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La valeur de la première étude: la richesse des données

CHAPITRE 3: MÉTHODE

3.2. La pertinence d’utiliser un devis d’analyse secondaire

3.2.2. La valeur de la première étude: la richesse des données

La problématique de cette étude s’appuie sur les données d’une recherche antérieure faite dans le cadre des études de maîtrise en science infirmière de l’Université de Montréal. Le but de l’étude originale de type qualitatif et participatif était de promouvoir la réflexion sur les soins infirmiers à partir d’un processus participatif des intervenants, afin d’apporter des changements dans leur pratique infirmière (Delgado, 2000; Delgado et al., 2001). Plus spécifiquement, cette étude s’intéressait à comprendre comment le processus de réflexion pourrait amener l’élaboration de stratégies de changement de la pratique infirmière et examiner l’incorporation d’une nouvelle façon de concevoir l’action infirmière dans un groupe de réflexion-action.

Cette première étude avait utilisé une approche de recherche-action participative. Celle-ci favorise des changements dans les pratiques infirmières par la réflexion sur la pratique, tout en reconnaissant les connaissances et la capacité des praticiens de promouvoir le changement. Le modèle de recherche-action de Kemmis et McTaggart (1988) avait été choisi afin de guider le processus. Ce modèle se compose des étapes suivantes: la reconnaissance du terrain, la planification, l’action, l’observation et la réflexion (annexe 4). Ces auteurs affirment que le changement porte sur trois dimensions: le langage, les activités et les relations. Un changement dans ces trois dimensions peut être observé à toutes les étapes. Ainsi, ces trois dimensions ont orienté le contenu de chacune des étapes du processus.

Le processus était le suivant: la reconnaissance du terrain par la chercheure, puis le premier et le deuxième cycle des étapes du modèle de Kemmis et McTaggart.

1. Reconnaissance du terrain par la chercheure:

Pendant cette étape, la chercheure a fait une observation directe de la pratique actuelle et une analyse de la collecte de données infirmières. Pour l’observation directe, la chercheure a utilisé le journal de bord. Elle a annoté les

observations sur le langage utilisé par les infirmières, sur les activités réalisées par les infirmières et sur les relations sociales qu’elles avaient avec le patient, la famille, les infirmières et les médecins, afin d’identifier ce qui apparaît le plus caractéristique chez les infirmières quand un patient arrive à l’unité de soins intensifs (USI) et pendant la collecte des données infirmières.

Pour analyser ce que l’infirmière enregistre dans le graphique du patient pendant la collecte de données, la chercheure a utilisé un guide élaboré par elle- même. De plus, la chercheure a posé aux infirmières quatre questions reliées au langage, aux activités, aux relations et à la nouvelle collecte de données infirmières.

La durée de cette étape a été de deux (2) mois. Pendant ce temps, la chercheure a observé six (6) infirmières. Toutes les infirmières ont donné leur consentement éclairé et accepté ainsi d’être observées. Les observations de la reconnaissance du terrain ont été lues par quelqu’un qui n’était pas présent durant les observations afin de poser des questions sur la description pour qu’il y ait le plus de détails possible. L’identification des patients et des infirmières a été modifiée par souci de protection de l’identité.

2. Premier cycle:

L’étape de planification. Après l’étape de la reconnaissance du terrain par la chercheure, l’étape de planification conjointe de l’étude a débuté. Au cours de cette étape, les participantes ont planifié la façon dont se réaliserait véritablement l’étude.

Pendant cette étape, la chercheure a distribué la documentation suivante: le modèle de recherche-action de Kemmis et McTaggart qui incluait la définition de la recherche-action, les éléments du modèle (le langage, les activités et les relations) et le processus de changement et un guide montrant comment réaliser un journal de

bord, selon ces mêmes auteurs. Les participantes utilisaient le journal de bord pendant les étapes d’observation et de réflexion individuelles.

Les participantes n’ont pas rencontré de problème à comprendre le modèle et la méthodologie, mais elles avaient de la difficulté à faire elles-mêmes l’observation de la pratique. Après consensus, elles ont décidé qu’une des participantes ferait office d’observatrice informelle (l’une des participantes observait de manière informelle l’autre participante pendant sa pratique; si la participante ne se souvenait pas d’un détail de son observation, elle questionnait alors l’observatrice).

Les étapes d’action et d’observation. Le temps nécessaire pour toutes les participantes réalisant chacune des auto-observations de deux (2) admissions où elles étaient l’infirmière responsable du patient fut de deux mois. Les participantes ont suivi la même observation systématique que celle utilisée par la chercheure pour faire la reconnaissance du terrain.

Premièrement, avant de commencer l’auto-observation, les participantes ont répondu à quatre (4) questions reliées à la perception de leur pratique (les questions étaient les mêmes que celles posées par la chercheure aux infirmières observées pendant la reconnaissance). Chaque question était reliée aux éléments qu’elles allaient observer postérieurement, c’est-à-dire une question reliée au langage, une autre aux activités, une autre aux relations et la dernière reliée à la collecte de données infirmières.

