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LA FACE CACHÉE DE LA PROSTITUTION

5 RECENSION DES PRATIQUES

5.2 Recension des besoins perçus par les femmes et par les prestataires de soins

Des études ont investigué les besoins perçus par les femmes en situation de prostitution ou par les intervenants qui œuvraient auprès d'elles. Cette section recense les écrits scientifiques, mais aussi la littérature grise qui renvoie à des recherches-action menées par des organismes qui viennent en aide aux femmes en situation de prostitution.

5.2.1 Les besoins relatifs aux conditions de vie

La littérature scientifique indique que les femmes qui se sont impliquées dans la prostitution identifient avoir plusieurs besoins essentiels comme se loger, se nourrir, se vêtir, se procurer des produits d’hygiène personnelle, des besoins sur le plan du transport [176] ainsi que se retrouver dans un endroit ou un logement sécuritaire [176, 177]. Certaines femmes ressentent le besoin de mettre en place des mesures de protection contre leur souteneur et souhaiteraient suivre des cours d’auto-défense [177]. Les femmes faisant de la prostitution de rue seraient plus nombreuses à rapporter avoir besoin d'accéder à des services pour combler leurs besoins primaires (les besoins alimentaires, de lavage de vêtements et d’accès à des douches) et leur besoin de pouvoir parler à quelqu’un que les femmes faisant de la prostitution dans les salons de massage [74]. Les prestataires de services partagent aussi l’avis des femmes en ce qui concerne l’importance de réponse à leurs besoins de base (se retrouver dans un endroit sécuritaire pour se loger, se nourrir et obtenir leurs papiers d'identification) dans un contexte où elles ne se sentent ni jugées ni sanctionnées [178]. Ils ajoutent qu’il est aussi important d’offrir du soutien aux femmes en situation de prostitution dans l’éventualité où elles souhaitent recouvrer la garde de leur enfant [155]. Plusieurs femmes abondent en ce sens en soulignant l’importance d’obtenir aussi des soins pour leurs enfants [177].

La littérature grise appuie la littérature scientifique en ce qui concerne l’importance pour les femmes de combler des besoins de base [179–181] et de recevoir de l'aide financière [179, 180, 182, 183]. Les femmes ayant participé à des projets de recherche-action menés par des organismes ont toutefois apporté quelques précisions supplémentaires sur le contexte dans lequel ces formes de soutien peuvent s'actualiser. Elles souhaitent par exemple avoir accès à des ressources dans un climat de solidarité (banques alimentaires, cuisines collectives, comptoir familial) [181] et trouvent important que les ressources d'hébergement auxquelles elles peuvent accéder aient des dispositifs pour assurer leur sécurité et leur

protection [179–183]. Les femmes souhaiteraient aussi avoir accès à un centre de jour qui leur fournirait du soutien psychologique disponible en tout temps [182].

5.2.2 Les besoins relatifs au rétablissement

Selon la littérature scientifique, plusieurs femmes expriment leur souhait de rester sobre [155] ou d'avoir accès à des programmes d’intervention pour l’abus de substances [176, 177]. Les femmes relèvent aussi le besoin de recevoir de l'aide pour composer avec des deuils, les différents traumas qu’elles ont vécus, leur sentiment d’impuissance, la faible estime de soi ainsi que les barrières psychologiques qui les empêchent de s’engager dans un processus de changement [129, 176]. Elles souhaitent aussi pouvoir échanger et partager ce qu’elles ont vécu avec des femmes qui se sont elles aussi impliquées dans les activités de prostitution [155, 176, 177], ceci dans un lieu où elles se sentent bien [184]. Les femmes mentionnent avoir besoin de programmes spécifiques pour les personnes qui s’impliquent dans les activités de prostitution [155] et qui offrent des services personnalisés et sensibles aux besoins individuels des femmes [184]. Plusieurs prestataires de services considèrent primordial de tenir compte des différents traumas vécus par les femmes et des conséquences qui persistent durant leur vie afin de favoriser leur « guérison » [178]. Des prestataires de services offerts estiment aussi que les services offerts aux femmes en situation de prostitution doivent être personnalisés de façon à répondre à leurs besoins spécifiques et doivent préconiser des approches centrées sur les victimes, sur les survivantes ainsi que survivantes à survivantes [178].

La littérature grise appuie la littérature scientifique en regard de certains besoins en lien avec les symptômes liés au trauma et les suivis individualisés [179–181, 183].

