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Chapitre 5. Les interlocuteurs britanniques de l’OIT sur la scène nationale

5.3. Les syndicats

L’influence réelle du mouvement travailliste et syndicaliste sur la politique sociale britannique pendant l’entre-deux-guerres est un sujet discuté au niveau national parmi les historiens.501 Cette question nécessite de distinguer au préalable les acteurs syndicalistes des hommes politiques du Labour, et d’observer leurs interactions. En effet, l’influence réelle des syndicats sur les travaillistes n’est pas toujours évidente à percevoir car les frontières sont parfois floues. Officiellement les rôles sont divisés entre mobilisation sociale et action politique et les deux réseaux tentent de respecter leur indépendance mutuelle, néanmoins, depuis l’origine, les syndicats occupent une place prépondérante dans l’organisation du parti travailliste et les liens financiers sont importants. Il en découle forcément une influence des syndicats sur le parti même si cette dernière fluctue sur le temps et en fonction des dirigeants en présence.502

De manière concrète les travaillistes ne participent qu’à deux reprises au gouvernement pendant cette période : du 22 janvier au 4 novembre 1924, et du 5 juin 1929 au 21 août 1931.503 Les deux mandats de Premier ministre de Ramsay MacDonald étant très brefs, il est difficile pour son parti de mettre en place une politique sociale ambitieuse, et ce d’autant que les travaillistes sont minoritaires au gouvernement et doivent composer avec les libéraux. De plus, la montée du chômage crée un environnement difficile et peu propice à l’augmentation de dépenses sociales.504 La plupart des progrès sociaux mis en place sous forme de lois pendant l’entre-deux-guerres sont plutôt l’œuvre de gouvernements conservateurs ou de coalition (conservateurs-libéraux). Si leur rôle politique actif est faible, les travaillistes et les syndicats jouent cependant un rôle de groupe de pression très important. Des dissensions internes existent certes entre travaillistes et syndicalistes, ou avec des factions d’extrême gauche, et il est vrai que le nombre des adhérents syndicaux diminue après 1926, néanmoins le mouvement garde une position influente dans toute la période : influence idéologique à travers la circulation des idées politiques travaillistes, ainsi qu’une influence pratique à-travers la menace de la grève et de la violence par les syndicats.

En 1926 les syndicats britanniques tentent en effet la manière forte pour aboutir à leurs revendications : c’est la grande grève générale de mai 1926, un mouvement social de grande

501 Matthew Worley, Labour inside the Gate: a history of the British Labour Party between the wars, London, I.

B. Tauris, 2009; Andrew Thorpe, History of the British Labour party, op.cit.; Anne Crowther, Social Policy in Britain: 1914-1939, op.cit.

502 Andrew Thorpe, History of the British Labour party, op. cit.; Keith Laybourn, A century of Labour: a history of the Labour Party, Stroud, Sutton Publ., 2001.

503 C.f. Annexe III: Premier ministres de la Grande-Bretagne: 1910-1945.

504 David Howell, MacDonald’s Party: Labour identities and crisis, 1922-1931, Oxford, Oxford University Press, 2002.

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ampleur suivi par plusieurs syndicats en solidarité avec le secteur minier à l’origine de la grève.505 Mais l’intransigeance gouvernementale du Premier ministre conservateur Stanley Baldwin, orchestrée surtout par Winston Churchill alors Chancelier de l’échiquier, finit par l’emporter sur la combativité des syndicats. Le gouvernement mobilise l’armée et rend la grève illégitime causant ainsi des dommages irrémédiables au mouvement syndical qui en capitulant sort affaibli de la lutte. L’issue de cette grève majeure de 1926 représente un tournant dans le syndicalisme britannique : la chute du nombre de syndiqués se poursuit (8.3 millions en 1920 contre 5,5 en 1925 puis 4.8 en 1930) et surtout, elle sonne le glas du syndicalisme révolutionnaire en Grande-Bretagne.506

Suite à cette crise nationale qui a fait ressurgir des craintes de révolution en Grande-Bretagne, la collaboration entre l’OIT et le TUC prend un nouveau souffle : c’est la possibilité d’explorer la voie de la conciliation sociale et de la législation sociale internationale pour faire avancer la condition sociale des travailleurs en s’inscrivant dans la voie choisie par Albert Thomas. Un syndicalisme réformiste privilégiant la négociation se développe en effet sous le leadership d’Ernest Bevin et de Walter Citrine en Grande-Bretagne et ce choix politique pousse également les syndicats britanniques vers la sphère internationale dans l’optique d’utiliser la plateforme de l’OIT pour dépasser les blocages nationaux.507 En effet, les revendications syndicales britanniques qui tournent principalement autour de l’amélioration de l’assurance chômage, de la diminution des heures de travail, de l’augmentation des salaires et de l’allongement de la durée de la scolarité obligatoire508 peuvent être énoncées à l’OIT pour tenter de faire pression sur le gouvernement britannique qui malgré l’augmentation constante du chômage continue à poursuivre une politique de laissez-faire économique et est réticent à faire des concessions sur le plan social.509

