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2.2 Diff´erence entre le non-conceptuel et le conceptuel

2.2.1 Repr´esentation

La principale diff´erence entre le contenu non-conceptuel et le contenu conceptuel est que le second est repr´esentationnel alors que le premier ne l’est pas.

La repr´esentation est le fait de rendre un ´el´ement pr´esent `a quelqu’un en le montrant ou en le faisant savoir, `a travers la restitution de traits fondamentaux de cet ´el´ement. La repr´esentation est donc une fonction qui assigne un code `a un ´el´ement. Ce code se base sur les traits fondamentaux qui caract´erisent cet ´el´ement. De fait, α peut repr´esenter l’´el´ement a si α est caract´eris´e par la propri´et´e p qu’instancie a. α sera dit repr´esenter a s’il existe une fonction telle que :

f : α 0→ a : !

1 si et seulement si a instancie p

0 sinon (2.1)

Le contenu repr´esentationnel est donc descriptible en termes proposi- tionnels Peacocke [1983, p. 8], et l’agent ne peut poss´eder ce contenu que s’il est en mesure de le d´ecrire, ce qui satisfait `a la contrainte de possession d’un concept, telle qu’elle est donn´ee parPeacocke [1992]. Cette contrainte affirme qu’un agent poss`ede un concept s’il poss`ede un ´etat cognitif qu’il ne peut poss´eder sans pouvoir ˆetre en mesure de le d´ecrire.

Mais un caract`ere plus int´eressant encore d´ecoule de la formulation de la repr´esentation telle qu’elle est ´enonc´ee ici. Si la repr´esentation est une fonc- tion qui attribue `a un ´el´ement un code en fonction des caract`eres fondamen- taux que poss`ede cet ´el´ement – par exemple le concept cheval repr´esentera Rossinante du fait que Rossinante poss`ede les caract`eres de la ´equidit´e – cela signifie que la fonction de repr´esentation est elle-mˆeme ´evaluable. C’est-`a- dire qu’il est possible de savoir si α repr´esente bien a.

L’´evaluation de la fonction d’assignation, est appel´ee « correction ». La correction est l’action de rectifier, d’amender ou de ramener `a une r`egle ou une norme un ´el´ement s’il ne s’y conforme pas.

L’´evaluation de la fonction d’assignation f se fait sur la base du caract`ere pque a doit v´erifier pour ˆetre α. Pour toute fonction de repr´esentation f il existe donc une fonction de correction ou d’´evaluation f qui permet de dire si f s’applique correctement entre a et α.

f: f → !

1 si et seulement si a instancie p

C’est du fait de cette fonction de correction, qui caract´erise la repr´esentation, que la repr´esentation peut-ˆetre corrig´ee et modifi´ee en fonc- tion des nouvelles informations et la mise en ´evidence d’une erreur.

En comparant les deux images, celle des deux personnages avec le fond et celle des deux mˆemes personnages sans le fond, l’agent peut se rendre compte qu’en fait les deux personnages ont la mˆeme taille, mais qu’une illusion in- tervient lorsque le fond est ajout´e. Cette illusion est caus´ee par le conflit entre les propri´et´es saillantes, qui correspondent au traits caract´eristiques qui interviennent dans la correction, propri´et´es saillantes des deux person- nages d’une part, et celles de la profondeur issue des lignes fuyantes d’autre part. L’illusion disparaˆıt lorsque le conflit est annul´e, c’est-`a-dire lorsque le fond est supprim´e. Cependant elle r´eapparaˆıt et persiste lorsque le fond est replac´e. Le jugement a ´et´e modifi´e entre-temps, c’est-`a-dire la repr´esentation que l’agent a de la sc`ene, mais pas l’impression par la perception. De fait le contenu conceptuel peut-ˆetre corrig´e, parce qu’il est repr´esentationnel. Le contenu non-conceptuel lui, n’est pas modifi´e sans une intervention sur l’exp´erience elle-mˆeme – en supprimant le fond pas exemple – et donc n’est pas repr´esentationnel.

Si les ´etats mentaux d’ordre sup´erieurs, tels que les jugements, croyances, connaissances, d´esirs, plans d’action ou autres peuvent ˆetre modifi´es et cor- rig´es, c’est parce qu’ils sont compos´es de concepts. Le concept, contrairement aux ´el´ements non-conceptuels, comme le percept par exemple, est donc une entit´e repr´esentationnelle. C’est parce qu’il peut ˆetre corrig´e et modifi´e qu’il est possible de parler de changement de concept.

