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Un panel d’activités

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 177-182)

Une approche des mobilités par les trajectoires de vie

Type 4  : Alternance résidentielle entre communauté et lieux de migration

4.2.  Mobilités professionnelles

4.2.1.  Un panel d’activités

L’activité professionnelle considérée est celle que l’enquêté déclare lui‐même exercer sur son  lieu  de  migration,  caractérisée  par  le  secteur  de  l’activité  principale  et  la  catégorie  professionnelle de l’individu. Compte tenu des activités recensées, le secteur primaire est  représenté par l’agriculture et la mine ; le secteur secondaire par le bâtiment, l’artisanat et le  textile et enfin, dans le secteur tertiaire, on trouve les activités de commerce, la restauration, le  service domestique, le transport, l’administration, l’éducation, la santé et l’armée. Quant à la  catégorie professionnelle de l’individu, nous distinguons d’une part le « salariat informel » qui  regroupe l’ensemble des emplois relevant du secteur informel (sans contrat et non déclaré), ce  type d’emploi  peut être  journalier,  hebdomadaire, mensuel  ou annuel. Nous  distinguons  d’autre part, les emplois de « fonctionnaire et assimilé » pour lesquels les salariés ont des  contrats et des emplois stables. Une troisième catégorie est celle d’« indépendant » qui regroupe  les individus qui travaillent pour leur propre compte. 

La trajectoire de mobilité professionnelle considère les changements de secteur d’activité et de  statut mais pas les changements d’employeurs. L’activité professionnelle de l’individu est  analysée de façon à la fois diachronique et synchronique. Dans le premier cas, nous parlons de  poly‐activité, définie comme la succession d’activités différentes au cours du cycle de vie et qui  fait donc référence à la trajectoire professionnelle. Dans le deuxième, la pluriactivité est définie  par la combinaison d’activités au cours d’une même année. 

4.2.1. Un panel d’activités 

Le tableau suivant (tableau 35) restitue les activités professionnelles ou autres (scolarité, service  militaire) citées par les individus migrants au cours de leur trajectoire sur leur lieu de migration  (soit 139 individus), ainsi que le pourcentage d’hommes et de femmes qui les ont pratiquées  (voir  en  annexe  19  le  détail  des  activités).  Les  activités  citées  dans  les  139  trajectoires,  correspondant à des événements migratoires survenus entre 1939 et 2008, sont au nombre de 45. 

Nous les avons regroupées en 16 types d’activités. 

Pour le secteur de l’éducation, nous avons distingué les enfants qui sont scolarisés à l’école  primaire et au collège/lycée, des étudiants qui suivent des études supérieures (post‐baccalauréat  ou baccalauréat technique dans un établissement pour adultes). Sous l’appellation générique  d’« administration », nous avons regroupé les activités assimilées aux fonctionnaires de l’État,  c’est‐à‐dire les infirmiers, professeurs, policiers et employés administratifs. 

Parmi les activités exercées sur les lieux de migration, les plus citées par les hommes sont  le  salariat informel dans les mines (43,7% des hommes), dans l’agriculture (31%) et dans le  bâtiment (28,7%). Quant aux femmes, qui participent depuis les années 1970 à l’obtention de  revenus des ménages, la moitié ont été employées domestique au cours de leur vie77 et 36,5% 

ont eu un commerce ou un restaurant à leur propre compte. Les autres activités se rencontrent  dans des proportions moins importantes et sont exercées indifféremment par les hommes ou  par les femmes. 

   

      

77 L’activité d’employée domestique recouvre les employées de jour (cama afuera) et les employées qui vivent chez  leurs employeurs (cama adentro). 

 

Agriculture  Salariat informel  31,0  5,8 

Indépendant  10,3  13,5 

Mine  Salariat informel  43,7  0,0 

Secteur  II 

Bâtiment  Salariat informel  28,7  0,0 

Indépendant  5,7  0,0 

domestique  Salariat informel  0,0  50,0 

Administration  Fonctionnaire et 

assimilé   16,0  0,0 

Éducation  Études supérieures  17,2  7,7 

Scolarisation  26,4  21,2 

Armée  Service militaire  39,1  0,0 

Source : A. Vassas Toral, enquêtes par entretiens 2007/2008. 