505 Laura Beers, “Is this Man an Anarchist? Industrial Action and Battle for Public Opinion in the Interwar Britain”, The Journal of Modern History, vol. 82, n°1, 2010, pp. 30-60; Anne Perkins, A Very British Strike, London, Macmillan, 2006; Chris Wrigley, “Churchill and the Trade Unions”, Transactions of the Royal Historical Society, vol 11, 2001, pp.273-293; Robert Taylor, The TUC: from the General Strike to the New Trade Unionism, London, Palgrave, 2000; Keith Laybourn, The General strike of 1926, Manchester, Manchester University Press, 1993; G. Phillips, The General Strike: the Politics of Industrial Conflict, London, Weidenfeld and Nicolson, 1976; A. Masson, “The Government and the General Strike, 1926”, International Review of Social History, vol. 14, 1969, pp. 1-21.

506 Robert Taylor, The TUC: from the General Strike to the New Trade Unionism, op.cit; Hugg Clegg, A History of British Trade Unions since 1889, op.cit.; Ross McKibbin, “Great-Britain” in Robert Gerwarth (ed.), op.cit.

507 Casper Sylvest, “Interwar Internationalism, the British Labour Party, and the Historiography of International Relations”, International Studies Quarterly, vol 48, n°2, June 2004, pp.409-432; Lord Citrine, Men and Work:

an autobiography, London, Hutchinson, 1964.

508 Joëlle Droux, Damiano Matasci, « Le problème du chômage des jeunes dans l’entre-deux-guerres: acteurs et projets transnationaux », Revue d’histoire de la protection sociale, n°5, 2012.

509 Robert Taylor, The TUC: from the General Strike to the New Trade Unionism, op.cit; Noel Whiteside,

“Social Welfare and Industrial Relations, 1914-39” in Chris Wrigley (ed.), A History of British Industrial Relations 1914-1939 op.cit.; Rodney Lowe, “The Erosion of State Intervention in Britain 1917-1924”, op.cit.

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L’analyse des débats qui ont lieu dans l’enceinte de l’OIT sont donc l’occasion d’apporter des éléments nouveaux sur la vision internationaliste des syndicats britanniques dans l’entre-deux-guerres. Cette analyse passe en premier lieu par l’identification des femmes et des hommes syndicalistes qui ont collaboré avec l’Organisation.

TABLEAUX:PRINCIPAUX SYNDICALISTES BRITANNIQUES EN RELATION AVEC L’OIT DANS LENTRE-DEUX-GUERRES.

(Source : ABIT, Comptes rendus de la CIT et du CA, 1919-1939) Alf Purcell (commerces de l’ameublement)

Charles William Bowerman (secrétaire général du Trade Unions Congress de 1921 à1923) Edward Lawrence Poulton (manufactures de chaussures)

Margaret Bondfield (travailleurs municipaux et travailleurs non-spécialisés, et comité exécutif TUC) Mary MacArthur (Fédération nationale des ouvrières)

Robert Barrie Walker (ouvriers agricoles),

Robert Shirkie (secrétaire de la fédération nationale des ingénieurs et des chauffeurs des mines de charbon) Tom Shaw (textiles)

Walter Citrine (secrétaire général du TUC de 1923 à 1944)

William Appleton (secrétaire de la British General Federation of Trade Unions) William Holmes (travailleurs agricoles)

William Thorne (travailleurs municipaux et travailleurs non-spécialisés)

Le tableau IX construit sur la base d’un recensement effectué sur les comptes rendus des conférences internationales du travail, des conseils d’administration et de la correspondance des directeurs généraux de l’OIT, présente les principaux dirigeants syndicalistes britanniques qui ont travaillé avec l’Organisation ou ont participé à ses débats durant l’entre-deux-guerres.