La condition de correction du concept ne conduit cependant pas n´ecessairement `a endosser une th´eorie v´erificationiste au sens fort du terme. Une th´eorie v´erificationiste consisterait `a dire que pour poss´eder un concept, l’agent devrait savoir sous quelles conditions quel concept s’applique `a tel objet. Or cela signifierait que l’agent aurait un acc`es `a la propri´et´e de l’objet ind´ependamment du concept, et en ce sens le concept deviendrait inutile. Cela serait le cas si l’agent ´etait omniscient ou assur´e de la v´erit´e de sa connaissance. Le fait qu’un agent puisse se tromper, en pensant que les baleines sont des poissons ou en prenant un chien pour un loup, montre que l’erreur est possible.

Une th´eorie v´erificationiste du concept s’oppose `a une th´eorie relativiste qui v´erifierait la th`ese de la ratification dePeacocke [1992] :

Ratification Thesis : When someone possesses a particular concept, the correctness of his judgement of whether a given object falls under the concept is not determined by any of the circumstances surrounding his judgement of whether others fall under it1

.[Peacocke,1992, p. 193] C’est-`a-dire que la v´erit´e de l’assignation du concept ne reposerait pas sur les propri´et´es des objets, mais sur la simple utilisation du concept par l’agent. Cette th`ese refuse une objectivit´e de la signification et du contenu du concept. Or si les baleines sont des mammif`eres, c’est certainement bien du fait d’une certaine configuration de l’´etat du monde dans lequel ce concept est utilis´e.

Une th´eorie qui respecterait la th`ese de la ratification s’appuie la v´erit´e de l’application du concept sur les autres concepts et ´etat mentaux poss´ed´es par l’agent. C’est-`a-dire que l’agent pense que les baleines sont des poissons du fait ce qu’il pense des poissons et ainsi de suite. Cela conduit `a un holisme g´en´eral, et tombe sous le joug des critiques faites par Fodor and Lepore

[1992] selon lequel ce type de th´eorie ne d´ecrit d’autre que ce qu’elle veut bien d´ecrire. Le probl`eme est que si les baleines sont des mammif`eres, la th´eorie peut bien dire que ce sont des poissons, il n’en reste pas moins qu’elle dira quelque chose de faux. Le v´erificationisme entendu sous cette forme est en fait l’importation de la th´eorie de la preuve math´ematique, dans la th´eorie des concepts. Dans une th´eorie math´ematique de la preuve, un ´enonc´e est vrai s’il d´ecoule logiquement d’autres ´enonc´es consid´er´es comme axiomes. Une th´eorie des concepts calqu´ees sur la th´eorie de la preuve ou une th´eorie axiomatique, est bien trop na¨ıve, car elle ne tient ni compte de l’´etat du monde, ni compte de l’´etat de l’agent. En somme cela revient `

a dire qu’un agent est une machine qui se contente de traiter des ´enonc´es. Une th´eorie de l’esprit bas´ee sur cette conception peut se trouver chezTuring

[1950]. Cependant l’esprit n’est pas une machine. Il doit prendre en compte l’environnement et le rapport que l’agent a avec lui. De fait une th´eorie

1“Th`ese de ratification : Lorsque quelqu’un poss`ede un concept particulier, la cor-

rection de son jugement selon lequel un objet donn´e tombe ou non sous le concept n’est d´etermin´ee par aucune des circonstances entourant son jugement selon lequel d’autres objects tombent ou non sous ce concept.” [NdA toutes les traductions des citations sont personnelles, l’original faisant r´ef´erence.]

des concepts ne peut pas accepter telle quelle la th`ese de la ratification [Peacocke,1992, p. 194].

Cela n’empˆeche pas que le concept ait des conditions d’application et que ces conditions doivent se conformer `a un principe de correction. Ce que cela signifie c’est simplement que l’intension du concept n’est pas suffisante pour d´eterminer le concept. Cependant la r´ef´erence seule n’est pas non plus suffisante puisque l’agent n’est pas omniscient. D’un cˆot´e il y a l’´ecueil du holisme, de l’autre celui de l’omniscience.

La seule chose que nous pouvons dire, c’est que le concept se tient entre ces deux extrˆemes. Quoi qu’il en soit, la repr´esentation n’est pas suffisante pour comprendre le concept.

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