soi de valeur affective conférée par autrui... 51

4.1 Appréciation...52

4.2 Renforcement... 52

5.

Conditions qui favorisent le changement... 53

5.1 Appartenance à un groupe... 53

5.2 Médium non menaçant...53

5.3

Conditions diverses... 53

6. Processus de changement... 54

6.1 Vis-à-vis des blocages... 54

6.2 Divers aspects du processus...54

7. Connaissance de soi...55

8. Incertitude de l'effet de la formation sur l'estime de soi...55

Discussion... 56

Constatsgénéraux... 57

Effet positif de la formation au journal créatif... 57

Prépondérance de données d'estime de soi conférée par soi... 57

(6)

6

Constats spécifiques

.59

Estime de soi de valeur affective conférée par soi...

59

Estime de soi de valeur pragmatique conférée par soi...61

Lien entre l'estime de soi de valeur affective conférée par soi et l'estime de soi de

valeur pragmatique conférée par soi...64

Apport des catégories émergentes...

65

Connaissancede soi...66

Conditions qui favorisent le changement...67

Processus de changement...68

Estime de soi de valeur affective et pragmatique conférée par autrui...

69

Effet de la formation : un cas d'exception...70

Limites de la présente recherche...71

Conclusion...72

Références bibliographiques...75

Annexes...82

1. Formulaire de consentement...83

2. Description de la formation sur le Journal créatif...86

2. Grille de résultats de l'analyse de contenu...89

Tableaux

1.Résumé des dimensions du cadre de référence...35

2. Une vue d'ensemble de l'information recueillie...43

3. Catégorie 1: Estime de soi de valeur pragmatique conférée par soi...46

4. Catégorie 2 : Estime de soi de valeur affective conférée par soi...50

5. Catégorie 3 : Estime de soi de valeur pragmatique conférée par autrui...51

6. Catégorie 4 : Estime de soi de valeur affective conférée par autrui...

52

7. Catégorie

5

: Conditions qui favorisent le changement...54

8. Catégorie 6 : Processus de changement...55

9. Catégorie 7 : Connaissance de soi...56

(7)

7

Remerciements

J'aimerais remercier ma première directrice, Mme Louise Langdeau, qui m'a permis de travailler sur ce sujet, et qui a contribué grandement à l'élaboration du projet, pendant un an avec passion et rigueur. Mme Langdeau ayant dû interrompre la direction, je tiens particulièrement à remercier ma deuxième directrice, Mme Nicole Chiasson, qui a pris la relève de la direction avec beaucoup de gentillesse et de générosité, et qui a su être un guide efficace et rassurant. Enfin, je souhaite remercier mon conjoint Patrick, qui a été supportant et encourageant durant toute la démarche, ainsi que mes parents, pour leur soutien et leur amour.

(8)

['I

IMPACT PERÇU D'UNE FORMATION

AU

JOURNAL CRÉATIF ET

SA

PRATIQUE SUR L'ESTIME DE SOI

En ce début de 21ième siècle, l'être humain est confronté à une ère de changements

perpétuels et rapides qui ont des impacts positifs d'une part, mais plus alarmants d'autre part.

Dans le rapport sur la santé dans le monde de 2001, l'Organisation mondiale de la Santé (OMS)

abonde dans ce sens : l'ampleur et le rythme spectaculaires de l'évolution technologique sont

associés à l'apparition de troubles mentaux et du comportement. D'ailleurs, les maladies

mentales représentent quatre des dix principales causes d'invalidité dans les pays industrialisés et

environ 20 % des canadiens souffriront d'une maladie mentale au cours de leur vie (Rapport sur

les maladies mentales au Canada, Santé Canada, 2002). Pour composer avec cette réalité, la

promotion de la santé mentale et de bonnes capacités d'adaptation deviennent essentielles.

Pour répondre à ces nouveaux défis, différents organismes de santé publique ont

développé des programmes de promotion de la santé mentale. Par exemple, l'Agence de santé

publique du Canada (2003) utilise une approche qui vise à accroître l'estime de soi. Facteur

primordial de la structure psychologique, l'estime de soi est un important déterminant de la santé

mentale et des comportements sociaux (Direction de la santé publique de Montréal, 2002). Selon

André et Lelord (2002), la plupart des affections psychopathologiques sont liées à des problèmes

d'estime de soi et la guérison passe souvent par une estime de soi retrouvée. Qui plus est, la

pratique clinique et des discussions avec collègues abondent dans ce sens et confirment qu'un

nombre élevé de clients consultent pour des problématiques de santé mentale et des carences

d'estime de soi.

Face à ce portrait, quels moyens entreprendre pour s'adapter aux changements et

développer une meilleure estime de soi? B semblerait que la créativité mérite une attention

particulière face à cette préoccupation (Bacus-Lindroth et Romain, 1992; Desbiens, 1983;

Richards, 1999; Runco, 2004a). Depuis la préhistoire, la créativité a eu une place importante dans

la vie de l'homme, comme moyen d'expression et comme mode d'apprentissage de son identité

personnelle et sociale (Huizinga,

1955

dans Holm-Hadulla, 2003). Plus récemment, la créativité

est perçue comme aptitude fondamentale et universelle, nécessaire pour faire face aux problèmes

du monde et aux changements rapides de la société (Bacus-Lindroth et Romain). Selon Runco, la

créativité est un moyen de réagir et de relever les nombreux défis de la vie car elle conduit à

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l'innovation et à l'évolution. Pour Anne-Marie Jobin (2002), la créativité constitue la voie royale pour donner un sens à sa vie et résister à l'aliénation d'une société matérialiste et individualiste.

La présente recherche s'intéresse à l'impact de la créativité sur l'estime de soi. Plus spécifiquement, elle porte sur les effets perçus d'une méthode particulière de créativité, le Journal créatif®, sur l'estime de soi de personnes participant à une formation à cette méthode.

Dans une première section, un relevé de littérature portant sur les concepts de créativité et d'estime de soi sera présenté ainsi que le lien entre les deux, d'un point de vue théorique, empirique et pratique. Plus spécifiquement, le concept de créativité sera approché dans sa forme courante ou du domaine de tous les jours (everyday creativity), maintenant reconnue par la littérature (Cropley, 1990; Runco, 2004a). La créativité courante est accessible à tous et est associée aux gestes créatifs de la vie quotidienne, au travail comme dans les loisirs, qui sont perçus comme originaux et significatifs. Cette forme de créativité à été associée à une force d'adaptation et de développement personnel, c'est-à-dire à une force d'actualisation de soi (Buckmaster et Davis, 1985; Ebersole et Mraz, 1991; Manheim, 1998; Maslow, 1954, 1978; Rogers, 1968; Runco), ainsi qu'à l'estime de soi (Goldsmith et Matherly, 2001; Kemple, David et Wang, 1996; Rowland, 2002; Yau, 1991 : voir Kemple, David et Wang, 1996). De plus, l'association entre la créativité et l'estime de soi semble inspirer des pratiques, particulièrement dans le domaine de l'art-thérapie, mais également dans d'autres secteurs de l'activité humaine. Ainsi, de nombreux programmes d'entraînement à la créativité ont vu le jour et figurent au menu des écoles, entreprises et loisirs des individus. À ce titre, se retrouve le Journal créatif (Jobin, 2002), une forme de journal intime non-traditionnel qui vise le développement général de la personne et l'exploration de soi, à travers un processus créateur alliant le monde de l'écriture et du dessin. La fin de cette section amène à l'objectif de cette recherche

Dans une deuxième section, le cadre de référence sera élaboré. Ainsi, l'estime de soi sera définie ainsi que les quatre dimensions du cadre de référence : l'estime de soi de valeur pragmatique conférée par autrui, l'estime de soi de valeur affective conférée par autrui, l'estime de soi de valeur pragmatique conférée par soi et l'estime de soi de valeur affective conférée par soi.

