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Deuxième partie

COMPOSANT 1 COMPOSANT 2 NOM COMPOSE

4.3. Les types de composés

4.3. 1. Premier type : les composés intégrant deux substantifs

Ils sont les plus fréquents. Ce procédé permet à la langue de désigner les objets à partir de périphrases. Sur ce point, on peut dire que la plupart des noms en konkomba sont obtenus à partir de ces tournures "périphrastiques". Pour comprendre la nature des relations d’ordre logique et d’ordre sémantique entre les composants et le composé, nous avons utilisé le même mot /u-pe:-lι/ comme composant 1 dans un premier temps, et comme composant 2 dans un second temps. Certaines observations sont apparues.

COMPOSANT 1 COMPOSANT 2 COMPOSE

(114) lι-mwà-lι u-pe-lι u-mwà•pè-lὶ

/PREF-mer-SUF/ /PREF-gibier-SUF/ /PREF-mer-gibier-SUF/

préf1-rad1-suf1 préf2-rad2-suf2 préf2-rad1-rad2-suf2

« mer » « gibier » « le crocodile » (gibier de la mer)

(115) u-pe-lι lι-tà-lὶ lι-pe:•tà-lὶ

/PREF-gibier-SUF/ /préf-rad-SUF/ /PREF-gibier-patte-SUF/

PRÉF1-RAD1-SUF1 PRÉF2-RAD2-SUF2 PRÉF2-RAD1-RAD2-SUF2

« gibier » « patte » « patte de gibier »

Le résultat reste le même, quant au processus de composition : le radical du composant 1 s’infixe simplement entre le préfixe et le radical du composant 2 pour produire le composé. On peut formuler l’idée que l’infixation n’est possible qu’au niveau du composant 2.

Les manipulations font apparaître le fait qu’il n’est pas possible, dans les exemples qui précèdent, d’obtenir des composés acceptables dans la langue en inversant l’ordre des composants : le composant 2 devenant le composant 1 et vice versa ; comme

COMPOSANT 1 COMPOSANT 2 COMPOSE

(116) u-pe-lι « gibier » lι-mwà-lι « mer » *lι-pe•mwà:-lι

lι-tà-lὶ « pied » u-pe-lι « gibier » *u-tà•pe:-lι

Ces manipulations révèlent des contraintes sémantiques du genre x est de y (x appartient à y, x est propre à y) : « *le gibier qui est de la mer », « *la patte qui est du gibier » ; dans ces conditions, la mer ne peut relever du gibier par exempe. Cela veut dire que,

dans ce type de composition, le composant 1 doit être une spécification, une particularité, une propriété du composant 2. La composition dans ce sens paraît intégrer la notion de grandeur, avec l’image d’un cône dont la base – représentée par le composant ultime – irait en se rétrécissant.

Il apparaît que le composant 2 joue alors le rôle de déterminé ; il est déterminé par le composant 1. Dans ce processus, le ton est parfois appelé à changer, notamment en finale du composé : il tend à devenir bas.

COMPOSANT1 COMPOSANT2 COMPOSE

(117) lι-mwà-lι u-pe-lι u-mwà•pè-lὶ

CL-mer-CL CL-gibier-CL CL-crocodile-CL

4.3.2. Deuxième type : autre modèle

Ce ton bas final caractérise également un autre type de détermination, quand par exemple, un nom complète un autre nom (le complément de nom). Dans ces conditions, un processus d’agglutination s’opère, où les deux radicaux ne se « collent » plus (contrairement à ce qui se passe dans la composition) mais sont mis ensemble, grâce à un infixe, le morphème

/-a:-/ ; (son statut sera donné dans l’étude de la possession). Le suffixe de la forme qui en

résulte est automatiquement réalisé avec un ton bas, comme dans le cas d’une composition. Ce qui unit ce type à celui qui précède, c’est justement ce ton bas final ; il s’en distingue toutefois le modèle présenté ici relève d’un procédé syntaxique.

Soient les mots /u-cὶnι/ « lion » et /ú-bɔ́/ « chien » comme composant 1 et /tί-ku-rι/ « poils », comme composant 2. Le processus permet d’obtenir les composés suivants : (118) u-cὶnι-a-ku-rὶ « les poils du lion »

u-b-a-ku-rὶ « les poils du chien »

ŋ́-ŋáŋ•gi-a-sàŋ•a•lὶ « la route à gauche »

Comme on le voit, le préfixe de classe du mot /tί-ku-rι/ (c'est-à-dire / tί- /) disparaît, le suffixe /-rι/ est affecté d’un ton bas.

Dans le cas de ce type de détermination, on obtient ce qui suit : quand le constituant en position 2 (c'est-à-dire le déterminé) ne présente pas de préfixe de classe, la base radicale (à laquelle est réduit ce constituant) se trouve simplement séparée du déterminant par le morphème /a:/. C’est notamment le cas des emprunts et des toponymes.

(119) nàwár-a:-canton

Nawaré-MDET43 -canton « le canton de Nawaré »

Kabou-a-tίnŋὶ

Kabou-MDET-terre

Kabou (en tant que localité)

ndé-a-kurὶ

Lièvre-MDET-poils « Les poils du lièvre »

Le morphème de détermination /-a:-/ se préfixe au radical du déterminant. Le suffixe dans ce processus adopte un ton bas. L’ordre des mots dans la détermination étant déterminant (en position 1)/déterminé (en position 2) dans cette langue.

Le morphème /-a:-/ fonctionne alors comme une épenthèse ; il se place entre le déterminant, – le premier constituant dans cette relation, qui conserve ici sa structure segmentale - et le radical du déterminé (que suit le suffixe) ; la nature du suffixe de classe du nom en position de déterminé (en deuxième position) – qui adopte un ton bas - est fonction de la classe nominale à laquelle appartient le constituant final (le déterminé).

Sur les deux points précis que sont la position du déterminé et les modications qui affectent le déterminé (le reste du processus étant totalement différent), on peut dire qu’il en va du konkomba comme du ncàm : « le complétant (c'est-à-dire ici le déterminant) n’est pas marqué tandis que le complété (le déterminé) perd son préfixe et a un suffixe de complétion à ton bas » (COX, 1998 : 182).

La structure est donc la suivante :

X NOM DETERMINANT + MDET + RADICAL DETERMINE + SUFFIXE A TON BAS

(120) ubwár -a- -tu- -nὶ

Les pronoms sont aussi concernés par ce phénomène ; mais leur étude sera réintégrée dans un processus plus général caractéristique de ce que Igor Melčuk appelle « possessivité » (MEL’ČUK, 1994 : 199), (plus précisément en « 4.1.1. La construction des composés » et « 4.1.2. Construction génitivale et expression de la possession » de son ouvrage).

Dès lors, un problème se pose quant à l’identification du suffixe dont les modifications tonales interviennent dans l’expression de la détermination. Le tableau présenté plus haut en