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Pour que la responsabilité internationale pour fait colonial soit établie sur la base du fait illicite, il faut une violation d’un engagement international imposé aux Etats soit en vertu

d'une convention, soit en vertu de la coutume en droit international ou des principes généraux du droit reconnus par les nations civilisées. Dans l’affaire des phosphates du

Maroc 61, (laquelle était relative à un traité multilatéral restreint fixant les droits et devoirs respectifs des parties), la Cour permanente de Justice internationale considère que tout comportement contraire aux droits d’autrui constitue une violation d’une obligation qui incombe à chaque pays 62. De même, les obligations des Etats peuvent varier en fonction des intérêts, des institutions et des règles juridiques en présence 63.

Dans l’affaire des conséquences juridiques pour les Etats, à l’exemple de la présence de l'Afrique du Sud en Namibie, le juge rappelle que, pour établir l'existence d'une violation des obligations internationales fondamentales imposées par le mandat, il est nécessaire de démontrer que l'Afrique du Sud n'a pas exercé ses pouvoirs en vue d'accroître le bien-être et le progrès des habitants. La Cour estime qu'il n'est nul besoin de preuves sur les faits pour dire si la politique d'apartheid en Namibie est conforme aux obligations internationales de l'Afrique du Sud 64. La démarche de l’ Afrique du sud en Namibie visait bien à une coexistence séparée des races et des groupes ethniques. Cette politique implique des distinctions, exclusions, restrictions basées sur la race ou l’ethnie. Par là même l’Afrique du Sud, en conduisant cette politique, méconnait de façon flagrante les buts et les principes de la Charte des Nations Unies. Par voie de conséquence, la présence de l'Afrique du Sud en Namibie est contraire au droit international, toutes les mesures subséquentes prises dans le cadre de la politique d’apartheid conduite en Namibie par l’Afrique du Sud sont illégales et nulles 65.

61 Affaire des phosphates du Maroc, loc.cit., p. 28.

62 Commentaire de l’article 2, § A des articles de la CDI sur la responsabilité de l’Etat 2001, loc.cit.

63 Ibid.

64 Affaire des conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afrique du Sud en

Namibie (Sud-ouest Africain), 1971, nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif du 21 juin 1971, Rec. CIJ., p. 50, §. 105.

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20. Toute attitude contraire à une règle qui lie un Etat est constitutif d’une violation d’une obligation internationale selon les termes de la CDI 66. Mais, les juges se mettent généralement d'accord sur le même contenu, en considérant qu'un fait est internationalement illicite, quelle que soit la contradiction aux obligations internationales de l’Etat et quelles qu'en soient ses sources. Le Professeur ROUSSEAU affirme que l'illégalité est la contradiction qui existe entre le comportement de l'Etat dans un domaine particulier et l'acte qui aurait été commis en vertu des règles du droit international, estimant que la seule base entrainant une responsabilité internationale est la priorité accordée au droit international violé 67. Il suffit de mettre en œuvre la responsabilité internationale, si un fait attribué à l'Etat est en contradiction avec le droit international 68. Ainsi dans le cas du colonialisme la référence en termes de violation doit être le manquement à une obligation prescrite par le droit international sur cette question.

Dans la tradition arabe des relations inter-étatiques, le Professeur MOHAMED HAFEZ GHANEM estime que le fait illicite, en droit international, représente une violation des dispositions du droit international, suite à l'action ou l'omission d'un Etat 69.

Les définitions modernes de l'acte illicite sont déterminées par la Commission du droit international des Nations Unies. Selon TONKIN, « la responsabilité internationale

s'engage si l'Etat effectue un acte illicite ou viole une obligation légale ; c’est à dire en cas où l'Etat néglige de prendre les mesures appropriées pour s'acquitter de ses engagements en matière de droit international » ; il ajoute que : « l'engagement de toute responsabilité de l'Etat est consécutive à la violation de ses obligations internationales » 70.

