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1.3 Coagulation et cancer

1.3.5 Rôles des protéines hémostatiques dans la régulation de

Il y a maintenant plusieurs indices démontrant que le système de coagulation n’est pas seulement impliqué dans les événements thrombotiques associés au cancer. En effet, le système hémostatique joue aussi un rôle important dans la biologie des tumeurs. Les cellules cancéreuses interagissent avec les protéines de la coagulation et de la fibrinolyse pour favoriser leur croissance, pour stimuler l’angiogenèse tumorale et permettre leur dissémination à travers tout le corps pour former des métastases. La stratégie des tumeurs consiste donc à détourner à leur avantage les systèmes hémostatiques et vasculaires (Nijziel et al., 2006). Elles parviennent à détourner le système vasculaire en mettant à profit les fonctions non hémostatiques des protéines de la coagulation.

1.3.5.1 Rôles pro-angiogéniques de TF, de la thrombine, de la fibrine et de la sphingosine 1-phosphate

TF, en sa qualité de récepteur membranaire du FVIIa, est en mesure d’induire une signalisation intracellulaire qui permet une régulation de l’angiogenèse et ce indépendamment de ses fonctions hémostatiques normales (López-Pedrera et al., 2006). D’abord, une augmentation d’expression de TF est observée dans plusieurs types de cellules cancéreuses incluant les carcinomes à petites cellules, carcinome bronchioalvéolaire, les carcinomes pulmonaires à grosses cellules, les adénocarcinomes du colon, le cancer de la tête et du cou, les gliomes, les cancers du sein et de la prostate (Wojtukiewicz et al., 2001). Les cellules tumorales de ces différents cancers expriment TF de façon constitutive et, dans certains cas, l’expression de TF est initiée par l’interaction

avec des cellules adjacentes de l’hôte comme les CEs et les monocytes. TF peut stimuler la migration des CEs en direction d’un stimulus angiogénique en induisant une signalisation à partir de sa portion cytoplasmique (Ott et al., 2004; Belting et al., 2004). Le complexe TF:FVIIa peut également stimuler la migration des cellules du cancer du sein in vitro en induisant une signalisation activant le récepteur de la thrombine PAR-2 (protease activated receptor), ce qui résulte en une augmentation de l’expression de l’interleukine-8 (IL-8) (Hjortoe et al., 2008). TF peut également stimuler la production de VEGF par les cellules tumorales, stimulant ainsi la néovascularisation (Abe et al., 1999). Le lien entre ces deux protéines est par ailleurs évident dans l’angiogenèse puisque l’expression de TF et de VEGF est contrôlée par l’hypoxie (Wojtukiewicz et al., 2001).

L’activation de la coagulation par TF mène éventuellement à la génération de thrombine. Cette enzyme a été détectée dans de nombreuses tumeurs dont le carcinome du poumon à petites cellules, le cancer du rein, les mélanomes, le cancer de l’ovaire, le cancer du larynx et les cancers gastriques (Wojtukiewicz et al., 2001). La thrombine influence la biologie tumorale en augmentant la synthèse de TF, favorisant ainsi l’activation de la coagulation sanguine dans l’environnement tumoral. La thrombine inhibe aussi la fibrinolyse en activant les inhibiteurs PAI-1 et TAFI. En tant que facteur pro-angiogénique, la thrombine permet d’augmenter la perméabilité vasculaire. De plus, la thrombine peut induire la migration des CEs en induisant une signalisation résultant du clivage protéolytique de ses récepteurs PAR (Wojtukiewicz et al., 2004). Finalement, la thrombine peut exercer son effet pro-angiogénique en augmentant l’expression de VEGF dans les fibroblastes et en augmentant l’expression des récepteurs VEGFR1 et VEGFR2 au niveau des CEs (Wojtukiewicz et al., 2004).

