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TV5 Asie : la concurrence sur l’environnement médiatique

IV. ENVIRONNEMENT ASIATIQUE FRANCOPHONE

IV.1. SITUATION LINGUISTIQUE REGIONALE

IV.1.2. TV5 Asie : la concurrence sur l’environnement médiatique

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langue française dont les atouts commerciaux deviennent discutables. Lorsque le Vietnam entre à son tour dans le giron de l’Association Economique des Pays du Sud-Est Asiatique en 1995 à la suite du déclenchement d’un processus de normalisation des rapports politiques et économiques avec les Etats-Unis l’année précédente et qui prendra cinq ans86, le monde francophone voit un de ses derniers bastions historiques lui tourner le dos. Cette partie du monde s’oriente maintenant vers une coopération avant tout anglophone touchant

« toutes les activités quotidiennes de commerce, de tourisme, d’information et de recherches scientifiques »87. Face à la domination de l’environnement économique et culturel anglophone, le développement d’un environnement linguistique francophone au niveau global de l’Asie doit être maintenu artificiellement. Il revêt un caractère primordial pour soutenir les apprenants qui se trouvent, géographiquement, dans un environnement linguistique pauvre en locuteurs francophones nécessaires dans l’apprentissage du français et pour conserver une lisibilité médiatique régionale qui favorise le recrutement d’apprenants francophones. Dans le cadre de la francophonie intergouvernementale cette mission est confiée à l’opérateur francophone TV5.

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de foyers francophones. La présentation détaillée des programmes francophones diffusés en direction de l’Asie du Sud-Est est instructive à plusieurs égards. Elle peut nous renseigner sur le contenu culturel et idéologique que la chaîne veut divulguer. La constitution thématique des programmes diffusés permet de déterminer quelles sont les cibles visées par l’audiovisuel francophone. Le contenu trié et expliqué des programmes francophones permet de déterminer l’adéquation ou non entre les publics effectifs de la chaîne TV5 Asie et les objectifs fixés par les programmes. La définition des ambitions télévisuelles de TV5 est clairement exprimée dans le discours des instances francophones.

Il s’agit d’offrir une couverture la plus large possible en langue française afin de permettre aux Francophones d’avoir un accès permanent à la culture francophone. TV5 est aussi un moyen de communication interne qui se fait le relais dans chaque pays francophone des différentes manifestations à travers le monde que suscite l’ensemble francophone institutionnalisé, comme les journées francophones pour la jeunesse, les assises de l’enseignement ou les Sommets des Chefs d’Etats et de Gouvernements ayant le français en partage. TV5 est de même affirmé comme un outil pédagogique à l’intention des

« apprenant le français » qui peuvent à tout instant s’informer sur la francophonie dans le monde et cela en langue française. La chaîne, dans cette optique, est une sorte de locuteur, de professeur permanent. Cependant, du discours à la réalité observable, la distance est parfois grande. En fonction de problèmes structurels et politiques88, l’impact voulu par TV5 se restreint sur le terrain d’enquête pour apparaître parfois comme un simple atout mis à la disposition des hôtels vietnamiens en direction des touristes francophones, qui proposent désormais dans leur bouquet satellite une chaîne en langue française. En revanche, l’accès réel des étudiants à cette ressource est rare. L’inadaptation des programmes en contenu et en horaire à la sphère culturelle asiatique, l’accès souvent impossible au matériel et les autorisations politiques incertaines sont les principales entraves dans la création d’un environnement francophone médiatique en Asie du Sud-Est.

88 « La pénétration des médias francophones, du fait des coûts et des choix contestables dans les types de satellites utilisés, du barrage de la langue, surtout en l’absence de sous-titrages, de l’interdiction des paraboles dans certains pays, est relativement faible » in La francophonie en Asie, Rapport de la XIIIème session du Haut Conseil de la Francophonie, Paris, Avril 1997.