21. Un Etat peut méconnaître le droit international par un acte positif ou en s’abstenant d’accomplir un acte qui lui incombe 71. Dans ce sens, la Cour internationale de Justice a

66 M-S. FADEL, La responsabilité internationale des dégâts provoqués par l’utilisation de l’énergie

nucléaire en temps de paix, Thèse de doctorat, Le Caire, 1991, p. 130.

67 Ch. ROUSSEAU, Droit international public, 11ème éd, Paris, Dalloz, 1987, p. 106 et s et 124.

68 Ibid.

69 M-H. GHANEM, La responsabilité internationale étude sur le système de la responsabilité

internationale, ses applications, cours, faculté de droit Université du Caire-Egypte, 1962, p. 41.

70 TONKIN, Droit international public, questions de théorie, Traduction Ahmad Rida, le général égyptien Book, 1972, p. 242 ; Cf. O. HOIJER, « La responsabilité internationale des Etats en matière d'actes législatifs », R.D.I., vol. IV, 1929, pp. 577-602.

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reconnu comme internationalement illicite le fait pour l’Afrique du Sud d’avoir continué à administrer le Sud-ouest Africain alors même que son mandat avait pris fin 72. Une décision similaire fut rendue dans l'affaire des conséquences juridiques de l'édification

d'un mur dans le territoire palestinien, comme la Cour note que : « Israël est tout d'abord tenu de respecterles obligations internationales auxquelles il a contrevenu par la construction du mur en territoire palestinien occupé » 73. Dans le projet d'articles élaborés par la Commission du droit international en 2001, il y a fait internationalement illicite de l’Etat lorsqu’un comportement consistant, en une action ou une omission constitue une violation d’une obligation internationale de l’Etat 74.

C’est ainsi que le Conseil de sécurité, dans l’affaire concernant le Timor-Oriental, a demandé en premier lieu, à tous les pays voisins de respecter le territoire du Timor Oriental tout comme le droit de son peuple à décider de son destin, en second lieu, aux pouvoirs publics indonésiens de libérer promptement ce territoire. Il a également demandé « au Gouvernement portugais, en tant que puissance administrante, de coopérer

pleinement avec l'Organisation des Nations Unies afin de permettre au peuple du Timor Oriental d'exercer librement son droit à l'autodétermination » 75.

72 Affaire des conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afrique du Sud en

Namibie (Sud-ouest Africain), 1971, nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, loc.cit., p. 41, §. 78-79 et s.

73 L'Empire ottoman, jadis, était intégré à la Palestine. A l'issue de la Première Guerre Mondiale, un mandat « A » pour la Palestine fut confié à la Grande-Bretagne par la Société des Nations en application du paragraphe 4 de l'article 22 du Pacte, qui disposait que : « certaines communautés, qui

appartenaient autrefois à l'Empire ottoman, ont atteint un degré de développement tel que leur existence comme nations indépendantes peut être reconnue provisoirement, à la condition que les conseils et l'aide d'un mandataire guident leur administration jusqu'au moment où elles seront capables de se conduire seules ». La Cour rappellera ce qu'elle avait relevé dans son avis consultatif sur le statut international du Sud-ouest Africain, alors qu'elle s'exprimait de manière générale sur les

mandats, à savoir que « le Mandat a été créé, dans l'intérêt des habitants du territoire et de l'humanité

en général, comme une institution internationale à laquelle était assigné un but international, une mission sacrée de civilisation ». Elle avait également constaté à cet égard que : « deux principes furent considérés comme étant d'importance primordiale : celui de la non annexion et celui qui proclamait que le bien-être et le développement de ces peuples [qui n'étaient pas encore capables de se gouverner eux-mêmes] formaient « une mission sacrée de civilisation ». Affaire des conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif du 9 juillet 2004, Rec. CIJ., p. 165, §. 70-71-72.

74 Article 2, § A des articles de la CDI sur la responsabilité de l’Etat 2001, loc.cit.

75 Affaire relative au Timor Oriental, (Portugal c. Australie), vol.1. 1 décembre 1992, Procédure écrite,

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Par cette jurisprudence la Cour consacre le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes présent dans la Charte et la pratique de l'Organisation des Nations Unies, comme un droit opposable erga omnes dont peut se prévaloir le Portugal 76.

