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Un système processuel mixte

Première partie – Les incertitudes du cadre juridique textuel de l’appréciation des preuves

Section 3. Un système processuel mixte

80. Un système processuel est constitué de l’ensemble des règles régissant le déroulement de l’instance qui a pour objet de régler un litige entre deux ou plusieurs personnes. Il existe donc un lien processuel entre les différents acteurs du procès155, qui, en fonction de la procédure adoptée, possèdent des rôles plus ou moins actifs. Ce système a pour objectif « the

finding of truth as a fundamental aim, and […] is guided by the principle that the guilty should be punished and the innocent left alone »156. « Rules are necessary to guide the many

people engaged in the criminal justice process, to provide a certain predictability to the process, and to legitimize the governement’s effort to maintain a criminal justice system157. » 81. La doctrine juridique semble consumée par une mystérieuse passion pour la définition des systèmes de procédure criminelle158. Cela s’explique par l’importance sociétale et la spécificité juridique de ces systèmes qui peuvent conduire à la privation de liberté, et même dans certains États à la mort ou à des punitions corporelles159. Plusieurs systèmes processuels ont été développés au cours de l’histoire, depuis le droit romain160. La dichotomie basique distingue le système accusatoire développé au sein du modèle juridique de Common Law et le système inquisitoire adopté par le modèle juridique de Civil Law. Plusieurs auteurs ont considéré cette dichotomie insuffisante pour comprendre les différents systèmes processuels existants et se sont alors focalisés sur la place de certains acteurs au sein de la procédure criminelle.

82. Les divergences entre les différents systèmes processuels reposent essentiellement « in

their assumptions about the best way to find the truth »161, et donc pour parvenir à la justice. Toutefois, les nombreuses dichotomies doctrinales s’avèrent insuffisantes pour appréhender le système d’adjudication de la Cour. Deux grandes tendances doctrinales peuvent être distinguées. En premier lieu, la majorité des auteurs se concentrent sur la dichotomie basique des systèmes processuels, c’est-à-dire inquisitoire ou accusatoire (§1). En second lieu, depuis

155 CADIET L., op. cit., p. 388-390.

156 REICHEL P. L., op. cit., p. 129.

157 DAMMER H. R., FAIRCHILD E., ALBANESE, J. S. Comparative Criminal Justice Systems, Belmont, Wadsworth, Thomson Learning, 3e éd., 2006, p. 136.

158 LANGER M., « The Long Shadow of the Adversarial and Inquisitorial Categories », in DUBBER M. D., HORNLE, T. Oxford handbook of Criminal Law, Oxford, OUP, 2014, p. 887-922 ; L’auteur analyse les différentes catégories de modèles processuels en matière criminelle développées par la doctrine.

159 NIJBOER J. F., « Chapter 19. Criminal Justice System » , in JERON C., Introduction to Dutch Law, Alphen aan den Rijn, Kluwer Law International, 4ème éd., 2006, p. 399.

160 CADIET L., op. cit., p. 394.

une trentaine d’années, certains auteurs ont étudié la place de certains acteurs dans le processus probatoire en développant différents systèmes processuels (§2). Cependant, ces divers systèmes processuels s’avèrent imparfaits pour identifier le système de la Cour.

§ 1. L’insuffisance de la dichotomie basique des systèmes processuels

83. La dichotomie classique de l’étude des systèmes processuels oppose le système inquisitoire au système accusatoire. Après les avoir définis (A), il conviendra d’observer qu’aucun ne décrit entièrement le système processuel de la Cour (B).

La distinction des systèmes accusatoire et inquisitoire A.

84. Les auteurs recourent à cette dichotomie pour comparer la procédure criminelle entre les modèles juridiques de Common Law et de Civil Law, et avec celle des juridictions internationales pénales162. Par conséquent, certains auteurs emploient diverses terminologies, parlant de système « adversarial »163 ou de systèmes processuels de Common Law et de Civil Law. Toutefois, ces terminologies s’avèrent inadéquates dès lors que certains États du modèle de Civil Law ont adopté le système processuel accusatoire164, et que certains États du modèle de Common Law ont transposé diverses règles du système inquisitoire165. Il convient de préférer l’utilisation de la terminologie basique de « système accusatoire » et de « système inquisitoire ». Le premier serait tourné vers une vérité matérielle négociée par les parties, alors que le second rechercherait une vérité formelle arrêtée par les juges.

