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VI. GRANDES LIGNES PROSPECTIVES

1. Un avenir tout tracé

Le commerce électronique devrait se développer fortement à moyen terme, compte tenu des nombreux avantages qu’il propose au consommateur, au distributeur et au fournisseur : • le consommateur peut plus facilement accéder à un catalogue « infini », et s’affranchir

ainsi des choix de référencement du distributeur qui est particulièrement appréciable pour les produits culturels par exemple ;

• il peut gérer de façon plus productive ses achats « répétitifs », qui sont souvent les moins porteurs de plaisir (beurre, lait, produits d’entretien…) : il gagne ainsi du temps, s’évite une corvée et s’affranchit des horaires d’ouverture et fermeture (même si la contrainte de temps se déplace sur la livraison) ;

• distributeur et fournisseur peuvent optimiser leurs stocks, qui deviennent virtuels : un stock unique, centralisé chez le fournisseur, peut remplacer les stocks individuels de chaque distributeur, dont la valeur ajoutée est concentrée sur le service au consommateur.

Pourtant le développement du e-commerce est conditionné par deux facteurs pour lesquels nous nous proposons de faire des hypothèses :

• les comportements des consommateurs ; • les progrès technologiques ;

Ces deux facteurs interagissent entre eux.

a. Les comportements des consommateurs

Déterminer les grandes mutations du commerce nécessite de comprendre les évolutions des clientèles dans leurs comportements généraux, c’est-à-dire leurs modes de vie que l’on estime déterminés par trois grandes catégories d’évolutions : socio-démographiques, socio- économiques et socioculturelles.

L’ambition de notre réflexion prospective nécessite donc de pratiquer un « détour prospectif » en remontant dans la chaîne des causalités pour prendre pied sur des déterminants de l’environnement (ménages, revenus, valeurs, activité, …) et envisager leur évolution à l’horizon de quinze ans et leur impact possible sur le e-commerce.

Pour structurer l’exercice prospectif nous choisissons d’adopter une approche segmentée par les générations et les cycles de vie. L’approche générationnelle s’appuie sur l’idée que les individus à un stade donné de leur vie (cycle de vie) adoptent et adopteront des comportements tenant compte aussi du climat de l’époque (politique, économique, culturel…). Par conséquent, une certaine cohésion dans les comportements de contemporains découle de la conjonction d’un effet d’âge et de cycle de vie et d’un effet d’époque.

Figure 32 : Proportion d’individus disposant d’une connexion Internet à leur domicile

15 21 15 3 3 44 43 18 5 46 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50

Moins de 25 ans De 25 à 39 ans 40-59 ans 60-69 ans 70 ans et plus En %

juin-00 déc-04

Source : CREDOC, enquêtes « Conditions de vie et Aspirations des français » 2000 et 2004 On constate aisément sur la diffusion d’Internet à domicile qu’elle ne se fait pas de la même façon dans toutes les générations. Ainsi encore, en 2004, la catégorie d’âge des individus la plus connectée à Internet est celle des 12-17 ans avec 49% d’individus connectés contre 36% dans la population des plus de 12 ans. Cette génération estime selon Régis Bigot147,

être à l’aise avec l’ordinateur à raison de 93% et avec Internet à raison de 87%, soit pratiquement deux fois plus que les adultes, moins habiles à adopter ces nouveautés. Régis

147 B

IGOT R., 2004. La diffusion des technologies de l’information dans la société française. Rapport pour la DIFITIP et l’ART.

Bigot a nettement mis en évidence que c’est bien la caractéristique de l’âge qui est la plus discriminante148. Si la diffusion entre 2000 et 2004 a permis aux 40-59 ans d’être équipé au

même niveau que les générations les plus jeunes, ce n’est pas vrai pour les plus de soixante ans. Pour les générations nées avant la fin de la guerre (avant 1945), l’effet réseau aurait dû les inciter à se connecter pour être en relation avec leurs petits enfants mais l’apprentissage est difficile. Seuls les individus les plus éduqués ont la patience d’apprendre un nouveau mode de fonctionnement qui leur est complètement étranger. La génération suivante (nommée Mai 68 par Bernard Préel149), est la première génération où les femmes ont été

nombreuses à travailler toute leur vie et à être actives au moment où l’informatique s’est développée dans le monde professionnel. Cette génération est déjà connectée dans 43% des cas, elle le restera dans quinze ans. La diffusion des innovations sera d’autant plus rapide que la transmission des comportements entre générations ne se ferait plus des plus âgés vers les jeunes comme autrefois, mais au sein d’une même génération et peut-être même des jeunes vers les plus âgés.

En tenant compte de l’histoire déjà vécue, du parcours déjà accompli, on peut ainsi dégager des trajectoires qui sont jusqu’à un certain point suivies par les membres d’une même génération si bien qu’ils auront tendance à agir et à régir de façon comparable.

