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IV. LA THÉORIE AU TOURNANT D’UNE ŒUVRE PERSONNELLE

IV.III AU SUJET DE LA MATÉRIALITÉ DE L’ŒUVRE

Pour ce qui est du traitement des planches, j’ai choisi un papier de coton pour l’aquarelle, très épais et satiné. À partir de minuscules dessins tirés de mes storyboards gribouillés, j’ai réalisé mes planches de bande dessinée d’abord au graphite HB. J’ai tracé des cadres de 9 par 12 pouces (22,86 par 30,48 cm) sur le papier aquarelle. J’ai laissé une marge autour des cadres, cela me permettant d’utiliser tout l’espace disponible et de ne pas resserrer les cases au centre de la page. Les cases sont de grandeurs variables, selon les besoins de l’histoire, mais j’ai privilégié la séparation des pages en trois rangées de cases. La longueur des chapitres varie entre trois et huit planches. J’ai d’ailleurs pris soin d’uniformiser chromatiquement et graphiquement les doubles- pages. On retrouve très peu de dialogues, mais également très peu de tensions dramatiques. Les dessins sont poétiques, esthétiques, cohérents au niveau des couleurs. D’ailleurs, après le graphite, j’ai encré mes planches à la plume à dessin et à l’encre de Chine noire, additionnée d’encre bleue, jaune et rouge, afin d’obtenir un noir qui dialogue avec les autres teintes utilisées dans la planche. Pour la mise en couleurs, j’ai choisi la technique de l’aquarelle, à l’instar de Bill Watterson, Yoon- Sun Park et Anne Montel. L’aquarelle offre en effet une douceur vaporeuse qui rend le dessin poétique, aérien. J’ai choisi une peinture très pigmentée, me permettant de réaliser des effets de lavis très dilués ou encore de me rapprocher des effets de la gouache. J’ai choisi un papier aquarelle d’un blanc chaud, légèrement beige, afin de créer un univers chaleureux et reposant pour l’œil du lecteur et ce, tout en permettant aux couleurs d’offrir des subtilités dans les différentes teintes possibles.

Les différentes connaissances théoriques que j’ai acquises au cours de cette maîtrise m’ont donc permis de conceptualiser la poésie du quotidien, de la théoriser et de la mettre en relation avec le réalisme magique. Cela m’a permis de trouver les différentes caractéristiques des applications de ces concepts à la bande dessinée. En cernant les points théoriques de ces notions, j’ai trouvé les moyens d’exprimer ma conception de la bande dessinée de la manière dont je le souhaitais. Je détenais enfin les outils pour faire passer mon optimisme et mon entrain à travers mes dessins. J’ai

également pu me familiariser avec des problèmes propres à la bande dessinée que je ne connaissais pas avant d’en faire une pratique intensive. J’ai pu alors trouver mes propres solutions en suivant les conseils des artistes et des professeurs qui ont été autour de moi lors de la production des planches. J’ai appris à utiliser l’espace pour éviter les espaces intercalaires trop envahissants, à soigner le trait de mon dessin, à esquisser plus rapidement, et à produire des effets de couleurs plus éclatés. Cette œuvre n’est donc que le début d’une série que je souhaite enrichir de nouveaux ouvrages.

CONCLUSION

Pour conclure cette étude, il est juste de rappeler que la poésie du quotidien et le réalisme magique sont deux concepts indépendants qui peuvent parfaitement exister l’un sans l’autre. Ainsi, une œuvre peut être poétique sans jamais faire intervenir de merveilleux, même au plan métaphorique. L’inverse est aussi vrai, une œuvre peut intégrer le surnaturel au naturel sans avoir de vocation poétique.

Tout vient du choix que le lecteur fait lorsqu’il adhère au pacte de lecture. C’est lui qui décide de lire les bandes dessinées sous ces angles particuliers, et de les mettre en relation lorsqu’il y a lieu de le faire. C’est le cas ici pour les œuvres de ce corpus. J’ai décidé d’approcher ces six bandes dessinées ainsi que ma création avec l’idée que la vision poétique du quotidien des personnages transforme leur routine banale en aventure fabuleuse. Tout est une question de regard. Il s’agit de voir le poétique là où on ne le chercherait pas d’emblée, là où on nous dit qu’il ne peut pas se trouver. C’est élargir notre conception du merveilleux, rejeter les normes ennuyantes, agir selon le dictat de ses émotions comme le font les enfants. Le personnage au sein de la bande dessinée, a ce pouvoir de transformer une corvée de vaisselle en concours épique, de s’émerveiller devant la nature, d’errer à la découverte de nouvelles choses à apprendre. Le personnage qui détient ce pouvoir, détient tout d’abord le savoir. L’apprentissage et le partage des connaissances sont en effet une clé pour appréhender le monde autrement qu’on nous l’a toujours montré. Savourer les petits moments de la vie, le hasard, les gestes rituels, c’est enjoliver un quotidien qui n’a pas à être morne ou pesant. Il suffit tout simplement de voir les choses autrement. C’est maintenant au lecteur d’adopter cette position. Et en tant qu’artiste, il faut se rappeler que le monde est composé de peines et de joies, mais qu’une bande dessinée qui parle de bonheur et dont les personnages cultivent un optimisme à toute épreuve, a autant de valeur qu’une tragédie, qu’elle soit en couleurs ou en noir et blanc.

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Annexe

Nora et Mathieu

Bande dessinée