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3. TRANSPORT DE L’ÉNERGIE CALORIFIQUE - CHAPITRE 3

3.1. T RANSPORT D ’ ENERGIE A HAUTE TEMPERATURE

De manière générale, le stockage et le transport de l'énergie thermique à haute température ne peuvent avoir lieu que par réaction chimique catalytique réversible. Le reformage du méthane en utilisant la vapeur d’eau ou le dioxyde de carbone ainsi que la dissociation et la synthèse de l’ammoniac sont les réactions catalytiques les plus étudiées.

3.1.1. Reformage du méthane avec du dioxyde de carbone ou de vapeur

Reformage du méthane par la vapeur (CH4 - H2O)

Un peu d’histoire

Les systèmes de transport d’énergie en utilisant le reformage du gaz naturel en utilisant la vapeur ont été démontrés théoriquement et expérimentalement au Centre National de Recherche de Julich en Allemagne dans le cadre du projet « Nukleare Fernenergie » (NFE=Nuclear Long-Distance Energy). Ce projet avait pour but de démontrer d’une part le fonctionnement de l’hélium chauffé pour reformer le méthane en utilisant la vapeur sur une échelle assez représentative et d’autre part de démontrer la performance technique et l’efficacité d’un système utilisant des pipelines thermochimiques comme moyen de transport.

Le système expérimental EVA/ADAM a connu deux phases de développement :

• La première installation expérimentale dite EVA ("Einzelspaltrohr-Versuchs-Anlage"="Single Tube Test Facility") a été réalisée en 1972. Elle consistait à tenir compte des réactions endothermiques du reformage.

• Le processus inverse appelé ADAM ("Anlage mit drei adiabaten Methanisierungsreaktoren"="Facility with three adiabatic methanation reactors") a quant à lui été réalisé en 1979.

Le schéma qui suit représente le principe du système de transport d’énergie calorifique à longue distance EVA/ADAM.

(Source IAE/ECES: Appendix B « Chemical Energy Transmission Systems)

Exemple : transport d’énergie du nucléaire

Des chercheurs ont utilisés le reformage du méthane avec la vapeur pour stocker et transporter l’énergie thermique nucléaire selon quatre critères que sont la réversibilité chimique, une enthalpie de réaction suffisamment grande, une plage de température favorable pour des réactions réversibles et la disponibilité technologique.

Le procédé du reformage du méthane avec la vapeur ; en anglais Steam Methane Reforming « SMR » se déroule en deux étapes :

• Reformage du gaz naturel : la première étape du SMR consiste à faire réagir le méthane avec la vapeur à 750-800°C pour produire un gaz de synthèse ; un mélange essentiellement composé d’hydrogène H2 et de monoxyde de carbone CO à 650°C.

L'équation chimique s’écrit :

• Dans la deuxième étape connue sous le nom de réaction de changement du gaz à l’eau (Water Gas Shift « WGS »), le monoxyde de carbone produit lors de la première réaction réagit avec la vapeur sur un catalyseur nickel pour former l’hydrogène et le dioxyde de carbone CO2.

L’équation chimique s’écrit :

La figure ci-après montre le processus de conversion et de transport de la chaleur du nucléaire : Le procédé utilise l’hélium comme

intermédiaire pour fournir la source de chaleur nécessaire au reformage du méthane, puis le mélange gazeux y compris l'hydrogène et le monoxyde de carbone / dioxyde de carbone est transporté par pipeline vers le site de l'utilisateur.

Sur le site de l’utilisateur, la méthanation du gaz de synthèse libère une certaine quantité de chaleur.

(Source: Renewable and Sustainable Energy Reviews 13 (2009) 1532-1540) Afin que le cycle soit fermé et répété sans cesse, les produits de méthanation y compris le méthane et la vapeur sont réacheminés vers un autre pipeline. Cela permet de stockée l’énergie thermique nucléaire pendant la réaction de reformage du méthane et ainsi la transporter à température ambiante.

Les catalyseurs les plus souvent utilisés dans la réaction de reformage du méthane avec de la vapeur d’eau sont les catalyseurs à base de nickel, à base d’uranium,… Il s’agit habituellement des oxydes de métaux alcalins tels que l’Al2O3-, le MgO, le MnOx,…

La température du réacteur d’hélium est d'environ 950°C, et sur le site de l'utilisateur on peut avoi r de la vapeur à environ 530°C.