Tous ces hommes et ces femmes en relation avec l’OIT y jouent un rôle d’une manière ou d’une autre: ils sont délégués ou conseillers techniques de la délégation syndicale britannique qui vient à Genève chaque année pour les réunions du conseil d’administration ou de la conférence internationale du travail, et parfois ils président des commissions de travail de l’Organisation (Tom Shaw, préside la Commission des huit heures en 1919). Par ailleurs ils

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correspondent abondamment avec Albert Thomas puis Edward Phelan pour se tenir informer mutuellement de leurs préoccupations et de l’évolution de la situation syndicale en Grande-Bretagne.510

Les syndicalistes britanniques sont des soutiens très actifs de l’Organisation et Albert Thomas s’appuie sur ce réseau pour renforcer l’action de son Organisation dans les années 1920.

« There is no need for me to tell you how much I enjoy being with you today.

There is no need for me to dwell on the long-standing collaboration, the trust and the friendship which link us together in a common effort. The British Labour Movement as you of course realize, takes a most active part in international life in general, and in particular in the work of the International Labour Organisation. No subject which is of interest to you can leave us cold.»511

Thomas envoie de nombreuses brochures sur l’OIT en Grande-Bretagne pour distribution auprès des organisations syndicales affiliées afin de faire connaitre l’action du BIT auprès des travailleurs anglais. De manière annuelle, après chaque conférence de l’OIT dans les années 1920, Albert Thomas fait publier des petits pamphlets de quatre pages pour diffuser et expliquer largement le travail accompli par la conférence aux ouvriers, bien conscient de l’importance de faire connaître le travail de son Organisation.512 Les dirigeants syndicaux britanniques de leur côté utilisent également l’OIT comme un centre de renseignements à la fois sur les activités syndicales d’autres pays, sur l’obtention de statistiques et sur les normes internationales promulguées par l’Organisation.513

Pour ces syndicalistes britanniques l’OIT représente l’occasion d’explorer la voie de la conciliation, surtout après l’échec de 1926, et d’internationaliser leurs revendications afin de faire pression sur leur gouvernement pour obtenir plus de protection sociale. Ces syndicats réalisent tout un travail à l’international en participant activement aux débats de l’OIT notamment sur la question des heures de travail, sur la question du chômage et des congés payés. Ils s’appuient sur les recherches et les efforts normatifs de l’Organisation dans l’optique finale de peser sur les décisions gouvernementales au niveau national. En cela les syndicats suivent la tendance du parti travailliste qui prend conscience dans les années 1920 qu’un règlement international des problèmes peut amener plus facilement des solutions

510 ABIT, CAB A. Thomas correspondence: CAT 7-141 Miss Margaret Bondfield, CAT 5-64-1-1 Relations et Informations Royaume-Uni (Mr Walter Citrine, Mr Tom Shaw, Mr J. H. Thomas, Mr Ben Tillett); CAB E.

Phelan Z1/25/1/2 Ernest Bevin, Z1/25/3/1 Sir Walter Citrine.

511 Albert Thomas address to the Annual TUC Meeting, TUC Report 1930, TUC Library Collections, London Metropolitan University.

512 ABIT, correspondance avec le bureau de Londres, C302/012.

513 ABIT, CAB H. Butler, XR 25/3/5, Correspondace with E. Poulton.

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nationales sur des sujets comme la question des dettes, les réparations de guerre et les tarifs commerciaux (étalon-or).514 On peut citer par exemple les interventions du délégué ouvrier britannique Herbert Elvin lors des travaux de la commission sur les congés payés où ce dernier introduit de nombreux amendements en se basant toujours sur la pratique anglaise (conventions collectives) qu’il cherche à faire consacrer par le biais d’une convention internationale.515 La stratégie déployée est d’utiliser l’international pour transformer les conventions collectives sur un sujet en loi nationale afin d’uniformiser et d’élargir la pratique nationale.

« Les discussions qui se sont instituées dans la Commission ont montré qu'il n'est plus guère possible de laisser cette question aux seules conventions collectives, et qu'il importe, si l'on veut égaliser les charges qu'une telle réforme impose à l'industrie, de régler ce problème par voie législative. »516

Tous ces éléments montrent que les syndicats britanniques sont ouverts sur l’international dans l’entre-deux-guerres. Leur coopération internationale avec l’OIT est néanmoins différente de celle menée dans le cadre de l’IFTU qui est exclusivement syndicale.

L’étude des archives de l’OIT modifie la vue exclusivement nationale du travail syndical britannique dans cette période en dévoilant que l’OIT leur sert en quelque sorte d’exutoire après la défaite de 1926, tout en correspondant à la nouvelle stratégie du TUC. La conférence de l’OIT de 1927 est ainsi largement commentée par le TUC dans son rapport annuel qui souligne différents intérêts de travailler à l’international:

« He [Albert Thomas] pointed out how important it was that Labour conditions should be levelled up internationally. He did not believe that co-operation could be effective or could be entered into by Trade Union side unless it extended to the international field.

