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c Le XIV e siècle : fin de l’empire Khaśa Malla et émergence des royaumes

2. Contexte historique du Népal occidental

2.2. c Le XIV e siècle : fin de l’empire Khaśa Malla et émergence des royaumes

indépendants

La relation entre les Khaśa Malla et Gungthang semble apaisée au début du XIVe siècle. Kalyāṇamalla (de la lignée de Yatse-Sinja instaurée par Krādhicalla) se retire donc à Khojar- nath, le monastère de Purang fondé entre 988 et 996 par Yeshe Ö. Purang est alors une royauté dans le giron de Gungthang. Un roi de Purang nommé Sonam de (bSod nams lde) est « invité » à régner sur l’empire Khaśa Malla. Il est marié à Śakunamālā, la fille d’Ādityamalla183. L’avè- nement de Sonam de pourrait s’expliquer par une alliance forcée par Gungthang, dont le retrait de Kalyāṇamalla à Kojarnath est le corollaire.

Une chronique ouest tibétaine du début du XVe siècle, le mNga’ ris rgyal rabs, indique

clairement que bSod nams lde règne sur Purang184. Il fait des dons aux institutions religieuses tibétaines (cf. Ch. 12) et entretient une relation épistolaire avec l’abbé du monastère Sakya de Shalu, Bu ston. Dans une de ces correspondances, datée de 1333, Bu ston appelle l’empereur bSod nams lde. Une autre missive, de 1339-1340, le nomme Puṇyamalla185. Au cours d’un

180 Adhikary 1988, pp. 63 et suiv. 181 Adhikary op. cit., p. xlii. 182 Mathes 2003, pp. 90-91.

183 Sonam de aurait alors 17 ans (Vitali 1996, p. 122).

184 Le même texte place ce roi de Purang dans la lignée des rois de Guge fondée au Xe siècle par sKyid lde Nyi

ma mgon (Vitali 1996, pp. 143, 453 et suiv. ; Mathes 2003, p. 91).

discours très flatteur, le monarque est également qualifié de Grand Roi Protecteur du Dharma (« dPal chos skyog ba’i rgyal po chen po lha mnga’ bdag chen po ») résidant au Pays des Neiges du Tibet (« bod gangs can gyi khrod du chen po bzhugs pa »)186. Le titre de Malla est introduit à partir de Jitārimalla (fin du XIIIe siècle). Son emploi et la sanskritisation (ou « india-

nisation ») de son nom par Sonam de indiquent dès lors son adoption de la culture khaśa/pahāṛī qui est celle de ses sujets. À l’instar de certains de ses prédécesseurs, il effectue un passage dans la vallée de Kathmandou en 1334187.

D’après le mNga’ ris rgyal rabs, Sonam de a cinq fils dont Ki ti mal (Pṛthvīmalla) et dPal mgon lde. dPal mgon lde succède à son père et règne sur Purang et Yatse (Sinja). Le fils de dPal mgon lde, gNya’ khri lde, décède jeune et c’est son oncle, Ki ti mal, qui récupère le pouvoir dans les années 1330-1340, mais semble-t-il seulement sur Yatse et non Purang188.

La Karnali, et plus particulièrement la région de Dullu, connaît avec Pṛthvīmalla une intense période de construction de bâtiments publics. Ram Niwas Pandey estime que « plus de 50 % des inscriptions de la dynastie Malla sont du règne de Pṛthvīmalla »189. Les ministres font ériger des réservoirs et des temples. De nombreux piliers mémoriels sont installés à travers le territoire. L’apport principal de Pṛthvīmalla est la promulgation en 1357, à Dullu, d’une ins- cription eulogique (Skt. praśasti) sur un pilier monumental déjà évoqué, le Kīrtikhamba (Fig. 2.4 et 2.5). Ce pilier dresse la généalogie de l’empereur. La branche maternelle de Pṛthvīmalla est énumérée sur une face du pilier. Elle remonte jusqu’à Nagārāja. L’autre face du pilier pré- sente le côté paternel, celui de Puṇyamalla, qui est évoqué comme originaire de la lignée de Gelā. Comme je l’indiquerai plus loin, Gelā est une localité située au nord de Dullu, dans l’ac- tuel district de Kalikot. Dix-sept noms « indianisés » précèdent Puṇyamalla (Fig. 2.6). Or nous venons de voir que ce dernier vient de Purang. Ces faits poussent L. Petech à « supposer que le Kīrtikhamba de Dullu de Pṛthvīmalla invente une lignée indienne à Puṇyamalla, pour le rendre plus acceptable à ses sujets indianisés »190.

Les nombreuses constructions de cette époque sont une des conséquences directes d’un recentrement du pouvoir sur les régions au sud de l’Himalaya. Puṇyamalla hérite en effet de Yatse-Sinja mais pas de Purang. D’après le Kīrtikhamba, Pṛthvīmalla aurait combattu des ad- versaires que R. N. Pandey identifie comme les rois de « Kumaon, Garhwal, Doti, Achham,

186 Bu-ston 1971, fº. 322-323. 187 Douglas 2004.

188 Vitali 1996, p. 458. 189 Pandey 1997, p. 137. 190 Petech 1988, p. 380.

Bajhang, Raskot, Parvat, etc. parce que toutes ces régions devinrent indépendantes dans la se- conde moitié du XIVe siècle, après la mort du roi »191. Les rois de Doti sont en conflit avec les

empereurs Khaśa Malla dès la première moitié du XIVe siècle. Dans le district de Darchula, une

inscription retrouvée au temple d’Uku mentionne un certain Ajaipāla comme empereur (mahārājādhirāja). R. N. Pandey propose d’identifier Ajaipāla avec Niraipāla, pour lequel on possède des inscriptions datées de 1352 et 1362192. On ignore la date de l’inscription d’Uku, mais le temple en ruine qu’elle jouxte est datable des XIIe-XIVe siècles (DRC01). L’identité

d’Ajaipāla avec Niraipāla n’est pas évidente mais les deux personnages se parent du même titre d’empereur, qui était jusqu’ici réservé aux souverains de la Karnali. Le Doti couvre alors un vaste territoire recouvrant les régions à l’est de la Mahakali et comprenant les actuels districts de Doti, Dadeldhura, Baitadi et Darchula. À Niraipāla succède Nāgamalla, qui doit faire face à la fronde de certains vassaux. Le royaume de Doti s’en trouve affaibli et la situation encourage sans doute l’émergence de plus petits royaumes.

Pṛthvīmalla décède vers les années 1360. À cette époque l’empire a perdu ses posses- sions occidentales de Doti et par conséquent celles, plus à l’ouest, du Kumaon, du Garhwal et d’Himachal Pradesh. Après Pṛthvīmalla, un souverain nommé Sūryamalla apparaît dans une inscription de 1367193. L’identité de ce Sūryamalla est incertaine mais, comme le note S. M. Adhikary, les ministres et courtisans connus des inscriptions de Pṛthvīmalla sont également mentionnés dans l’inscription de 1367. Il est donc un successeur de Pṛthvīmalla sur le trône de Sinja194. Il est suivi par Abhayamalla, qui ne parvient pas à récupérer les territoires perdus. Son domaine doit se limiter au bassin de la Karnali et à certaines régions adjacentes. Il est mentionné dans plusieurs inscriptions trouvées dans les districts de Bajura, de Bajhang et d’Achham datées de 1376 à 1391195. Il est le dernier souverain de la dynastie Khaśa Malla.

2.3. La période post-impériale des Vingt-Deux et des Vingt-Quatre Royaumes : de 1378