Des chercheurs ont développé un procédé amélioré appelé ICAR (Immédiate Accumulation Catalytique de l’énergie de rayonnement ionisant) pour la conversion et le transport direct de l'énergie nucléaire en énergie chimique Le nouveau processus représenté sur la figure de droite combine les réacteurs nucléaires et catalytiques dans le même volume technologique et les charges du catalyseur dans la zone de libération d’énergie du réacteur nucléaire. Il est donc beaucoup plus efficace

qu’EVA/ADAM ; (Source : Renewable and Sustainable Energy Reviews 13 (2009) 1532-1540)

Reformage du méthane par le dioxyde de carbone

Le procédé de reformage du méthane avec le dioxyde de carbone a été étudié depuis les années 1980 en tant que système de transport chimique de chaleur comme une alternative en vue de surmonter certaines des difficultés potentielles.

Principalement développé par le Centre Allemand de Recherche Aérospatiale (DLR), les Laboratoires Nationaux Sandia (SNL) aux Etats-Unis et l’Institut Weizmann en Israël (WIS), le cycle du reformage du méthane avec du CO2 a été adapté et modifié en utilisant l’énergie solaire comme apport de chaleur primaire.

Généralement utilisé pour la conversion et le transport de l’énergie solaire concentrée, le principe du reformage du méthane avec du dioxyde de carbone est basé sur l'idée du cycle d'EVA-ADAM. Son schéma de principe est représenté sur la figure qui suit.

L’énergie provenant de la chaleur de l’hélium à haute température est utilisée pour refroidir le réacteur nucléaire et convertir par une réaction endothermique le méthane et la vapeur en oxydes de carbone et en d'hydrogène.

Le gaz résultant peut être pompé à travers des tuyaux sur de longues distances et être reconverti par réaction exothermique au point de besoin en énergie. C’est le

processus ADAM. (Source : Renewable and Sustainable Energy Reviews 13 (2009) 1532-1540)

La réaction chimique principale est : Et la réaction secondaire est :

En utilisant le transport de chaleur « chimique » il est possible de transporter l’énergie solaire sur plusieurs centaines de kilomètres. La chaleur ainsi transporter peut être utilisée dans des procédés industriels ou pour produire de l’électricité.

Comparaison entre le reformage du méthane avec le méthane et le reformage du méthane avec le dioxyde de carbone

Le transport de chaleur « chimique » en utilisant le reformage du méthane avec le dioxyde de carbone a été plus développé que celui avec la vapeur. Du fait de l’évaporation de la vapeur dans le cas d’applications utilisant l’énergie solaire par exemple. Aussi l’utilisation du CO2 facilite les cycles d’arrêt et de démarrage.

Expériences/pilote

Un pilote d’exploitation usine de 480 kW d’apport de chaleur pour la réaction de reformage et 250 kW de puissance de chauffage dans l'étape de méthanation est testé depuis 1994. Ce procédé utilise l’énergie solaire à 700-1000°C pour une utilisation de la cha leur à 500°C. Les catalyseurs utilisés furent le r hodium et le ruthénium comme catalyseurs. L’application visée étant l’utilisation de vapeur industrielle. Le taux de conversion du méthane fut de 70% et l’énergie solaire absorbée de 97 kW.

Des pilotes de 300 kW à 6 MW ont été testés de 1972 à 1984 en utilisant l’énergie nucléaire à 900°C po ur une utilisation de la chaleur à 600°C visant comme application la production d’électricité et la vapeur industrielle. Ces expériences ont été menées sur des distances d’environ 30 km.

3.1.2. Dissociation d'ammoniac et sa synthèse

Un peu d’histoire

La réaction de dissociation d’ammoniac liquide comme un système en circuit fermé hybride de stockage d'énergie a été pendant plus de 30 ans étudiée par des chercheurs Australiens de l’Université Nationale d’Australie (ANU). De nombreuses études théoriques et expérimentales ont ainsi été établies.

Procédé

La réaction de synthèse de l’ammoniac qui est représentée sur la figure 4 est habituellement utilisée pour le stockage et le transport de l’énergie solaire à concentration.

La réaction chimique est :

La réaction endothermique de dissociation et synthèse de l’ammoniac fonctionne à des températures très appropriées aux récepteurs solaires ; la température de dissociation étant comprise entre 350°C et 500°C et la pression entre 10 à 20 MPa en présence de Ru ou Rh.