(…)

The sessions of the Conference which has just closed have once more shown the absolute necessity of the existence of the International Labour Office. The institution has certainly gained the confidence of the workers. Every year it extends the area of its operations. (…) Another advantage of the Annual International Labour conference which cannot be too often repeated is the opportunity it affords the workers of the world to meet one another. » 517

514 Andrew Thorpe, History of the British Labour party, op.cit.

515 ABIT, D620/1000/2, International Labour Session, Committee on Paid Holidays, Minutes French.

516 ABIT, Comptes rendus CIT 20ème session, Genève, 1936, intervention d’Herbert Elvin.

517 TUC Report 1927, TUC Library Collections, London Metropolitan University.

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Chapitre 6. Les relais dans la société civile britannique: l’exemple de la League of Nations Union.

La prolifération d’institutions et d’organisations publiques à la fin du 19ème siècle, puis la création de la SDN et de l’OIT après la Première Guerre mondiale entraînent une globalisation de la société civile.518 Le développement de la presse, du cinéma mais aussi des chemins de fers et du télégraphe augmente non seulement les possibilités de circulations pour les personnes, mais également les possibilités de communications et d’informations, autant d’éléments qui contribuent à cette globalisation.519

Ce contexte d’inter-connectivité grandissant permet l’émergence de nombreux mouvements ou associations à vocation internationale. La League of Nations Union (LNU), organisation britannique s’inscrit dans le mouvement transnational des militants pour la paix qui se développe dans l’entre-deux-guerres en Europe et aux Etats-Unis.520 Ce chapitre veut montrer comment le comité industriel de la LNU a tenté de mobiliser et rassembler la société civile derrière les enjeux de l’OIT, ainsi que les liens entre ses dirigeants et le mouvement de la société civile en Grande-Bretagne.

L’OIT comme la SDN constituent en 1919 des entités inédites qui font usage de nouvelles pratiques diplomatiques dans les relations internationales d’après-guerre, venant rompre avec la diplomatie traditionnelle des traités secrets et du pouvoir.521 La LNU s’inscrit dans cette nouvelle diplomatie qu’elle souhaite promouvoir. Comme le montre le tableau XI réalisé sur la base d’une enquête menée par la LNU en Angleterre en 1924, si 62% des personnes interrogées soutiennent la SDN, 38% des Britanniques sont encore à convaincre.

Comme l’OIT est encore moins connue que la SDN du grand public, le travail pour faire connaitre cette Organisation à la population britannique est encore plus important. Une intense propagande est ainsi développée par l’OIT qui mène un substantiel travail de relations publiques, de relations presse, et de publications pour lequel le bureau de Londres est mobilisé. Les directeurs de l’OIT de l’entre-deux-guerres, Albert Thomas, Harold Butler puis

518 Stefan-Ludwig Hoffmann, Civil Society, 1750-1914, London, Palgrave Mac Millan, 2006; Andrew Arsan, Su Lin Lewis, Anne-Isabelle Richard, “The roots of global civil society and the interwar moment”, Journal of Global History, vol 7, n°2, 2012, pp.157-165.

519 Pugh Martin, State and Society, British Political and Social History 1870-1992, London, Edward Arnold, 1994; L. C. B. Seaman, Life in Britain between the wars, London, Batsford, 1970; John Stevenson, British society, 1914-1945, Harmondsworth, Penguin, 1984.

520 Michael Pugh, Liberal Internationalism, The Interwar Movement for Peace in Britain, London, Palgrave, 2012 ; Christian Birebent, Militants de la Paix et de la SDN: Les mouvements de soutien à la société des Nations en France et au Royaume-Uni 1918-1925, op.cit.

521 Ruth B. Henig, “New Diplomacy and old: a reassessment of British conventions of a League of Nations, 1918-1920”, in Michael Dockrill and J. Fischer (eds.), The Paris Peace Conference, 1919, Basingstoke, Palgrave, 2001, pp.157-74.

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George Winant ont besoin de faire connaître leur institution dans la société civile afin de trouver des soutiens dans leur travail quotidien et de sensibiliser les gouvernants à la ratification des conventions internationales. Cette assise, ils la trouvent en Grande-Bretagne surtout auprès des syndicats. Mais l’OIT peut également compter sur différentes organisations ou mouvements privés qui sont prêts à s’investir dans un intense travail de propagande pour défendre les idéaux de l’Organisation.

