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Introduction générale

1.2 Les procaryotes benthiques : diversité et fonction

1.2.1 Structure des procaryotes benthiques

1.2.1.1 Description des procaryotes : les archées ont des caractéristiques qui leurs sont propres

Parmi les micro-organismes, les procaryotes sont des êtres-vivants unicellulaires sans noyau dont l’ADN est diffus dans la cellule. Longtemps représentés uniquement par le grand domaine des bactéries, il regroupe à l’heure actuelle les bactéries et les archées. En effet, les avancées des méthodes de biologie moléculaire et l’étude du gène de la petite sous-unité 16S du ribosome ont permis à l’équipe de Carl Woese (Woese and Fox, 1977; Woese et al., 1990), de différencier formellement en 1990, les archées, des bactéries (Figure 4). Avant cette découverte, les archées, encore appelées « archaebactéries» (« arch » = ancien), étaient considérées comme des bactéries extrêmes peuplant uniquement les grands fonds marins ou les lacs acides ou salées. Depuis, les études ont montrées que les archées sont présentes partout (Robertson et al., 2005; Hulcr et al., 2012), tout comme les bactéries. Elles sont d’une importance capitale dans les milieux extrêmes et sont présentes en proportion non négligeables dans les sédiments marins (Knittel et al., 2005).

Si leur différenciation formelle s’est faite grâce à des méthodes de biologie moléculaire, il est connu aujourd’hui que les archées présentent des caractéristiques métaboliques et physiologiques singulières. Morphologiquement similaires aux bactéries, leurs machineries métaboliques peuvent s’apparenter à celles des cellules eucaryotes. L’exemple le plus marquant concerne le mécanisme de transcription de l’ADN (hélicases, polymérases etc) et la traduction des facteurs d’élongation qui sont très similaires à ceux des cellules eucaryotes (Olsen and Woese, 1996). Les cellules archéennes possèdent également des caractéristiques propres liées à leur membrane phospholipidiques qui est composée d’isoprénoïdes à liaisons

Table 1. Récapitulatif des différences majeures et des particularités connues des archées par rapport aux bactéries et aux eucaryotes, adapté de Cavicchioli (2010) et Bertrand et al. (2011)

Traits Bactéries Archées Eucaryotes

Liaison carbone des lipides Ester Ether Ester

Organisation tête phosphate

des lipides Glycerol-3-phosphate Glycerol-1-phosphate Glycerol-3-phosphate

Métabolisme Bactérien similaire aux bactéries eucaryote

Mécanisme de transcription

de l’ADN Bactérien similaire aux eucaryotes eucaryote

Traduction des facteurs

d'élongation Bactérien similaire aux eucaryotes

eucaryote

Ribosomes (taille de l’ARN) 16S 16S 18S

Noyau non non oui

Organites cellulaires non non oui

Méthanogénèse non oui non

Chimiolithotrophie présente présente absente

Photosynthèse

chlorophyllienne présente absente présente

Figure 4. Arbre du vivant en trois domaines, selon Woese et al. (1990)

1.2.1.2 Diversité et distribution des procaryotes benthiques

L’étude de la diversité des procaryotes n’a longtemps été possible que via l’étude des bactéries et archées cultivables : 24 phyla bactériens soit 6 185 espèces et 3 archéens soit 281 espèces, en 2005 (Madsen, 2008). Seulement 0,25 % des procaryotes benthiques seraient cultivables (Amann et al., 1995), ce paradoxe appelé «The great plate-count anomaly» limite la diversité connue et a longtemps biaisé la vision des écologistes et microbiologistes quant aux communautés de procaryotes en termes de diversité et de fonction.

Suite à l’engouement suscité par les découvertes du Global Ocean Sampling (Rusch et al., 2007), les microbiologistes ont cherché à comparer les écosystèmes sur la base de la diversité des procaryotes via des techniques de séquençage en masse (Mardis, 2008; MacLean et al., 2009; Shokralla et al., 2012). Les bases de données se sont alors multipliées et les études sur la diversité des assemblages de procaryotes et leur biogéographie sont de plus en plus nombreuses. Ainsi, de nombreuses théories ont été confirmées ou au contraire réfutées. Mais

Cette théorie est largement acceptée aujourd’hui même si toute théorie connait des exceptions et des critiques. Selon ces auteurs, il doit être possible de retrouver toute espèce procaryotique existante partout, quel que soit l’écosystème ciblé. Mais, l’environnement définit les espèces qui dominent. Cette théorie s’accorde avec la potentielle présence d’un pool d’organismes en dormance dans les écosystèmes marins appelée « seed bank » ou banque de semences (Gibbons et al., 2013). Mais ces théories sont à nuancer, en effet, les nouvelles technologies ont prouvé que ces organismes, dits rares, seraient également très actifs et donc potentiellement essentiels au fonctionnement des écosystèmes : ces organismes constituent la biosphère rare (Hugoni et al., 2013).