88 IV.1.2.1. Présentation des programmes

Outre la chaîne TV5 Asie elle-même, plusieurs chaînes francophones participent à la fourniture journalière de la grille de programmation de la chaîne francophone. Elles ont pour provenance les pays occidentaux qui participent à l’ensemble francophone intergouvernemental. Au sein de cette participation occidentale francophone, hormis quelques exceptions, s’organise un partenariat exclusivement européen qui réunit le service public télévisuel français, avec France 2, France 3, la 5e et ARTE, la chaîne publique belge RTBF et la Télévision Suisse Romane (TSR). Le partage des programmes laisse aussi le champ libre à des journaux d’information canadiens. Le continent africain est absent comme opérateur, en revanche il est présent dans les reportages francophones et les bulletins d’information sur les événements qui parcourent la communauté francophone.

Mais il ne s’agit là que d’exceptions qui répondent principalement aux exigences de l’actualité francophone plus que d’une présence concertée, comme en témoigne la représentation médiatique des participants francophones dans l’ensemble télévisuel communautaire (page suivante).

Tableau n° 9 : répartition horaire des programmations de TV5 Asie suivant les intervenants francophones89 :

TV5 5/ARTE RTBF FRANCE 2 FRANCE 3 TSR CANADA DIVERS

TEMPS 790 98,10 48,12 341 96,25 144,37 122,50 78,27

% 47 5,81 2,86 17,88 5,73 8,6 7,3 4,63

89 Source et échantillon : Les grilles des programmes utilisées pour l’échantillon de 1680 heures sont extraites des programmes diffusées par TV5 sur : http://www.tv5.org. L’échantillon est constitué sur une période d’un an entre le 6 juillet 2000 et le 14 septembre 2001. Cette période est retenue car elle englobe les temps d’enquête empirique. Les contenus des programmes ont été expérimentés directement. La période de référence atteint 10440 heures de diffusion et l’échantillon 16 % de la période couverte soit soixante-dix jours au total. Ces soixante-dix jours sont tirés au hasard parmi les 435 jours que couvre la période de récoltes des données concernant la programmation de TV5 Asie.

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Graphique n° 05 : représentation en heures de la répartition des intervenants de TV5 Asie :

Graphique n° 06 : représentation en pourcentages de la répartition des intervenants de TV5 Asie :

Pour d’être révélatrice de la participation effective des Etats francophones et des finalités de la chaîne TV5 Asie, la répartition des intervenants doit être analysée conjointement à la composition thématique des programmes. Nous verrons suivant ce procédé que la programmation propre à TV5 est composée, en réalité, de produits culturels dérivés du paysage audiovisuel français. Cette réalité n’est pas perceptible dans la part de présence de TV5 (47%). Or, elle augmente considérablement l’utilisation franco-française de la chaîne francophone internationale. Ainsi, pour permettre cette double lecture, à la fois des participations ouvertes mais aussi des coopérations sous-jacentes avec la chaîne, le contenu de la programmation a été regroupé suivant sept thèmes distincts pour être discutés :

• « Information » regroupe les différents journaux télévisés et les chroniques journalières d’information.

• « Reportage » regroupe les magazines culturels thématiques à propos des

790

98,148,12 341

96,25144,37122,578,27 0

100 200 300 400 500 600 700 800 900

Heures et minutes

TV5 5ième Arte RTBF France2 France3 TSR CAN Divers

2,86 17,88 5,73

8,6 7,3

5,81 4,63

47

TV5 5ième Arte RTBF France2 France3 TSR CAN Divers

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écrivains, des « grands hommes du siècle » mais aussi les reportages géographiques sur les pays francophones, la science dans les pays francophones comme les reportages se rapportant à la situation géopolitique du monde.

• « Film » englobe les séries télédiffusées, les films, qu’ils soient issus des productions télévisuelles ou cinématographiques.

• « Variété et musique » regroupe les émissions musicales, la diffusion de clips musicaux mais aussi les émissions de variété au sens large, qu’il s’agisse de musique, de cinéma, et de littérature.

• « Jeux » désigne l’ensemble des jeux présentés. Il s’agit de jeux éducatifs ou culturels.

• « Sport » (principalement footballistique).

• « Programmes éducatifs » (principalement en direction des expatriés francophones).