TABLEAUXI:ENQUÊTE DE LA LNU SUR LE SOUTIEN ACCORDÉ À LA SDN EN GRANDE-BRETAGNE,1924.

(Source: Archives de la LNU, Londres)

La naissance de deux organisations internationales à Genève en 1919 est loin de laisser la société britannique indifférente, un fort courant pacifiste alimente la société civile qui se mobilise pour informer et éduquer la population aux nouveaux enjeux que représentent ces organisations.522 Plusieurs mouvements se mettent en place dans l’entre-deux-guerres afin de favoriser « l’éducation à la paix » en Grande-Bretagne, en particulier grâce à l’influence majeure de la LNU qui ancre l’essentiel de son travail dans la nécessité de réaliser des politiques éducatives adéquates au niveau national pour faire connaître et comprendre ces nouvelles procédures internationales.

522 Gregory Meyer, «Genèse et développements d’une ville internationale: Genève et les Organisations internationales (1919-ca. 1950)», thèse de doctorat en cours, Université de Genève, 2014.

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J’ai choisi de développer l’exemple de la LNU car c’est un acteur civil majeur en Grande-Bretagne et comme ses objectifs s’inscrivent dans une large manière dans ceux de l’OIT ces deux organismes ont été amenés à collaborer étroitement durant l’entre-deux-guerres. La LNU, est une organisation britannique créée en 1918, issue du rapprochement des deux principales organisations pacifistes d’avant-guerre : la League of Free Nations Association et la League of Nations Society. Son but est de rassembler la totalité du spectre favorable à la Société des Nations, elle se veut œuvre de rassemblement et réussit à développer un militantisme de masse : un quart de million d’adhérents au milieu des années 1920, avec un pic en 1931 avec 407'775 membres affiliés. Elle représente la plus grande organisation pacifiste britannique dans l’entre-deux-guerres et travaille en direction de tous les pans de la société, mais recrute essentiellement dans la famille politique des libéraux internationalistes, raison pour laquelle la LNU qui tente pourtant de se positionner comme apolitique est souvent associée au parti libéral. Elle place d’ailleurs son travail dans la croyance libérale classique que l’éducation est le sauveur de la démocratie de masse et en conséquence voue la majeure partie de ses efforts à internationaliser les curricula à l’école.523

ILLUSTRATION VIII : Les dirigeants de la LNU dans l’entre-deux-guerres.

Edgar Algernon Robert Gascoyne-Cecil, Gilbert Aimé Murray

1st Viscount Cecil of Chelwood by (Mary) Olive Edis (Mrs Galsworthy) by Bassano Ltd platinum print on photographer's card mount, whole-plate glass negative, 14 December 1929 1920s

© National Portrait Gallery, London

523 Donald S. Birn, League of Nations Union 1918-1945, Oxford, Clarendon Press Oxford, 1981 (ouvrage de référence sur la LNU), plus récemment: Helen McCarthy, The British People and the League of Nations, Democracy, citizenship and internationalism, c. 1918-1945, Manchester, Manchester University Press, 2011.

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Deux personnes incarnent la présidence de cette organisation dans l’entre-deux-guerres : Lord Robert Cecil (1864-1958) qui œuvre pour la paix à-travers la LNU de manière continue de 1918 à 1946 et Gilbert Murray (1866-1957), professeur de grec à Oxford.524 L’exécutif de cette organisation se compose de membres de l’élite britannique: des parlementaires, des membres de l’aristocratie, des anciens ministres, des évêques, des propriétaires de journaux et autres personnages publics, souvent tous issus des public school. De fait la LNU a donc toutes les cartes en mains pour s’introduire dans l’establishment britannique et influencer la politique du gouvernement.

La LNU est généralement faussement associée à la politique menée par les pacifistes dans l’entre-deux-guerres en raison du Peace Ballot qu’elle effectue en 1935 et dont le résultat est resté dans les mémoires collectives comme la preuve du pacifisme anglais et l’encouragement à la politique d’apeasement. Selon Donald Birn, historien spécialiste de la

La LNU est généralement faussement associée à la politique menée par les pacifistes dans l’entre-deux-guerres en raison du Peace Ballot qu’elle effectue en 1935 et dont le résultat est resté dans les mémoires collectives comme la preuve du pacifisme anglais et l’encouragement à la politique d’apeasement. Selon Donald Birn, historien spécialiste de la