85. Malgré certaines différences entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis166, le système accusatoire s’instaure globalement dans un climat de confiance accordé aux parties qui disposent d’un degré élevé de contrôle sur l’enquête et le déclenchement de l’action en justice. Il se caractérise également par un procès concis, mais théâtral, une confiance importante accordée aux témoignages oraux, et un tribunal partagé entre un juge neutre et un jury chargé d’apprécier les preuves admises en fonction des règles d’exclusions de preuve. En présence d’un jury, l’admissibilité des preuves connaît une procédure particulière, celle du voir-dire. Cette procédure a lieu en l’absence du jury et ne sert qu’à déterminer l’admissibilité

162 BOAS G., BISCHOFF J. L., REID N. L., TAYLOR III B. D., International Criminal Procedure, International Criminal Law Practionner Library Series, Volume III, Cambridge, CUP, 2011, p. 14.

163 GOUGHLAN S. G., « The ‘Adversary System’ : Rethoric or Reality ? », CJLS., Vol. 8, 1993, p. 139-170.

164 ILLUMINATI G., « The Accusatorial Process from the Italian Point of View », N.C.J. Int’l L. & Com. Reg., Vol. 35, 2009-2010, p. 297-318.

165 OGBUABOR C. A., « Inquisitorial and Adversarial Process in Nigeria’s Criminal Justice System : the Dilemma of a Colonized State », U. W. Austl. L. Rev., Vol. 38, no 2, 2015, p. 175-199.

d’un élément de preuve167, mais elle se déroule selon les mêmes règles processuelles. En résumé, la procédure accusatoire est essentiellement orale, contradictoire et publique168. Elle serait l’image de l’État libéral,169 qui laisse les parties résoudre leurs différends en ne fournissant qu’un simple arbitre passif et neutre pour administrer le procès, mettant l’accent sur la résolution du litige par les parties au lieu de la découverte de la vérité170.

86. Le système inquisitoire possède comme principal caractère l’omniprésence d’un juge actif aux différentes phases de l’instance pour la production et l’admissibilité des preuves et la direction du procès. Cela a entraîné une institutionnalisation de la Justice avec la création du ministère public, et du juge d’instruction en France. Ce système a une image très négative, car la Défense ne serait pas respectée dans ses droits. Cette perception remonte à l’Inquisition et à ses abus durant le Moyen-âge. L’importance accordée au juge s’explique « because parties on

either side may have an interest in hiding the truth »171. En conséquence, « the main concern

regarding the fairness of the proceedings is the impartiality of the official inquiring organ – an intrinsic quality of the person – rather than an institutional feature »172. En résumé, la procédure inquisitoire est essentiellement écrite, secrète et non contradictoire. Cette procédure serait à l’initiative d’un État « activiste »173, qui s’attribuerait des compétences essentielles pour assurer la bonne application des lois et de ses politiques publiques174.

87. En conclusion175, le système accusatoire serait une dispute entre des parties proactives devant un juge passif, tandis que le système inquisitoire concentrerait tous les pouvoirs processuels entre les mains d’un juge indépendant et objectif. Cette distinction a toutefois profondément évolué176. Dans les systèmes accusatoires, les juges ont acquis des pouvoirs supplémentaires pour empêcher l’hostilité trop importante entre les parties, ce qui avait pour

167 A.W.M., « What is a Voir Dire ? », Crim. L. Q., Vol. 13, 1970-1971, p. 305-308.

168 CORNU G., Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 11e éd., 2016, V° Accusatoire.

169 DAMASKA M. R., The Faces of Justice and State Authority. A comparative Approach to the Legal Process, New Haven, Yale University Press, 1986, p. 5.

170 VERGES E., op. cit., p. 79.

171 REICHEL P. L., op. cit., p. 130.

172 CAIANIELLO M., « Law of Evidence at the International Criminal Court : Blending Accusatorial and Inquisitorial Models », N. C. J. INT’L L. & COM. REG., no 287, 2010-2011, p. 293-294.

173 Le terme d’État-providence pourrait éventuellement être utilisé, bien que son objectif soit essentiellement une intervention économique et sociale.

174 VERGES E., op. cit., p. 79.

175 STAHN C., A critical introduction to International Criminal Law, Cambridge, CUP, 2019, p. 271. L’auteur distingue l’idée de « contest » et d’« inquest ».

176 DAMASKA M. R., « Negotiated Justice in International Criminal Courts », JICJ, Vol. 2, no 4, 2004, p. 1019 ; SCHABAS W. A., An Introduction to the International Criminal Court, Cambridge, CUP, 4ème édition, 2011, p. 250 : « this is perhaps an oversimplification, because within the English and continental models, there is enormous variation from one country to another ».

conséquence d’allonger les délais. Dans les systèmes inquisitoires, la prééminence du juge s’est effritée au profit des parties, au nom du principe du contradictoire. Il a même pu être avancé que chacun possède des traits appartenant théoriquement à l’autre, notamment lors de la phase préliminaire177. L’érosion de la distinction entre les systèmes nationaux l’a ainsi rendu inefficace pour déterminer le système processuel de la Cour.

