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Sécrétion des protéines effectrices

4. Déterminants pathogéniques du parasite

4.3. Sécrétion des protéines effectrices

Alors que les protéines des rhoptries sont secrétées directement du parasite au cytosol par délivrance de petites vacuoles dans l’hôte, les protéines issues des granules denses doivent être exportées dans le cytosol en passant la barrière de la PVM.

Les aspartyl protéases font partie d’une famille de protéines très conservées qui catalysent des clivages protéolitiques (Dunn, 2002). Présentes chez les eucaryotes et les virus, ces protéines effectuent un grand nombre de fonctions, de la dégradation des nutriments à l’activation de molécules de signalisation. Les aspartyl protéases sont critiques pour la survie du parasite ; ces protéines sont d’ailleurs activement étudiées pour leur potentiel de cibles thérapeutiques (Coombs et al., 2001; Nezami et al., 2003).

Toxoplasma gondii possède 7 gènes codants pour de potentielles aspartyl protéases. Les tachyzoïtes expriment 3 de ces gènes, ASP1, ASP3 et ASP5 (Shea et al., 2007). La protéine ASP1 est localisée au niveau du complexe membranaire interne durant la réplication, ce qui suggère un rôle dans sa biogenèse. Récemment, une étude sur ASP3 a permis d’élucider son rôle dans la biologie de Toxoplasma gondii (Dogga et al., 2017). ASP3 est une aspartyl protéase localisée dans un compartiment endosomal, fortement associé à la décharge des rhoptries. Parce que nous nous intéressons particulièrement à la sécrétion des protéines issues des granules denses, nous ne détaillerons ici que le cas de la protéase ASP5.

ASP5 est localisée au niveau de l’appareil de Golgi du parasite, et a été identifiée comme critique pour l’export de certaines protéines de granules denses (Figure 9) (Hsiao et al., 2013). La plupart des protéines de granules denses exportées possèdent un peptide signal pour l’entrée dans le réticulum endoplasmique, et d’un motif conservé (RxLxE/Q/D), appelé le motif TEXEL (toxoplasma export element). Il a été démontré que plusieurs protéines de granules denses de Toxoplasma gondii sont directement clivées par ASP5 (Coffey et al., 2015; Curt-Varesano et al., 2016; Hammoudi et al., 2015). En effet, une délétion de ASP5 dans le parasite conduit à une diminution du fitness, ainsi qu’à une inaptitude à maturer GRA16, et un stockage de GRA16 dans la vacuole parasitophore (Coffey et al., 2015). De façon surprenante, la protéine GRA24, qui ne contient pas de motif TEXEL, est clivée indépendamment de ASP5, mais nécessite ASP5 pour son export (Curt-Varesano et al., 2016). Les parasites asp5

présentent également un défaut d’egress, une altération de la localisation des protéines de granules denses au niveau de l’espace vacuolaire et de la PVM. Ces parasites présentent une virulence atténuée in vivo en comparaison des souches sauvages (Hammoudi et al., 2015). Ce phénotype s’explique par l’inhabilité des parasites asp5 à moduler la réponse immune de l’hôte. Contrairement à son homologue chez Plasmodium falciparum, ASP5 n’est pas une protéine essentielle chez Toxoplasma gondii, bien que sa délétion réduise la capacité du parasite à manipuler l’immunité de l’hôte (Hammoudi et al., 2015), et donc rende les parasites moins virulent au cours d’une infection chez la souris (Coffey et al., 2015).

4.3.2. MYR1

La membrane de la vacuole parasitophore n’est pas imperméable, et les substrats de moins de 3-kDa peuvent librement diffuser d’un côté à l’autre grâce à un complexe protéique composé de GRA17 et GRA23, formant un pore pour la diffusion passive (Gold et al., 2015). En revanche, l’export de composés plus gros tels que les protéines nécessite la protéine MYR1 (Figure 9).

La protéine MYR1 a été identifiée dans un criblage génétique pour identifier l’effecteur responsable de l’induction de c-Myc (un facteur de transcription régulant des processus cellulaires critiques comme le cycle cellulaire) par Toxoplasma gondii. Alors que les recherches visaient à identifier un effecteur, une protéine impliquée dans la sécrétion des protéines de granules denses a été découverte. MYR1 est une protéine maturée par ASP5, qui s’associe avec la PVM (Franco et al., 2016), et qui possède 2 domaines transmembranaires en position C terminal. Aucune homologie évidente n’a pu être retrouvée au-delà du genre proche Hammondia Hammondi, ce qui suggère une fonction spécifique de cette protéine au sein de la classe de coccidies formant des kystes tissulaires. MYR1 est

nécessaire pour l’export des protéines de granules denses secrétées, comme GRA16 et GRA24. En revanche, la délétion de MYR1 n’affecte pas les fonctions de GRA15, une protéine de granules denses restreinte à l’espace de la vacuole parasitophore, ce qui suggère que MYR1 permet la translocation à travers de la PVM des protéines GRA secrétées dans la cellule hôte. Bien que MYR1 soit clivé par ASP5, cet évènement n’est pas essentiel concernant le rôle de MYR1 dans l’export des protéines (Naor et al., 2018). La majorité des gènes régulés ou dérégulés au cours de l’infection par Toxoplasma gondii dépend de MYR1, dont la capacité du parasite à bloquer la voie IFN (Naor et al., 2018).

Figure 9 : Les mécanismes d’export protéique et le trafic à travers la membrane de la vacuole parasitophore

Adapté de Hakimi et al., 2017

Certaines protéines issues des granules denses comme GRA15 et GRA16 (mais pas GRA24) nécessite un clivage par ASP5 pour leur export. MYR1 est une protéine

localisée à la PVM, nécessaire à l’export des effecteurs désordonnés dans le cytosol de la cellule hôte. Les protéines GRA17 et GRA23 sont localisées à la PVM, et permettent le transport de petites molécules à travers celle-ci.

Récemment, des analyses génétiques ont identifié en plus de MYR1, deux autres protéines, appelées MYR2 et MYR3, nécessaires à l’export de GRA16 et GRA24 (Marino et al., 2018). Contrairement à MYR1, MYR2 et MYR3 ne possèdent pas de motif TEXEL, mais sont localisées comme MYR1 à la PVM, avec une association physique entre MYR1 et MYR3. Les rôles précis de chacune de ces protéines sont encore peu claires ; cependant, il apparait que MYR1 et MYR3, et dans une moindre mesure MYR2, forment un complexe essentiel pour l’export des protéines du parasite et leur sécrétion dans le cytoplasme de l’hôte.

La sécrétion des protéines parasitaires dans la cellule hôte a un impact sur le fonctionnement de cette cellule. Ces interactions entre l’hôte et le pathogène ont des conséquences non seulement au niveau de la cellule infectée, mais aussi sur la réponse immune globale.