Un intérêt complémentaire de l’approche générationnelle est qu’elle est basée sur les évolutions démographiques qui sont les plus faciles à prévoir et pour lesquelles les prévisionnistes font le moins d’erreurs contrairement aux prévisions économiques

L’hypothèse que nous faisons est que c’est sous l’impulsion de la génération baptisée « Internet », née entre 1975 et 1966, par Bernard Préel150 que le e-commerce va se diffuser.

Ce sont les caractéristiques de cette génération que l’on retrouve dans le cyber- consommateur. L’internaute, selon Bernard Préel151, se distinguera par son espace-temps,

celui d’un nomade virtuel, « mobile » à sa façon, fort d’un quasi-don d’ubiquité lui permettant d’être là et pourtant ailleurs, équipé d’un bureau qu’on dit portable. Il naviguera sur des réseaux qui le brancheront à la planète entière et à la mémoire de l’humanité. Toutes ses relations sociales se font entretenant des liens virtuels avec les autres. Le besoin de relation, d’intégration apparaît au moins aussi important que le besoin d’individualisation. La clé de

148 B

IGOT R., 2002. Le fossé numérique. Des inégalités qui tendent à se réduire mais qui restent encore très élevées. Cahier de Recherche n°177. CREDOC.

149

PRÉEL B., 2000. Le choc des générations. Editions de la Découverte.

150 Ibid. 151 P

cette génération, comme Max Weber152 l’avait bien vu, ce sera la construction d’une

« communauté émotionnelle ». Par le simple fait que la relation se noue à distance, on peut avancer masqué, invisible, sous un pseudo, protégé par cet anonymat qui autorise à simuler, à jouer des rôles différents, et d’être à plusieurs facettes. Pour les Internautes, on pourrait dire que ce qui prime, c’est le lien plus que le bien. Ce ne sont pas les individus qui viennent en premier, mais leurs liaisons. Parallèlement, la valeur d’un bien ne découlerait ni de son coût, ni de son usage fonctionnel, mais de sa capacité à créer du lien. C’est ce qui se passe sur les sites d’enchères.

Cette génération chercherait au travers de sa consommation moins une utilité, pas tant non plus du sens qu’une occasion de se lier, de se relier aux autres. Et c’est Rifkin153 qui note

que ceux qui ont, comme les Internautes, grandis face à l’écran de leur ordinateur, passant une bonne partie de leur temps dans des environnements simulés et des forums sur le Net ont tendance à développer des « personnalités multiples ». On retrouve ici, le consommateur multifacettes, les Internautes expérimentent la multi-appartenance qui prudemment leur évite de ne pas mettre tous leurs œufs dans le même panier. Ils créent de la reliance à géométrie variable. Ainsi virevoltent-ils d’une tribu à l’autre, n’adhérant jamais que par un versant de leur personnalité, ne se donnant jamais totalement. Les liaisons se nouent de plus en plus entre semblables, entre membres d’une même promo, d’une même génération.

La génération internet est aussi plus diplômée que les générations précédentes (65% de détenteurs du baccalauréat contre seulement 10% pour la génération « Mai 68 », elle est donc plus éduquée et beaucoup plus experte, on retrouve ici le consommateur expert décrit par Robert Rochefort154.

b. L’évolution technologique

Les motifs de l’arbitrage ne seront pas les mêmes selon le type d’habitat : le commerce électronique s’imposera naturellement dans les zones rurales d’habitat dispersé, à condition que l’ADSL couvre tout le territoire français, sans commerce physique de proximité. Alors que dans les zones les plus denses, il pourra être réservé aux achats « corvée », en dehors des heures d’ouverture. Ce qui, dans un cas comme dans l’autre, nécessite une logistique

152

WEBER M., 2003.. Economie et société, tome 1 : Les Catégories de la sociologie. Edition de poche.

153 R

IFKIN J., 2003. L’âge de l’accès. Editions poche de la Découverte.

spécifique et un aménagement approprié du territoire (infrastructures routières et plates- formes de commutation).

Plus généralement, l’émergence du commerce électronique redéfinit les fonctions de chaque intermédiaire sur la chaîne de valeur : elle induit une ré-intermédiation qui déplace le rôle du distributeur (sans nécessairement le faire disparaître), et met en valeur le rôle du logisticien. Il ne faut pas oublier que le e-commerce n’échappe pas, sauf pour certains services, à la contrainte physique : il faut livrer. Et là comme ailleurs et peut-être plus qu’ailleurs, de plus en plus vite, ce qui oblige des performances.

Si aujourd’hui le développement du commerce électronique est fortement inhibé par la faible pénétration du micro-ordinateur connecté au sein des foyers, cette limite pourrait reculer, voire disparaître, dans les prochaines années, avec l’apparition au sein du foyer d’autres modes de connexion à Internet : le démarrage de l’Internet mobile, la diffusion de la télévision numérique pourraient contribuer à multiplier les plates-formes d’accès à Internet, et contribuer au développement massif de ses usages.

La diffusion des nouvelles plates-formes se fera d’autant plus vite que la croissance économique sera au rendez-vous.

2. LES SECTEURS D’AVENIR SUR LE NET : PRODUITS ET MODES