Tableau n° 10 : composition thématique des programmes diffusés sur TV5 Asie :

INFO REP FILM-TV PRG EDU VAR-MUS SPORTS JEUX NA

HEURES 483,10 477,27 359,15 36,45 181,23 38,31 90,41 16

% 28,74 28,38 21,36 2,17 10,76 2,26 5,38 0,95

Graphique n° 07 : représentation de la composition thématique des programmes de TV5 Asie :

483,1 477,27

359,15

36,45 181,23

38,31 90,41

16 0

100 200 300 400 500 600

heures & min

Info Rep Film-tv Prg édu Var-mus sports jeux NA

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Il n’existe pas ou peu, suivant les saisons concernées par cette enquête, de programmes typiquement produits par TV5 Asie. Qu’il s’agisse d’informations, de reportages, de jeux télédiffusés ou de sport, les rubriques présentées sont issues des programmes courants des chaînes participantes qui sont retransmis soit aux mêmes horaires que les chaînes mères soit rediffusés spécialement pour TV5 Asie. Cet état de fait mène parfois au Vietnam à de curieux paradoxes. Par exemple l’émission « Télé matin » qui en France se trouve diffusée à partir de 7 heures, l’est au Vietnam à partir de 12 h 30. Les bulletins d’information respectent ce même paradoxe. Ainsi, le journal télévisé de mi-journée en France qui a lieu à partir de midi est diffusé au Vietnam à 19H en raison bien sûr du décalage horaire.

Cependant, cela met en avant le fait que les contenus des émissions sont avant tout des produits nationaux avant d’être des produits internationaux élaborés par la chaîne TV5 Asie elle-même. Ceci n’est pas immédiatement perceptible quand nous détaillons la participation de chaque chaîne partenaire à l’approvisionnement de la grille des programmes. En effet, la chaîne TV5 Asie représente à elle seule et en volume horaire quarante-sept pour cent de la programmation. Mais cette réalité formelle est trompeuse puisque dans ce pourcentage, quarante pour cent est constitué de films, de séries télévisées qui ont connu une diffusion préalable dans les pays francophones soit en Europe soit au Canada. Nous pouvons donc affirmer que la partie typiquement francophone internationale (et non pas seulement en langue française) est faible puisqu’elle n’atteint que dix pour cent de la programmation avec des émissions comme « les carnets du bourlingueur » ou le journal d’information TV5 Info. Nous pouvons poursuivre en disant que parmi les programmes exclusivement conçus pour la chaîne TV5 Asie, une part importante s’adresse non pas directement à un public francophone extra européen ou extra canadien, c’est-à-dire au public vietnamien, mais aux expatriés. En effet sur quatre heures trente de programmation journalière propre à TV5 Asie (hors films et téléfilms) vingt-cinq pour cent du temps d’antenne est consacré aux « Carnets du bourlingueur ». Les contenus des

« carnets » sont directement destinés à l’usage des voyageurs et des expatriés. Les thèmes présentés sont « les rapports avec votre Ambassade », « l’assistance médicale à l’étranger », « les mesures d’hygiène et de protection pendant les séjours à l’étranger »…

Il faut noter également, ce qui n’est pas appréciable dans le détail des programmes que nous avons présenté, une certaine redondance journalière dans la programmation, notamment en ce qui concerne les programmes propres à TV5. Ainsi, la même séquence