Le sigle ® de l'anglais Registered correspond à une marque de commerce ou marque déposée, ce qui signifie que le terme «journal créatif» a été enregistré à l'Office de la propriété intellectuelle du Canada par son auteur, Anne-Marie Jobin. Pour des fins pratiques et esthétiques, le terme «journal créatif» ne sera pas suivi du sigle ® dans le texte de cette thèse, cependant il est entendu que la marque déposée est reconnue.

(10)

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Dans la troisième section, la méthodologie sera abordée alors que la quatrième section

consistera en une présentation des résultats, c'est-à-dire une description des effets de la formation

au journal créatif, répertoriés à partir des entrevues et de l'analyse de contenu effectuées.

La cinquième section, la discussion, concerne l'interprétation des résultats, où des liens

seront établis entre les objectifs de la recherche, les résultats et les données de la littérature. Des

hypothèses seront aussi formulées pour tenter d'expliquer certains résultats. Enfin, les limites de

l'étude seront abordées.

Pour terminer, la conclusion résumera l'essence des résultats de l'étude, explorera l'utilité

pratique et professionnelle de la recherche, formulera des recommandations face à la formation

au Journal créatif et ouvrira sur de nouvelles pistes de recherche pour les suites.

REVUE DE LITTÉRATURE

Cette section abordera les concepts de créativité et d'estime de soi. Les concepts seront

d'abord introduits de manière générale puis définis et présentés selon différents points de vue:

théoriques, empiriques et pratiques. Le lien entre les deux construits sera également exploré.

La créativité

Depuis le début du 20ième siècle, la créativité a piqué la curiosité des chercheurs, et elle a

suscité une vaste littérature à partir des années 1950. Le mot créativité vient du latin

creatio

et

creare,

qui représentent l'action de créer et de donner l'existence (Larousse, 2001). La créativité

est un concept assez vague et il existe presque autant de définitions de la créativité que d'auteurs

(Demory, 1984). En effet, la littérature est abondante et diversifiée, au point de soulever des

insatisfactions puisqu'elle manque de consistance et amène de la confusion (Brown, 1989;

Demory). Les thèmes à l'étude peuvent se diviser en quatre grandes catégories: la personnalité

créative, le processus créateur, le produit créatif, et les influences sur la situation créative. Malgré

les différentes avenues d'étude, les auteurs semblent être unanimes sur l'importance de

l'originalité et de la nouveauté en créativité. Par ailleurs, bien que nécessaire, l'originalité n'est

pas suffisante : divers autres facteurs tels que les traits de personnalité et la motivation doivent

également être considérés (Brown; Dowd, 1989; Helson, 1999; Rogers, 1968; Runco, 2004a;

Runco, 2004b).

(11)

11

Dans sa récente revue de littérature sur la créativité, Runco (2004a) constate un élargissement des domaines de recherche depuis 20 ans. Par exemple, les thèmes à l'étude en créativité débordent maintenant des quatre grandes catégories citées plus haut et s'organisent par rapport à un cadre disciplinaire. Ainsi, des recherches sont menées dans de nombreuses perspectives disciplinaires : behaviorale, biologique, clinique, cognitive, développementale, historiométrique, organisationnelle, psychométrique et sociale. L'auteur remarque également l'importance d'un effort interdisciplinaire et l'apparition de nouvelles techniques, sujets et applications dans la recherche en créativité. De plus, il est maintenant reconnu que l'étude de la créativité relève de domaines spécifiques, puisque la créativité s'exprime différemment dans chaque domaine. Par exemple, la créativité mathématique diffère de la créativité des arts, de la même manière que de la créativité interpersonnelle, organisationnelle, athlétique ou politique. Il importe également de noter que la littérature reconnaît maintenant la créativité courante ou du domaine de tous les jours (everyday creativity) (Cropley, 1990; Runco). Celle-ci se distingue de la créativité éminente (eminent creativity) qui est la plus représentée dans les écrits. La créativité éminente est associée à la créativité traditionnelle des arts et des sciences et elle jouit d'une reconnaissance sociale. Pour plusieurs, la créativité n'existe que sous cette forme, impliquant une production créative et des standards d'excellence (Richards, 1999). Pour sa part, la créativité courante est associée aux gestes créatifs de la vie quotidienne, au travail comme dans les loisirs, qui sont perçus comme originaux et significatifs. Bien que cette forme de créativité soit très répandue, elle a longtemps manqué de reconnaissance et n'est pas considérée comme sa consoeur, la créativité éminente (Richards). Cependant aujourd'hui, la créativité courante est devenue un domaine d'étude populaire pour son caractère adaptatif et le potentiel qu'elle présente pour tous, adultes comme enfants (Runco).

Créativité courante et actualisation de soi

Bien avant que la créativité courante reçoive l'attention actuelle, elle était présumée par certains auteurs (Maslow, 1968 : voir 1978; May, 1975 voir 1993; Rogers, 1968) comme une capacité de survie, qui permet à l'homme de s'adapter à son environnement changeant, et à une force de croissance et de développement personnel dans une perspective humaniste (Desbiens, 1983; Richards, 1999; Runco, 2004a). Selon l'école humaniste, le développement de l'individu

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12

est mû par la motivation à devenir pleinement fonctionnel, à se réaliser pleinement, c'est-à-dire s'actualiser. Tout être humain possède ce potentiel et en ressent le besoin. Maslow, Rogers et May, précurseurs du courant de psychologie humaniste, ont été les premiers à proposer une théorie de la créativité liée à l'actualisation de soi. Ces auteurs et chercheurs postulent même un lien entre la créativité et l'actualisation de soi à partir de leurs observations cliniques et réflexions, ainsi qu'à partir d'études, dans le cas de Maslow (1954, 1968: voir 1978).

Plus spécifiquement, dans sa théorie de la créativité, Maslow (1968 : voir 1978) s'intéresse à la «créativité requise pour la réalisation de soi », ou autrement identifiée comme la créativité courante, qu'il distingue de la «créativité spécifique d'un art ». Pour lui, la créativité est une attitude existentielle, donnée à tous, qui concerne la personnalité des individus. Le développement de la créativité est étroitement lié à la capacité de faire une intégration intérieure, c'est-à-dire une acceptation de sa personnalité profonde et de ses manifestations. Maslow estime que la créativité et l'actualisation de soi sont interdépendantes, c'est-à-dire que l'une facilite l'autre et vice-versa (Runco, 2004a, 1999; Ebersole et Mraz, 1991). 11 conclut même que les concepts de santé psychique, d'actualisation de soi et de créativité d'actualisation de soi pourraient s'avérer être équivalents (Maslow).

Pour Rogers (1968), la motivation à créer vient de la tendance de l'homme à s'actualiser et à devenir ce qui est potentiel en lui. La créativité est donc liée au besoin de changement. Il observe cette même tendance comme force curative en psychothérapie. Ainsi, l'individu est créatif car il tend à grandir et à se développer et il sent cette conduite comme actualisante.

En outre, May (1975 : voir 1993) considère le processus créatif comme la manifestation d'une superbe santé émotive et comme un moyen d'actualisation de soi. Pour lui, la créativité authentique existe lorsqu'il y a rencontre entre un être d'une sensibilité intense avec son monde.

