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Synthèses décrites dans la littérature et stratégie envisagée pour ce projet

Synthèse par voie chimique.

A ce jour, seule la synthèse du 2N3-Tre est décrite dans la littérature. Ce composé a été synthétisé pour la première fois, en 2012, par l’équipe de C. R. Bertozzi afin d’étudier par marquage métabolique la mycomembrane de la souche bactérienne Mycobacterium smegmatis.128 Dans cet article, les auteurs ont utilisé un dérivé du tréhalose qu’ils avaient précédemment décrit dans des travaux datant de 2007.162 Ce dérivé est un tréhalose desymétrisé dont les groupements hydroxyle 4/6, 2’/3’ et 4’/6’ sont protégés par des groupements cyclohexylidène, l’hydroxyle en 3 par un groupement méthoxyméthyle et la fonction alcool en 2 par un groupement benzoyle (figure 151).163 Les auteurs ont donc pu obtenir un tréhalose dont tous les groupements hydroxyle ont été protégés avec un rendement en 3 étapes de 26 %.

Figure 151 : Structure du tréhalose entièrement protégé synthétisé par l’équipe de C. R. Bertozzi.

Le groupement benzoyle en position 2 est ensuite déprotégé par l’action du méthanolate de sodium dans le méthanol afin d’obtenir quantitativement un dérivé du Tre avec la fonction alcool en position 2 sous forme libre. Ce groupement hydroxyle en position 2 est ensuite activé par triflylation à l’anhydride triflique puis épimèrisé par un traitement au nitrite de sodium. Une seconde activation est alors réalisée afin de substituer l’hydroxyle par un groupement azido via l’action d’azoture de lithium. Les différents groupements protecteurs sont ensuite hydrolysés en présence d’une solution aqueuse d’acide chlorhydrique à 10% afin d’obtenir le 2N3-Tre avec un rendement en 7 étapes de 5%.

162 F. L. Lin, H. van Halbeek, C. R. Bertozzi, Carbohydrate Research 2007, 342, 2014–2030. 163 P. A. Wallace, D. E. Minnikin, J. Chem. Soc., Chem. Commun 1993, 16, 1292–1293.

193 Synthèse par voie chimio-enzymatique.

Plus récemment, en 2018, l’équipe de B. M. Swarts a réalisé la synthèse du 2N3-Tre par une approche chimio-enzymatique.164 Pour ce faire, les auteurs ont utilisés une enzyme : la tréhalose synthase TreT provenant de la bactérie Thermoproteus tenax. Dans de précédents travaux de 2014, l’équipe de B. M. Swarts a montré la capacité de cette enzyme à produire des analogues du tréhalose à partir d’UDP-glucose (substrat donneur) et de différents substrats accepteurs.165 Parmi les substrats utilisés, quatre étaient des analogues du glucose mono fonctionnalisés par un groupement azido en position 2, 3, 4 ou 6. Ces substrats ont été utilisés dans le but d’obtenir les dérivés du tréhalose : 2N3-Tre, 3N3-Tre, 4 N3-Tre et 6N3-Tre connus dans la littérature pour leur capacité à marquer ou non la mycomembrane de la bactérie Mycobacterium smegmatis (figure 152).128 Par cette première approche, seuls les dérivés 3N3-Tre et 6N3-Tre ont pu être obtenus.

Figure 152 : Exemples de substrats utilisés et de dérivés du tréhalose obtenus.

Afin d’obtenir le dérivé d’intérêt 2N3-Tre, l’équipe de B. M. Swarts a réalisé une étude d’activité enzymatique de l’enzyme TreT utilisant différents couples saccharide/UDP-saccharide (figure 153).

164 J. M. Groenevelt, L. M. Meints, A. I. Stothard, A. W. Poston, T. J. Fiolek, D. H. Finocchietti, V. M. Mulholand, P. J. Woodruff, B. M. Swarts, J. Org. Chem. 2018, 83, 8662–8667.