Deuxièmement, les participantes ont observé le langage utilisé, les activités réalisées et la relation établie avec le patient, la famille, les médecins et les collègues. Par la suite, elles ont consigné dans leur journal de bord une description de tous les éléments observés. Puis, elles ont fait une réflexion critique individuelle sur ces descriptions ainsi que sur leurs perceptions, sensations et émotions reliées au processus. De plus, elles ont évalué la collecte de données infirmières qu’elles

ont utilisée après l’arrivée du patient à l’unité, à partir de la grille créée et utilisée par la chercheure lors de la reconnaissance du terrain.

L’étape de réflexion. L’étape de réflexion consistait à mettre en commun ce qu’elles pensaient qu’était leur pratique (les réponses aux quatre questions) et ce qui a réellement émergé de l’observation de leur pratique (journal de bord). La réflexion collective permettait l’échange de leurs points de vue et la formulation des critiques envers leur pratique actuelle.

3. Deuxième Cycle

Ré-planification. Le point de départ de cette étape ce fut les réflexions critiques et documentées dérivant de l’observation de la pratique. À partir de ces réflexions, les participantes ont développé un plan d’action basé sur l’information critique afin d’améliorer celui en vigueur (Kemmis et McTaggart, 1988).

Les questions clés de cette étape ont été: “Que pourrait-on faire?” et “Comment pourrait-on améliorer les choses?”. En tenant compte de la réalité quotidienne et des obstacles matériels et/ou humains possibles, les participantes ont élaboré une série de stratégies de changement viables et réalistes, étant donné le contexte.

Les étapes d’action et d’observation. Pendant cette étape (quatre mois), les participantes ont implanté les stratégies qui avaient été décidées pendant l’étape de ré-planification et elles ont observé leurs actions de façon critique. Par la suite, elles ont noté dans leur journal de bord les réflexions reliées au changement de leur langage, leurs activités, leurs relations et leur collecte des données par les infirmières, et aussi leurs perceptions, sensations et émotions reliées au processus.

L’étape de réflexion. Pendant cette étape, les participantes ont analysé ce qui s’est passé, les succès et les limites de leurs actions; elles ont examiné les conséquences et elles ont discuté sur les implications des actions futures. La

chercheure a utilisé un guide pour la réflexion où les aspects liés au changement (langage, activités et relations) sont présentés (annexe 5). Les participantes ont aussi donné leur opinion sur la méthodologie de la recherche-action utilisée, et ont exposé les avantages et les inconvénients de la méthode. La chercheure a utilisé un guide pour la réflexion où les aspects reliés à la méthode sont présentés (annexe 6). La réflexion collective s’est basée sur ces deux guides et sur les réflexions individuelles écrites par les infirmières dans leur journal de bord. Un résumé de toutes les étapes décrites peut être consulté à l’annexe 7.

Heaton (1998) affirme que la pertinence d’une analyse additionnelle changera selon la nature des données; par exemple, alors que les entrevues étroitement structurées tendent à limiter la gamme des réponses, les entrevues semi-structurées ou les réunions de groupe peuvent produire des données plus riches et plus diverses. En ce sens, tout au long du processus lors de la première étude, il y a eu possibilité de discuter sur d’autres aspects qui n’étaient pas inclus dans les guides ou le journal de bord. On a donc généré d’abondantes données sur plusieurs éléments ciblés par les questions de recherche (pratique, patient, famille, médecin, collègues, collecte des données infirmières) et d’autres qui sont ressorties sans les chercher spécifiquement, comme par exemple: le pouvoir médical, le manque d’autonomie professionnelle, l’institution, les difficultés et les barrières par rapport au changement, la dynamique du travail, entre autres; ces éléments n’ont pas été analysés lors de la première étude.

D’ailleurs, quelques auteurs affirment que les données des études qualitatives sont mieux analysées par un chercheur qui a participé à la collecte des données de la première étude (Mauthner, Parry & Backett-Milburn, 1998). En ce sens, la chercheure connaît très bien les données qu’elle a analysées de nouveau. Ainsi, elle est allée sur le terrain et elle les a recueillies et analysées elle-même pendant douze mois, en utilisant différentes stratégies (observation systématique, entrevues structurées, rencontres de groupe, journal de bord, grilles). Par ailleurs, elle connaît suffisamment le processus étant donné qu’elle a joué un rôle actif à trois niveaux pendant tout le processus de recherche: organisationnel,

d’appui ou de personne ressource et méthodologique. De plus, elle connaît très bien le contexte pour y avoir travaillé depuis 20 ans (actuellement elle continue à travailler dans l’USI à temps partiel) et des conversations informelles avec les infirmières et les résultats des dernières études publiés au niveau national et international par rapport à la pratique infirmière dans les unités de soins intensifs, permettent de constater que la pratique infirmière n’a pas changé de façon notable ces dernières années.

Finalement, l’existence de données abondantes ne garantit pas leur adéquation pour répondre aux questions élaborées dans une nouvelle recherche. Il s’avère nécessaire d’effectuer une évaluation préliminaire des données permettant de répondre à deux questions: 1) Le « fit » des données de l’étude originale avec les nouvelles questions de recherche et 2) la qualité des données. La prochaine section présente les stratégies utilisées pour répondre à ces deux questions.