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Première partie

2.3. Les types de syllabes

2.3.1. Les syllabes ouvertes.

La langue konkomba présente des structures syllabiques ouvertes, c'est-à-dire terminées, au niveau segmental, par une voyelle, comme le montrent les différents exemples. Celles-ci peuvent être terminées par une voyelle brève comme par une voyelle longue : CV, CV: .Une syllabe du type VC est exclue ; l’existence de syllabe du type CVC est un peu problématique.

Le schème syllabique V est attesté seulement à l’initiale de certains noms, avec les voyelles /i/ et /u/ qui formulent des préfixes de classe ; les autres affixes sont de structure CV, avec /ι/ comme noyau vocalique. Cette contrainte fait que tout radical est appelé à débuter par une attaque. Les voyelles /i/ et /u/ sont aussi attestées comme pronoms substitutifs ; dans cette fonction, ils sont aussi syllabiques.

On peut caractériser de la sorte le processus de syllabation en konkomba :

Une consonne en position intervocalique forme toujours syllabe avec la voyelle qui suit, jamais avec celle qui précède.

(190) V-CV-CV íkan « piment »

V-CV uì: « crocodile »

Une nasale qui précède une consonne, y compris le fait que la consonne subséquente puisse elle aussi être une nasale, forme à elle seule une syllabe ; dans ces conditions, elle porte un ton, puisqu’elle est syllabique. La nasale syllabique adopte alors les traits de point d’articulation de la consonne qui la suit immédiatement ; on a affaire à une assimilation régressive ou anticipante car :

« elle s’exerce de l’arrière vers l’avant ; le locuteur met en place de façon prématurée, les organes phonateurs en vue de l’articulation du son qui suit » (PIERRET, 1994 : 59).

(191) N-CV ḿbuú « trou »

N-CV ŋ́kúrίnd « pilon »

N-NV ḿmwáàn « gombo »

N-NVN ίm « eau »

Aucune autre consonne ne peut être sommet (noyau) de syllabe, à elle seule.

Une consonne nasale peut être suivie d’une V pour constituer une syllabe ouverte de type /CV/ ou /CV/ ; pas de nasalisation dans ces conditions.

(192) CV nàcíin hyène

CV màrà araignée

CV mé jeter

CV mίrί écarter

2.3.2. Hypothèse d’une syllabe de type CVC en Konkomba.

Il est possible de soutenir l’idée que le konkomba admet des syllabes du type CVC. Dans ces conditions, certaines précisions s’imposent : la structure CVC serait la forme réduite d’un schème …CV1CV2 – en position finale – où V2 est représenté par la voyelle centrale /ι/, dans un mot de plus de deux syllabes ; la réduction s’opère à la jonction de la dernière syllabe du radical et d’un suffixe. L’attaque du suffixe s’intègre alors au radical nominal.

Soit n le nombre de syllabes au plan phonologique, le nombre de syllabes au plan phonétique sera égal à n – 1, la chute de la voyelle finale conduit à un affaiblissement de la consonne qui précède ; on parle de lénition. Ainsi le /l/ initial de /lιpwa:l/ – à l’initiale et avec un noyau vocalique - est réalisé sonore alors que le second connaît un affaiblissement.

Selon Takassi,

« la chute de la voyelle –V# du suffixe se produit exclusivement devant les consonnes sonantes m, n, ŋ, l, ou devant l’occlusive b. Elle concerne uniquement les voyelles hautes et elle a pour conséquence de faire apparaître, en surface, des rimes branchantes. C’est le seul cas où la langue autorise des codas. Le ton se maintient après la chute de la voyelle. Il se reporte alors sur la consonne de l’attaque » (TAKASSI, 1996 : 440-441).

Ainsi, le suffixe /l/ dans les exemples qui suivent est affecté d’un ton bas. (193) Structure phonologique Structure phonétique

lι-tà-lὶ Ö lιtàl « pied »

CV CV CVC

PREF-RAD-SUF PREF-RAD

lί-kóὶn-lὶ Ö lίkóὶnl « œuf de poule » PREF-RAD-SUF PREF-RAD

N.B : Le symbole Ö signifie : « …est souvent réalisé… »

Il en va de même pour toutes les consonnes qui sont attestées comme attaques de la dernière syllabe d’un mot en konkomba : ces consonnes ont ceci de commun que, dans la classification des sons d’après l’échelle de « sonorité », les nasales, la latérale occupent le quatrième degré, la vibrante le cinquième. Elles sont donc très proches.