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des « Carnets du bourlingueur » est diffusée à la fois le matin et le soir et il en va de même pour plusieurs reportages ou émissions comme « D design » émission consacrée à l’architecture. Par conséquent, la présentation chiffrée du contenu des programmes que nous faisons doit être corrigée en fonction des redondances. A propos des partenaires qui participent à l’approvisionnement de la grille des programmes, nous devons noter, comme indicateur de la place que tient la France dans la coopération linguistique avec le Vietnam, qu’une grande partie du contenu des programmes de la chaîne francophone asiatique est de provenance française. En effet, les chiffres présentés permettent de constater que sur mille six cent quatre-vingts heures de diffusion, cinq cent trente-cinq heures sont issues directement des programmes métropolitains français soit un total d’un tiers. Cette participation peut paraître plus exclusive si nous considérons la provenance des films et téléfilms diffusés par TV5 Asie. Il s’agit essentiellement de séries françaises90 qui ainsi, trouvent un débouché international. La part participative de la France devient encore plus considérable lorsqu’il s’agit de jeux télévisés puisque ceux diffusés sur TV5 Asie sont cent pour cent de provenance française. Cette donnée médiatique n’est pas à considérer sommairement. Nous verrons à propos du sommet de Hanoi de 1997 que la part de la France dans la construction du réseau francophone est incontournable, notamment au Vietnam, suivie du Canada et de la Belgique. Or, nous l’avons dit, la francophonie est une initiative africaine qui se veut multilatérale. La multi latéralité est ici inexistante au profit de la verticalité du réseau. Les programmes francophones africains sont simplement absents de la grille de programmation francophone. Cette situation ne serait pas particulièrement remarquable si elle n’était pas chronique. Nous verrons au fur et à mesure de l’enquête cette absence s’accroître particulièrement au Vietnam où la coopération francophone est exclusivement conduite par la France, la Belgique et le Canada. Il ne faut pas conclure cependant trop rapidement qu’il s’agit là d’une façon d’exporter pour les pays francophones leurs productions audiovisuelles, bien que plusieurs facteurs puissent forcer à penser que c’est le cas : il n’existe pas de façon significative de contenu télévisuel propre à la francophonie qui tisserait un lien continu entre les pays francophones si ce n’est au travers des bulletins d’information proposés par TV5 Asie elle-même. C’est un patchwork d’émissions en langue française que nous observons plutôt qu’une réelle

90 Comme par exemple PJ Police Judiciaire ou Julie Lescaut.

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recherche de contenu francophone qui se distinguerait de ses fournisseurs pour promulguer une télévision typiquement francophone pourvue de contenu typiquement francophone adapté à l’Asie. Cette absence de contenu proprement typique aux aires francophones auxquelles s’adresse TV5 Asie est d’autant plus remarquable qu’elle a lieu dans un environnement concurrentiel. TV5 Asie entre directement en concurrence avec les programmes de MTV-Asia. Ces derniers ont un atout dont semble se priver volontairement la chaîne asiatique francophone : ils s’adaptent précisément aux publics pour lesquels ils sont projetés. Ainsi, MTV-Asia basée à Singapour offre aux jeunes apprenant l’anglais à la fois un contenu linguistique, qui comme nous le disions pour la chaîne francophone fait office de lecteur permanent pour les apprenants, et offre également un contenu circonstancié à la fois du point de vue géographique et culturel. La chaîne MTV-Asia permet de véhiculer un contenu sportif, culturel, musical, journalistique propre à l’Asie, susceptible de satisfaire le public asiatique anglophone localement implanté. Ce n’est pas le cas de la chaîne francophone qui semble manquer deux rendez-vous importants du point de vue de son contenu, celui qui consiste à forger une idéologie francophone internationale et celui d’adapter typiquement son contenu aux aires géographiques ou culturelles. Cette attitude est contradictoire avec les vues idéologiques de l’ensemble francophone institutionnalisé. Celui-ci prétend représenter « un antidote puissant contre l’uniformisation des cultures…/… contre la mondialisation » et propose néanmoins un contenu télévisuel fortement uniformisé. Alors même que la francophonie accuse l’anglophonie d’être porteuse des valeurs globalisantes et uniformisatrices, c’est bien le contraire que nous observons : les médias anglophones choisissent pour leur divulgation des contenus régionalisés et l’ensemble francophone médiatique ne tient pas compte des particularismes régionaux en ignorant l’information locale, les vedettes locales, en refusant de donner un contenu asiatique à une chaîne asiatique. TV5 Asie apparaît comme un miroir du paysage audiovisuel français qui veut s’exporter brutalement sans subtilités91. C’est pourquoi, prudemment, nous disons qu’il s’agit d’une initiative visant à proposer à l’ensemble des expatriés et des touristes francophones une chaîne peu dépaysante qui

91 Pourtant les subtilités régionales n’échappent pas au paysage audiovisuel francophone lorsque celles-ci revêtent un caractère incontournable. Ainsi, TV5 Orient a su s’adapter aux publics arabes. Une autocensure s’exerce qui veille à ne pas choquer les préceptes sociaux, moraux et culturels des pays arabes francophones en supprimant ce qui peut apparaître comme moralement subversif ou antireligieux.