De plus, Landry (1983) amène une réflexion en proposant un lien entre deux types de créativité : la créativité de type I, le « projet de faire, de fabriquer », associée à la créativité comme processus de résolution de problème, d'invention et de recherche; et d'autre part la créativité de type II, dite «projet d'être, de réalisation », associée à la créativité d'actualisation de soi et de croissance personnelle. L'auteur examine le lien complexe entre les deux pour comprendre comment la personne humaine se créée en créant. Ainsi, Landry aborde le changement chez l'être humain, cette mission de «se créer », comme la recherche de l'oeuvre unique et totale, la « création du créateur ».

(13)

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Plus récemment, René Bernèche (1993), clinicien, chercheur et professeur dans le domaine de la psychologie de la créativité, a développé un modèle multifactoriel de la motivation à créer qui s'inscrit dans le courant humaniste. Pour lui, le plus grand projet de création de l'être humain est son individualité unique, son soi. Ainsi, être créatif implique d'assumer son individualité et de générer son propre changement (Bernèche, 1999).

En somme, les auteurs humanistes précités avancent l'idée que les personnes actualisées sont créatives et que la motivation à créer est la même que celle qui pousse l'individu à se développer, c'est-à-dire la force d'actualisation de soi. Maintenant qu'un lien théorique semble avoir été établi entre l'actualisation de soi et la créativité, il importe de faire une recension des études empiriques pour vérifier leur relation. À ce sujet, il est à noter que certaines études vont dans le sens des points de vue théoriques présentés tandis que d'autres non. En effet, Runco, Ebersole et Mraz (1991) rapportent peu d'études concluantes sur la relation entre l'actualisation de soi et la créativité. Cependant, ces auteurs croient que ces résultats sont dus à la difficulté de définir et mesurer la créativité, plus spécifiquement, aux mesures de créativité antérieurement employées dans les recherches, qui n'étaient pas sensibles aux caractéristiques des personnes actualisées. Selon eux, le lien entre la créativité et l'actualisation de soi est assez important pour justifier des études avec des mesures alternatives.

Ainsi, pour vérifier leur hypothèse, Runco, Ebersole et Mraz (1991) ont effectué une étude quantitative avec 64 étudiants en psychologie (36 femmes, 28 hommes), utilisant des tests consistants avec la théorie d'actualisation de soi et mesurant davantage les traits, préférences et attitudes que le produit créateur. Ils leur ont administré le How Do You Think Test (HDYT; Davis et Subkoviac, 1975 : voir Runco et al.) et le Adjective Check List (ACL; Gough et Heilbrun, 1980: voir Runco et al.), qui mesurent tous deux la créativité ainsi que le Short Index of

Self-Actualization (SI; Jones et Crandali, 1986 : voir Runco et al.), mesurant l'actualisation de soi. Les

tests indiquent une corrélation significative et positive entre la créativité et l'actualisation de soi, mais ne peuvent inférer une quelconque causalité comme c'est le cas pour toute étude corrélationnelle.

Pour leur part, Buckmaster et Davis (1985) ont voulu vérifier la validité d'une mesure d'actualisation de soi, le Reflections of Self and Envi ronment (ROSE) en vérifiant sa relation avec une autre mesure d'actualisation de soi, le Personal Orientation Inventory (P01) et deux mesures de la créativité, le What About You (WAY) et la réalisation de projets créatifs (écriture et art).

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14

Pour cette recherche quantitative, 120 étudiants (86 femmes, 34 hommes) ont participé. Ils ont suivi un cours de créativité de cinq semaines et se sont fait administrer le ROSE, le P01, le WAY; ils ont également complété deux projets créatifs. Les résultats de l'étude indiquent une corrélation significative et positive entre le ROSE, dont les items sont basés directement sur les caractéristiques des personnes actualisées selon Maslow (1962 : voir Buckmaster et Davis) et le WAY, dont les items sont basés sur les traits récurrents des personnes créatives (selon Barron,

1969, Davis, 1975, 1983 : voir Buckmaster et Davis). Ainsi, selon les auteurs, la très forte relation entre le ROSE et le WAY suggère que les deux tests mesurent des traits assez similaires et identifient de la sorte les mêmes personnes. De plus, les résultats montrent une corrélation significative entre le ROSE et le P01 et entre le ROSE et les projets créatifs. Les résultats de cette étude sont consistants avec les résultats de Runco, Ebersole et Mraz (1991), et appuient les théories humanistes qui supportent une relation entre la créativité et l'actualisation de soi.

À ce propos, il convient de mentionner les études de Maslow (1954, 1968: voir 1978) sur des personnes dites «actualisées », qui lui ont permis de dégager leurs caractéristiques. Maslow a effectué une étude personnelle de type qualitative sur une période de deux ans, de manière informelle, motivé par sa curiosité des caractéristiques des personnes actualisées. Environ une vingtaine de sujets ont pris part à l'étude, sélectionnés à partir d'un bassin d'amis, de connaissances, du public, de figures historiques ainsi que d'un bassin de 3000 étudiants. Ses résultats montrent que les personnes actualisées présenteraient, entre autres, une acceptation de soi ainsi qu'une forme de créativité courante qui, selon l'auteur est l'expression d'une personnalité en santé. Maslow (1954) souligne que la créativité ressort comme une caractéristique universelle de tous les sujets étudiés. Ces résultats appuient sa théorie de la créativité et mettent en évidence un lien entre l'actualisation de soi et la créativité.

Plus récemment, Manheim (1998) a effectué une étude dont les résultats vont dans le même sens que ceux de Maslow (1954). L'auteure s'est interrogée sur le rôle de la créativité dans le développement et la croissance personnelle, en réponse au désir de Maslow d'utiliser des pratiques nouvelles pour promouvoir la santé mentale. Manheim cherchait à examiner les liens possibles entre les théories de la croissance humaine, le processus créateur et l'art. Ainsi, elle a testé 65 étudiants (50 femmes, 14 hommes) en art tridimensionnel, utilisant un questionnaire qualitatif sur leur perception de l'impact de leur processus créateur en studio et sur leur vie quotidienne. A la suite de différentes analyses quantitatives, elle conclut qu'il y a une relation

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entre l'art créatif tridimensionnel et l'actualisation de soi. Plus spécifiquement, une grande majorité des étudiants (98.4%) considèrent que l'art créatif améliore leurs vies, particulièrement sur le plan interpersonnel et émotionnel. L'auteure souligne aussi une grande proportion de sujets actualisés (93.8%) avec une haute fréquence de réponses dans les catégories de l'ouverture à l'expérience (68.3%) et de l'acceptation de soi (65.1%). Il ressort finalement que les personnes qui se décrivent comme des aspirants professionnels ou de futurs grands dans le domaine ont significativement plus de probabilité de vivre des expériences de vie enrichissantes et améliorant leur vie.

Les résultats des études précitées sont intéressants, car ils montrent l'existence d'un lien entre la créativité et l'actualisation de soi. Ce lien s'observe particulièrement au niveau des traits de la personnalité. En effet, plusieurs auteurs (Goldsmith et Matherly, 2001; Kemple, David et Wang, 1996; Maslow, 1954, 1968: voir 1978; Pelletier, 1981 : voir Sauvé, 1986) ont relevé ou rapporté les caractéristiques des personnes créatives et des personnes actualisées, pour conclure qu'elles possèdent des traits en commun, dont une acceptation de soi, une confiance en soi et un concept de soi positif. En particulier, le rapport entre la créativité et le concept de soi positif a été mis en relief par plusieurs recherches (Desbiens, 1983; MacKinnon, 1978) et revues d'études empiriques (Neff, 1975 : voir Cropley, 1990; Dowd, 1989). Ces traits communs seraient aussi reliés avec l'estime de soi.

