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5. La mise en œuvre des politiques sociales dans les institutions

5.1 Les ressources

5. La mise en œuvre des politiques sociales dans les institutions

Comme nous avons pu le constater au long du chapitre 4, l’accès aux droits sociaux est un parcours comportant une série d’obstacles dans les institutions. Au vu du fait qu’une partie des missions fixées par le législateur ne sont pas remplies par les institutions sociales étudiées, ce chapitre va se pencher sur les principales raisons institutionnelles qui permettent de comprendre pourquoi l’accès aux droits sociaux n’est pas garanti. Il n’existe évidemment pas une seule et unique raison permettant d’expliquer les difficultés pour des usagers d’accéder à leurs droits. Nous mettrons en évidence, dans cette partie, trois ébauches de réponses à la question que nous nous posons ici. Dans un premier temps, l’adaptation des ressources de l’institutions au vu de ses besoins sera étudiée. Ensuite, nous nous demanderons si l’organisation en place et le type de prestations offertes présentent des caractéristiques de nature à poser des problèmes en matière d’accès aux droits sociaux. Enfin, nous verrons si dans la réalité d’autres missions se substituent ou empiètent sur les missions fixées par le législateur. Pour ce faire, nous mobiliserons les parties de la revue de la littérature dédiées à la mise en œuvre des politiques publiques (cf. 1.1), à l’organisation des institutions (cf. 1.2) et au contrôle des usagers (cf. 1.2 et 1.3).

5.1 Les ressources

En premier lieu, nous allons nous arrêter sur le nerf de la guerre : les ressources financières, octroyées par l’Etat, qui permettent d’alimenter les institutions en personnel et de distribuer des prestations. Dans ce sous-chapitre, nous verrons que la suffisance de la dotation des institutions au vu de leurs besoins est remise en question (cf. 1.1.3 et 2.2.2).

a) Du point de vue des usagers

Une surcharge des assistants sociaux de l’Hospice

Plusieurs témoins nous ont fait part d’une impression de surcharge du personnel de l’Hospice, qui ne semble pas être en mesure d’offrir un suivi adéquat aux usagers. Bianca l’a particulièrement bien illustré. Elle parle de « débordement de l’Hospice qui n’a plus les moyens humains d’accompagner un bénéficiaire pour une prise en charge individuelle », de « flottement », de « chaos organisé ». L’assistante sociale de Bianca lui a annoncé : « À partir de juin 2016, l’Hospice n’aura plus les moyens humains de prendre en charge le suivi individuel. L’Hospice ne recevra en entretien que les personnes qui en ont réellement besoin. » Bianca s’inquiète de ce manque de suivi et ne voit pas comment, « sans accompagnement, on peut faire sortir les gens de l’aide sociale ».

 

Le SPC : un service surchargé

Lorsque les témoins ont tenté de contacter le SPC pour obtenir des éclaircissements, le service des PCFam était très difficilement joignable. « C’est presque impossible de les atteindre », observe Linda. Le constat est le même pour Fatou :

« J’ai tellement appelé… Ils sont très difficiles à joindre, c’est toujours occupé… ». Les collaborateurs de l’OASI en ont eux-mêmes fait l’expérience dans le cadre d’appels en vue d’obtenir des informations au sujet des prestations du SPC.

b) Du point de vue des acteurs du social

En ce qui concerne les travailleurs sociaux des institutions, ils/elles ont observé (que) : une augmentation drastique du nombre de dossiers traités sans augmentation du personnel; avec la LIASI, l’intégration d’une nouvelle tâche, l’insertion professionnelle, sans postes supplémentaires; des assistants sociaux qui n’ont plus le temps de faire du social, qui sont toujours plus des gestionnaires; une surcharge importante à l’Hospice, expliquant la concentration de l’action sur l’aide financière ; toujours plus de dossiers à gérer par assistant social; une rotation importante du personnel à l’Hospice; beaucoup de collaborateurs malades non remplacés, parfois même des malades dans le pool de remplacement, des absences d’assistants sociaux à l’Hospice qui posent un problème de continuité dans le suivi du dossier.