La différenciation des activités professionnelles par communauté permet de détecter l’existence  éventuelle de spécialisations ou niches professionnelles sur les lieux de migration. Nous tenons  compte à nouveau de l’ensemble des activités pratiquées au cours des trajectoires. 

Considérons  tout  d’abord  les  activités  exercées  par  les  hommes  (tableau  36).  Dans  trois  communautés, San Juan, Chilalo et Candelaria, le travail dans les mines est le plus souvent cité. 

Il est suivi, selon les cas, soit par le bâtiment (Chilalo), soit par l’agriculture (San Juan et  Candelaria). À Palaya, à l’inverse, le travail dans l’agriculture arrive en première position,  tandis que le secteur minier est très peu cité par les migrants. Arrivent ensuite l’emploi dans  l’administration,  les  services  de  commerce  et  de  restauration  qui  tiennent  une  place  relativement importante. Le profil d’Otuyo est plus spécifique puisque le secteur tertiaire est  dominant, en particulier le travail dans le transport, le commerce et la restauration.  

Tableau 36 : Activités professionnelles exercées par les hommes au cours de leur trajectoire  migratoire (en % du nombre d’hommes migrants par communauté) 

Activité citée au moins une 

fois au cours de la trajectoire  San Juan Chilalo Otuyo  Candelaria  Palaya 

Agriculture  36,0  13,3  50,0  45,8  72,7 

Mine  48,0  46,7  16,7  62,5  18,2 

Bâtiment  32,0  60,0  16,7  41,7  9,1 

Textile et artisanat  22,0  20,1  25,0  4,2  18,2  Commerce et restauration  12,0  26,7  41,7  33,4  36,4  Service automobile et transport  28,0  13,3  66,6  4,2  9,1 

Administration  8,0  13,3  8,3  16,7  45,5 

Études supérieures  20,0  6,7  0,0  20,8  36,4 

Source : A. Vassas Toral, enquêtes par entretiens 2007/2008. 

 

Les secteurs d’insertion professionnelle des femmes sur les lieux de migration sont plus réduits  puisque seulement 8 types d’activités sont représentés contre 13 chez les hommes (tableau 37). 

Ce chiffre cache des disparités puisqu’à San Juan, 80% des femmes ont pratiqué le service  domestique pour seulement 5 types d’activités recensés. À Chilalo, 7 activités sont citées avec  une prédominance du  commerce  indépendant dans  une  proportion quasi  équivalente  au  service  domestique.  À  Otuyo,  parmi  les  4  activités  citées,  le  commerce  indépendant  est  également plus cité que le service domestique, tandis que le secteur secondaire (textile et  artisanat) est absent. Enfin, à Palaya, 6 activités sont citées par les femmes migrantes, dont très  majoritairement également le commerce ou la restauration. Il est paradoxal de constater dans  cette communauté, en revanche, qu’aucune  femme n’ait déclaré avoir fait des études sur le lieu  de migration. Car c’est précisément à Palaya où les hommes partent le plus pour étudier.  

Tableau 37 : Activités professionnelles exercées par les femmes au cours de leur trajectoire  migratoire (en % du nombre de femmes migrantes par communauté) 

Activité citée au moins une 

fois au cours de la trajectoire  San Juan Chilalo Otuyo  Palaya 

Agriculture  13,3  25,0  7,7  42,9 

Textile et artisanat  6,7  25,0  0,0  28,6  Commerce et restauration  20,0  50,1  53,9  85,7  Service domestique  80,0  43,8  30,8  42,9 

Études supérieures  6,7  12,5  7,7  0,0 

NB : À Candelaria, nous avons rencontré une seule femme migrante mais  qui n’a pas exercé d’activité professionnelle. 

Source : A. Vassas Toral, enquêtes par entretiens 2007/2008. 

