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GROUPE MBETE (B60) Lembaama

10 Situation sociolinguistique du Gabon

Le Gabon connaît une multitude de langues sur tout le territoire national qui arrivent même à une cinquantaine selon certains auteurs. Cependant, aucune de ces langues répertoriées ne bénéficie d’un statut de langue nationale, le français étant la seule langue de grande diffusion, l’unique langue officielle. Il est parlé dans toutes les sphères de la société et les langues locales sont réduites à un usage familial et informel. Ne pouvant être en marge de cet engouement portant sur la valorisation des langues locales, le Gabon a mis en place une politique linguistique qui consisterait à promouvoir et à insérer les langues locales dans le système éducatif.

Toutes les langues du Gabon ne disposent pas de la même influence au sein des populations. Certaines sont réservées au domaine rituel, tel est le cas du getsogo B31 qui est une langue très pratiquée dans le culte bwiti5. D’autres assurent des fonctions véhiculaires selon l’endroit où l’on se trouve.

Parmi les jeunes de 10 à 18 ans interrogés pendant notre période de stage à l’Immaculée Conception et au collège Notre Dame de Quaben (1999-2001) et dont les parents étaient locuteurs aguéris, dans ces établissements près de 40% ne parlaient aucune autre langue que le français. Les mariages endogamiques qui avaient la possibilité de favoriser l’épanouissement des langues ne leur permettent pas toujours d’émerger, car le français s’utiliserait comme seule langue de communication entre les enfants et les parents ; et entre les membres de la famille et le monde extérieur.

Les nouvelles générations non locutrices des langues locales vont en s’accroissant.

Elles se verront dans l’incapacité de transmettre à leur progéniture les rudiments des langues qu’elles n’ont même pas.

Cependant, seules les personnes vivant dans les zones rurales où les langues subsistent encore sont susceptibles d’en faire usage, d’autant plus que toutes leurs activités quotidiennes sont l’occasion de les utiliser.

Le Ministère de la Planification et de l’Aménagement du Territoire dans le cadre du recensement général de la population de 1993 a élaboré au moins neufs tableaux des langues du Gabon selon l’environnement dans lesquels on rencontre ceux qui les pratiquent. Nous avons regroupé ces tableaux en un seul, pour nous permettre d’avoir une vue synoptique des

5 Rite initiatique du Gabon qui a une forte influence chez les Mitsogo.

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chiffres. Celui-ci présente la distribution de la population gabonaise par groupes ethniques selon le lieu de résidence.

Tableau 2 : Locuteurs selon les groupes linguistiques

Provinces Groupes ethniques

Fang Kota-kele mbede myene Nzebi-duma Okande-tsogo Sira-punu

Estuaire 136882 19268 21837 25162 40249 8817 101012

Depuis 1997, le Ministère de l’éducation nationale estime que « l’enseignement de nos langues est le seul facteur de consolidation de la relation identité culturelle et identité nationale ». La concrétisation de cet engagement se manifeste par l’organisation de nombreux séminaires portant sur l’élaboration d’un alphabet scientifique propre aux langues du Gabon et la mise en place d’une orthographe qui permettrait de les écrire.

Jusqu’ici, l’enseignement desdites langues se fait à titre expérimental. Il se base sur l’initiative privée de la Fondation Raponda Walker qui procure aussi les documents utilisés par les enseignants. La Fondation a élaboré des manuels d’apprentissage (Rapidolangue) en quelques langues locales (myene, fang, tsogo, kota, punu, nzebi, lembama).

Quant à l’Institut Pédagogique National (I.P.N), il a mis en place un département des langues nationales qui a pour mission la conception des manuels didactiques et la normalisation des langues en vue de leur utilisation.

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Nous convenons avec A. Jacquot (1988 :404) que « La langue nationale, expression d’une tradition locale, apparaît donc, souvent, comme la touche finale qui confère au nouvel Etat, sa personnalité et son originalité face à l’ancienne puissance coloniale d’une part, face aux autres pays, et surtout aux pays voisins, d’autre part ».

Notre objectif est loin de faire le contre-poids au français, langue déjà bien ancrée dans les us de la société gabonaise. Nous espérons plutôt que les élèves nourriront aussi un intérêt pour les langues nationales.

Une langue nationale serait un outil essentiel de communication pour la population gabonaise. Une langue comme objet de toute activité serait un plus, quel que soit le milieu.

Les Gabonais seraient capables de partager ce qu’il y a d’essentiel dans une société harmonieuse. Jacquot (1988 : 412) ajoute que « Cette adaptation à tous les besoins de la communication, qu’il s’agisse de l’expression de la tradition ou du moderne et de l’actuel, est la condition de son utilité, et partant de là, son attrait pour la population ».

L’étude portant sur le Lumbu, souhaitons-le aura pour dessein de poser les bases qui serviraient ultérieurement à la conception d’une méthodologie d’apprentissage.

La situation linguistique du Gabon présente un panorama diglossique avec une quasi-cohabitation entre le français et les langues locales. Les fonctions les plus déterminantes de la société (administration, enseignement, la politique l’économie, etc.) sont réservées au français. Ces fonctions peuvent être considérées comme des « fonctions hautes ». Les langues locales quant à elles servent à la communication intra-ethnique ; elles sont parlées sur les marchés et s’emploient dans les échanges interpersonnels.

La diglossie telle qu’elle est conçue par Gumperz et Fishman, peut être appliquée entre deux langues issues de familles différentes non apparentées, tel est le cas du français et des langues du Gabon.

Les gens sont obligés d’opérer un choix dans l’usage de telle ou telle langue en fonction des activités qui les mettent en relation avec des personnes qui n’appartiennent pas au même groupe linguisque qu’eux.

Pour Ferguson (1959), l’utilisation des variétés s’effectue par rapport à des situations bien précises, ces variétés sont simultanées au sein de la société. Chacune d’elles a un rôle précis à jouer, cette conception permet donc de faire une distinction entre le bilinguisme qui relève le plus souvent de l’individu et la diglossie qui caractérise la société.

Chaque groupe est localisé dans un lieu précis du territoire. Compte tenu du fait que nous n’avons pas pu avoir des éléments sur les chiffres exacts de locuteurs pour chaque langue, nous présentons plutôt le nombre de locuteurs par groupe linguistique.

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