165 B. L. Urbanek, D. C. Wing, K. S. Haislop, C. J. Hamel, R. Kalscheuer, P. J. Woodruff, B. M. Swarts, ChemBioChem

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Figure 153 : Activité enzymatique relative de TreT vis-à-vis de différents couples saccharide/UDP-saccharide.164

Parmi les couples utilisés, mis à part le couple standard Glc/UDP-Glc, seul le couple Glc/UDP-GlcNAc a montré une activité enzymatique et permis l’obtention d’un analogue du Tre : le -D-N-acétyl-tréhalosamine (TreNAc) avec un rendement en une étape de 78%. Le TreNAc est ensuite désacétylé par l’action d’une solution aqueuse d’hydrazine à 85% afin d’obtenir la -D -tréhalosamine (TreN) avec un rendement de 50% (figure 154). Le 2N3-Tre est, pour finir, obtenu par une réaction de transfert de groupement azoture catalysée au sulfate de cuivre pentahydraté avec un rendement de 75%. L’équipe de B. M. Swarts a donc pu obtenir le 2N3-Tre en 3 étapes avec un rendement de 29%.

Figure 154 : Structures de l’-D-N-acétyl-tréhalosamine et du -D-Tréhalosamine.

Cette approche chimio-enzymatique est intéressante car elle permet l’accès en peu d’étapes à de multiples analogues du tréhalose. Elle nécessite cependant la synthèse des analogues de monosaccharide et est limitée par la disponibilité de l’enzyme, la capacité de l’enzyme à reconnaitre les substrats donneurs ou accepteurs et le coût des UDP-saccharides.

Stratégie de synthèse envisagée.

Dans ce manuscrit, une stratégie différente de synthèse par voie chimique a été employée (figure 155). Les analogues 2N3-Tre et 2épiN3-Tre seront synthétisés via l’obtention d’un intermédiaire commun tri-benzylé (en position 3, 2’ et 3’) et porteur de deux groupements

195 benzylidènes (en position 4/6 et 4’/6’) dont l’un des groupements hydroxyle en 2 sera non protégé. La synthèse de cet intermédiaire est décrite pour la première fois, en 2011, dans le manuscrit de thèse du Dr. A. Lemétais. Ces travaux de thèse ont été réalisés à l’université Paris-Sud sous la direction du Pr. J-M. Beau et l’encadrement du Dr. Y. Bourdreux. Le groupement hydroxyle libre de l’intermédiaire sera épimérisé ou non et substitué par un groupement azido. Les groupements benzyle seront pour finir déprotégés afin d’obtenir les deux composés souhaités.

196 Synthèse de l’intermédiaire commun tri-benzylé.

La synthèse des dérivés du -D-tréhalose débute par une silylation des groupements hydroxyles du Tre par des groupements triméthylsilyles (TMS) afin de favoriser la solubilité du tréhalose en milieu organique (schéma 46).166

Schéma 46

Le -D-tréhalose est mis en réaction en présence de chlorure de triméthylsilane dans la pyridine. Après une nuit à température ambiante, le milieu réactionnel est dilué dans l’acétate d’éthyle puis lavé par une solution aqueuse saturée de NaHCO3. Après évaporation du solvant, le composé 42 est obtenu avec un rendement de 93%. Ce produit est utilisé dans l’étape suivante sans purification.

La seconde étape est une étape de benzylation réductrice catalysée par le chlorure de fer (III) hexahydraté en présence de triéthylsilane (schéma 47). Lors de cette étape de protection, par catalyse tandem, le tréhalose sera desymétrisé par l’introdution de cinq groupements protecteurs.

Schéma 47

Cette réaction a été réalisée à différentes échelles allant de 200 mg à 5 g de composé 42 persilylé et a permis d’obtenir le dérivé tri-benzylé 43 avec des rendements allant de 26 à 37%. Les faibles rendements obtenus pour cette réaction s’expliquent par l’existence de nombreux sous-produits de tétra-, di- et mono- benzylation ainsi que par l’ouverture partielle des benzylidènes. Enfin, la rupture de la liaison glycoside est parfois observée. Seuls les sous-produits de tétra- et di-benzylation ont été isolés avec des rendements respectifs d’environ 23 et 15% (figure 156).

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Figure 156 : Structure des sous-produits tétra- et di-benzylé.

Synthèse des dérivés tri-benzylés fonctionnalisés par un groupement azido.

