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Partie A : Contextes et paramètres

1.4. Environnement et interactions

1.4.2. Milieu naturel

1.4.2.1. La Terre, « écosystème global »

Les écosystèmes et sous-écosystèmes sont, par excellence, des structures constituées de réseaux ; ce sont les réseaux fondamentaux de notre monde.

Notre planète résulte d’une longue suite de « dégradations » de l’énergie apparue avec la naissance de l’univers, et les humains résultent d’une longue succession de « dégradations » énergétiques auxquelles a été soumise la terre. Entre toutes les créations issues de ce phénomène entropique existent des interactions innombrables. Au nombre de ces créations figurent les structures dissipatives, à savoir des structures capables de retarder durablement les effets de l’entropie et, ce faisant, capables de s’« auto-organiser » (l’ « organisation » étant le lieu d’une optimisation de l’information, optimisation féconde en termes de néguentropie).

Les structures dissipatives ont en commun une aptitude à rétablir, à terme, leurs facteurs d’organisation, constamment sujets à de la dégradation. Elles le font par le biais d’une large variété de réseaux d’interactions (qui sont, en fait, des lieux d’échanges d’informations). Telle est l’une des caractéristiques dominantes des structures dissipatives que sont les écosystèmes.

Selon S. Frontier, un écosystème « est un système d’interactions entre les populations de différentes espèces vivant dans un même site, et entre ces populations et le système physique »97. Pour E. Angelier « un écosystème est (…) une vaste structure dissipative à

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étapes multiples, sous-structure dissipative d’espèces tirant chacune leur source de matière-énergie d’autres espèces »98.

La terre est une structure dissipative, et elle constitue ce qu’il est convenu d’appeler l’« écosystème global » ; P. Bertrand souligne que « l’idée que la terre peut être décrite comme un écosystème global où les entités vivantes sont en étroite interaction avec leur environnement (…) a été émise par J. Lovelock dès la fin des années 70 »99. Et J. Gribbin d’ajouter : « Lovelock est juste arrivé à réunir l’ensemble des phénomènes liés à la vie terrestre (…) dans une même explication globale qui en fait les éléments constitutifs d’un grand réseau d’interactions complexes »100. On rappellera que James Lovelock est l’auteur d’un ouvrage remarquable intitulé « La terre est un être vivant - L’hypothèse Gaïa ». Suivant cette hypothèse, les organismes vivants font partie d’une entité globale dont le caractère opérationnel consiste à réguler le milieu environnemental qu’elle constitue en sorte de préserver les conditions favorables à la vie. Dès lors, la terre est, en soi, un organisme vivant constamment autorégulé.

En tant que structure dissipative, l’écosystème global Terre est une structure auto-organisée et, en tant que telle, génératrice d’émergences issues des interactions entre ses éléments constitutifs, c’est-à-dire de facteurs innovants et créateurs d’informations à caractère néguentropique lui permettant de se pérenniser en contrant les effets de l’entropie croissante. Ces émergences se sont notamment concrétisées dans l’apparition d’organismes animés dont, au premier stade, les gènes/cellules, lesquelles se sont pérennisées via leur constitution en corps, dont ceux des humains (cf. théorie de R. Dawkins, para. 1.2.12.1). Cette pérennisation des cellules, rappelons-le, s’effectue grâce à un échange d’énergie-matière et d’information avec l’environnement. Cette caractéristique propre aux structures dissipatives se retrouve dans les corps constitués par les cellules, de sorte que les hommes sont également des structures dissipatives et auto-organisées. De là leur comportement (auto-)organisé en sorte de contrer les effets de l’entropie et d’assurer leur survie durable. De là également leur capacité (nécessité impérieuse) à innover, par voie d’émergences entre informations acquises et

informations nouvelles (cf. para. 1.2.6), pour des motifs de production de néguentropie. L’une

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ANGELIER, E., Op.cit. p.27

99

BERTRAND, P., Op.cit., p.11

100 GRIBBIN, J. - Le chaos, la complexité et l’émergence de la vie. - Paris : Flammarion Champs Sciences, 2006, p.295

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de nos hypothèses est que, à l’instar des cellules qui assurent leur pérennité en se constituant en corps, les hommes assurent leur durabilité en se constituant en corps sociaux.

Gènes, cellules, hommes, groupes sociaux sont, parmi d’autres éléments de la nature, des facteurs constitutifs de l’écosystème auto-organisé qu’est la terre. Tous ces facteurs ont besoin, pour demeurer éloignés de l’état d’équilibre, des enveloppes et des corps globaux qui les contiennent (et qu’ils ont constitués). C’est en effet au sein de ces corps qu’ils réalisent leurs interactions productrices d’émergences, lesquelles leur permettent de s’organiser en vue de contrer, à terme, les effets de l’accroissement de l’entropie.

G. Blanc, dans la préface de l’ouvrage de J. Lovelock cité ci-dessus, a souligné que « la terre, les océans, l’atmosphère et les êtres vivants figuraient un tout dont les parties s’influencent mutuellement et évoluent simultanément »101. C’est ainsi, selon lui, que les humains constituent une espèce au même titre que les autres (animales et végétales) et que celle-ci participe, à l’instar de ces dernières, au processus d’homéostasie planétaire. Ce constat lui permet d’affirmer que la biosphère n’est nullement subjuguée par l’homme, celui-ci n’étant qu’une partie intégrante de l’état stable de la terre. (Le terme « homéostasie » a été défini par W.B. Cannon comme étant l’ensemble des processus organiques qui agissent pour maintenir l’état stationnaire de l’organisme dans sa morphologie et dans ses conditions intérieures, en dépit des perturbations extérieures; il s’applique à toute forme d’organisme vivant, tels les hommes ainsi que la Terre et son auto-organisation écologique). Selon J. Lovelock, « dès son origine, l’espèce humaine a fait partie de Gaia (nom donné par Lovelock à la terre en tant qu’être vivant) au même titre que toutes les espèces ; à l’instar de ces dernières, elle a donc participé inconsciemment au processus d’homéostasie planétaire »102. Dans la mesure où, en vertu de la loi MEP, notre planète (en tant que structure dissipative) est constamment conduite à maximiser d’une manière croissante sa dissipation d’énergie, il est vraisemblable qu’elle ne pourrait conserver son équilibre homéostatique sans cette maximisation continue. On peut alors conclure que l’équilibre homéostatique de l’écosystème terre consiste dans la stabilité d’un état physique lui permettant de maximiser durablement sa dissipation d’énergie (autrement dit, une maximisation de son évacuation d’entropie). Il en va de même de l’homéostasie des autres structures dissipatives, dont les sous-écosystèmes sociaux.

101 LOVELOCK, J. Op.cit., p.9

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