Traits de la personnalité créative et estime de soi

Selon plusieurs auteurs (André et Lelord, 2002; Baldwin, 2004; Branden, 2003; Direction de santé publique de Montréal, 2002; Fortin, 1999; Garneau, 1999; Grenier, 1983; Salomé, 2006), les trois traits de personnalité communs aux personnes créatives et aux personnes actualisées, soit l'acceptation de soi, la confiance en soi et le concept de soi positif, semblent liés à une haute estime de soi. En effet, l'association est mise en relief de différentes façons: un des traits se retrouve parfois dans la définition de l'estime de soi ou peut être considéré comme une composante ou un critère de l'estime de soi, ou encore être reconnu comme un des résultats d'une haute estime de soi. Par exemple, Salomé définit l'estime de soi comme la capacité à développer de l'amour envers soi-même, à se faire confiance et à se reconnaître une certaine valeur. Pour Fortin, «l'estime de soi est une attitude intérieure qui consiste à se dire qu'on a de la valeur,

(16)

16

- qu'on est unique et important. C'est se connaître et s'aimer comme on est avec ses qualités et ses limites. C'est s'apprécier et s'accepter comme on est» (p. 1). En outre, des tenants du courant psycho-social (Coopersmith, 1967; Rosenberg, 1965, Ziller, 1969 : voir Grenier) soutiennent qu'un haut niveau d'estime de soi est associé à l'acceptation de soi, position qui semblerait être partagée par tous les tenants de ce courant, selon Wells et Marwell (1976). De leur coté, Baldwin et son équipe de recherche de l'université McGill stipulent que l'estime de soi véritable et authentique se fonde sur l'acceptation de soi. Enfin, la Direction de santé publique de Montréal utilise les termes «estime de soi » et «concept de soi » de manière équivalente, pour définir un même concept.

Ainsi, les personnes créatives semblent posséder des traits de personnalité associés à une bonne estime de soi, ce qui pourrait mettre en lumière un lien d'affinité entre la créativité et l'estime de soi. Avant de poursuivre l'exploration de ce lien, il serait opportun de clarifier la nature et les caractéristiques générales du concept de l'estime de soi.

L'estime de soi

cia

L'estime de soi est un concept qui occupe une grande place dans l'imaginaire occidental depuis les années 1980. C'est l'un des construits les plus populaires en sciences humaines (Wells et Marwell, 1976) mais aussi l'un des plus vieux thèmes de la psychologie les racines de ce domaine d'étude remontent à 1890 (Mruk, 1999). L'estime de soi est considérée comme l'une des dimensions les plus fondamentales de la personnalité humaine et à la fois un des phénomènes psychologiques les plus complexes (André et Lelord, 2002; Bednar, Wells et Peterson, 1989; Mruk; Wells et Marwell).

Complexité du concept

En effet, tout comme le concept de la créativité, l'estime de soi souffre d'un manque de consensus dans la littérature quant à sa définition (Branden, 2003; Grenier, 1983; Jacques, 1972; Mruk, 1999; Wells et Marwell, 1976; Wikipédia, 2006a). Plusieurs facteurs peuvent expliquer la confusion à ce niveau. D'abord, l'estime de soi est un construit hypothétique, qui ne s'observe pas directement, possédant un caractère très individuel et prive. Ensuite, l'estime de soi est un

(17)

17

phénomène humain que chacun connaît et qui est fort présent dans le langage commun, ce qui peut créer l'illusion de connaissance et de compréhension du phénomène. De surcroît, un nombre restreint de chercheurs s'attarde à définir l'estime de soi de manière rigoureuse (Wells et Marwell). Une autre difficulté relève de l'importante quantité de littérature sur le concept, provenant de presque toutes les perspectives théoriques en psychologie (Mruk). De plus, la popularité du concept a atteint la sphère sociale commune, particulièrement depuis les années 90 alors qu'un groupe d'académiciens et de politiciens en Californie (California Task Force to

Promote Self-esteem and Personal and Social Responsibility) avait centralisé ses efforts pour

promouvoir l'estime de soi. L'engouement pour l'estime de soi a même créé un mouvement: les ouvrages de psychologie populaire sur l'estime de soi. De façon concomitante, les programmes éducationnels visant à augmenter l'estime des jeunes dans le système scolaire se sont multipliés (Mruk, 1999).

Étant donné l'ampleur du bassin de littérature sur l'estime de soi et la disparité des données disponibles, il va de soi qu'une revue intégrale de ce domaine d'étude représente une tâche qui dépasse largement l'objectif de la présente recherche. Cette section s'applique donc à présenter les grands courants et l'évolution de l'étude de l'estime de soi ainsi que les points de convergence de la littérature, en s'inspirant principalement de Wells et Marwell (1976) et de Mruk (1999). Ce dernier a réalisé une importante revue de la littérature sur l'estime de soi, à partir de laquelle il a élaboré une théorie phénoménologique de l'estime de soi. Le tour d'horizon de la présente section permettra de préciser une définition et des caractéristiques principales de l'estime de soi, qui serviront à élaborer le cadre de référence de la présente recherche.

Historique de l'étude de l'estime de soi.

Tel que mentionné précédemment, le bassin de littérature sur l'estime de soi est très grand et provient de presque toutes les perspectives théoriques majeures (Mruk, 1999). Par exemple, les auteurs de l'approche psychodynamique tels qu'Adler (1927: voir Mruk) et White (1959: voir Mruk) abordent l'estime de soi en termes de processus de développement. Les penchants du courant behavioral-cognitif l'étudient sous l'angle de la résolution de problèmes et des stratégies d'adaptation (Bednar, Wells et Peterson, 1989; Pope, McHale et Craighead, 1988: voir Mruk) alors que les psychologues sociaux se penchent

2 La psychologie populaire, fréquemment appelée «pop psycho», réfère à des concepts et à des théories au sujet de la santé mentale et des comportements humains qui proviennent de l'extérieur de l'étude de la psychologie, mais qui prétendent aller au-delà de la connaissance de tous les jours (Wikipédia, 2006b).

(18)

ii:

sur la formation des attitudes (Snyder, 1989, Tice, 1993: voir Mruk). Enfin, les humanistes

s'attardent sur les dimensions expérientielles de l'estime de soi, en particulier sur l'acceptation de

soi (Branden, 1969 : voir Mruk; Jackson, 1984 : voir Mruk).

D'un point de vue historique, James (1890, 1892 : voir Wells et Marwell, 1976 et Mruk,

1999) a été reconnu comme le premier à étudier le

self

(soi) et à élaborer une définition de

l'estime de soi. Bien qu'écrits en 1890, ses travaux restent toujours une référence dans le

domaine de l'estime de soi. Pour James, l'estime de soi constitue le rapport entre les succès et les

prétentions d'une personne. Ainsi, la définition de James apporte trois éléments à la

compréhension de l'estime de soi: 1) c'est un phénomène affectif, vécu comme une émotion ou

un sentiment par rapport à soi-même; 2) c'est un concept orienté vers les compétences et le

sentiment d'efficacité; 3) c'est un phénomène dynamique, appelé à changer en fonction des

modifications des éléments du ratio (Mruk). Après James, quelques auteurs de la perspective

sociologique tels que Cooley (1902: voir Wells et Marwell) et Mead (1934, 1956: voir Wells et

Marwell) ont poursuivi des travaux importants sur le

self.

Bien qu'ils n'aient pas abordé

directement l'estime de soi, leurs travaux traitent de concepts pouvant s'y apparenter tels que le

self-feeling

(sentiment de soi), le besoin de protéger le

self,

l'évaluation de soi et la tendance à la

réalisation de soi. Certains auteurs de la théorie psychanalytique ont également abordé le

self

et

l'estime de soi à travers leurs travaux (Adler, 1927 et White, 1959 : voir Mruk).

