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Variations de l’emploi par âge

CHAPITRE II - LES LEÇONS DU PASSÉ

2. Variations de l’emploi par âge

Finalement, en dehors de cette dernière exception, quand on envisage l’évolution de l’emploi à un niveau global, par sexe ou par âge, on retrouve bien le même profil temporel, avec la même coupure marquée, peu avant le milieu des années 70. Il nous reste à analyser l’évolution en termes de taux d’emploi, pour approfondir cette conclusion.

C - EVOLUTION DES TAUX DEMPLOI34

Tableau 7 : taux d’emploi de la population en âge de travailler, par sexe et par âge

Moyenne par période du taux d’emploi Période 15-64

ans

Hommes 15-64

Femmes 15-64

15-24 ans

25-49 ans

50-64 ans 1955-63 67,3 %

1964-73 64,9 %

dont 1968-73 82,1% 45,8% 52,4% 71,0% 62,0%

1974-83 63,5 % 76,9% 48,4% 46,8% 74,0% 55,0%

1984-93 59,2% 67,9% 49,6% 36,2% 75,2% 43,5%

1994-2003 61,3%

dont 1994-99 65,4% 51,5% 27,0% 77,1% 41,4%

On sait que, par construction, le taux d’emploi (qui correspond au pourcentage de personnes ayant un emploi, au sein de la population en âge de travailler) se déduit du taux d’activité et du taux de chômage. On ne s’étonnera donc pas d’observer des tendances et des fluctuations qui empruntent à nos conclusions précédentes sur ces deux points.

Ainsi, le taux global décroît-il sévèrement des périodes 1955-63 et 1964-1973, où il atteint encore 67,3 % et 64,9 %, aux périodes 1974-1983 (63,5 %) et 1984-93 (59,2 %), avant de commencer à remonter durant la dernière décennie (à 61,3 %).

Toutefois, dans la décomposition par sexe et par âge du taux d’emploi, ces variations temporelles sont largement occultées par les tendances plus longues relevées précédemment, qu’il s’agisse de la hausse des taux d’emploi féminins et des 25-49 ans ou, au contraire, de la baisse des taux d’emploi masculins, des moins de 25 ans, ou encore des plus de 50 ans.

34 Les données statistiques par âge et sexe ne permettent de traiter de manière homogène que la période 1968-1999. Il a toutefois paru utile de présenter le tableau ci-dessus, compte tenu de l’importance prise par le taux d’emploi dans les engagements pris aux sommets européens depuis 2000 (Lisbonne, cf. infra).

IV - LES CONSÉQUENCES DU BASCULEMENT DES ANNÉES 1970 Notre volonté de tirer les « leçons du passé » sur la plus longue période de référence disponible conduit à diviser les 6 décennies qui nous séparent de la fin de l’occupation, en deux sous-périodes somme toute assez évidentes, de durée équivalente : d’une part 1944-1974, d’autre part 1974-2004. On notera d’ailleurs que leur durée trentenaire correspond à l’épaisseur temporelle qui est approximativement celle entre deux générations, et qu’on cherche généralement à scruter dans les travaux démographiques35.

Ces deux sous-périodes se différencient non seulement par deux régimes de contrainte bien différents sur le marché du travail, mais également par des différences marquées de comportement de nombre de variables socio-démographiques concernant l’activité professionnelle, et même de variables démographiques importantes :

- au titre des premières, se trouve, sans surprise, le taux de chômage, mais aussi la création d’emplois. Manifestement, alors qu’avant 1974, la croissance de ces derniers était surtout limitée par l’offre de travail 36, c’est à dire par des données démographiques et socio-démographiques, on assiste, à partir de cette date, à un

« basculement de régime »37 : désormais, c’est l’insuffisance de la demande de travail38 qui devient le principal facteur limitant du marché ;

- pour ce qui concerne les variables socio-économiques, activité professionnelle et taux d’activité, la persistance de ce chômage de masse a conduit à de nouveaux comportements beaucoup plus restrictifs, notamment en ce qui concerne les franges les plus âgées de la population en âge de travailler : d’abord l’ensemble des sexagénaires, puis les hommes de plus de 55 ans ;

- d’un point de vue plus directement démographique, ce basculement du marché du travail se retrouve dans les statistiques d’immigration, par un mélange de politiques volontaristes et de comportements spontanés des acteurs. Moins souvent analysés, les comportements de fécondité basculent exactement à la même période, traduisant sans doute, non seulement une perte progressive de confiance en l’avenir,

35 Ceci évite de surcroît un biais méthodologique fréquent, quand on essaie de comparer des périodes de durée trop différente.

36 Ce que l’on appelle couramment les demandes d’emploi.

37 L’expression « basculement de régime » est empruntée à la théorie des déséquilibres de marché : quand un marché (ici celui du travail) n’équilibre pas son offre et sa demande par une simple variation de prix (ici les salaires), le niveau des échanges est déterminé par la plus faible des deux grandeurs, offre ou demande.

38 Les offres d’emploi se réduisent avec la croissance du PIB, qui diminue de moitié après 1973, et des trois quarts à partir de 1979. Il faudra attendre la deuxième moitié des années 80, pour assister à une première amélioration de la situation économique d’ensemble.

mais aussi la difficulté bien concrète des jeunes couples et notamment des jeunes femmes39 à s’insérer durablement dans une vie professionnelle leur permettant de mettre au monde les enfants désirés : quoiqu’il en soit, il est frappant à cet égard de voir comment l’âge moyen à l’accouchement, qui n’avait fait que s’abaisser depuis 1945, remonte constamment depuis lors (ce qui entraîne une baisse de l’indice conjoncturel de fécondité).

Finalement, cette analyse du passé ne laisse guère doute sur la corrélation, certes complexe, entre variables économiques, socio-économiques et démographiques. On ne peut évidemment pas postuler une sorte de

« déterminisme démographique » sur les performances économiques, et notamment celles du marché du travail. Par contre, si les variables démographiques connaissent évidemment une autonomie relative vis-à-vis des variables économiques, les corrélations observées concernent un nombre suffisamment différencié d’agents économiques (les immigrés, les employeurs, les jeunes couples, les salariés âgés, etc.), pour qu’on ne puisse pas douter de l’influence des performances du marché du travail sur l’ensemble de leurs comportements et, par là-même, sur les évolutions démographiques à très long terme.

Au delà des chiffres, c’est sans doute la plus importante des leçons du passé qu’il ne faudra surtout pas oublier, au moment de débattre des perspectives démographiques des prochaines décennies.

39 Leur taux de chômage reste constamment supérieur à celui des hommes.