• Aucun résultat trouvé

S TRUCTURE DES POPULATIONS DE L ACCARIA AMETHYSTINA ET VARIABILITÉ ENVIRONNEMENTALE

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 191-195)

monde (Smith et Read 2009). Certains taxa ont une aire de répartition très large, s’étendant sur plusieurs continents, voire dans les deux hémisphères comme Ganoderma aplanatum (Moncalvo et Buchanan 2008), Tylopilus balloui (Halling et al. 2008), ou Amanita muscaria (Geml et al. 2008). Les habitats occupés par ces champignons ectomycorhiziens cosmopolites sont extrêmement variables dans leurs espèces d’arbres, leur maturité, leurs conditions édaphiques ou encore climatiques. Ces variables influent potentiellement sur la dynamique et les stratégies locale et à plus grande échelle des populations de champignons mycorhiziens, et impliquent une grande adaptabilité de ces espèces à la variabilité environnementale ; ou bien le milieu participe à une spécialisation locale des populations, non visible { l’œil nu.

Cependant, au sein d’une même espèce présente dans des milieux variés, des adaptations locales sont couramment observées, à travers la variabilité phénotypique. Par exemple, l’altitude influe sur la taille des feuilles et leur réflectance chez Verbascum thapsus (Parker et al.

2003) ; ou bien le risque de dessiccation lié à la sécheresse environnementale accélère le développement et la métamorphose des larves de Rana temporaria (Laurila et al. 2002). Des adaptations locales peuvent aussi être suggérées par une structure génétique au sein des populations, comme une restriction des flux géniques entre populations chez Zonotrichia capensis (Cheviron et Brumfield 2009) ou une différenciation des populations de Peromyscus maniculatus (Storz et Kelly 2008) le long de gradients altitudinaux. Chez les champignons ectomycorhiziens, différentes études de populations présentent des exemples d’adaptation de la structure génétique et des stratégies écologiques de populations naturelles à des conditions environnementales locales, biotiques ou abiotiques :

les perturbations du milieu peuvent influer sur les tailles des génets et la stratégie écologique de populations ectomycorhiziennes : chez Suillus grevillei sous Larix kaempferi (perturbations anthropiques et animales ; Zhou et al. 2000), Hebeloma cylindrosporum (perturbations anthropiques du sol ; Guidot et al. 2003), ou Tricholoma scalpturatum et T. populinum (inondations d’un lit de rivière ;

191

Gryta et al. 2006), la vitesse de renouvellement des génets s’accroît en milieux perturbés ; les génets sont plus petits, et de stratégie rudérale

les conditions édaphiques : chez Cenococcum geophilum, la texture et la structure des sols notamment sont liés à une structure génétique spatiale des populations (Jany et al.

2002)

la maturité des hôtes : chez T. matsutake dans le Yunnan, les populations présentes dans des forêts de 50 ans ou des forêts « vieilles » se différencient génétiquement (Amend et al. 2009)

la compétition avec les communautés locales ectomycorhiziennes ou les congénères : chez L. duriusculum (Selosse 2003).

Inversement, quelques études recherchant une adaptation locale dans les populations ectomycorhiziennes naturelles ont montré une absence de différenciation liée aux conditions environnementales testées. Chez Suillus luteus, Muller et al. (2004, 2007 ; Chapitre III) ont montré le faible effet de la pollution des sols sur la structure génétique des populations. La plupart des espèces ectomycorhiziennes sont considérées comme généralistes vis-à-vis de leurs hôtes (Smith et Read 2009). Pourtant, l’adaptation des populations ectomycorhiziennes naturelles { de multiples espèces d’arbres a peu été explorée jusqu’{ récemment (Smith et al.

2009). Bergemann et Miller (2002), s’intéressant { la différenciation de populations de Russula brevipes sur 1500 km, ont conclu que les hôtes (Pinus contorta et Picea sitchensis) avaient moins d’effet sur la structure des populations que la distance géographique. De manière comparable, chez T. matsutake, parmi 17 populations chinoises (collectées soit dans des forêts mixtes dominées par Pinus sp., Quercus sp. et des arbustes, soit dans des pinèdes), Xu et al.

(2008) ont montré une différenciation génétique entre des populations associées à des hôtes différents trois fois moindre à celle liée à la distance géographique entre les populations. En revanche, Strobilomyces spp., supposés généralistes avec des hôtes variés (conifères et feuillus), apparaissant comme uniquement associés à des Fabacées lors du séquençage des hôtes de leurs mycorhizes (Sato et al. 2007)

192

IV.1.1. Adaptations des populations de L. amethystina aux variations environnementales Dans les populations de L. amethystina, les fortes variabilités génotypiques observées aux échelles locales (Gherbi et al. 1999 ; Fiore-Donno et Martin 2001 ; Wadud 2007) ont suggéré l’existence d’adaptations locales aux conditions environnementales, invisibles morphologiquement mais créant une structure génétique des populations. Nous avons testé l’influence de l’espèce hôte sur la différenciation génétique entre les populations de L. amethystina, et montré que cette espèce serait effectivement généraliste (Roy et al. 2008). En effet, la différenciation génétique entre des populations d’une même forêt, associées à des hôtes différents, était encore moins marquée (FST= 0,01) qu’entre des populations sous hôtes semblables mais distantes de 120 à 450 km (FST = 0,02). Cette absence de spécificité des populations à l’hôte pose cependant la question de l’effet de la maturité des génets dans leur stade forestier : des populations vieillissantes pourraient être plus soumises à la sélection (Petit et Hampe 2006).