Cependant, l’adaptation ne se fait pas expressément sur le contenu thématique des programmes proposés.

Il s’agit simplement d’un « édulcorage » qui cherche à ne pas heurter.

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reprend les contenus métropolitains. Ainsi, l’amalgame entre émissions françaises (belges ou canadiennes) et émissions francophones est évident. Cette situation était attendue dans l’enquête parce que, comme nous l’avons écrit, l’ensemble francophone n’est pas homogène. Il est hétérogène du point de vue des pays qui le composent et qui poursuivent des buts différents mais il est aussi hétérogène dans sa composition administrative, c’est-à-dire au niveau même de ses opérateurs. L’histoire francophone, du moins celle de la francophonie institutionnelle, se fonde sur l’absorption d’organismes francophones qui, se réunissant sous l’égide du sommet des Chefs d’Etats et de Gouvernements ayant le français en partage, veulent établir ainsi une communauté francophone internationale.

Cependant cette unité francophone internationale ne peut faire l’impasse sur les particularismes propres aux organismes absorbés. Au cours de son évolution structurelle, l’idée francophone institutionnelle se dote de partenaires, d’opérateurs qui ne sont pas issus du même mouvement francophone, de la même idéologie francophone que celle suscité par « l’élan africain » et les déclarations de constitution de la francophonie ne concernent que les pays fondateurs. Même si les opérateurs venus grossir les rangs de la francophonie institutionnelle doivent respecter la charte francophone, il n‘en demeure pas moins qu’ils possèdent une activité propre, des objectifs propres inabrogeables puisqu’ils les constituent. Et pour revenir à la chaîne francophone internationale TV5, ses buts peuvent parfois différer de l’idéologie et de l’élan francophone primaire. Soit qu’elle suit ses propres objectifs soit que l’environnement international change et nécessite une permanente évolution. TV5 a été créée en 1984 par la France et d’abord destinée à l’Europe puis s’est élargie en 1988 au Canada. Il s’agit alors d’une chaîne franco-québécoise qui n’a pas pour vocation de créer un lien francophone entre les pays du sud.

La chaîne a une vocation occidentale qu’elle accroît en se dirigeant vers l’Amérique du Nord. Vitrine audiovisuelle de la francophonie occidentale, elle a grand mal à se départir de ce rôle. Pourtant les discours de politique générale francophone sur l’audiovisuel et les décisions adoptées lors des Sommets francophones proposent une augmentation de la prise en compte des particularismes régionaux : « Nous avions une chaîne d’assemblage où l’on empilait les émissions, nous aurons une chaîne de programmes avec une grille, un style et une image »92 déclarait le Ministre français délégué à la communication et à la

92 In Universités, Aupelf-Uref, Paris, novembre 1998, p.9.

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francophonie en 1998. Cependant, il semble que ce ne soit pas encore le cas lors de notre période d’enquête 1999-2001. Cela n’a rien en soit d’étonnant car le discours des instances administratives de la francophonie reste ambigu, ne voulant pas dépasser le cadre centralisé franco-québécois, sinon dans quel sens comprendre cette déclaration : « Cette nouvelle approche [citée précédemment]…/… procurera…/…une adaptation de LA grille par zone géographique, éliminant ainsi les difficultés entraînées par les fuseaux horaires »93 ? Cette centralisation et cette occidentalisation ne sont pas non plus totalement imputables aux pays francophones du nord. L’Afrique francophone qui à la sortie des guerres d’indépendance voulait être représentée sur la scène internationale via les instances francophones, a de plus en plus de mal à le faire d’une façon autonome. Les pays francophones du continent africain se trouvent actuellement au bord de l’abîme économique et ne sont pas en mesure de fournir un contenu culturel international à TV5.

