• Aucun résultat trouvé

Synthèse des études

III Discussion et perspectives (Chapitre 5)

5.1 Synthèse des études

5.1.1 Étude 1

L’objectif de l'étude 1 était d’investiguer les liens entre les composantes d’urgence et de persévérance de l’impulsivité, les capacités d’inhibition et la présence de vagabondage de pensées (VdP). Dans ce but, 126 participants issus de la population générale ont rempli le questionnaire UPPS d’impulsivité.

Ces participants ont également effectué trois tâches visant à explorer les processus de résistance à l’interférence proactive en mémoire de travail ainsi que les capacités d’inhibition de réponses dominantes, tout en permettant en parallèle d’évaluer le VdP. Il s'agit d'une tâche de reconnaissance de mots suscitant de l’interférence proactive en mémoire de travail (Recent-Negatives Task, RNT) et deux tâches de type Go/No-Go (SARTs) de rythme différent. La plus lente de ces deux tâches de Go/No-Go était aléatoirement ponctuée de pauses (environ toutes les 50 secondes en moyenne). Les participants devaient répondre si, à l’instant précis de chaque pause, leurs pensées étaient ou non centrées sur la tâche. Cette procédure permettait de mesurer la fréquence des VdP.

De manière consistante avec les hypothèses, les résultats montrent que le nombre de VdP corrèle avec le manque de persévérance. De plus, des analyses de régression contrôlant les autres facettes de l’impulsivité, l’âge et le genre indiquent que des niveaux plus élevés d’urgence prédisent des difficultés plus importantes dans le domaine spécifique de l'inhibition de réponses dominantes.

D'autre part, une plus faible persévérance prédit un nombre plus élevé d’erreurs dues aux effets de l’interférence proactive. Il convient de relever que ces relations sont généralement assez faibles, ce qui est en partie le reflet du caractère impur des facettes de l’impulsivité. En effet, chacune des facettes est vraisemblablement sous-tendue par différents mécanismes. Ainsi, le manque de persévérance pourrait être associé tant à une résistance faible à l’interférence proactive qu’à des difficultés de vigilance. De manière surprenante, nous avons

également observé qu’une meilleure résistance à l'interférence proactive telle que reflétée par une réduction des temps de réaction entre la condition d'interférence et la condition de contrôle est associée à des niveaux d’urgence plus élevés, à des VdP plus fréquents et à des difficultés dans l'inhibition de réponses dominantes.

5.1.2 Étude 2

Dans l’étude 1, les relations observées entre le manque de persévérance et les difficultés à résister à l’interférence proactive étaient de faible amplitude, bien que significative. Ainsi, l’objectif de l'étude 2 était de réexaminer cette question et d’examiner les liens entre cette facette de l’impulsivité et différentes formes de résistance à l’interférence. Pour ce faire, nous avons comparé le contrôle de l’interférence intentionnel versus plus intentionnel. Le contrôle non-intentionnel de l'interférence était évalué par une tâche RNT très similaire à celle de l’étude 1 mais censée être plus sensible grâce à l’utilisation de stimuli tels que des lettres. Le contrôle plus intentionnel de l’interférence était évalué au moyen d’une tâche d’oubli dirigé.

Les résultats des 71 participants à l'étude 2 montrent tout d’abord peu de relations entre les différentes performances aux tâches de contrôle intentionnel et non-intentionnel de l’interférence. Ce constat plaide en faveur de l’existence de mécanismes de contrôle distincts. Des analyses de régression ont par ailleurs été effectuées pour prédire les liens entre chacun des différents mécanismes de contrôle, le manque de persévérance et l’urgence, en contrôlant l’âge, le genre, et les autres facettes de l’impulsivité. Les résultats confirment le lien entre manque de persévérance et difficultés de résistance à l’interférence dans la tâche de contrôle non-intentionnel (RNT), avec une amplitude des effets deux fois plus élevée que celle observée dans l’étude 1. En outre, en extension des résultats de l’étude 1, le manque de persévérance prédit également, dans la tâche d’oubli dirigé, un nombre plus important d’erreurs de contamination (rappeler des lettres du deuxième trigramme présenté au lieu du premier trigramme) et d’erreurs d’intrusion (rappeler des lettres de la série précédente).

Dans la tâche RNT par contre, l’urgence prédit une plus grande différence de performance entre la condition de contrôle et la condition expérimentale (au cours de laquelle se crée un conflit de réponses motrices : la réponse motrice attendue est en conflit avec la réponse qui était attendue dans la série antérieure). Cette différence traduit un ralentissement dû à l’interférence créée par des réponses précédentes antagonistes. Ce coût de l’interférence de réponses conflictuelles peut être rapproché des difficultés d’inhibition de réponses dominantes rattachées à l’urgence dans l’étude 1. En revanche, contrairement à nos hypothèses, la différence entre la condition de contrôle et la condition d’oubli dirigé n’est pas liée au manque de persévérance (ni aux autres facettes de l’impulsivité). En d’autres termes, nous ne trouvons donc pas de lien entre le coût de l'oubli dirigé (ou difficultés de résistance à l’interférence intentionnelle) et les facettes de l'impulsivité de l'UPPS. Enfin, il apparaît que les participants avec un bas niveau de préméditation (i.e., plus impulsifs sur cette facette) font moins d’erreurs d’intrusion et de contamination dans la tâche d’oubli dirigé (voir également l’étude 5 pour les mêmes relations avec d’autres mesures d’intrusions mentales).

