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Que la société permette aux femmes impliquées dans la prostitution de vivre dans la dignité

LA FACE CACHÉE DE LA PROSTITUTION

4 RÉSULTATS DU VOLET INTERVENANTES

4.2 Les souhaits des intervenantes pour le devenir des femmes impliquées dans la prostitution

4.2.1 Que la société permette aux femmes impliquées dans la prostitution de vivre dans la dignité

D'abord, presque toutes les intervenantes ont souligné la nécessité que des changements surviennent sur le plan systémique, c'est-à-dire sur la société dans son ensemble et sur les structures sociales, afin que les femmes impliquées dans la prostitution puissent vivre dans le respect, dans la dignité et en sécurité.

Plusieurs intervenantes ont vivement déploré les préjugés et les attitudes méprisantes que la société entretient à l’égard des femmes impliquées dans la prostitution ainsi que l'image négative d'elles-mêmes que la société leur renvoie.

Ces intervenantes exprimaient alors le souhait que la société montre davantage de compréhension et de sensibilité à l’égard de ces femmes. D'autres intervenantes ont précisé qu’elles souhaitaient que ces femmes soient davantage respectées (Caroline, Émilie) et considérées comme faisant « partie intégrante de la société » (Jessica) afin qu’elles arrivent, elles aussi, à vivre dans la dignité (Caroline, Émilie).

Parce que c’est facile de juger ce que tu ne comprends pas. […] Mais avoir une attitude qui peut être méprisante, qui va vraiment faire sentir le préjugé, que la personne, que le comité, ou que le commerçant, la rue ou que le voisinage a à l’égard des femmes qui…

[…] Ça serait extrêmement bénéfique qu’il y ait une meilleure compréhension de c’est quoi cette réalité-là. […] Que ça soit de ressentir, que ça soit des commentaires, un regard, que ça soit l’évitement, que ça soit... bon, je veux dire… c’est palpable, tu sais.

Une meilleure compréhension, de comprendre plus, t’amènes à une plus grande sensibilité de la réalité de l’autre pis de part et d’autre, ça pourrait juste être plus bénéfique, tu serais moins enclin à avoir des attitudes qui sont peut-être méprisantes parce que tu comprends plus d’où c’est que ça vient. Pis tu as une plus grande sensibilité, puis pour la femme, ben, je veux dire, être capable de vivre dans la dignité un peu plus …

[...] tu sais quand tu as de la haine, quand tu juges la prostitution pis que tu es comme « Ça a pas de bon sens, c'est dégueulasse, c'est sale » ben c'est pas la prostitution à qui tu dis ça, c'est à la femme derrière, tu sais […] Que toi, tu sois pas en accord avec ça, c'est correct, mais que tu aies un discours haineux par rapport à ça parce que justement ça a tellement été criminalisé longtemps, c'est tellement diabolisé […] ça renforce vraiment le préjugé pis tout le stigma autour de tu sais, pis ça donne une étiquette aussi que personne ne veut porter.

Une intervenante remettait toutefois en cause la volonté politique nécessaire pour susciter des changements sociétaux aussi importants :

Si elles continuent à subir de la violence et de l'oppression, mais que le gouvernement et la société là, le commun des mortels, demeurent insensibles à ces situations-là, ben moi j'ai peur qu'on perde beaucoup de femmes dans ces contextes-là. J'ai peur qu'on décide de pas réinvestir, que ce soit pas assez important de soutenir les femmes dans des situations de grande précarité, de vulnérabilité. J'ai peur que le gouvernement, parce que c'est eux qui votent les lois pis qui votent les budgets, décide que ce n'est pas assez important pour investir des sommes... pour soutenir ces femmes-là.

Ensuite, presque toutes les intervenantes ont exprimé le souhait que la société puisse offrir de meilleures conditions de vie aux femmes impliquées dans la prostitution. Ce souhait visait des changements sociétaux afin que les femmes puissent avoir accès à des opportunités intéressantes et à des alternatives à la prostitution.

Mais dans un monde idéal, je voudrais qu'on leur offre un monde meilleur que celui qu'on leur offre, là. Souvent, les femmes pensent que c'est la seule chose [la prostitution] qu'elles peuvent faire, c'est la seule chose qu'elles ont appris à faire et doivent se servir de ça pour fournir leur garde-robe ou leur frigidaire ou nourrir leurs enfants. Et moi, dans mon monde à moi, je pense qu'il y a d'autres opportunités, mais peut-être qu'on ne leur a pas offert ces autres opportunités-là.

Des intervenantes craignaient toutefois que les femmes ne perçoivent pas qu’elles ont d’autres choix, comme si elles n'avaient pas un « plan B », pour faire autre chose que de la prostitution (Sarah, Mylène, Éveline).

D'oublier d'avoir un plan B ... « Okay, je fais ça pour un temps, mais après j'ai un autre plan »... il y a pas de faute à faire le métier du sexe, mais je pense qui faut aussi avoir un objectif, un autre plan.

Sinon, ça peut devenir un piège, une roue qui tourne, pis les filles ont de la misère à sortir de la roue là... elles ont tendance à vouloir y retourner.

Enfin, la violence à laquelle les femmes risquent d'être exposées pendant leur parcours de prostitution a été considérablement décriée par la majorité des intervenantes. Bien que ces dernières souhaitaient vivement que cette violence cesse, il demeure qu'elles exprimaient de véritables craintes quant au maintien et à l'intensification de la victimisation des femmes, que ce soit sur le plan psychologique, physique ou sexuel.

Parce qu’il y a trop de violence partout, parce que les femmes, c’est incroyable tous les différents types de violence qu’elles vivent. Puis même les femmes les plus en possession de leurs moyens … que ça soit de la violence psychologique, de la violence économique, de la violence physique, de la violence… name it, on n’y échappe pas. […]

Faque tu imagines, des femmes plus précaires, plus marginalisées, où justement, elles ont des conditions déjà moins favorables [...] Genre, moins de violence, surtout physique… [...] moins de violence entre elles, moins de violence verbale, moins de violence…, c’est tellement large, mais ça serait tellement une condition favorable à ce que tout le reste se réalise sans… avec moins de violence !

Si les femmes continuent de rester dans l'exploitation, évidemment elles seront battues, elles seront humiliées, elles seront violées, elles vont être droguées et vivre différentes formes de violences psychologiques, physiques. Alors on le sait que ce n'est pas une belle vie qu'elle va aller vivre. C'est une vie de souffrances et de violences. [...] On le sait que le plus que le temps d'exploitation continue, le plus que ça devient une violence continue qui dure... la durée de l'exploitation est un facteur de risque très fort. Le plus que ça dure, le plus dévastatrices seront les conséquences.

… acceptent de subir de la violence ? Ben c’est ça : c’est que dans le fond, c’est de rentrer dans cet engrenage-là pis se dire que c’est correct, qu’on le mérite, que c’est pas si grave que ça. Qu’il n’y a pas d’autres perspectives dans la vie pis que c’est toujours arrivé, j’ai toujours subi de la violence, donc je vais rester là-dedans, c’est tout ce

que j’ai connu. Donc, il n’y a pas de perspective de changement, à ce moment-là.

4.2.2 Que les femmes impliquées dans la prostitution cessent d'être en