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Utilisation de Triptans et événements vasculaires sévères chez les plus de 65 ans

Joëlle MICALLEF – AP-HM Hôpitaux de Marseille (Appel à projets 2013) Contexte

Le sumatriptan et les autres agonistes des récepteurs de la sérotonine 5HT1B / 1D de deuxième génération (triptans) ont amélioré la qualité de vie des patients atteints de migraine. Ils se caractérisent par une meilleure efficacité et un profil d'effet indésirable plus favorable que l'ergotamine. Cependant, en raison de leur activité agoniste 5HT1, les triptans peuvent provoquer une vasoconstriction cérébrale et périphérique (notamment coronarienne) pouvant conduire à des complications graves telles que l'infarctus du myocarde, l'AVC ischémique et la colite ischémique.

La population des plus de 65 ans est rarement représentée dans les essais cliniques, et est plus à risque d'hypertension artérielle et de maladies cardiovasculaires, expliquant la non-recommandation des triptans dans cette tranche d’âge. Les données disponibles dans la vie réelle ont souligné qu'en France et dans d'autres pays, les triptans sont prescrits chez les plus de 65 ans.

À notre connaissance, la sécurité cardiovasculaire des triptans n'a jamais été étudiée spécifiquement dans cette population.

Objectif et méthode

Notre objectif était d'étudier si l'utilisation de triptan était associée à un risque accru d'événements cardiovasculaires chez les personnes âgées de plus de 65 ans en France.

Nous avons mené une étude de cohorte historique incluant tous les utilisateurs incidents de triptans âgés de 65 ans et plus en France, grâce à l'extraction de données de la base de données SNIIRAM (Système National d'information Inter-Régimes de l'assurance Maladie) pour la période janvier 2011 à décembre 2014.

Les utilisateurs de triptan ont été définis comme ayant eu au moins un remboursement de tout triptan pendant le suivi (seuls les utilisateurs incidents sans aucune délivrance de triptan au cours des 6 mois précédents ont été inclus). Chaque utilisateur de triptan a été apparié (sur l'âge, le sexe et le département de résidence) à 4 témoins non exposés.

L'exposition aux médicaments a été évaluée à partir des données enregistrées dans le SNIIRAM et catégorisée selon la classification ATC. Les évènements cardiovasculaires ont été identifiés à partir des données d’hospitalisation (PMSI), et catégorisés selon la CIM-10. Des comorbidités d’intérêt et l’indice de comorbidités de Charlson à l’inclusion (diabète, hypertension, dyslipidémie, antécédents cardiovasculaires) ont été définies par la présence de codes de la CIM-10 issues des données d'hospitalisation ou par l’identification de médicaments « traceurs » dans la période de 6 mois avant l'entrée de cohorte. De même, le nombre de jours d'hospitalisation et le nombre de visites médicales pendant les 6 mois précédant l’inclusion ont été considérés.

Les modèles de risques proportionnels de Cox ont été utilisés pour estimer l'association entre l'exposition aux triptans et les évènements cardiovasculaires au cours des 90 jours après l'initiation du médicament (date index). La durée de l'exposition a été estimée en ajoutant le nombre de doses définies journalières (DDJ) distribuées à la date de délivrance. Compte tenu de l'incertitude liée à la date exacte de prise, nous avons effectué des analyses de sensibilité en faisant varier la durée d'exposition possible en ajoutant 7, 14, 28 jours à la période d'exposition initiale. Toutes les covariables associées à une valeur p > 0,2 dans l'analyse univariée étaient initialement incluses dans le modèle. En raison du déséquilibre des caractéristiques de base entre les sujets exposés et non exposés (les témoins présentant plus de comorbidités), une analyse secondaire a été effectuée après un appariement sur un score de propension.

Le score de propension a été calculé à partir d'un modèle de régression logistique comprenant l'âge, le sexe, l'indice de Charlson, d'autres covariables (hypertension, dyslipidémie ...), nombre de visites médicales et nombre d'hospitalisations. Enfin, dans le but de compléter l’étude et de minimiser les biais résiduels toujours présents, une analyse en case cross-over a été effectuée.

Résultats

Le protocole d'étude a été approuvé par l'Institut des données de santé (IDS) et la CNIL. L'étude a été enregistrée dans la base ENCePP (ENCEPP/SDPP/8976).

La cohorte initiale comprenait 47 353 utilisateurs incidents de triptans et 189 412 témoins non exposés.

L'âge moyen était de 71 +/- 6 ans avec 71% de femmes. Les témoins présentaient plus de comorbidités que le groupe triptan (75,8% des sujets exposés et 65% des non exposés avaient un score de Charlson de 0), et plus d’hospitalisations au cours des 6 derniers mois.

Le zolmitriptan (49%) était le triptan le plus fréquemment retrouvé, suivi de l'élitriptan (16%) et de l'almotriptan (12%). Dans les 90 jours suivant la date index, 76,5% des utilisateurs de triptan avaient reçu une seule délivrance ; 203 évènements cardiovasculaires ont été observés dans le groupe triptan (0,4%) contre 976 dans le groupe témoin (0,52%).

Les évènements vasculaires les plus fréquemment observés dans le groupe triptan étaient l'infarctus cérébral (35,9%), l'angine de poitrine (24,6%) et l'infarctus du myocarde (14,2%) versus 19,4%, 29,2% et 10,8 % chez les témoins.

Le risque relatif estimé par le modèle de régression de Cox était de 0,83 (intervalle de confiance à 95%

[0,71; 0,96]). Après appariement sur le score de propension, le groupe triptan comprenait 24 774 sujets et 99 096 témoins (âge moyen = 71 ans +/- 5,9 et 74% de femmes). Dans les 90 jours suivant la date index, 163 évènements vasculaires ont été observés dans le groupe triptan (0,66%) contre 523 dans le groupe témoins (0,53%).

Dans le modèle de régression de Cox, l'exposition aux triptans était associée aux évènements cardiovasculaires (HR = 1,24 IC 95% [1,04; 1,48]). Les résultats étaient similaires dans les différentes analyses de sensibilité. L’étude de type case cross-over retrouvait également une association

1,63 (IC 95% 1,22-2,19). L’analyse complémentaire, stratifiant sur le type de localisation, ne retrouvait d’association significative que pour les évènements vasculaires cérébraux (ORa à 2,14 ; IC 95% 1,26-3,63).

Conculsion

Il s’agit de la première étude évaluant spécifiquement les évènements vasculaires graves chez les plus de 65 ans utilisateurs incidents de triptans et sur une population importante et exhaustive (plus de 45 000 patients). Cette population présente moins de FDR cardiovasculaires que les patients témoins du même âge non exposés au triptan. L'incidence des évènements cardiovasculaires est faible dans cette population.

Après appariement sur un score de propension, l'exposition au triptan dans cette population est associée à la survenue d'événements cardiovasculaires, avec une période de risque correspondant à l'exposition actuelle.