Une des conséquences les plus importantes de l’activation de la thrombine est le clivage du fibrinogène en fibrine. L’étape de formation du caillot de fibrine est très importante dans le processus angiogénique. Dans un premier temps, la fibrine forme une matrice provisoire essentielle pour fournir un support à l’adhésion et à la migration des

CEs. Cette matrice constitue également une réserve de facteurs pro-angiogéniques comme le VEGF et le bFGF qui sont libérés par l’action des protéases fibrinolytiques telles que la plasmine et certaines MMP. Il fut rapporté que certains produits de dégradation, de la fibrine, générés par les protéases lors du déplacement des CEs sont d’importants régulateurs de la survie de ces cellules. D’ailleurs, la fibrine forme un environnement favorable à la croissance des tumeurs et permet aux cellules cancéreuses d’échapper aux mécanismes de défense de l’hôte (Fernandez et al., 2004).

Les sphingolipides représentent une famille de lipides membranaires qui possèdent des rôles structurels dans la régulation de la fluidité des membranes bilipidiques. De façon plus spécifique, il existe une catégorie de sphingolipides bioactifs comme la sphingosine-1- phosphate (S1P) et ceux-ci agissent également en tant que molécules biologiques effectrices, jouant ainsi plusieurs rôles dans divers aspects du cancer, notamment dans l’angiogenèse tumorale. Entreposée dans les plaquettes sanguines, la S1P en est expulsée à la suite de leur activation. Plusieurs études démontrent aujourd’hui le rôle de la S1P dans la régulation de l’angiogenèse et ses effets sont médiés par la liaison de celle-ci à ses récepteurs membranaires spécifiques S1P-1, S1P-2 et S1P-3, autrefois nommés EDG-1, -2, et -3 (endothelial differentiation gene) (Takuwa, 2002) . D’abord, des études in vitro démontrent que la S1P stimule la synthèse d’ADN et la motilité des CEs en partie par l’induction des voies des MAPK (mitogen-activated protein kinase) tels que ERK (extracellular signal-regulated kinases) et p38. In vivo, la S1P stimule la néovascularisation dans une matrice de Matrigel® (Lee et al., 1999). Il fut également démontré que la S1P était nécessaire à l’expression de TF induite par la thrombine (Takeya, 2003). Finalement, la S1P favorise la survie des CEs en protégeant ces dernières de l’apoptose (Ogretmen, 2006).

1.3.5.2 Rôles anti-angiogéniques de TFPI de l’antithrombine III et de l’angiostatine

La fonction anti-angiogénique du TFPI semble être liée à la capacité de la protéine à bloquer la prolifération des CEs en réponse au bFGF. Des études structurelles ont montré

que la forme tronquée de TFPI, ne contenant que les domaines Kunitz 1 et 2, possède une activité anti-proliférative très faible. Cette observation suggère que l’activité anti- proliférative est donc associée à la portion C-terminale de la protéine dont fait partie le domaine 3 (Pirie-Shepherd, 2003). Le TFPI dans sa forme complète pourrait se lier au récepteur des lipoprotéines de très basse densité (VLDL) afin de médier son activité anti- proliférative (Hembrough et al., 2001).

Plusieurs des inhibiteurs de l’angiogenèse, provenant des protéines hémostatiques, sont produits à la suite de clivage enzymatique. Par exemple, l’élastase des neutrophiles peut cliver l’antithrombine III. Une fois générés, les fragments de l’antithrombine III deviennent des inhibiteurs efficaces de la prolifération des CEs in vitro et de l’angiogenèse in vivo (Browder, 2000).

Un autre exemple d’inhibiteurs produits à la suite d’un clivage enzymatique est illustré par la génération de l’angiostatine à partir des boucles (Kringle) 1-4 du plasminogène. Plusieurs mécanismes furent démontrés comme étant responsables de la production de l’angiostatine et ceux-ci impliquent trois sortent de clivage : (1) le clivage par les MMP-2, -3, -7 et -9, (2) le clivage par la plasmine et (3) le clivage du plasminogène à la surface des macrophages par la MMP-12 (Browder, 2000). Une fois produite, l’angiostatine est un inhibiteur spécifique de la prolifération des CEs in vitro et de l’angiogenèse in vivo. Le mécanisme d’action de l’angiostatine implique que cette dernière est en mesure de se lier à la sous-unité α/β de l’ATP synthétase, ce qui provoque une cytolyse suite à l’accumulation d’ions H+ au niveau du cytosol des CEs (Browder, 2000).