L’inutilité de cette distinction pour analyser le système de la Cour B.

88. Les textes juridiques instituant la Cour n’apportent aucune précision explicite quant à l’appartenance de la Cour à l’un de ces deux systèmes processuels. De nombreux auteurs ont tenté de déterminer une quelconque proximité du système de la Cour avec l’un de ces deux systèmes178. Ils s’accordent sur le fait que les textes légaux de la Cour disposent de différents éléments proches du système accusatoire et du système inquisitoire. Une Chambre préliminaire a été créée179, rapprochant le système de la Cour du système inquisitoire. D’ailleurs, les difficultés de la Défense180 pour enquêter et collecter des preuves au niveau international ont nécessité ces apports du système inquisitoire pour pallier les déficiences du système accusatoire181. Dans la même optique, les juges de première instance possèdent des pouvoirs relativement importants quant à l’admissibilité des preuves182. Toutefois, quelques règles d’exclusion de la preuve, présentes au sein du système accusatoire, ont été incluses au Statut de Rome183. De plus, les parties, c’est-à-dire le Procureur et l’Accusé, disposent d’un rôle primordial dans la production des preuves lors de l’instance, sous le contrôle actif du juge184. Ainsi, la présence de plusieurs caractéristiques démontre que le système processuel de la Cour combine des traits des deux systèmes, créant un système mixte185. Certes, on pourrait conclure au fait que la procédure devant la Cour est principalement accusatoire à tendance

177 AMBOS K., « International criminal procedure : “adversarial”, “inquisitorial”, or mixed? », Int’l Crim. L. Rev., no 3, 2003, p. 3.

178 Voir par exemple : AMBOS K., « International criminal procedure », op. cit., p. 1-37 ; KRESS C., « The Procedural Law of the International Criminal Court in Outline : Anatomy of a Unique Compromise », JICJ, Vol. 1, no 3, 2003, p. 603-617 ; CAIANIELLO M., op. cit., p. 287-318.

179 Article 57 du Statut.

180 TURNER J. I., « Defence Perspectives on Fairness and Efficiency at the International Criminal Court », in HELLER K. J., MEGRET F., NOUWEN S. MH., OHLIN J. D., ROBINSON D. (dir.), The Oxford Handbook of International Criminal Law, Oxford, New-York, OUP, 2020, p. 49-53.

181 SCHABAS W. A., An Introduction, op. cit., p. 252.

182 Article 69-4 du Statut.

183 Article 69-7 du Statut.

184 Articles 64 et 67 du Statut.

185 ZAPPALA S., « 2. Comparative Models and the Enduring Relevance of the Accusatorial – Inquisitorial Dichotomy », in SLUITER G., FRIMAN H., LINTON S., VASILIEV S. et ZAPPALA S., International Criminal Procedure : Principles and Rules, Oxford, OUP, 2013, p. 50.

inquisitoire186. Mais ce ne serait qu’une analyse imparfaite du système processuel de la Cour187. D’ailleurs, il semble que la Cour soit plus hybride que ses prédécesseurs188. En outre, aucune raison n’est suffisante pour préférer un système par rapport à l’autre189, bien que la recherche primordiale de la vérité peut requérir un système inquisitorial190. De plus, plusieurs éléments seraient mis de côté tels que la participation des victimes lors du procès, mais également l’évolution de la procédure en faveur d’un idéal du procès équitable. Dès lors, la dichotomie basique des systèmes d’adjudication semble insuffisante pour déterminer intégralement le système processuel de la Cour pénale internationale, puisque les négociateurs à Rome se sont efforcés de concilier les deux systèmes191. Cela peut être un moyen de parvenir à une culture juridique internationale, mais risque d’être long et énergivore192.

89. L’un des problèmes entourant cette distinction procédurale concerne la terminologie puisque les auteurs l’utilisent de diverses manières193, dont cinq sont recensés par Kai Ambos194. « The meaning of adversarial or inquisitorial remains ‘hostage’ to procedural

change in a single country assigned to the tradition »195. Ainsi, « the inquisitorial-accusatorial divide [seems to have] only, if at all, a meaning in historic, pre-revolutionary terms »196. D’ailleurs, les auteurs anglo-saxons emploient dorénavant la dichotomie « adversarial and non-adversarial systems », énonçant la disparition doctrinale du système inquisitoire, sans réussir à dénommer spécifiquement le système opposé au système

adversarial. La différence procédurale entre les deux systèmes doit être relativisée. D’une

part, ils ont été créés dans un contexte politico-juridique précis, distinct de celui des

186 BOAS G., et al., op. cit., p. 15.

187 MÉGRET F., « Beyond Fairness : Understanding the Determinants of International Criminal Procedure », ULCA Journal of International Law & International Affairs, Vol. 14, n°1, 2009, p. 48-49.

