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Le premier obstacle pour suivre et mesurer l’impact des actions en direction des personnes sans chez soi, coordonner les intervenants locaux et les responsabiliser dans le cadre de collaborations et de soutiens contractualisés est la question du nombre et de la caractérisation de ces personnes sur un territoire donné. On a vu que la dernière enquête nationale sur la question remonte à 2001 (et qu’elle ne couvrait pas les villes de moins de 20.000 habitants). De notre point de vue, il est indispensable que des enquêtes locales soient de nouveau initiées. Nous avons recommandé plus haut (voir p. 100) qu’un tel travail figure dans les priorités et les responsabilités des Groupements locaux de santé pour les personnes sans abri. Notre expérience récente dans l’agglomération parisienne13 montre que de telles enquêtes statistiques, rigoureusement menées d’un point de vue scientifique, sont tout à fait faisables localement sans en passer forcément par un dispositif national tel que celui de l’Inseevi.

v Selon le Pr Larry Davidson, plus de la moitié de son équipe de recherche (The Yale program for recovery and

community health) est atteinte d’un trouble psychiatrique. Il se considère lui-même comme un usager de la santé

mentale.

vi Pour information, l’enquête de 2009 conduite dans l’agglomération parisienne dont les objectifs étaient d’estimer le nombre de sans domicile fixe usagers des services d’aide, de décrire leurs caractéristiques sociodémographiques et leur santé mentale a coûté 450.000 euros (pour plus de 800 personnes interrogées en face-à-face dans un échantillon aléatoire de 135 structures, par un binôme enquêteur-psychologue). Ce coût est donc un coût maximal qui serait, bien entendu, infiniment moindre dans des agglomérations ou des territoires plus petits.

Recommandations :

• Huit ans après l’enquête nationale de l’Insee, la priorité est de ré-estimer, par

des enquêtes locales, dans les territoires concernés, le nombre de personnes sans chez soi et leurs principales caractéristiques sociodémographiques et sanitaires.

• De telles enquêtes devraient être régulièrement reproduites (par exemple tous

les 2 ou 3 ans) pour évaluer l’impact des mesures prises et des politiques menées au niveau national comme local.

Un autre maillon faible pour la recherche et le suivi des politiques de santé en direction des personnes sans chez soi est l’absence de caractérisation des conditions de logement (ou d’absence de « chez soi ») dans les systèmes d’information en santé ; ce qui rend inexploitable leur utilisation (nationale, régionale ou locale) pour la caractérisation de l’état de santé des personnes sans chez soi en France. Une telle caractérisation nécessite le développement d’un outil de recueil rapide de ces conditions de logement. Aussi synthétique soit-il, cet outil doit pouvoir être rapproché des outils plus détaillés existants : notamment, en France concernant les situations de logement ordinaires, les variables recueillies par l’Insee et, en Europe concernant les situations de logement précaire, l’outil14 développé par la Fédération Européenne d’Associations Nationales Travaillant avec les Sans-Abri. De tels outils statistiques ont déjà été mis en place (mais restent peu standardisés et peu comparables entre eux) dans ces centres de soins gratuits associatifs, des PASS hospitaliers ou dans de nombreux outils d’évaluation ou de recherchevii.15161718

Recommandations :

• Ce repérage passe par l’adoption d’une caractérisation univoque et

synthétique des conditions de logement de toutes les personnes reçues à l’hôpital, et son recueil systématique.

Plus généralement, le logement (comme le statut d’emploi ou le bénéfice de minima sociaux) sont des indicateurs de précarité absents des systèmes d’information en santé qui les rend inopérants pour le suivi, l’évaluation et la lutte contre les inégalités sociales de santé (l’approche par PCS, quand elle est disponible, est singulièrement insuffisante pour rendre compte de ces inégalités, comme de la situation des populations les plus précaires).

Recommandations :

• Les personnes sans chez soi doivent pouvoir être repérées dans les systèmes

d’information hospitaliers, notamment le PMSI, les systèmes d’information aux Urgences, les systèmes d’information des PASS.

• Les personnes sans chez soi doivent également pouvoir être repérées dans un

plus grand nombre de systèmes de surveillance et d’alerte, notamment : le système de surveillance syndromique développé par l’InVS, la surveillance de certaines maladies à déclaration obligatoire, la surveillance des causes de décès.

vii On citera respectivement les questions sur le logement des fiches d’activité des Missions France de Médecins du Monde12, de certaines PASS hospitalières13, du guide d’évaluation de la CNSA14, ou encore de la cohorte SIRS conduite en Ile-de-France15.

• De la même façon, les personnes sans chez soi doivent pouvoir être repérées

parmi les bénéficiaires des prises en charge pour affection de longue durée (ALD).

• A partir de là, un tableau de bord annuel de l’état de santé et de la prise en

charge sanitaire des personnes sans chez soi devrait être réalisé au niveau national et cette obligation inscrite dans la loi.

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