La troisième étape de cette synthèse est une étape d’activation de la fonction alcool du composé 43 tri-benzylé par un groupement triflate (schéma 48).

Schéma 48

Le composé 43 est mis en solution dans le dichlorométhane en présence d’anhydride triflique et de pyridine. Après une filtration sur silice, afin d’éliminer l’anhydride triflique et son sous-produit (l’acide triflique), le composé activé 44 est engagé directement dans l’étape suivante. Cette étape de filtration est réalisée car elle permet, lors des étapes suivantes, de diminuer la formation de produit d’ouverture de benzylidène ou de rupture de la liaison glycosidique entre les deux sous-unités glucose du tréhalose.

Le composé 44 est un intermédiaire clef dans la synthèse des dérivés du tréhalose puisque c’est à partir de ce composé que nous allons induire ou non un changement de configuration du carbone 2 porteur de la fonction rapportrice.

L’inversion de configuration du carbone 2 se fait par substitution nucléophile d’ordre 2 via une source d’azoture (schéma 49).

198 Les sources d’azoture utilisées pour cette réaction sont l’azoture de sodium NaN3 (10,0 éq.) avec l’iodure de tétrabutylammonium TBAI (1,0 éq.) dans le DMF (0,1 M) ou l’azoture de tétrabutylammonium TBAN3 (4,0 éq.) dans le toluène (0.05 M). Ces deux sources d’azoture ont montré, pour la synthèse du composé 49, des rendements en deux étapes comparables de l’ordre de 95%. L’utilisation du TBAN3 permet de simplifier le milieu réactionnel et de faciliter l’élimination du solvant lors d’expérience à faible échelle. Le couple NaN3 et TBAI quant à lui permet de diminuer le coût de la synthèse lorsque celle-ci se fait sur grande échelle.

La conservation de la configuration du carbone 2 se fait par une première inversion au nitrite de sodium suivie par une seconde activation par un groupement triflate et substitution d’ordre 2 via une source d’azoture (schéma 50).128

Schéma 50

Le composé 46 a été obtenu dans un premier temps avec des rendements en deux étapes de l’ordre de 20%. L’ajout de l’étape de filtration de l’intermédiaire activé 44 a permis d’augmenter le rendement aux alentours de 46%. Les faibles rendements obtenus à cette étape s’expliquent principalement par une rupture importante de la liaison glycoside du tréhalose.

Après inversion de la configuration du groupement hydroxyle, le composé 46 est activé sous forme d’un dérivé triflate (schéma 51).

Schéma 51

Puis une substitution nucléophile d’ordre 2 via une source d’azoture est réalisée (schéma 52).

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Schéma 52

Les sources d’azoture utilisées pour cette réaction sont le NaN3 avec le TBAI dans le DMF ou le TBAN3 dans le toluène. Les premières conditions utilisées pour cette synthèse ont été NaN3 (14,0 éq.), TBAI (1,2 éq.), DMF (0,05 M), 50 °C pendant une nuit. L’analyse par CCM du brut réactionnel a montré une conversion totale du dérivé triflate 47. Les analyses par RMN et LC-MS, ont quant à elles, montré la présence de deux composés, l’un étant le composé 45 désiré, l’autre étant un sous-produit d’élimination avec un ratio 1/0.6 (figure 157).

Figure 157 : Structure du composé 45 et de son sous-produit d’élimination.

Différentes conditions de purification ont été testées mais aucune n’a permis une séparation efficace de ces deux composés. Enfin, le remplacement du groupement triflate par un groupement mésylate a été testé afin de potentiellement réduire la formation du sous-produit d’élimination. La mésylation du composé 46 a été réalisée dans des conditions comparables à celles de la triflylation. Après filtration sur silice, le composé mésylé a été mis en présence de TBAN3 (3,0 éq.) dans le DMF (0,05 M) à 50 °C pendant une nuit. Après une nuit, l’analyse par CCM du brut réactionnel n’a montré aucun avancement de la réaction. La réaction a été poursuivie pendant 24h à 90°C puis à reflux du DMF pendant 8h. A ce stade, l’analyse par CCM ne montre qu’un faible avancement de la réaction. Au vu des difficultés de substitution nucléophile du groupement mésyle, cette voie d’activation a été abandonnée.