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Chapitre I. Synthèse bibliographique

3. Sècheresse et stress oxydatif chez les plantes

3.4. Toxicité des ROS

La production et l'élimination des ROS doivent être strictement contrôlées afin d'éviter le stress oxydatif. Un niveau accru de ROS peut endommager des biomolécules en interagissant avec elles, telles que les lipides, les protéines et l'ADN (Møller et al., 2007 ; Farmer et Mueller, 2013). Ces réactions peuvent altérer les propriétés intrinsèques de la membrane telles que la fluidité, le transport des ions, la perte d'activités enzymatiques, la réticulation des protéines, l'inhibition de la synthèse des protéines, des dommages au niveau de l'ADN entrainant à des pertes de certaines activités physiologiques, voir la mort de la plante.

3.4.1. Oxydation des lipides

Lorsque le niveau des ROS atteint un certain seuil, où il dépasse celui des mécanismes de défense, une peroxydation lipidique accrue se produit au niveau des acides gras polyinsaturés des membranes cellulaires et celle des organites. Ceci affecte non seulement le fonctionnement cellulaire normal, mais aussi aggrave le stress oxydatif par la production de radicaux dérivés des lipides (Sharma et al., 2012). Les dommages membranaires sont parfois pris comme un paramètre unique pour déterminer le niveau de destruction des lipides sous diverses contraintes. L’augmentation de la peroxydation des lipides a été rapporté chez des

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plantes poussant sous des stress environnementaux (Sharma et Dubey, 2005 ; Han et al., 2009 ; Tanou et al., 2009). Maintenant, il a été reconnu que pendant la peroxydation lipidique, des produits sont formés à partir de précurseurs polyinsaturés qui comprennent de petits fragments d'hydrocarbures tels que des cétones, le MDA et des composés qui leur sont associés (Garg et Manchanda, 2009). Certains de ces composés réagissent avec l'acide thiobarbiturique (TBA) pour former des produits colorés appelés substances réactives à l'acide thiobarbiturique (TBARS). Le processus global de la peroxydation lipidique des acides gras polyinsaturés implique 3 étapes distinctes : initiation, propagation et terminaison (Farmer et Mueller, 2013) (Figure 14). L'initiation de la peroxydation lipidique est déclenchée par l'attaque d’un acide gras polyinsaturé (RH) par un atome d’hydrogène du radical hydroxyle (•OH), conduisant à la formation d'un radical lipidique (R). Dans un milieu aérobie, l'oxygène va s’ajouter à l'acide gras au centre du radical lipidique pour donner naissance à un radical lipoperhydroxyle (ROO). Ce radical réagit avec un autre RH et engendre la formation d’un hydroxyperoxyde lipidique (ROOH) et d’un nouveau radical lipidique, assurant ainsi la propagation du processus. Le ROOH peut facilement se décomposer en plusieurs espèces réactives comprenant : des radicaux alcoxyles lipidiques, des aldéhydes (malonyldialdéhyde), des alcanes, des époxydes lipidiques et des alcools (Davies, 2000). Un seul événement d'initiation a donc le potentiel de générer de multiples molécules de peroxyde par une réaction en chaîne. La terminaison de ce cycle est effective lorsque deux formes lipidiques radicalaires réagissent ensemble pour former deux composés stables.

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Les effets globaux de la peroxydation lipidique sont la perturbation de la fluidité membranaire, augmentation de la perméabilité de la membrane à des substances qui ne la traversent normalement que par des canaux spécifiques, endommagement des protéines membranaires et inactivation des récepteurs, des enzymes et des canaux ioniques (Farmer et Mueller, 2013). L’altération des membranes thylakoïdales et chloroplastiques entraîne des perturbations au niveau de la chaine de transport des électrons, conduisant à une augmentation de la production des ROS dans ces zones et amplifiant ainsi le stress oxydatif.