Les femmes souhaiteraient que les services soient regroupés à un même endroit pour éviter de multiples déplacements ainsi que de raconter leur histoire plusieurs fois [179, 183]. Les femmes ont besoin de briser l’isolement et la solitude [179, 185] et certaines discutent du besoin de se réapproprier leur sexualité [179] et de rebâtir leur identité et leur estime de soi [179]. Celles qui sont actuellement en situation de prostitution rapportent des besoins d’accompagnement en lien avec des problèmes concrets (toxicomanie, juridique, médical, amoureux) alors que les femmes ayant désisté rapportent davantage besoin d’ordre psychosocial en lien avec leur bien-être psychologique [179].

5.2.3 Les besoins relatifs à la réinsertion sociale

Selon les écrits scientifiques, les prestataires de services et les femmes mentionnent que les besoins en lien avec l’éducation et la formation professionnelle sont importants [177, 178]. Entre autres, les femmes souhaiteraient pouvoir assister à des ateliers sur la parentalité, à des consultations pour mères monoparentales [176] ainsi que des suivis en counselling [74, 176, 177]. Les femmes qui faisaient de la prostitution dans les salons de massage seraient plus nombreuses à rapporter avoir besoin de soutien sur le plan professionnel et de conseils financiers que les femmes qui faisaient de la prostitution de rue [74]. La littérature grise indique que bien que les femmes puissent avoir des besoins en lien avec l’éducation [182] et l’employabilité [180], des femmes peuvent avoir plus de difficultés à suivre ces voies en raison des conséquences de leur parcours de vie et de prostitution [180].

5.2.4 Les besoins relatifs aux stratégies d'intervention

Sur le plan de la relation thérapeutique, les femmes impliquées dans les activités de prostitution rapportent avoir besoin que les intervenants comprennent mieux les expériences qu’elles ont vécues et qu'ils reconnaissent les circonstances qui les ont menées à s’impliquer dans les activités de prostitution (facteurs structurels comme la pauvreté, les violences subies, le manque d’opportunité et la stigmatisation) [129, 176]. Ces femmes souhaitent que les intervenants prennent le temps d’établir un lien de confiance avec elles et qu’ils reconnaissent qu’elles ont besoin de temps.

Elles veulent que les intervenants les traitent avec considération, respect, compassion, authenticité et sans jugement [129, 176, 184]. Les prestataires de services mentionnent aussi qu’il est important de reconnaître que l’intervention auprès des femmes en situation de prostitution est un processus qui prend du temps [178]. En ce sens, il s’avère important de prendre le temps nécessaire pour comprendre comment les femmes se sentent et pourquoi elles se sentent ainsi. Les intervenants ne devraient pas avoir peur de sortir de leur zone de confort pour poser ces questions importantes [178]. Quant au type d'intervention à privilégier, des femmes rapportent apprécier le soutien des travailleurs de rue et estiment que leur soutien peut les aider à se sortir de la prostitution [155]. Ce point de vue est partagé par les prestataires de services et ces derniers favorisent aussi la mise en place d'une ligne d'écoute afin de créer un lien de confiance avec les femmes et de leur offrir un moyen facilement accessible pour parler de ce qu’elles vivent en toute sécurité [178]. Sur le plan de l'accessibilité des services, les femmes ajoutent qu’elles souhaiteraient avoir accès à un point de service facilement accessible et ouvert à tout moment de la journée [74, 129].

La littérature grise appuie tout à fait la littérature scientifique en regard des stratégies d’intervention à adopter auprès des femmes avec un vécu en prostitution.

Il est aussi spécifié que les services doivent accueillir les femmes dans ce qu’elles sont et avec leur colère, leurs forces et, quelquefois, leurs ambivalences [183] et respecter leur rythme [186, 187]. Parmi les autres suggestions émises figurent la création d'un lieu de répit exclusif aux femmes ayant un vécu en prostitution, l'implantation d'un centre de jour pour assurer l’accès des femmes à des services connexes et adaptés à leur situation, l'accès à des intervenantes spécialisées pour travailler sur les conséquences de la prostitution et la création d’un lieu hébergement pour faciliter les démarches de transition des femmes dans leur processus de désistement [179]. En plus, la littérature grise indique qu’il est important de s’inspirer des pratiques prometteuses [179], tout en développant des collaborations et des ententes entre les différentes ressources disponibles, les milieux communautaires et institutionnels ainsi qu’avec les milieux judiciaires et policiers [179, 183, 186, 188, 189]. Certains soulignent l’importance d’inclure les femmes ayant un vécu dans la prostitution dans le développement et l’évaluation des services [180].

6 CONCLUSION

6.1 Les pratiques à promouvoir auprès des femmes en situation de