188 SCHABAS W. A., An Introduction, op. cit., p. 45 ; BUISMAN C., BOUAZDI M., COSTI M., « 1. Principles of Civil Law », in KHAN K. A. A., BUISMAN C., GOSNELL C., Principles of Evidence in International Criminal Justice, New-York, OUP, 2010, p. 94.

189 STAHN C., A critical introduction, op. cit., p. 271.

190 KREMENS K., « Inquisitorial and Accusatorial influences on the examination of a witness in the Internationl criminal procedure », Revue de droit et d’administration – Université de Wroclaw, Partie 2, 2015, p. 107-108.

191 CRYER R., et al., op. cit., p. 428.

192 TOCHILOVSKY V., « International Criminal justice : “Strangers in the Foreign System” », Criminal Law Forum, no 15, 2004, p. 321.

193 JACKSON J. D., « The Effect of Human Rights on Criminal Evidentiary Processes : Towards Convergence, Divergence or Realignment ? », The Modern Law Review, no 68, no 5, 2005, p. 740 : « One of the problems is that across the Common Law – Civil Law divide, the terms [inquisitoire et accusatoire] have been used differently and there has not been agreement about their meaning ».

194 AMBOS K., Treatise on International Criminal Law, Vol. 3, op. cit., p. 4-6.

195 JACKSON J. D., op. cit., 2005, p.741 ;. DAMAŠKA M. R., « Models of Criminal Procedure », ZBornik, Vol. 51, no 3-4, 2001, p. 481.

juridictions internationales197. D’autre part, le système probatoire a considérablement évolué au sein des systèmes étatiques198. L’étude des systèmes processuels français et allemand, base du modèle de Civil Law, montre aujourd’hui qu’ils sont oraux, publics et contradictoires199. Les procédures seraient donc mixtes, ou avec une tendance accusatoire200. Les juges du TPIY ont constaté plusieurs faiblesses de la procédure accusatoire, et ont adopté rapidement des éléments du système inquisitoire afin de respecter au mieux le droit au procès équitable201. 90. Dès lors, « the only element which could explain the term “inquisitorial” for this kind

of procedure is its truth-seeking nature: while in the adversarial system this search for the (procedural) truth lies, if at all, in the hand of the parties and therefore their conflict is at the centre of the proceedings (‘two cases approach’), in an “inquisitorial” system it is the responsibility of the State agencies in charge of criminal prosecution (‘one case approach’) »202. Or, bien que cette différence de nature soit essentielle, elle ne permet pas d’expliquer concrètement l’intérêt de cette distinction théorique dans l’étude des systèmes processuels, d’autant qu’en matière pénale, l’ensemble des États, y compris de Common Law, ont créé un ministère public ayant pour fonction la poursuite pénale. Au contraire, la gravité des crimes internationaux requiert de ne pas laisser le procès aux seules mains des parties, mais plutôt d’accorder aux juges une place et des pouvoirs importants. Dès lors, il ne semble pas pertinent de qualifier le système de la Cour d’accusatoire ou d’inquisitoire, ni même de l’identifier par rapport à d’autres dichotomies développées par la doctrine.

197 JACKSON J. D., « Finding the Best Epistemic Fit for International Criminal Tribunals. Beyond the Adversarial-Inquisitorial Dichotomy », JICJ, Vol. 7, no 1, 2009, p. 19-20 ; DAMASKA M. R., The Faces of Justice and State Authority., op. cit., p. 73-80.

198 Sur l’évolution du système processuel américain, PIZZI W. T., « Sentencing in the US : An inquisitorial Sould in an Adversarial Body ? », in JACKSON J. D., LANGER M., TILLERS P., Crime, Procedure and Evidence in a Comparative and International Context – Essays in honour of Professor Mirjan DAMASKA, Portland, Hart Publishing, 2008, p. 65-80.

199 LEGEAIS R., op. cit., p 484-507 ; WEIGEND T., « The Decay of the Inquisitorial Ideal : Plea Bargaining Invades German Criminal Procedure, in JACKSON J. D., LANGER M., TILLERS P., Crime, Procedure and Evidence in a Comparative and International Context – Essays in honour of Professor Mirjan DAMASKA, Portland, Hart Publishing, 2008, p. 39-64.