Après James (1890, 1983 : voir Mruk, 1999), et malgré les quelques apports mentionnés

ci-haut, les travaux s'intéressant à l'estime de soi ont plus ou moins disparu pendant 75 ans.

Selon Mruk, l'étude de l'estime de soi a connu un souffle nouveau dans les années 60, avec la

parution de trois livres entièrement consacrés à ce thème à l'intérieur de quatre ans. En premier,

Rosenberg (1965: voir Mruk) a contribué au domaine d'un point de vue sociologique, en

apportant une définition, dans laquelle l'estime de soi est une attitude, positive ou négative, à

l'endroit de soi-même. De plus, il a introduit le concept de valeur et de dignité à l'étude de

l'estime de soi et il a élaboré une mesure de l'estime de soi, le

Rosenberg Self-Esteem Scale

(RSE), qui a ouvert la porte aux études empiriques sur l'estime de soi en psychologie et

sociologie. Finalement, l'apport sociologique de Rosenberg, a amené l'étude de l'estime de soi à

un niveau interdisciplinaire alors qu'il était auparavant strictement psychologique.

En deuxième, Coopersmith (1967) a publié un important livre,

The Antecedents of Self-Esteem,

qui représente le retour de l'étude de l'estime de soi en psychologie behaviorale et

(19)

19

expérimentale. Pour l'auteur, l'estime de soi réfère à l'évaluation que l'individu fait et maintient de lui-même. L'estime exprime une attitude d'approbation ou de désapprobation et indique dans quelle mesure l'individu se croit capable, significatif, méritant et compétent. En somme, l'estime de soi est un jugement personnel de sa valeur en tant qu'individu, qui s'exprime dans l'attitude de l'individu envers lui-même (Coopersmith). L'auteur souligne l'importance de l'estime de soi pour la conscience et l'identité, c'est-à-dire sa subjectivité et donc, la possibilité de mesurer l'estime de soi à travers les comportements humains. Un de ses apports principaux est le

Self-Esteem Inventory (SEl) (1975, 1981 : voir Mruk), l'instrument de mesure de l'estime de soi des plus utilisés du domaine d'étude (Mruk).

Finalement, en troisième, Branden (1969: voir Mruk), un clinicien humaniste, a publié

The Psychology of Self-Esteem, le premier livre populaire, quoique académique, qui traite de

l'estime de soi. Sa contribution au domaine est double: d'abord, il renforce l'importance égale du sentiment d'efficacité personnelle (efficacité de soi) et du sentiment de sa propre valeur (respect de soi) dans la définition de l'estime de soi et il souligne la relation existante entre les deux composantes. Ensuite, il traduit l'importance de cette relation en termes de convictions ressenties par l'individu, celles d'être compétent et digne de vivre. Ainsi, pour l'auteur, «l'estime de soi est la disposition à se reconnaître comme étant compétent pour s'adapter aux défis de la vie et digne de bonheur» (Branden, 2003, p. 46). Branden (1995: voir Larouche et Côté, 2003) souligne également que c'est l'évaluation que la personne fait d'elle-même qui importe. Enfin, Branden reconnaît à l'estime de soi une importance encore plus grande que celle accordée par Rosenberg (1965: voir Mruk) et Coopersmith (1967), en la qualifiant de besoin humain le plus fondamental (Mruk, 1999).

Suite à la renaissance de l'estime de soi dans les années 60, l'attention des chercheurs s'est détournée de la définition du concept vers des préoccupations davantage pratiques telles que les manifestations et les aspects expérientiels, les processus évaluatifs et les possibilités d'augmenter l'estime de soi (Mruk, 1999). Avant de faire le point sur la question complexe de la définition du concept, il apparaît essentiel de noter que la littérature sur l'estime de soi fait consensus sur quelques points.

Données qui font consensus dans la littérature.

En dépit des disparités présentes dans le domaine d'étude de l'estime de soi, un nombre croissant d'auteurs semble s'entendre sur certains

(20)

20

points. Mruk (1999) identifie certains de ces aspects qui font consensus, selon les critères

suivants : les connaissances valides sont celles qui passent le test du temps, c'est-à-dire qui sont

citées régulièrement par d'autres auteurs comme un standard dans le domaine, ainsi que les

données significatives, qui sont corroborées par des recherches indépendantes. Ainsi, Mruk

relève différents points d'entente dans le domaine, dont voici les grandes lignes

-

l'environnement immédiat, le contexte social et en particulier la famille sont des

déterminants importants de l'estime de soi;

-

au moins trois facteurs sociaux, c'est-à-dire les valeurs, le sexe et les facteurs ethniques et

économiques affectent le développement de l'estime de soi;

-

différentes sources de succès peuvent influencer l'estime de soi, et il existe une grande

variabilité dans la manière dont les individus peuvent les utiliser pour gagner de l'estime de soi;

- au niveau de la personnalité, une haute estime de soi a été associée à la santé mentale, au

bien-être et à des caractéristiques positives telles que des affects positifs, une perspective positive

sur la vie, et l'autonomie. Une caractéristique négative identifiée est la difficulté à reconnaître ses

fautes et limites. De plus, trois types de vulnérabilité ont été identifiés en lien à une basse estime

de soi. Enfin, une estime de soi moyenne fait l'objet de recherches;

-

différents enjeux liés à des lacunes d'estime de soi ont été relevés tels que le stress et des

dysfonctions sociales (anxiété, dépression, comportements antisociaux, violence);

-

il y a consensus quant à certaines mesures de l'estime de soi raisonnablement fidèles,

valides et utilisables;

-

il existe des évidences quant à la possibilité que l'estime de soi change, mais peu de

conclusions certaines sont disponibles pour le moment puisque l'étude des programmes pouvant

augmenter l'estime de soi est un nouveau domaine d'étude (Mruk).

Selon Jacques (1972), trois points semblent faire consensus dans la littérature: 1) un

individu adapté possède un bon niveau d'estime de soi; 2) deux facteurs principaux sont à la

source de l'estime, c'est-à-dire les relations positives avec l'entourage et le sentiment de sa

propre efficacité; 3) le niveau d'estime d'un individu est assez stable sans être fixe, variant

généralement autour d'un niveau de base. De surcroît, l'estime de soi dépend d'une

auto-évaluation, d'un jugement (André et Lelord, 2002; Branden, 2003; De Saint Paul, 2004; Larivey,

2002; Poletti et Dobbs, 1998). L'estime de soi a besoin d'être entretenue et nourrie pour se

maintenir et peut se développer peu importe l'âge. Les deux principales nourritures de l'estime de

(21)

21

soi sont le sentiment d'être aimé et le sentiment d'être compétent (André et Lelord; Branden; De Saint Paul; Larivey).

Il convient d'ajouter que depuis plus de 100 ans, un nombre important d'auteurs ainsi que de recherches expérimentales en psychologie supportent l'idée que les êtres humains ont un besoin d'estime de soi (Greenberg, Pyszczynski et Solomon, 1986). En effet, ce phénomène humain est souvent mis en relation avec une bonne santé mentale et un bien-être psychologique (Mruk, 1999). L'estime de soi est associée à des caractéristiques personnelles favorables, une satisfaction personnelle et un bon fonctionnement (Bednar, Wells et Peterson, 1989; Coopersmith, 1967). L'estime de soi est essentielle en ce sens qu'elle a une valeur de survie pour l'individu : elle est indispensable au développement normal et sain (Branden, 2003) et elle est vitale à l'équilibre psychologique (André et Lelord, 2002). Pour Maslow (1943 : voir Lamoureux,

1984), l'estime de soi est un besoin fondamental: tout être humain tente de préserver une évaluation stable, solidement fondée et généralement positive de lui-même.