Nous avons ensuite montré l’absence de différenciation des populations de L. amethystina par la distance géographique { l’échelle européenne (Vincenot et al. en préparation). Grâce à la variabilité environnementale des populations échantillonnées pour cette étude, nous avons pu tester l’effet de différents facteurs environnementaux sur une potentielle structure génétique des populations en Europe. Les tests de Mantel montrent, comme pour la France, une absence de corrélation entre la distance génétique entre les populations et l’âge de leur peuplement hôte (r² =0,13 ; p =0,08). Les populations européennes de L. amethystina ne semblent pas non plus structurées par des facteurs climatiques (températures moyennes annuelles : r² =0,01 et p =0,25 ; précipitations annuelles : r² =0,02 et p = 0,71), ni géographiques (latitude : r² = 0,05 et p =0,07 ; altitude : r² =0,02 et p =0,84). Comme nous le mentionnons dans notre étude (Vincenot et al. en préparation), le vrai généralisme d’association de L. amethystina à ses hôtes (espèces et âge de peuplement) et l’absence de différenciation des populations par les conditions climatiques et les variations géographiques de leurs habitats pourraient être impliqués dans l’efficacité de la dispersion des spores { longue distance. Les forêts tempérées européennes peuvent en effet être considérées, avec une telle adaptation aux milieux variés, comme un habitat continu où les spores de L. amethystina peuvent coloniser leur milieu d’arrivée et s’associer aux espèces hôtes locales. L’adaptabilité de L. amethystina à des conditions environnementales diverses pourrait cependant parfois être un désavantage pour

193

cette espèce, présente partout mais répartie parcimonieusement, visible en taches de fructifications regroupées, dans les forêts. En effet, dans un milieu où sont présents des champignons ectomycorhiziens spécialistes, L. amethystina pourrait subir les effets de la compétition et ne pas s’établir et fructifier aussi efficacement que ces autres espèces.

IV.1.2. Des adaptations locales « invisibles » par les marqueurs neutres ?

Cependant, même si à une échelle de plusieurs centaines de kilomètres, nous n’avons pas détecté de structure génétique des populations liée à la variabilité environnementale à ce niveau, il pourrait exister des variations locales au sein des populations, non détectées par les marqueurs neutres que nous avons utilisés. Comme le soulignent Gryta et al. (2006), les ressources sur un même site peuvent être hétérogènes, et Hoeksema et Thompson (2007) ont révélé, expérimentalement, des adaptations locales de Rhizopogon sp. à des ensembles de conditions environnementales contrôlées. Au niveau intra-site, une mosaïque de facteurs locaux, insoupçonnés ou non quantifiés, pourrait effectivement exister localement et être liée à des adaptations locales des populations de L. amethystina. Par exemple, la présence de bois mort observée sur la placette 2 de suivi au Col de Faubel semble faciliter la fructification de certains génets, et peut-être leur persistance (un des 2 génets persistants de 2007 à 2008 se situe au niveau de débris de bois accumulés au sol).

À un niveau plus large, dans les études française (Roy et al. 2008) et européenne (Vincenot et al. en préparation) des populations de L. amethystina, quelques-unes paraissent « aberrantes », et se distinguent génétiquement des autres sans que nous en comprenions les raisons (population de Bellême sous Fagus sylvatica, et population finlandaise). Ces différenciations pourraient correspondre à une histoire inconnue des populations, mais aussi être liées à une variation environnementale non détectée par des marqueurs moléculaires neutres. En effet, l’association de la recombinaison et de la sélection { chaque génération pourrait « effacer » régulièrement les signaux de structure génétique spatiale. Un moyen de déceler des adaptations locales des populations de L. amethystina aux conditions environnementales serait de recourir à des marqueurs sous sélection pour décrire la variabilité au sein des populations.

Par exemple, en ciblant des SNP de gènes (choisis dans le génome de L. bicolor) soumis à une sélection balancée (e.g. des gènes de type sexuel) ou une sélection directionnelle

194

(potentiellement, des gènes impliqués dans l’association mycorhizienne), il pourrait être possible de détecter des traces de sélection locale par des facteurs du milieu, invisibles par des marqueurs neutres. Si des indices de sélection locale sur ces gènes étaient repérés, cette adaptation pourrait éventuellement par la suite être quantifiée en suivant l’expression de ces gènes au cours du vieillissement des génets (Courty et al. 2006).

IV.1.3. Adaptations des populations et flux géniques

L’adaptation observée de L. amethystina à des conditions environnementales variables pourrait relayer la dispersion des spores à très grande distance et faciliter leur établissement.

Et vice versa, les flux géniques à grande échelle participent au maintien du polymorphisme au sein des différentes populations, et contrevenir à la sélection locale (Lenormand 2002). Cette balance entre flux de gènes et sélection locale (si elle existe), potentiellement liée aux variations du milieu, limiterait l’adaptation des populations { des conditions environnementales précises et préserveraient les capacités généralistes de L. amethystina.

Cette importance de la reproduction sexuée et des flux de gènes entre populations, permettant l’évolution des populations et le maintien de la diversité génétique intra-populations avait été mentionnée par exemple par Muller et al. (2007), concernant les populations de S. luteus soumises à des conditions édaphiques contrastées. Chez L. amethystina, les flux géniques au sein de la population globale en Europe pourraient homogénéiser la diversité des populations, et limiter les adaptations locales aux variations environnementales hétérogènes des forêts tempérées européenne.

IV.2. Laccaria amethystina, une espèce eurasiatique ou une spéciation cryptique entre

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 191-195)