Encart méthodologique 2. L’extraction d’ADN et d’ARN dans les sédiments marins

L’évaluation de la diversité des procaryotes non cultivables dans les sédiments nécessite des techniques adaptées pour extraire les acides nucléiques des procaryotes des sédiments. La difficulté de la matrice et la présence d’une forte quantité de sels, de protéines et d’acides humiques diminuent les rendements d’extraction des acides nucléiques. De nombreux kits sont fournis en biologie moléculaire mais beaucoup de microbiologistes sont obligés d’utiliser des protocoles « faits maisons » afin d’obtenir des résultats optimaux pour le sédiment. Certainement les kits les plus utilisés à l’heure actuelle pour l’analyse des sédiments marins et en particulier les sédiments côtiers sont les kits PowerSoil® RNA isolation kit ou PowerSoil® DNA isolation kit (MOBIO). Ces kits développés originellement pour les sols permettent d’extraire une quantité satisfaisante d’acides nucléiques tout en éliminant une grande proportion d’inhibiteurs tels que les sels, les acides humiques et les protéines.

Ainsi, les progrès technologiques réalisés à la fois dans le domaine de la biologie moléculaire et dans celui des prospections des fonds marins ont permis une description des assemblages taxonomiques procaryotiques de divers types de sédiments marins. Les sédiments constitueraient les écosystèmes les plus diversifiés sur Terre (Zinger et al., 2011). Cette étude récente est une des premières permettant de comparer les diversités de bactéries dans des écosystèmes pélagiques et benthiques en milieu océanique et côtier avec une base de données de cette ampleur (séquençage haut débit). Les taxons majoritaires dans les sédiments sont les Protéobactéries (Figure 5) qui sont aussi les procaryotes les mieux décrits. Les sédiments côtiers se différencient des sédiments profonds par une plus grande quantité de séquences affiliées aux Clostridia et Bacilli et une plus faible quantité d’Acidobactéries et de Planctomycetes (Zinger et al., 2011; Parkes et al., 2014) (Figure 5). De même, des études antérieures avaient montrées que les sédiments intertidaux étaient dominés par les Sphingobactéries, Flavobactéries et Protéobactéries (Selje et al., 2005; Stevens et al., 2005;

L’étude de la diversité archéenne atteste de la présence des trois grands groupes archéens dans les sédiments : les Crenarchaeota, les Euryarchaeota et les Thaumarchaeota (Knittel et al., 2005; Kubo et al., 2012) . Le groupe des MCG (Miscellaneous Crenarchaeotal Group) semble très important dans les sédiments anoxiques (Inagaki et al., 2003; Inagaki et al., 2006a; Kubo et al., 2012) et est aussi beaucoup retrouvé dans des sédiments vaseux soumis à une pollution et/ou bioturbation en microcosme (Stauffert et al., 2014).

Figure 5. Différents groupes bactériens retrouvés dans les sédiments côtiers et profonds, issu de Zinger et al. (2011)

1.2.1.3 Facteurs influençant la structure des procaryotes

Comme discuté précédemment, la structure observée des communautés de procaryotes reflète les pressions auxquelles celles-ci sont soumises. Ces pressions sont regroupées en trois grandes catégories : la pression de prédation par des maillons supérieurs ou des virus (lyse virale) appelée « top-down », la disponibilité et l’apport en nutriments et en ressources appelée « bottom-up », et les interactions entre procaryotes considérée (Figure 6), comme une voie latérale de sélection appelée « sideways » (Fuhrman and Hagström, 2008). Ces relations entre procaryotes peuvent être des relations de prédation (ex : Bdellovibrio) ou des relations

de coopération entre les organismes comme la syntrophie2 par exemple. Cela peut également

relever de la compétition entre organismes pour un même substrat. Ces relations affecteront la structure des communautés mais également leur fonction au sein de l’écosystème.

Figure 6. Contrôle des communautés de procaryotes, incluant les contrôles latéraux entre les procaryotes qui peuvent être alternativement positifs (ex : syntrophie2) ou négatifs (ex : prédation), selon Fuhrman and Hagström (2008).

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