Les occlusives /b/ et /m/, /n/, dans cette position, sont réalisées ingressives, avec air entrant. (194) bι-gbàŋali-bι bι-gbàŋalib castes des cordonniers

…. CV-CV ……. CVC

bι-gim-bι bι-gimb pauvres

…… CV-CV …… CVC

bι-nà:gbì a-bι bι-nà:gbì ab esclaves

tί-sulun-nι tί-sulunn ruches

La semi-voyelle /j/ dans la même position peut aussi constituer une syllabe de type CVC avec la voyelle qui précède, de la même manière. Mais son occurrence est très limitée.

(195) n-dàbún-jι n-dàbúnj tam-tam

ŋ-gungun-jι ŋ- gungunj colline

Quant à la vibrante alvéolaire, elle est réalisée battue :

(196) tί-nákù-rὶ tί-nákùr vestibule

Dans ces conditions, on peut dire que la position de noyau occupée par cette voyelle V2 quand elle termine un mot peut rester vide : ce qui donne la structure syllabique CV1C. Toutefois, le ton associé à la voyelle V2 reste flottant.

Il est possible de décrire les phénomènes présentés ici, non pas par la cause, mais par l’effet articulatoire des sons : ainsi, le son /b/, par exemple, est réalisé explosif à l’initiale où il est préfixe de classe ; en finale où il est suffixe, il est réalisé faiblement, avec air ingressif (les lèvres se retirent comme pour faire plutôt entrer l’air) :

« Au lieu d’une explosion, on a une implosion : l’air extérieur s’introduit à l’intérieur de l’espace compris entre l’obstacle et la glotte pour lui apporter le complément d’air qui lui manquait suite à la raréfaction. Le bruit d’implosion donne à la consonne le nom de consonne implosive. D’autres parlent de consonne injective du fait de l’injection de l’air extérieur, mais s’il faut caractériser la consonne par la cause et non par l’effet, la propriété articulatoire à attribuer est le lenis » (TCHAGBALE, 2008 : 20).

La syllabe ne se réalise plus à ce niveau, le noyau n’étant pas articulé nettement, l’attaque est réalisée implosive pour /b/, elle est sourde pour /l/, battue pour /r/, etc. ; tout cela a pour conséquence le fait que la consonne finale se comporte « comme une coda » de la syllabe précédente (le radical), alors que, sur le palier tonal, le ton du noyau vocalique /ι/ (noyau qui disparaît), reste flottant, n’étant plus associé à un segment sur le squelette.

Dans ces différents cas, on obtient une syllabe – en position finale uniquement – de type CVC, où la consonne finale « forme syllabe » avec le segment CV qui précède, que la voyelle soit longue ou brève.

Il est évident qu’un mot comme /í-dί/ « mil » (VCV) ne peut être réduit de la même manière, bien que terminé par la voyelle centrale ; cela montre que le nombre de syllabes est aussi déterminant : aucune syllabe ne précède /dί/ pour supporter l’amalgame qui en résulterait.

Le phénomène présenté ci-dessus révèle que le radical nominal est apte à amalgamer un suffixe de classe ; cependant, le ton du suffixe amalgamé reste flottant. Ce fait pourrait être à la base de certaines complications qui expliqueraient les modifications du vocalisme interne au radical quand celui-ci sert de base à un nom ou à un verbe.

Hormis la voyelle /ί/, les autres voyelles, en position finale de mots, forment toujours syllabe avec l’attaque qui précède, y compris les voyelles finales nasalisées.

(197) njìgbe fronts ígáŋgànd bâton à jouer ínáŋgbàsi abeille mùn grandir pwáàn se débrouiller kún entasser

Dans une syllabe de type CVC, « la coda » ne peut être occupée que par les phonèmes : /m, n, l, r, j, b./

Les traits de la syllabe (les syllabèmes), ceux requis pour être syllabes, sont alors à définir par rapport à ce qui précède. Ces traits sont : vocalique/fermeture d’une part, nasalité syllabique/suivie de consonne d’autre part ; toutes les autres consonnes sont asyllabiques. Les attaques pouvant être vides, la voyelle reste l’élément déterminant qui fonde l’existence d’une syllabe en konkomba ; tout cela n’étant possible que grâce à la tonalité.