Définition et dimensions de l'estime de soi

Aujourd'hui, de nombreuses et différentes définitions de l'estime de soi sont disponibles, autant dans la littérature académique que dans des livres ou revues populaires, la majorité s'inspirant des travaux des auteurs cités préalablement. Entre autres, selon le Grand dictionnaire

de la psychologie (Bloch et al., 2002), l'estime de soi est la «valeur personnelle, compétence,

qu'un individu associe à son image de soi» (p. 346). André et Lelord (2002) rapportent que la meilleure synthèse qu'ils aient trouvée leur a été fournie par un adolescent: «L'estime de soi? Eh bien, c'est comment on se voit, et si ce qu'on voit on l'aime ou pas» (p. 11). Selon Mnik (1999), la littérature s'intéressant à la définition de l'estime de soi a atteint un seuil de saturation et de redondance, et un travail de consensus est nécessaire dans le domaine.

Afin d'y voir plus clair, certains auteurs ont tenté de définir l'estime de soi par processus de catégorisation ou en faisant ressortir des caractéristiques principales ou des dimensions importantes du construit. Ainsi, Wells et Marwell (1976) ont élaboré une typologie des définitions usuelles de l'estime de soi en quatre catégories. De la sorte, l'estime de soi peut être

1) une ou des attitudes que la personne adopte à son égard, en réaction à la manière dont elle se perçoit; 2) une relation entre diverses attitudes, par exemple la différence perçue entre le soi réel

(22)

22

et le soi idéal; 3) une réponse affective envers soi-même, généralement positive ou négative, d'acceptation ou de rejet; et 4) une fonction de la personnalité, qui fait partie du système de manière plus globale, liée à la motivation et à la régulation, pour faire face aux adversités de la vie (Lamoureux, 1984; Mruk, 1999; Wells et Marwell). Plus récemment, Tafarodi et Swann Jr. (2001) ont établi de manière empirique la validité d'un modèle de l'estime de soi comportant deux dimensions interdépendantes mais bien distinctes. Selon eux, l'estime de soi est constituée du sentiment de compétence (traduction libre de self-competence) et de la considération envers soi (traduction libre de self-liking). Le sentiment de compétence réfère à une évaluation globale positive ou négative de soi comme source de pouvoir personnel et d'efficacité. Il est donc liée au sentiment d'être libre d'adopter, de poursuivre et d'atteindre des buts qui représentent personnellement l'individu. La considération envers soi, quant à elle, réfère au sens moral qui est attribué aux caractéristiques et actions d'une personne. C'est une dimension qui reflète le sentiment de valeur intrinsèque global d'une personne, avec une signification sociale. Les auteurs précisent que les deux dimensions, quoique distinctes, sont fortement corrélées, rendant le classement parfois difficile. Cependant, les deux dimensions sont nécessaires à l'estime de soi globale. D'une autre façon, Smelser (1989: voir Mruk) a opté pour l'identification des «composantes quasi universelles de l'estime de soi ». Selon lui, il s'agit d'éléments cognitifs, affectifs et évaluatifs. En d'autres termes, cela signifie caractériser des parties de soi de manière descriptive, faire une évaluation positive ou négative de ces facettes de soi identifiées et finalement s'attribuer un degré de valeur, en fonction de ses standards et idéaux (Mruk).

Pour Mruk (1999), les tentatives de classification des définitions n'apportent pas ce dont la littérature a réellement besoin : une définition claire de l'estime de soi, qui explique ce qu'est l'estime et comment elle se vit. Selon lui, la littérature a accumulé assez de définitions pour posséder les fondations nécessaires à établir des standards objectifs raisonnables. À partir de l'étude des définitions de cinq auteurs, soit James, White, Rosenberg, Coopersmith et Branden, Mruk a dégagé des caractéristiques importantes d'une définition de l'estime de soi. Ainsi, pour être complète, une définition doit tenir compte des notions de compétence, de valeurs, d'attitudes, d'émotions/sentiments et la possibilité de maintenir ou de perdre l'estime. Aussi, l'auteur a repéré des structures fondamentales qui doivent être présentes dans les définitions de l'estime de soi les composantes de base de l'estime de soi et la manière dont elles sont connectées, les qualités principales de l'expérience de l'estime de soi ou la façon dont le phénomène est vécu, et enfin la

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23

dynamique de l'estime de soi, c'est-à-dire sa stabilité ou son ouverture à changer dans le temps (Mruk). Suite à ses analyses, Mruk conclut que l'estime de soi implique au moins trois composantes essentielles : 1) la fondation de l'estime de soi repose sur une connexion entre la compétence et la valeur; 2) l'estime de soi se vit aux niveaux affectif et cognitif, impliquant un processus d'acquisition de valeurs, de comparaisons à partir de ces valeurs, et de prise de conscience des résultats de ces comparaisons et de leurs impacts sur soi; 3) l'estime de soi est un phénomène dynamique, qui fluctue davantage que d'autres caractéristiques plus stables telles que la personnalité et l'intelligence. En conclusion, une bonne définition devrait pouvoir faire ressortir ces trois composantes essentielles de l'estime de soi et démontrer comment elles sont connectées ensemble. Selon Mruk, l'intégration et le consensus à ce niveau représentent toujours un grand défi pour la littérature actuelle de l'estime de soi.

D'autre part, dans un effort d'opérationnalisation du concept, Lamoureux (1984) a effectué un important relevé de littérature sur l'estime de soi. Ses sources principales proviennent de Wylie (1968, 1974, 1979: voir Lamoureux), de Wells et Marwell (1976), de Gergens (1971 voir Lamoureux), de White (1959, 1972: voir Lamoureux), de Rogers (1969: voir Lamoureux), de Maslow (1943 : voir Lamoureux, 1954), de L'Écuyer (1978) et de Coopersmith (1967). Lamoureux relève deux indicateurs de l'estime de soi, sous la forme de distinctions importantes:

1) l'estime de soi propre versus celle conférée par autrui, et 2) l'estime de soi de valeur pragmatique par rapport à l'estime de soi de valeur affective. La première dimension met de l'avant l'idée qu'il existe deux types de déterminants de l'estime : un niveau d'estime de soi qui se base sur le centre d'évaluation interne de l'individu de même qu'un niveau d'estime de soi qui est tributaire de la confirmation de sa valeur personnelle par l'environnement social. Maslow invoque ces sources d'estime en parlant de la gratification des besoins d'estime de soi par autrui, qu'il considère comme un pré requis à la satisfaction des besoins d'estime de soi par soi-même. De son côté, White (1972: voir Lamoureux) nomme une source interne, le développement des compétences, et une source externe, le respect, l'affection et l'attention reçus des proches. Ensuite, la deuxième dimension traite de la valeur (pragmatique ou affective) des sentiments qui peuvent être entretenus envers soi-même ou des réponses affectives reçues d'autrui. Pour Lamoureux, l'estime de soi de valeur pragmatique se base sur une évaluation davantage utilitaire de différents aspects de ses expériences, c'est-à-dire un jugement qui touche la compétence et l'efficience d'une personne. Dans le petit Larousse illustré (2001), l'adjectif « pragmatique » est

(24)

24

___ défini comme «fondé sur l'action, la pratique et cautionné par l'efficacité» (p. 815). D'autre part, l'estime de soi de valeur affective a trait à l'affection et la sympathie qu'une personne se porte. Rogers évoque l'estime de soi de valeur affective, qu'il nomme considération positive de soi, sous-tendant un sentiment inconditionnel d'acceptation, de sympathie et de dignité à son égard. De la même manière, le sentiment de valeur pragmatique ou affective peut se construire par les réponses émotionnelles reçues de la part d'autrui. Finalement, en lien avec l'objectif de sa recherche, Lamoureux parle de l'estime de soi par rapport aux tâches et d'un point de vue organisationnel.