5.1.3 Étude 3

L’objectif de l'étude 3 était de fournir un instrument valide pour évaluer les capacités de contrôle sur ses propres pensées. Dans ce contexte, le Thought Control Ability Questionnaire (TCAQ, Luciano et al., 2005) est un outil intéressant dans la mesure où il explore spécifiquement l’efficacité perçue de la suppression de pensées. Une version en langue française du TCAQ a été élaborée, puis soumise à 263 étudiants.

Les résultats révélant deux items problématiques, une version à 23 items a été testée sur un nouvel échantillon de 309 étudiants. Cette version réduite montre de bonnes propriétés psychométriques (notamment une bonne consistance interne, une fidélité très élevée, un ajustement adéquat avec un modèle unidimensionnel des capacités à contrôler ses pensées). De plus, elle présente des corrélations élevées avec les inquiétudes évaluées au moyen du

PSWQ (-.75) ainsi qu’avec le facteur obsessions de l’OCI-R (-.69). Ces résultats témoignent d’une bonne validité convergente. Des analyses de régression soulignent en outre que les scores du TCAQ peuvent être prédits par ces deux mesures (PSWQ et OCI-R-obsessions). En revanche, ils ne sont pas prédits par les mesures de compulsions (sous-échelles « lavage », « collectionnisme »,

« rangement », « vérification », et « neutralisation » de l'OCI-R). Ces résultats témoignent quant à eux d’une bonne validité divergente. En conclusion, ces données confirment que le TCAQ est un outil adéquat pour investiguer les relations entre l’impulsivité et des difficultés spécifiques au contrôle de la pensée.

5.1.4 Étude 4

L’échelle White Bear Suppression Inventory (WBSI, Wegner & Zanakos, 1994) permet d’évaluer les tendances à vouloir supprimer ses pensées. Cette stratégie de contrôle mental est fréquemment utilisée bien que généralement inefficace et coûteuse en terme de ressources mentales. Le but de l'étude 4 était de réaliser une version en langue française de la WBSI et de la valider. Elle visait également à mieux comprendre les dimensions évaluées par cet instrument. Pour ce faire, nous avons exploré sa structure factorielle au moyen de nouvelles méthodes psychométriques (estimateurs non paramétriques et théorie de réponses à l’item).

Les résultats montrent d’une part que la version en langue française de cet instrument est valide. Ils révèlent d'autre part que le WBSI évalue deux facteurs distincts : la propension à continuellement supprimer ses pensées et la présence de pensées intrusives. Relevons que la distinction entre ces deux facteurs est importante, dans la mesure où les corrélations avec des scores de dépression et d’anxiété sont plus élevées avec les intrusions qu’avec les suppressions.

5.1.5 Étude 5

L’objectif de l'étude 5 était d’explorer les liens entre les quatre facettes de l’impulsivité et différentes formes de difficultés de contrôle mental. Ces difficultés

ont trait à la capacité de contrôler ses pensées (évaluée par le TCAQ), aux tentatives de suppression (évaluées par la sous-échelle « suppression » du WBSI), à la présence de pensées intrusives négatives (évaluée par la sous-échelle « intrusions » du WBSI), à la présence d’obsessions (évaluée par la sous-échelle « obsessions » de l’OCI-R) et enfin à celle d’inquiétudes (évaluée par le PSWQ).

Dans la première partie de l'étude 5, menée auprès de 250 participants, les résultats montrent que de mauvaises capacités de contrôle sur ses pensées (TCAQ) sont liées à des scores plus élevés d’impulsivité sur les facettes

« manque de persévérance » et « urgence » de l’UPPS.

La deuxième partie de l’étude 5, portant sur 97 participantes, montre que l’urgence est la dimension de l’impulsivité qui prédit le plus fortement toutes les formes de pensées intrusives (TCAQ, sous-échelle « intrusions » du WBSI, sous-échelle « obsessions » de l’OCI-R, PSWQ). Cette étude met de plus en exergue le fait que l'urgence et le manque de persévérance prédisent de manière indépendante les inquiétudes (PSWQ) et les difficultés à contrôler ses pensées (TCAQ). Elle permet en revanche de conclure qu’aucune facette de l’impulsivité n’est liée à une propension plus importante à la suppression de pensées (sous-échelle « suppression » du WBSI).

Nous avons en outre effectué une analyse plus détaillée en étudiant les relations entre les scores d’urgence et de manque de persévérance et chacun des items des questionnaires de contrôle mental. Il ressort de cette analyse que les intrusions liées à l’urgence sont plus émotionnelles, égo-dystoniques, récurrentes et de plus longue durée. Le manque de persévérance s’accompagne plus particulièrement d’inquiétudes relatives à des projets qui ne sont pas terminés ou à un manque de temps.

Enfin, la recherche de sensations et le manque de préméditation semblent comporter des aspects de l’impulsivité plus fonctionnels pour le contrôle mental dans la mesure où ces deux facettes corrèlent négativement avec certaines mesures d’intrusions. En outre, plus les participants ont des niveaux élevés de recherche de sensations, moins ils recourent à la suppression de pensées.