On observe donc une certaine différenciation des activités exercées en migration avec, par  communauté, des activités de  « prédilection ». Ainsi, beaucoup d’hommes de Palaya sont  professeurs ruraux ; à Candelaria, on rencontre de nombreux mineurs, employés agricoles et  maçons ; à Otuyo et Chilalo, l’activité de construction pour les hommes et celle de commerce  pour les femmes prédominent, alors qu’à San Juan beaucoup d’hommes sont employés dans les  mines et les femmes travaillent comme employées domestiques. On peut faire l’hypothèse ici,  qu’au‐delà du rôle de la proximité, ce sont les réseaux intracommunautaires, familiaux et de  parenté  élargie,  ainsi  que  l’effet  de  mimétisme,  qui  expliquent  ces  spécialisations  par  communauté. 

Les lieux de migration, tout comme les formes d’insertion dans le marché de l’emploi, tant du  point de vue du secteur d’activité que du statut, ont cependant fortement évolué au cours des  cinquante  dernières années. En considérant la  totalité des activités  citées pour toutes les  trajectoires, la figure 38 montre que, sur la période 1938‐2008, le secteur primaire a chuté au  profit  du  secteur  tertiaire  (hors  scolarisation  et  études  supérieures),  celui‐ci  devenant  prédominant à partir des années 1970. Pour les activités du secteur secondaire, leur importance  a varié au cours du temps, avec une valeur minimale dans les années 1970, puis à nouveau  croissante pour atteindre plus de 20% dans les années 2000. Enfin, l’éducation concerne toujours  entre  10  et  25%  des  individus,  quelle  que  soit  la période.  La  tendance  est  donc à  une  tertiarisation des activités sur les lieux de migration, signifiant aussi une moindre pénibilité du  travail, ce dont témoignent les migrants. 

  entre 44 et 66% selon les périodes, représente toujours la majorité des emplois, ce qui est un  indicateur de la forte précarité du travail sur les lieux de migration. Parallèlement, la proportion  des salariés permanents (fonctionnaires  ou  assimilés) ne connaît gère d’évolution et reste  inférieure à 10%. En revanche, les individus qui pratiquent leur activité de forme indépendante  sont toujours plus nombreux, pour atteindre 40% dans les années 2000. Bien qu’il soit difficile  de le vérifier en l’état de nos données, la hausse du nombre des travailleurs indépendants peut  traduire  une  amélioration  des  conditions  de  travail,  une  certaine  ascension  sociale  et  probablement de meilleurs revenus dans les formes d’insertion professionnelle des migrants. 

Figure 40 : Évolution du statut professionnel sur les lieux de migration (en % des individus  ayant exercé une activité au cours de la période, sur un total de 139 individus) 

 

Source : A. Vassas Toral, enquêtes par entretiens 2007/2008. 

Finalement,  l’évolution  des  activités  pratiquées  en  migration  est  marquée  par  une  diversification au cours du temps, mais aucune activité ne disparaît pour autant. Certes, le  travail dans les mines et l’agriculture connaît un net recul. En effet, si l’activité minière était 

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prépondérante entre 1930 à 1970, elle devient très secondaire à partir de 1986 au moment de la  privatisation d’une grande partie des mines du pays. L’emploi agricole a également tenu une  place importante jusque dans les années 1970 alors qu’il n’est plus très significatif aujourd’hui. 

À ce titre, on trouve peu d’agriculteurs indépendants sur les lieux de migration, ce qui signifie  que les populations de l’Altiplano Sud n’ont guère profité des fronts de colonisation agricole  des terres basses dans le pays.  

Si l’on tient compte seulement des activités pratiquées en migration au moment de l’enquête,  c’est‐à‐dire lors de la dernière période 2000‐2008, le commerce indépendant est devenu l’activité  phare (plus d’un quart des migrants citent cette activité), suivi par le salariat informel dans les  secteurs du textile et de l’artisanat (14%) et, pour les femmes, par le travail domestique (11%). 