À partir de ces deux indicateurs spécifiques et distinctifs de l'estime de soi, Lamoureux (1984) croise les sources (soi, autrui et le rapport aux tâches) et les valeurs (pragmatique et affective) pour obtenir six dimensions de l'estime de soi : 1) l'estime de soi de valeur pragmatique conférée par autrui; 2) l'estime de soi de valeur affective conférée par autrui; 3) l'estime de soi de valeur pragmatique conférée par soi; 4) l'estime de soi de valeur affective conférée par soi; 5) l'estime de soi de valeur pragmatique par rapport aux tâches; 6) l'estime de soi de valeur affective par rapport aux tâches. Cette classification constitue le cadre de référence que Lamoureux a utilisé dans sa recherche sur l'estime de soi, le style de gestion et le lien entre ces deux variables chez des superviseurs bancaires. L'auteur s'est servi de ce cadre de référence afin d'élaborer un questionnaire d'estime de soi.

Pour les besoins de la présente étude, et à partir du relevé de littérature effectué ci-haut, il sera retenu que l'estime de soi réfère à une évaluation cognitive et/ou affective que l'individu porte sur lui-même, qui s'exprime sous la forme d'attitudes envers lui-même, et qui indique dans quelle mesure l'individu se croit compétent, valable et digne de vivre, à travers le temps.

Estime de soi et créativité

Précédemment, il a été suggéré qu'une relation existe entre l'estime de soi et la créativité. Ici, seront présentées des études dont les résultats confirment la relation entre l'estime de soi et la créativité. Notamment, dans une analyse des caractéristiques communes de la personnalité des individus créateurs et des individus avec une haute estime de soi, Yau (1991 : voir Kemple, David et Wang, 1996) a identifié plusieurs traits communs dont la confiance en soi, l'acceptation de soi, l'ouverture a l'expérience, un locus interne d'évaluation et un sentiment de liberté face a

(25)

25

ses inhibitions. Aussi, Goldsmith et Matherly (2001) ont effectué une étude quantitative auprès de 55 hommes et 63 femmes, tous étudiants, dans le but de confirmer le lien entre la créativité et l'estime de soi. Les résultats de l'étude confirment l'hypothèse que l'estime de soi et la créativité ont un lien positif, pour les deux sexes, bien que la relation semble plus forte chez les femmes. Les résultats sont significatifs et ont été établis à partir de différentes analyses statistiques, dont des mesures multiples de chaque concept, précaution avantageuse pour mesurer des variables non observables et éviter les biais de la mesure simple. De plus, dans une étude s'intéressant à déterminer les liens entre la timidité, la créativité, et l'estime de soi, Kemple, David et Wang (1996) ont rencontré 64 enfants préscolaires (28 filles, 36 garçons) ainsi que leurs mères et éducateur principal. Les enfants et les adultes ont complété une série de tests mesurant la personnalité, l'estime de soi et la créativité. Les auteurs ont ensuite procédé à des analyses de corrélation entre les différentes mesures, pour conclure à la présence d'une relation positive significative entre l'estime de soi et la créativité.

Enfin, Rowland (2002) a effectué une recherche expérimentale pour révéler les effets positifs de la technique du «drame créatif» (creative drama), fort utilisé dans le domaine de l'éducation, sur l'estime de soi d'enfants. Le drame créatif est un médium d'apprentissage, qui émerge du jeu spontané de l'enfant et qui utilise l'art du théâtre pour accroître la sensibilité artistique des participants, leur conscience de soi, des autres et du monde ainsi que pour développer l'imagination (Rowland). Pour cette recherche, vingt enfants de sept ans ont été sélectionnés au hasard. Dix faisaient partie du groupe expérimental (5 filles, 5 garçons) et ont participé à un programme de drame créatif à raison d'une séance d'une heure par jour, 5 jours par semaine, pendant 4 semaines, pour un total de 20 heures d'atelier. Les dix autres enfants faisaient partie du groupe contrôle (5 filles, 5 garçons) et n'ont reçu aucun atelier durant cette période. Le «test du bonhomme» (Goodenough, 1926: voir Rowland) a été administré aux 20 participants avant et après le programme, et les enfants devaient se décrire de façon non-verbale avant et après le programme. De plus, les enfants du groupe expérimental ont été évalués par les animateurs tout au long du programme. Ces évaluations ont été effectuées à l'aide d'enregistrements, de grilles d'observation et de rapports écrits. Les animateurs étaient expérimentés et ont été formés pour utiliser adéquatement les instruments d'évaluation. Les résultats de l'étude dévoilent que le «drame créatif », utilisé avec des enfants socialement carences dans un contexte extérieur a la classe, structure et administre par des animateurs

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26

expérimentés, renforce le concept de soi et augmente l'estime de soi des élèves. Plus spécifiquement, les enfants ayant participé au programme étaient meilleurs pour se décrire de façon non-verbale après la formation que ceux du groupe contrôle. Aussi, le «test du bonhomme révèle des résultats significatifs seulement pour les enfants du groupe expérimental, où des changements significatifs dans le dessin sont indicateurs d'une augmentation de l'estime de soi. De plus, les évaluations des animateurs rapportent des changements au niveau des comportements, un apprentissage significatif et une augmentation considérable de l'estime de soi. L'auteure souligne que les résultats des évaluations des animateurs sont significatifs puisque les enfants ont toujours été mesurés par rapport à eux-mêmes, sans comparaisons, en tenant compte de l'évolution propre de chacun. Rowland conclue donc que lorsqu'administrée par des animateurs formés, sensibles et compétents, la technique du drame créatif peut entraîner des apprentissages significatifs, de manière à augmenter l'estime de soi et la confiance des enfants.

Par ailleurs, cette association entre la créativité et l'estime de soi semble inspirer certaines pratiques, particulièrement dans le domaine de l'art-thérapie. Cette forme de psychothérapie utilise la création artistique pour permettre aux sujets d'entrer en contact avec leur intériorité, d'en exprimer le contenu et de le transformer, de manière à favoriser la guérison (Lalancette, 2005). En particulier, lors du colloque de l'Association des intervenants et intervenantes pour le développement de l'estime de soi, Dumont (1998) a fait une brève présentation dans laquelle elle soutient que l'activité créatrice aide à développer, maintenir et/ou se réapproprier l'estime de soi. La praticienne explique que cette affirmation relève de ses assises théoriques ainsi que de sa pratique professionnelle à titre de psychologue clinicienne et d'art-thérapeute. Pour Dumont, la création est favorable à l'estime de soi car elle renforce le moi, elle permet de faire un travail sur soi-même, d'acquérir une plus grande solidité intérieure et elle implique un investissement de soi. Certaines recherches mentionnent une augmentation de l'estime de soi à la suite d'activités artistiques (Harlan, 1990: voir Larouche et Côté, 2003; Kalliopuska, 1989; O'Thearling et Bickley-Green, 1996, Shannon, 1991, Weiss, 1984: voir Larouche et Côté). De la sorte, Lamirande (1981) a effectué une recherche sur l'utilisation de la thérapie par l'art pour favoriser l'évolution de l'estime de soi. Trois jeunes adolescents entre onze et treize ans ont été sélectionnés pour participer à l'étude, mais deux seulement terminent l'étude. ils participent à 17 rencontres de groupe de thérapie par l'art de 45 minutes s'échelonnant sur quatre mois. Durant les rencontres, des activités artistiques, de création, de verbalisation et d'expression et