L fraction d’ammoniac étant à l’état liquide elle peut être automatiquement séparée dans un volume de stockage commun du mélange d’hydrogène/nitrogène.

(Source: Renewable and Sustainable Energy Reviews 13 (2009) 1532-1540)

L’industrie de l’ammoniac est bien développée car la production d’ammoniac est l’un des procédés chimiques les plus importants dans le monde. La réaction exothermique de la production d’ammoniac est couramment utilisée pour surchauffer de la vapeur d’eau pour la production d’électricité.

Comparaison de la dissociation/synthèse de l’ammoniac avec le reformage du méthane

La dissociation et la synthèse de l’ammoniac se distingue du reformage du méthane par l’absence de réactions secondaires qui permet une construction plus simple et un contrôle du réacteur. Néanmoins l’enthalpie de réaction du reformage du méthane est plus élevée. 247 kJ/mol pour le reformage du méthane avec le dioxyde de carbone par exemple contre 66,6 kJ/mol pour l’ammoniac.

Cet inconvénient pour autant qu’il soit majeur est à relativiser car la faible enthalpie de réaction exothermique de l’ammoniac peut être améliorée si des pressions plus élevées sont appliquées.

Expériences/pilote

De 1977 à 1981, des pilotes de laboratoires ont été testés en utilisant comme source de chaleur l’énergie nucléaire et solaire à 800°C. Avec une source de ch aleur à 800°C, il eut une production de vapeur à 500°C pouvant trouver des applications dans le doma ine industriel.

Une expérience avec une exploitation d’usine à des pressions et des températures allant respectivement jusqu’à 16 MPa et 720°C a montré qu’un système ayan t une puissance d’1 kW pouvait être réalisé.

De 1996 à 2004, des pilotes de 15 kW ont été testés en utilisant comme source de chaleur l’énergie des déchets à 600°C. Après cette expérience l’applicati on visée fut le stockage d’électricité.

3.1.3. Caractéristiques des éléments catalyseurs dans les réactions réversibles pour le transport de chaleur à haute température

Plusieurs autres réactions ont été étudiées pour l’application du transport de chaleur tels que :

Cependant, ces réactions optionnelles n’ont pas été bien développées et/ou n’ont pas fait l’objet de publications.

Bien qu’étant le seul moyen de transporter l’énergie thermique à haute température, des procédés autre que la conversion thermochimique ont été développés depuis plusieurs décennies mais des pilotes à grande échelle pour une application usine n’ont pas été réalisés. Les principaux inconvénients étant la durée de vie des catalyseurs et la limite du coût pour une utilisation à grande échelle.

Le catalyseur est un élément essentiel pour les réactions chimiques réversibles. Dans la littérature, on retrouve de nombreuses études portant sur la cinétique des réactions et des catalyseurs.

Les catalyseurs à base de métaux non-nobles tels que le Fe, Co ou Ni, sont très actifs mais ils se désintègrent rapidement Et disparaissent complètement au bout de quelques heures en raison de la formation de carbone sur la surface.

Parmi les métaux nobles, les plus étudiés sont Ru et Rh. Le coût des réacteurs catalytiques est généralement assez élevé et la durée de vie des catalyseurs est littéralement affectée par le processus de vieillissement des catalyseurs au cours des maintenances successives et de remplacement des réacteurs.

Le développement de nouveaux catalyseurs bon marché et efficaces est ainsi l’une des questions clés pour les systèmes chimiques réversibles dédiés au transport de chaleur à longue distance.

Expériences/pilote

Un pilote de laboratoire a été testé de 1975 à 1992 en utilisant l’énergie solaire à 900°C et en se b asant sur la réaction SO3/SO2. Les résultats furent que de la chaleur à 500°C fut produite. L’une des applications visées fut le stockage.

Un réacteur de laboratoire fur aussi testé en utilisant la chaleur des déchets à 150-200°C pour des applications de chauffage résidentiel et commercial. La chaleur fur transportée sur une distance d’environ 30 km en se basant sur la réaction de synthèse et de décomposition du méthanol.

Pour les mêmes applications un pilote de 100 MW fut testé en se basant sur la réaction de synthèse et de décomposition du méthanol en utilisant comme source l’isopropanol. La chaleur fut transportée sur une distance de 50 km.