200 SCHABAS W. A., « Common Law, ‘Civil Law et droit pénal international : Tango (le dernier ?) à La Haye », RQDI, Vol. 13, no 1, 2000, p. 291.

201 TOCHILOVSKY V., « International Criminal justice », op. cit., p. 323 ; TOCHILOVSKY V., « 3. The Nature and Evolution of the Rules of Procedure and Evidence », in KHAN K. A. A., BUISMAN C., GOSNELL C., Principles of Evidence in International Criminal Justice, New-York, OUP, 2010, p. 163-174.

202 AMBOS K., op. cit., 2003, p.4. Voir aussi ORIE A., « Accusatorial v. Inquisitorial Approach in International Criminal Proceedings », in CASSESE A., GAETA P. and JONES J. R.W.D. (dir.), The Rome Statute of the International Criminal Court, A Commentary, Oxford, Oxford University Press, Vol. 2, 2002, p. 1439-1495.

§ 2. Les dichotomies en fonction de la place des acteurs processuels

91. Après avoir rejeté différents modèles selon la place des acteurs processuels (A), il conviendra de constater la composition hybride de la Cour par rapport à la théorie des systèmes processuels développés par Damaška (B).

Le rejet des modèles processuels en fonction des acteurs A.

92. Plusieurs « modèles » ont été développés par la doctrine en fonction de l’acteur probatoire étudié, tels que les officiers de police, le procureur ou encore les victimes. Toutefois, la majorité de ces théories a été fortement critiquée, et s’avère de moindre pertinence pour une analyse de l’appréciation des preuves d’un système juridique donné. De plus, Maximo Langer critique ces différents modèles en considérant que ces distinctions doctrinales ne font en réalité que reprendre, selon un autre angle processuel, les divergences entre les systèmes accusatoires et inquisitoires203.

93. Deux modèles ont été détaillé par Herbert Packer : « the crime-control model » et « the

due process model »204. Cette distinction a été vivement critiquée dans la mesure où l’application des deux modèles ne correspond qu’en partie à la pratique et essentiellement au système accusatoire205. Le « crime-control model », comme son nom l’indique, a pour but de réprimer le plus de crimes. Or, ce n’est pas l’objectif de la Cour qui, malgré son ambition de lutter contre l’impunité, n’existe que pour poursuivre les plus hauts responsables des crimes internationaux. De plus, le « due process model » est le modèle principalement adopté par la majorité des États sur la base du droit à un procès équitable, bien qu’il soit décliné sous plusieurs formes. En réalité, pour qu’un système pénal national fonctionne, il semble que les deux modèles doivent être conjugués, rendant peu opportune cette distinction pour définir le système processuel de la Cour.

94. Un troisième modèle a été élaboré, le « Victim Participation model »206, qui porte sur la place accordée aux victimes dans le procès pénal. Cependant, ce modèle a subi plusieurs

203 LANGER M., op. cit. 2014, p. 915.

204 PACKER H., « Two Models of the Criminal Process », University of Pennsylvania Law Review, Vol. 113, no 1, 1964, p. 1-68.

205 ROACH K., « Four Models of the Criminal Process », Journal of Criminal Law and Criminology, Vol. 82, Issue 2, 1999, p. 686-699.

206 BELOOF D. E., « The Third model of Criminal Process : The Victim Participation Model », Utah Law Review, no 2, 1999, p. 289-332.

divisions reflétant alors la stérilité de sa modélisation207. La multitude des tentatives de systématisation des procédures criminelles rend leur analyse délicate, d’autant plus que leur application ne correspond que rarement aux théories développées par la doctrine. La participation des victimes à la Cour pénale internationale a fait l’objet de nombreuses études208. Contrairement au système accusatoire, la participation des victimes à l’instance devant la CPI est considérée comme essentielle. Plusieurs prérogatives ont été accordées aux représentants des victimes209. Toutefois, elles ne sont pas aussi importantes que celles prévues dans le cadre de plusieurs systèmes de Civil Law. Le système processuel, en se basant sur la place des victimes à l’instance, montre à nouveau l’hybridité du système de la Cour.

L’approche globale développée par Mirjan R. Damaška B.

95. L’analyse de la place des acteurs au sein du système processuel doit s’ancrer dans une approche plus globale du modèle juridique, afin de faciliter l’appréhension du système probatoire observé. Mirjan R. Damaška conçoit une approche basée sur des concepts organisationnels et non pas uniquement centrée sur les systèmes processuels. Damaška « offer

two models of authority, the hierarchical and the coordinated » pour étudier les systèmes

processuels des modèles de Common Law et Civil Law210. Une approche similaire a été