Ils se cantonnent au rôle de client plus qu’à celui de fournisseur audiovisuel même si la constitution du Marché de l’Art et du Spectacle Africain94 tente de remédier à cette situation.

IV.1.2.2. Le soutien aux apprenants et les aléas locaux

La pertinence asiatique, c’est-à-dire l’adaptation stricte du contenu des programmes à l’aire Asie du Sud-Est, pourrait apparaître secondaire si toutefois la mission d’apport de corpus langagier francophone aux « apprenant le français » était effective. Or l’apport en langue française que procure TV5 Asie en direction du public francophone vietnamien en apprentissage (en partenariat avec l’AUF) est discutable95, car ses intentions sont contrecarrées par la réalité du développement technique et politique local.

93 In Universités, Aupelf-Uref, Paris, novembre 1998, p.10.

94 Cf. l’annexe 3, p.369 à propos du Marché Africain francophone des Arts et des Spectacles (MASA).

95 « Les résultats sur le terrain concernant l’UNISAT [Université par satellite] se résument à deux ou trois étudiants par an et par pays, principalement en médecine. Compte tenu des moyens financiers et de la non reconduction de plusieurs des programmes d’enseignement à distance sur TV5, ce programme de l’AUF devra être repensé ou annulé » in Evaluation de l’Agence Universitaire de la Francophonie, Rapport Final, AUF Aupelf-Uref, Paris, 5 juillet 1999, p.32.

96 IV.1.2.2.1. Structures et idéologie

Les ondes sont immatérielles et leur impact reste entièrement subordonné aux aménagements techniques et aux autorisations politiques qui, au Vietnam, ne vont pas de soi. L’activité audiovisuelle francophone rencontre au Vietnam un double déterminisme, l’un structurel l’autre super structurel. L’un concerne le développement technique de la réception satellitaire sur le terrain vietnamien. L’état de sous-équipement du pays et les conditions climatiques parfois extrêmes freinent le développement de la réception de la chaîne francophone. Le coût est également exorbitant, à tel point que la possession d’une antenne et d’un décodeur numérique n’est pas envisageable pour la quasi-totalité des habitants de la péninsule96. Cette technologie reste largement l’apanage des collectivités (les hôtels par exemple, les universités…). Quand cette contrainte peut être résorbée, un autre déterminisme super structurel apparaît. Il s’agit d’une contrainte politique qui freine l’obtention de l’autorisation municipale ou provinciale permettant l’utilisation d’une antenne satellite. Cette contrainte vise à contrôler l’accès au contenu des programmations étrangères qui peuvent se révéler subversives politiquement. Cependant, la dimension politique est plus complexe que la volonté de contrôle des produits culturels étrangers qui pénètrent au Vietnam ou de l’accès à la scène idéologique internationale97 (bien que cette préoccupation soit forte, nous la détaillerons lors de nos propos sur la censure). Il existe d’autres dimensions politiques, internes, entre libéraux et conservateurs, francophiles et anglophones, entre municipalités et régions qui compliquent sérieusement la divulgation de la chaîne francophone.

96 Dans le cadre d’une démarche d’apprentissage du français, l’acquisition individuelle par un étudiant vietnamien d’une parabole et d’un décodeur numérique est peu envisageable pour des raisons tout d’abord économiques.

97 L’accès par satellite à l’information internationale comme le phénomène Internet au Vietnam (autorisé en 1997) sont deux problématiques parentes. Elles résument convenablement l’oscillation de la classe dirigeante entre libéralisme économique et technique et fermeture idéologique. « Le Vietnam a réaffirmé sa détermination à empêcher l'Internet de devenir un forum de la dissidence intérieure en condamnant vendredi le "cyberdissident" Le Chi Quang à 4 ans de prison ferme…/…les restrictions à l'accès à l'Internet et la mise en place de firewalls autour des sites des opposants installés à l'étranger démontrent que Hanoï n'entend pas relâcher ses restrictions à la libre expression », Condamnation de Le Chi Quang:

Hanoï déterminé à contrôler l'Internet (ANALYSE), AFP, Paris, 8 novembre 2002.