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2. Bilan des principaux actionneurs de commande de vol

2.4. Les verrous technologiques

Même si aujourd’hui, plusieurs études démontrent que l’utilisation de servo- commandes hydrauliques est plus sûre qu’un actionneur électromécanique, dans les deux cas des inconvénients sont très souvent évoqués. Quelles sont les limites de chacun de ces concepts ?

2.4.1. L’hydraulique classique doit totalement disparaître

L’utilisation de l’hydraulique classique, nous l’avons vu, est un frein pour l’évo- lution des avions vis-à-vis de la masse totale embarquée. Les EHA ont démontré leur efficacité, cela ne fait pas de doute. Cependant, même s’ils constituent déjà un moyen de diminuer de manière drastique le poids de l’hydraulique dans les avions, le choix effectué par Airbus, en termes de sûreté et de fiabilité, montre une volonté d’utiliser non seulement des systèmes de servocommandes redondants de concepts différents, mais également des sources d’énergie différentes. Ceci permet d’effectuer la transition technologique en limitant les risques. Cependant le souhait de s’affran- chir totalement des sources hydrauliques existe, mais cette étape ne sera possible que lorsque la génération électrique pour une très grande demande de puissance électrique sera validée et fiable, de même pour les actionneurs de concepts autres que EHA [Tec04, Jä04].

2.4.2. Des risques avec les EMA sous leur forme actuelle

Pour préparer l’avion de demain, beaucoup d’études portent sur les EMA. Un concept en particulier semble guider les choix effectués : les actionneurs linéaires avec amplification du couple moteur par une boîte de transmission et une transformation du mouvement par système généralement à l’aide d’une vis à bille. Plusieurs inconvénients existent encore aujourd’hui et freinent leur utilisation. Tout d’abord, l’environnement thermique de ces actionneurs est un facteur important [Bot00]. Dans les actionneurs hydrauliques classiques, la chaleur géné-

rée est facilement dissipée au niveau local, mais également à travers les circuits hydrauliques. Par contre, les actionneurs purement électriques génèrent beaucoup plus de chaleur au niveau local, notamment en phase statique, lorsqu’ils doivent maintenir les surfaces de contrôle de vol dans une position fixe. L’utilisation d’un système de refroidissement supplémentaire est très fortement compromise. En effet, avec l’utilisation croissante de matériaux composites, les avionneurs accepteraient difficilement une dissipation à travers la structure de l’avion. De même, l’utilisation d’une ventilation forcée rendrait la structure encore plus complexe. Par conséquent, les actionneurs électriques doivent impérativement posséder une « convection naturelle » relativement localisée de la chaleur générée, celle-ci devant rester la plus faible possible, grâce entre autre, à l’amélioration des rendements de conversion.

Un autre point épineux dans l’utilisation des EMA concerne les risques inhé- rents à la complexité et à la multiplication des organes intermédiaires comme les réducteurs, dont les roues dentées possèdent des centaines de dents, ou comme la vis à bille. L’utilisation de moteurs électriques en entraînement direct est peu envisageable compte tenu de leur limite en termes d’efforts surfaciques. Il est donc nécessaire de recourir à des systèmes de réduction de vitesse pour accroître l’effort transmissible à la gouverne. Or, il existe, d’une part, une irréversibilité intrinsèque en cas de panne qui selon la surface de contrôle de vol concernée n’est pas sou- haitée, certaines devant revenir à leur position de départ en cas de coupure de l’alimentation, d’autres devant rester immobiles. D’autre part, la sélection d’une technologie, dans l’aéronautique, se fait à la suite de plusieurs validations, notam- ment un grand nombre d’heures de vol. La validation des EHA, par exemple, a nécessité 1000 heures de tests préliminaires avant de passer à la phase initiale de tests en vol sur les A340 et A320. C’est pour cette raison que les avionneurs ré- torquent, encore aujourd’hui, que la probabilité de grippage existe toujours et est difficile à prédire avec le peu d’expérience de vol [Jä04] et que la sûreté n’est pas démontrée selon les normes aéronautiques telles qu’elles sont définies actuellement.

2.5.

Vers d’autres concepts d’EMA

2.5.1. Actionneurs électromécaniques linéaires directs

Il est aisé de constater qu’une grande partie des études sur les EMA est consacrée à l’utilisation et à l’amélioration de technologies et de concepts connus et maîtrisés aujourd’hui. Une comparaison des propriétés intrinsèques sera développée un peu plus loin, cependant, il est possible de constater, ici, que l’énergie volumique dans l’entrefer d’un actionneur électromagnétique ne peut dépasser 0.4 MJ.m−3 (l’intensité du champ étant limitée à 1 T ) alors que les actionneurs hydrauliques atteignent 40 MJ.m−3, soit un rapport de 100. Il est

alors compréhensible que, d’une part, les avionneurs préfèrent les EHA, et d’autre part, que ces études démontrent que l’entraînement ne peut se faire que de manière indirecte au vu des limitations d’effort ou de couple transmissible par les moteurs électriques, en introduisant des organes intermédiaires entre la charge et le moteur.