Pour les hommes le salariat permanent dans l’administration, le salariat informel dans le  bâtiment ou le service automobile demeurent des débouchés importants (entre 6 et 10% des  hommes migrants au cours de la période ont pratiqué ou pratiquent encore l’une de ces  activités). 

La migration, comme déjà dit, est souvent liée à la recherche d’un meilleur revenu. Pour les  jeunes générations de migrants, cependant, les conditions d’emploi sont souvent très précaires  et le travail finalement peu rémunéré au regard du temps consacré. Au bas de l’échelle, on  trouve en effet les emplois des jeunes gens qui, souvent, partent chez un parent pour une  première expérience migratoire. T. Locoh (1991 : 283)  signale que « bien souvent le migrant, s’il  est jeune et peu formé deviendra une aide‐familiale ou l’apprenti de celui qui l’héberge, statut précaire où,  pour le prix de l’hébergement on est corvéable à merci. Les filles sont particulièrement destinées à ce  statut ». Les jeunes filles des communautés de l’Altiplano Sud, qui partent comme employée  domestique chez une tante ou une marraine, se trouvent précisément dans cette situation, ainsi  que les garçons qui travaillent comme aide maçon chez un oncle ou un cousin. Leur salaire est  symbolique mais, en compensation, ils ont parfois la possibilité d’étudier ou de se former à un  métier. 

Le salaire minimum en Bolivie, en 2007, était d’environ 50 euros par mois pour un travail non  qualifié et  déclaré,  supposant  des  conditions et  un  temps  de travail  réglementaires.  Sur  l’Altiplano  Sud, comme dans  de  nombreuses  régions en  Bolivie,  la  plupart  des  activités  pratiquées sur les lieux de migration ne sont pas déclarées, et si les migrants se considèrent  souvent comme des travailleurs « journaliers », assumant ainsi des conditions précaires et de  forte pénibilité, c’est que les gains d’un travail non déclaré sont souvent plus élevés. Pour les  adultes, le salaire d’un maçon ou de tout autre travailleur non qualifié est de 2 à 5 euros/jour  (soit 50 à 125 euros/mois). Les conditions de travail sont variables, certains sont logés et nourris. 

En revanche, ceux qui sont embauchés dans de grandes entreprises (en général des entreprises  étrangères), reçoivent un salaire plus élevé ; selon nos enquêtes, les opérateurs travaillant dans  la mine d’Apacheta, par exemple, sont payés entre 250 et 400 euros/mois. Souvent, monter sa  petite entreprise, que ce soit dans le commerce, la mécanique ou le bâtiment, reste l’activité la  plus rémunératrice même si elle n’est pas toujours régulière. Enfin, pour les diplômés, le salaire  d’un professeur rural se situe autour de 200‐250 euros/mois, ce qui est supérieur au salaire d’un  ouvrier mais inférieur à celui d’un entrepreneur. Si les enseignants bénéficient d’une retraite et  de certains bonus, ils ont la plupart du temps une autre activité en dehors de l’éducation. 

Les mêmes emplois à l’étranger sont bien mieux payés qu’en Bolivie. Pour exemple, une  employée domestique à La Paz gagne 45 euros/mois contre 110‐120 euros au Chili. Pour les  entrepreneurs indépendants dans le bâtiment, la règle est la même : en Bolivie, ils peuvent  gagner entre 650 et 800 euros/mois alors qu’en Argentine ou au Chili les gains mensuels  peuvent atteindre 1 200 à 2 000 euros. Si ce différentiel de salaire est attractif, il s’accompagne  cependant de difficultés de vie à l’étranger. En effet, le statut de la plupart des Boliviens au 

 

Chili est illégal puisqu’ils migrent avec des visas de touristes valables pour trois mois ne  donnant pas le droit d’exercer une activité professionnelle, et que leur migration se prolonge  bien souvent  après l’expiration  du visa. Ils travaillent  donc sans contrat et  sont  souvent  surexploités au regard des salaires locaux déclarés. S’ajoute à cela la très forte discrimination  des Chiliens envers les Boliviens. 

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