3.4.2. Oxydation des protéines

Les ROS produites durant les conditions de stress provoquent une oxydation des protéines. La protéine subit alors des modifications qui peuvent être directes ou indirectes (Das et Roychoudhury, 2014). Lors des modifications directes, l'activité de la protéine varie en fonction des différentes modifications chimiques comme la nitrosylation, la carboxylation, la formation de liaisons disulfure et la glutathionylation. La carbonylation des protéines est souvent utilisée comme marqueur pour l'évaluation de l'oxydation des protéines (Møller et al., 2007). Les modifications indirectes sont le résultat de l'interaction des protéines avec les produits de la peroxydation lipidiques. Une surproduction des ROS peut conduire à la fragmentation de la chaîne peptidique, l'altération de la charge électrique des protéines, la réticulation des protéines et l'oxydation des acides aminés spécifiques et ainsi conduire à une susceptibilité accrue à la protéolyse suite à une dégradation par des protéases spécifiques (Kelly et Mudway, 2003). Les acides aminés contenant des groupements thiols et le soufre sont les plus vulnérables. La cystéine et la méthionine sont tous deux susceptibles d'être endommagés par les radicaux 1O2 et •OH (Das et Roychoudhury, 2014). Leur oxydation provoque des changements conformationnels, le dépliement des protéines et la dégradation. Les enzymes qui ont des métaux sur ou près de leurs sites actifs sont particulièrement sensibles à l'oxydation catalysée par des métaux de transition ou par l’O2•−

(Stadtman, 1990 ; Das et Roychoudhury, 2014). Il a été démontré que la modification oxydative des enzymes inhibe leurs activités. Une telle modification de cette composante organique clé de la vie, entraîne la perte d'une fonction médiée par les protéines, comme les activités métaboliques, structurelles, de transport ou de régulation. L'oxydation des protéines entraîne également à une accumulation d'agrégats de protéines toxiques et, dans le cas de lésions sévères, induit une mort cellulaire programmée (PCD : Programmed Cell Death) (Demidchik et al., 2010 ; Avery, 2011).

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3.4.3. Oxydation des acides nucléiques

Puisque l'ADN nucléaire de la plante est bien protégé par les histones et les protéines associées, ce sont les ADN mitochondriaux et chloroplastiques qui subissent le poids de l'attaque des ROS en raison du manque d'histones protecteurs ainsi que de la proximité des machines de production des ROS (Das et Roychoudhury, 2014). Les dommages oxydatifs de l'ADN se produisent à plusieurs niveaux et comprennent l’oxydation des résidus du sucre désoxyribose, la modification des bases nucléotidiques, l'abstraction d'un nucléotide et les ruptures dans l'ADN simple et double brin (Figure 15). Le radical hydroxyle (•OH) endommage non seulement le squelette du sucre désoxyribose en extrayant l'atome H, mais réagit également avec les doubles liaisons des bases purines et pyrimidines (Halliwell, 2006). L'•OH est également connu pour créer des réticulations des protéines de l’ADN quand il réagit avec l'ADN ou les protéines associées. Ces réticulations ne sont pas facilement réparables et peuvent être létales pour la cellule végétale (Das et Roychoudhury, 2014). La 8‐oxo‐7,8‐dihydroguanine (8‐oxo-G) et la 2,6-diamino-4-hydroxy-5-formamidopyrimidine (Fapy-G) sont des produits fréquemment détectés dans l'oxydation de l'ADN / ARN induite par le radical hydroxyle (Wang et al., 2010 ; Yoshiyama et al., 2013) (Figure 15).

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L’oxydation des acides nucléiques résulte dans plusieurs effets physiologiques tels que la réduction de la synthèse des protéines, la destruction de la membrane cellulaire et la détérioration des protéines photosynthétiques, qui affectent la croissance et le développement de la plante. Les dommages oxydatifs résultent également dans l'arrêt ou l'induction de la transcription, l'induction des voies de transduction du signal, les erreurs de réplication et l'instabilité génomique (Britt, 1999).