(27)

27

d'exploration des émotions sont proposées. Les rencontres sont enregistrées. Les instruments de

mesure utilisés sont l'Échelle d'estime de soi de Rimé et Leyen

(1975

: voir Lamirande), la

traduction du test

The Piers-Harris Chiidren 's Self-Concept-Scale

(1969 : voir Lamirande), le

dessin de la personne de Machover (1949 : voir Lamirande) et le dessin de la famille en

mouvement de Burns et Kaufman (1970: voir Lamirande). Comme complément aux mesures

quantifiables et projectives, l'auteur a utilisé la production artistique des jeunes pour évaluer leur

évolution personnelle, en tenant compte d'éléments tels que le choix des médiums, des couleurs,

l'utilisation de l'espace, du type de traits, du contenu. Finalement, des observations spontanées

d'évaluateurs externes (professeurs-titulaires) ont complété le tableau évaluatif. En tenant compte

de l'ensemble des résultats des différentes mesures et évaluations, Lamirande met en évidence

qu'une démarche thérapeutique par les arts a eu un impact positif sur l'évolution de l'estime de

soi des jeunes.

Plus récemment, Larouche et Côté (2003) ont créé et expérimenté un programme

d'éducation expérientiel, visant le développement de la conscience de soi et de l'estime de soi à

l'aide du dessin, chez douze participantes, âgées de

25 à

54 ans, pendant 15 semaines.

L'approche expérientielle accorde une priorité à l'expérience subjective, considère la globalité de

la personne et confère une place importante à la dimension affective. Des analyses de contenu ont

été effectuées sur des productions artistiques, des tests d'estime de soi (Rosenberg, 1965: voir

Larouche et Côté) ont été passés à six reprises et une évaluation de l'atteinte des niveaux de la

taxonomie expérientielle a été réalisée. À partir des résultats, les auteurs constatent une expansion

de la conscience de soi et une augmentation constante de l'estime de soi, avec une stabilisation et

un maintien des effets deux ans après la fin du programme. Plus spécifiquement, les participantes

mentionnent être plus en contact avec elles-mêmes, avoir une conscience de soi plus claire, avoir

fait des prises de conscience diversifiées, avoir gagné en authenticité, s'accepter davantage et se

manifester plus de respect.

En somme, la littérature, tant sur le plan de la théorie que de la recherche scientifique,

ainsi que la pratique professionnelle supportent l'existence d'un lien d'affinité entre la créativité

et l'estime de soi. L'apport créatif dans la vie d'un individu semble présenter de nombreux

bienfaits au niveau du développement de la personne, de la réalisation de soi et de l'estime de soi.

Grâce à ses effets bénéfiques, la créativité a suscité l'intérêt de différents secteurs de l'activité

humaine dont le marché du travail, l'éducation, la psychologie et la psychothérapie. De

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nombreux programmes d'entraînement à la créativité ont vu le jour, à partir d'approches de la personnalité, de la motivation, des interactions sociales mais surtout d'approches cognitives (Scott, G., Leritz, L. E. et Mumford, M. D., 2004). La majorité des programmes vise le développement d'habiletés cognitives telles que la résolution de problèmes, l'amélioration de la pensée divergente, de la fluidité, de la flexibilité etc. (Demers, 1984). Cependant, selon une étude de Davis et Bull (1978 voir Demers), l'amélioration d'habiletés cognitives ne produit pas de changement dans la créativité de tous les jours. D'autres types de méthodes, moins traditionnelles, orientées vers le divertissement, la spiritualité ou le développement personnel, existent également pour stimuler la créativité. À ce titre, se retrouve le Journal créatif, un outil développé par Jobin (2002), qui présente un intérêt puisqu'il embrasse la vision humaniste de la créativité de tous les jours.

JOURNAL CRÉATIF

Jobin (2002), auteure et conceptrice du Journal créatif, le définit comme «un outil d'exploration de soi qui allie le monde du dessin et de l'écriture » (p. 16). Cette forme de journal intime non traditionnel vise le développement général de la personne, dans toutes ses potentialités. Plus particulièrement, il peut aider les individus à prendre contact avec leurs ressources intérieures et développer leur créativité. Cette méthode comporte une quarantaine de techniques différentes pour s'engager dans un processus créateur à travers la tenue d'un journal intime. Jobin possède une formation professionnelle en travail social et en art-thérapie. Elle enseigne cette méthode sous forme d'ateliers accessibles à tous ainsi que dans le cadre d'une formation de 150 heures destinée aux intervenants en relation d'aide et autres professionnels. Les prémisses de base de cette méthode sont profondément humanistes puisqu'elles considèrent l'unicité de l'être humain et son besoin, c'est-à-dire sentir que sa vie a un sens. Pour Jobin, être en contact avec ce qu'il y a de plus profond en soi génère du sens, et l'art est justement un médium puissant pour avoir accès aux profondeurs de l'être, à l'inconscient, exprimer ses expériences intérieures, et les intégrer au conscient. Le processus créateur est un «processus éclairant et guérisseur qui nous aide à nous sentir en vie et à toucher le centre de notre être, là où se trouve le sens. Et ce processus est accessible à tous» (p. 35). Jobin considère également qu'une personne créative possède de l'estime de soi car elle est en contact avec sa vitalité, a

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confiance en ses ressources intérieures et croit que sa vie a un sens et de la valeur. Ce respect de soi et cette capacité à être branché sur sa vie intérieure donne à l'individu un pouvoir personnel sur son existence : il devient capable de générer des changements pour dépasser ses difficultés personnelles.

OBJECTIF DE RECHERCHE

Étant donné l'évolution rapide que connaît notre société actuellement; étant donné l'augmentation de l'incidence de troubles en santé mentale et les lacunes d'estime de soi observées sur le plan clinique; étant donné les liens établis entre la créativité et l'actualisation de soi et entre la créativité et l'estime de soi dans la littérature et la pratique; étant donné que le Journal créatif constitue une pratique créative: l'utilisation de cette méthode aurait le potentiel de favoriser l'adaptation et exercer un impact sur l'estime de soi. De la sorte, la méthode nous apparaît comme pertinente et intéressante pour tenter de répondre aux constats précités.

Le Journal créatif suscite un intérêt pour cette recherche pour de nombreuses raisons: le fait que la pratique du Journal créatif constitue en soi une pratique créative, que son approche est humaniste et cadre bien avec l'orientation de la présente étude, et aussi parce que c'est un outil concret et accessible. De plus, bien que le Journal créatif présente un potentiel intéressant pour la créativité et l'estime de soi, il n'a jamais été testé. Tel que mentionné précédemment, la méthode du Journal créatif est enseignée par Jobin (2002) dans une formation longue destinée à des intervenants et autres professionnels. Pour des raisons logistiques et des facteurs d'opportunité, la présente recherche s'intéressera donc à cette formation pour répondre à l'objectif de recherche. La section sur la méthodologie donnera plus de détails à cet égard.

C'est ainsi qu'à travers une démarche exploratoire, la présente recherche s'appliquera à vérifier l'hypothèse selon laquelle une formation au Journal créatif et sa pratique, considérées comme des pratiques créatives, pourraient exercer un impact sur l'estime de soi, selon la perception des sujets. L'objectif de la présente recherche est donc d'identifier les effets perçus d'une formation à la méthode du Journal créatif et sa pratique sur l'estime de soi.

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