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Chapitre III : le suivi orthophonique d’une patientèle issue de l’immigration

3. La rééducation orthophonique en situation multiculturelle

3.2. Un travail en partenariat

F. ROSENBAUM insiste par ailleurs sur l’importance de la restitution de la compétence parentale et de la transmission familiale. Reconnaître la place indispensable que la famille doit prendre tout au long de la prise en charge est primordial pour comprendre le contexte dans lequel évolue le patient, mais également pour être en lien avec les interlocuteurs privilégiés de l’enfant. L’orthophoniste pourra alors transmettre aux parents les outils nécessaires pour aider l’enfant. L’accompagnement parental peut être plus difficile à mettre en place du fait de la différence des langues, mais l’orthophoniste pourra faire appel à des associations ou mairies de quartiers, par exemple, pour servir d’interface à la communication.

L’école étant par ailleurs partenaire elle aussi de la famille et de l’enfant, il est intéressant de communiquer avec l’enseignant pour un accompagnement optimal de l’enfant, d’autant plus qu’à l’école « étant donné le nombre d’élèves dans les classes et le peu de temps qu’ont les enseignants pour se consacrer à ceux qui en ont le plus besoin, il y a peu de chances pour

47 que l’enfant bénéficie du soutien nécessaire pour développer toutes ses compétences langagières et cognitives » (B. ABDELILAH-BAUER, 2008, p.125) Il faudra donc les valoriser l’enfant et sa famille, et être à leur écoute.

Les enseignants doivent être sensibilisés à la nécessité de prendre en compte la situation de plurilinguisme et pluriculturelle dans laquelle se situe l’enfant. Nier et dévaloriser les attaches de l’enfant l’amènerait selon C. GOI (2012) à accentuer les conflits de loyauté auquel il est éventuellement confronté. Or le but de l’école est à l’inverse de favoriser l’insertion de chacun dans le cursus scolaire, sans qu’il y ait d’exclusion : accueil des nouveaux élèves, aide aux enfants en difficultés (illettrisme, dyslexie, etc.), insertion des enfants handicapés…

En prenant en compte cette altérité, avec bienveillance et en écartant les éventuelles fausses croyances, notamment au sujet du bilinguisme, les enseignants pourront répondre au besoin de mettre en place un accompagnement adapté. A partir des expériences et connaissances de l’enfant, et sans aucun jugement de valeur, il sera possible d’aider l’enfant à se construire en regard de sa langue et sa culture maternelles dans un « traitement collectif de la singularité » (C. DOMPMARTIN-NORMAND, 2011). Il s’agit pour J. BILLIEZ de « préparer et coordonner les apprentissages des langues par des activités de découverte et d’observation des langues du monde les plus diverses en établissant une parité. » (2011, p. 150) Les divers points de vue culturels pourront être abordés et mis en parallèle, dans l’idée d’établir une relation à l’Autre. Dans le cadre de l’école, la situation transculturelle n’est effectivement pas vécue uniquement par l’enfant, mais aussi par son enseignant qui découvrira alors les similitudes et différences existant entre les langues.

Dans les écoles bilingues, il n'existe pas à proprement parler de règle quant à la manière de procéder. Néanmoins, un certain nombre de stratégies peuvent être utilisées pour favoriser les apprentissages des enfants. Ces stratégies ont fait leurs preuves depuis plusieurs années. Elles sont donc intéressantes à connaître.

Rappelons que « L’enseignement bilingue a comme objectif un bilinguisme fonctionnel: il s’agit pour l’élève d’acquérir des compétences («savoirs» et «savoir-faire») à la fois linguistiques et non-linguistiques » (G. SCHLEMMINGER, 2008, p.99) L'intérêt est donc, dans l'enseignement bilingue, d'utiliser la langue comme but, et non comme moyen. L'attention des élèves se focalise sur un intérêt autre que celui de l'acquisition de la deuxième langue. Lorsque les enfants arrivent en immersion dans une classe bilingue, une question se pose alors : comment les enfants peuvent-ils comprendre le bain de langage autour d'eux ? A. LIETTI (1989) rapporte que les enseignants utilisent une communication globale, très efficace

48 pour aider les enfants. Le langage oral s’accompagne d'une communication gestuelle et corporelle très marquée, appuyée de plus par des supports tels que des images. L'enseignant doit par ailleurs s'assurer de la compréhension de l'enfant en utilisant tous les moyens dont il dispose : c'est la clarification. Ils peuvent également adopter ce que G. SCHLEMMINGER appelle « l'intervention corrective » Il ne s'agit pas d'amener l'enfant à une norme, mais de suivre ses besoin de communication.

D’autre part, A. LIETTI explique que parfois les journées sont marquées par un certain nombre de rituels, de jeux, de chants... Cela permet aux enfants d'acquérir des premiers mots, d'entreprendre des premiers échanges... Au début, certains, les plus timides, voire en proie à un mutisme sélectif, ne s'exprimeront que dans le cadre balisé de ces jeux et chants appris, mais s'en émanciperont peu à peu. Certaines écoles autorisent également la libre alternance, c’est-à-dire que l’enfant est libre de répondre dans la langue qui lui convient le mieux.

Enfin, l'intégration et la socialisation passeront également beaucoup par les échanges entre pairs et la coopération. Comme le rappelle M. PRETCEILLE, « plus les échanges sont nombreux, plus les enfants manipuleront la langue et plus ils la maîtriseront rapidement » (1982, p. 78) Ceux qui ont un bagage supplémentaire peuvent donc dans ce sens aider leurs pairs, les corriger, apporter leur soutien…

Divers dispositifs tels que les cours de FLE (Français Langue Etrangère) ou les ELCO (Enseignements Langues et Cultures d’Origine) ont été mis en place afin de favoriser un accompagnement adapté aux enfants issus de l’immigration. D’autre part, C. GOI souligne que « des initiatives se multiplient pour favoriser le dialogue entre l’école et les familles allophones, sous l’impulsion des CASNAV1, des associations ou des organismes de formation institutionnels.» (2012)

L’école devra effectivement elle aussi valoriser les parents, en discutant avec eux du projet de bilinguisme, des stratégies déjà mises en place pour favoriser les apprentissages de leurs enfants… Les enseignants pourront encourager les parents à prendre part à la vie de l’école.

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