Section 2 La relation entre Capital-risqueur et Entrepreneur
2.1 Les types de conflit d’intérêt entre capital-risqueur et entrepreneur
D’après Sahlman (1990), le capital-risqueur fait face à trois situations d’asymétrie d’information : la situation de sélection adverse, les situations d’aléa moral et la situation de holdup.
2.1.1 La situation de sélection adverse
La situation de sélection adverse se pose lors de la phase d’évaluation et de sélection du projet à financer du fait que les capital-risqueurs risquent de faire de mauvaises estimations quant à la potentialité de développement du projet.
Les entrepreneurs se trouvent mieux informés sur le projet que les investisseurs potentiels en raison de son accès privilégié à l’information et éventuellement de ses compétences dans un domaine que maîtrise peu ou mal l’autre partite (caractéristique de l’environnement du marché, des aspects techniques…). Les entrepreneurs peuvent exagérer leur compétence et l’innovation de leur projet. Ils peuvent aussi donner des perspectives trop prometteuses de leur portefeuille. Les problèmes de sélection adverse sont liés principalement au secteur à financer, au stade de développement du projet financé, à la qualité de l’information fournie par l’entrepreneur pour l’évaluation de la potentialité de développement du projet.
Le phénomène de sélection adverse explique ainsi le rationnement de capitaux pour les jeunes entreprises innovantes. Les capital-risqueurs n’ont aucun avantage informationnel relativement aux autres auteurs, les entrepreneurs le sachant leur proposent de mauvais projets. A leur tour, les investisseurs n’allouent pas de capitaux et se détournent du financement des projets à haut risque. D’après Amid et al (1990), les entrepreneurs les moins compétents choisiront d’impliquer les capital-risqueurs pour partager le risque tandis que les
Cependant, d’autres chercheurs comme Chan (1983) soulignent le rôle important du capital-risqueur dans la réduction du risque de sélection adverse sur le marché du financement entrepreneurial. Chan (1983) justifie le rôle des capital-risqueurs comme producteur d’information d’expertise. Les capital-risqueurs sélectionnent bien par ce qu’ils ont un avantage informationnel relativement aux autres acteurs. Selon Desbrières (2000), ayant des compétences spécifiques, les capital-risqueurs arrivent à réduire le risque d’asymétrie informationnel par l’évaluation directe du projet à financer et par la mise en place des mécanismes de contrôle appropriés.
Le financement des start ups par l’intermédiaire du capital risque permet de résoudre le problème de l’asymétrie d’information entre les investisseurs institutionnels et les start ups puisqu’il est capable de les sélectionner de façon avisée et fournit donc de l’information fiable sur la qualité du demandeur (entrepreneur).
2.1.2 Les situations d’aléa moral
Les situations d’aléa moral se posent après l’octroi du financement par les capital-risqueurs.
Selon Milgrom et Roberts (1997), ces situations se traduisent par « un opportunisme post-contractuel qui nait du fait que certaines actions requises ou souhaitées par un contrat ne sont pas directement observables ». Les principales situations d’aléa moral sont: la non observabilité de l’effort du dirigeant, des avantages non pécuniaires, la mise en place d’une politique d’investissement non optimale (Amit et al, 1990 ; Sapienza et Gupta, 1994), et la perception du risque des entrepreneurs.
Problèmes d’efforts :
Ces problèmes se posent lors que la performance des entreprises financées est liée étroitement au niveau d’efforts des entrepreneurs après l’octroie du financement par les capital-risqueurs.
Une entreprise innovante et en croissance est par nature opaque. En cas d’échec, il est très difficile de distinguer si celui-ci est imputable aux erreurs commises par l’entrepreneur ou aux handicaps venant de l’environnement.
Des avantages non pécuniaires
L’entrepreneur peut se procurer des avantages non pécuniaires en poursuivant ses intérêts personnels. Cette situation nuit aux intérêts des actionnaires externes. Selon Adam et Farber (1994), ce type de conflit est particulièrement considérable dans des projets d’innovation pour deux raisons: Premièrement, les dépenses de personnel représentent une partie importante des dépenses de R&D et deuxièmement, les intérêts des chercheurs impliqués dans le projet peuvent être divergents de ceux des investisseurs externes dont l’objectif unique est la création de valeur.
Une politique d’investissement sous optimale
Ce problème concerne la taille optimale du projet à financer dans le contexte d’asymétrie d’information du capital risque. En cas de financement par dette (le capital-risqueur injecte du capital dans l’entreprise par voie des obligations convertibles), les entrepreneurs ont intérêt à réduire la taille du projet en réduisant leur propre investissement.
En cas du financement par capitaux propres externes, du fait de la responsabilité limitée des entrepreneurs, ce sont essentiellement les actionnaires externes qui vont supporter les pertes.
Ceci implique que les entrepreneurs soient tentés d’investir dans des projets très risqués soit aussi tentés de surinvestir.
La perception du risque des entrepreneurs :
Ce problème se produit lorsque les entrepreneurs ne respectent pas des engagements de coopération avec le capital-risqueur, définis contractuellement en menant une politique plus risquée.
March et Shapira (1987) ont trouvé que le comportement face au risque des dirigeants d’organisations se modifie dans le temps, et plus particulièrement qu’ils ont tendance à sous-estimer le risque après des expériences réussies. Ce facteur est donc susceptible d'influencer la détermination du taux de rentabilité requis par les capital-risqueurs.
2.1.3 La situation de holdup
On peut parler de hold-up lorsque le dirigeant cherche à tirer profit d'un avantage au détriment des investisseurs en raison du caractère incomplet du contrat. Le risque de hold-up est particulièrement important lorsque le niveau de spécificité du projet est élevé pour le capital-risqueur.
Pour remédier ou pour limiter l’impact de ces conflits, le capital-risqueur peut mettre en place plusieurs mécanismes de contrôle et d’incitation formels (contractualisés) ou informels.
Le design du contrat est une réponse aux situations de risques de conflits et d’asymétrie informationnelle. Le contrat se définit comme un ensemble de clauses visant d’une part, à protéger la participation du capital risque et d’autre part, à organiser sa sortie du capital de l’entreprise financée. Il associe une combinaison de mécanismes de contrôle et d’incitation.