On peut citer l’affaire des phosphates du Nauru. Dans cette espèce, la République de Nauru réclamait la remise dans l’état antérieur à leur exploitation des terres à phosphates existant sur son territoire. Elle visait ainsi à faire déclarer l'Australie responsable pour n’ avoir pas procédé, en tant que puissance administrante, à la remise en état des terres exploitées avant l'indépendance de Nauru, et pour avoir manqué par cela à une série d'obligations internationales découlant de la tutelle pour Nauru du 1er novembre 1947, de la Charte des Nations Unies, des principes d'autodétermination des peuples et de la souveraineté permanente sur les ressources naturelles et d'autres règles de droit international généralement reconnues par la Cour 77.

Le non respect du droit à l’autodétermination, des peuples sous la colonisation, depuis les Nations Unies peut être considéré comme une violation. Dans l’affaire de Nauru précitée, la Cour rappelle que : « la question de la remise en état des terres exploitées, de

1965 à 1967, avait été discutée à plusieurs reprises dans les différentes instances compétentes de l'Organisation des Nations Unies : conseil de tutelle, Comité spécial chargé d'étudier la situation en ce qui concerne l'application de la déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, quatrième Commission de l'Assemblée Générale et Assemblée Générale elle-même et pria l'autorité administrante de prendre immédiatement des mesures pour remettre en état l'île de Nauru de manière que le peuple nauruan puisse y vivre en tant que nation souveraine (résolution 21-11 (XX)) » 78.

Il en fut de même, dans l'affaires du Sud-ouest Africain, où l'Union avait apporté aux dispositions du mandat des modifications de fond sans l'autorisation des Nations Unies; alors que toute modification est soumise à l’accord préalable des Nations Unies 79 ; en

76 Chapitre III, § 3 des articles de la CDI sur la responsabilité de l’Etat 2001, loc.cit.

77 Affaire de certains terres à phosphates à Nauru, (Nauru c. Australie), arrêt du 26 juin 1992,

Rec. CIJ., p. 247 et s, §. 12.

78 Ibid., pp. 15-16, §. 24-25.

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résumé, la constatation qu'une violation de l'accord de tutelle a été commise, conduit à déclarer que la puissance administrante a le devoir de mettre fin à cette violation 80.

22. En règle générale, chaque l’Etat est responsable de ses propres faits illicites. Dans

l'affaire relative au Timor Oriental, la responsabilité internationale de l'Australie était

constituée, de manière générale, par l'ensemble de ses comportements contrevenant au statut juridique du Timor Oriental et de sa puissance coloniale. L’Australie engage ainsi sa responsabilité de façon indépendante et autonome par ses propres actions ; sa responsabilité est distincte et non dépendante de la responsabilité propre de l’Indonésie 81.

Afin de déterminer si un comportement est un manquement qui interpelle le pays concerné au sujet des ses devoirs, il y a lieu de l’interpréter en l’appliquant à la situation, en déterminant la nature du comportement requis, les règles à observer, le résultat à obtenir, etc… 82. C’est dans ce sens que l’article 12 de la Commission du droit international dispose que : « il y a violation d’une obligation internationale par un Etat

lorsqu’un fait dudit Etat n’est pas conforme à ce qui est requis de lui en vertu de cette obligation, quelle que soit l’origine ou la nature de celle-ci » 83. Cela pourrait être une contradiction entre l’attitude de l’Etat et celle qui est effectivement attendue de lui au regard de la norme internationale. C’est-à-dire, entre autres cela pouvant se manifester de différentes façons. Si les pays admettent le droit à l’autodétermination des peuples, ils sont tenus de le respecter et tout comportement allant en sens contraire de cette obligation serait constitutif d’une violation du droit notamment celui qui rejette la colonisation 84.

23. Les engagements internationaux des Etats peuvent avoir une source écrite notamment