c) Du point de vue de l’acteur du social travaillant à l’Hospice général

Une grande surcharge

Le collaborateur de l’Hospice note une augmentation de la charge de travail, due principalement à l’augmentation du nombre de dossiers par assistant social. Cette dernière provient de l’augmentation du nombre d’usagers et du non-ajustement du budget de fonctionnement de l’institution. L’introduction de la LIASI et des PCFam a aussi généré de nouveaux besoins. Les demandes d’accompagnement social de la part d’usagers recourant aux PCFam sont en augmentation, du fait de la complexité des procédures et de l’absence d’un service capable de prendre en charge cet accompagnement au SPC. L’accueil de ce type de demandes diffère en fonction des CAS. D’autre part, la durée moyenne de prise en charge des usagers s’allonge, du fait du morcellement de la prise en charge et de l’absence de solutions aux problèmes des usagers, en matière de logement et d’emploi notamment.

d) Analyse : une surcharge de travail due à un manque de ressources

Comme nous l’avons en partie constaté en matière d’accès aux droits sociaux, il semble que l’Hospice souffre de ressources insuffisantes. Ce même constat se ressent également fortement dans ce sous-chapitre, où usagers et professionnels du social ont souligné une importante surcharge des collaborateurs de l’Hospice.

L’usagère dont le témoignage est reproduit ci-dessus indique que « l’Hospice qui n’a plus les moyens humains d’accompagner un bénéficiaire pour une prise en charge individuelle ».

 

De leur côté, les professionnels du social ont souligné l’augmentation du nombre de dossiers et l’assignation de nouvelles tâches sans augmentation du personnel. Par ailleurs, ils ont également constaté une augmentation de la durée moyenne de la prise en charge. Face au manque de suivi et aux faibles espoirs de réinsertion, l’aide financière semble devenir une option à long terme pour certains usagers. Ceci est paradoxal au vu de la vocation des institutions d’aide sociale qui est de permettre aux usagers de régler leurs problématiques sociales et de les accompagner vers l’autonomie. L’allongement de la durée de prise en charge est sans doute fortement lié aux caractéristiques du marché du travail. Toutefois, on peut penser que le manque de ressources des institutions est en partie responsable de cet allongement dès lors que l’accompagnement social vers l’autonomie ou les prestations de réinsertion ne peuvent pas être correctement offertes aux usagers. Cette situation due à la faiblesse des ressources représente sans doute un surcoût non négligeable sur le moyen-long terme.

Par ailleurs, les professionnels du social ont souligné l’important taux de maladie qui touche les assistants sociaux de l’Hospice. Ces cas peuvent refléter des « retraits volontaires » des assistants sociaux face à la surcharge de travail. On comprend dès lors mieux diverses situations mises en évidence dans le chapitre précédent. Il semble que les assistants sociaux rationnalisent les contradictions qui caractérisent leurs objectifs en acceptant les limites de leur action au vu du manque de ressources à dispositions (Lipsky, 1980).

La situation de surcharge qui prévaut dans les institutions du social nuit à la capacité de l’institution à remplir les missions que lui assigne la loi. L’absence ou de l’inadéquation de l’accompagnement social, tout comme les problématiques soulignées au chapitre précédent en matière d’accès aux prestations financières et d’insertion professionnelle, s’expliquent en grande partie par la surcharge de l’institution. Et cette dernière est largement due à la non adaptation des budgets à l’évolution du nombre de dossiers traités par l’institution, tel que nous l’avons vu (cf. 2.2.3). Face au doublement du nombre de dossiers à traiter par assistant social en dix ans (cf. 2.2.2), il semble évident que la même prise en charge ne puisse pas avoir lieu. On retrouve ici la réalité décrite dans la partie contextuelle du présent travail : augmentation de la précarité (cf. 2.2.1), augmentation du recours aux aides sociales et baisse, relativement au nombre de dossiers, des budgets qui permettent d’y répondre. Le manque de moyens alloués aux institutions publiques du social apparaît dès lors au grand jour. Pourtant, l’article 215 de la Constitution cantonale affirme : « le canton garantit les prestations de l’Hospice général. Il lui donne les moyens d’accomplir ses tâches et couvre ses excédents de charges par un crédit porté chaque année au budget cantonal ».