Par conséquent, si l’on souhaite d’un côté remplacer les actionneurs hydrau- liques par des actionneurs à puissance purement électrique et, d’un autre côté sup- primer les organes mécaniques intermédiaires de transformation du mouvement des EMA actuels, il est impératif de mener des investigations dans le domaine des actionneurs à entraînement direct à forte densité de force ou de couple.

2.5.2. L’approche des machines électromagnétiques poly-entrefers

Une première approche en ce sens a déjà été effectuée, sur la base des machines électromagnétiques classiques, par le SATIE-cachan [Ben02] et le Laboratoire d’Électrotechnique de Montpellier (LEM) [Zie06], conformément aux idées avan- cées par le Professeur C. Rioux, dès le début des années 1970. Les deux laboratoires ont étudié la faisabilité de moteurs linéaires poly-entrefers qui possèdent une alternance de plaques fixes et de plaques mobiles de faibles épaisseurs, supportant des plots magnétiques et entourées par des bobines. Ce concept permet la multiplication des interfaces actives et, par voie de conséquence, l’augmentation de l’effort par unité de volume. Les premières machines poly-entrefers naissent dans les années 80 et se succèdent en intégrant des dispositions de lames magnétiques et de bobinages différents.

Un actionneur linéaire à réluctance variable, réalisée en 1987 [Mat87], était capable de fournir un effort statique de 1200 N pour une masse active de 2 kg. Il n’est pas spécifié s’il s’agit d’un effort en fonctionnement continu. Par contre, le niveau de densité de courant atteint, de l’ordre de 24 A.mm−2, démontre malheureusement un dépassement conséquent des limites classiques des moteurs électromagnétiques, avec les problèmes d’échauffement sous-jacents. En outre, cette densité d’effort a pu être atteinte au prix d’une minimisation des entrefers (de l’ordre de 0.02 mm), avec des plaques directement en contact. Cela implique la présence d’un effort de frottement à vide vraisemblablement important, mais dont le niveau n’est pas indiqué.

Sur le même principe général, en adoptant le fonctionnement des machines synchrones à aimants permanents, plusieurs structures poly-entrefers à aimants ont déjà été proposées. Cet ajout permet d’augmenter considérablement l’effort massique. Une machine multi-plaques à aimants a été étudiée au SATIE [Ben01]. Munie d’un système de guidage pour supprimer les frottements, elle développait un effort volumique proche de 125 N.dm−3. Si l’on considère le fait que cette machine

(a) Actionneur multi-lames (b) Actionneur multi-tiges

Fig. 1.10: Actionneurs poly-entrefers à aimants permanents [Cav03]

était refroidie par eau, on peut supposer que les densités de courant étaient élevées. Une structure de type multi-tiges (Fig. 1.10-b) [Cav03] a également été proposée. Celle-ci permettait de développer un effort de poussée de 1000 N pour un volume de 1 dm3(et une masse évaluée entre 5 et 10 kg). Les forces de frottement atteignent tout de même 130 N et la densité de courant vaut 15 A.mm−2.

Afin de tirer parti du système multi-plaques, mais cette fois par frottement, associé à l’utilisation d’aimants permanents performants de type terre-rare de pe- tites dimensions, le LEM [Zie06] a entrepris l’étude d’un actionneur dédié à l’aé- ronautique. Ce dernier est susceptible de développer un effort massique proche de 400 N.kg−1 et un effort volumique de 2000 N.dm−3 (la densité linéique de courant étant de 80 kA.m−1).

Ces études sur les actionneurs électromagnétiques poly-entrefers démontrent effectivement des capacités d’efforts massiques ou volumiques très importants. Cependant cela est rendu possible grâce à la mise en jeu de densités de courants également très élevées, ce qui engendre des échauffements très importants en fonctionnement continu. En outre, le frottement continu dû au guidage de l’élément mobile induit un effort résiduel très important à vide, qui vient dégrader d’autant les performances annoncées de ces démonstrateurs.

Par conséquent, à la lumière des limites technologiques connues pour les action- neurs classiques et les progrès timides des structures électromagnétiques en cours d’étude, il semble nécessaire de s’intéresser à de nouveaux concepts de conversion électromécanique de l’énergie qui utilisent d’autres types de matériaux, mieux à même de répondre aux besoins spécifiques de l’aéronautique en termes d’effort massique notamment.