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I.2.4.1. Phylogénie des gènes ParaHox

Les séquences des gènes ParaHox sont hautement similaires à celles des gènes Hox, mais aucuns d’entre eux ne fait partie des complexes HOX. Brooke et al. ont montré que les trois familles de gènes ParaHox i.e Gsx/Gsh, Xlox/Pdx et Cdx ont des affiliations phylogénétiques différentes avec les sous-familles de gènes Hox:

respectivement avec les gènes « antérieurs », les gènes du groupe 3 et les gènes

« postérieurs ». Notre analyse phylogénétique suggère un autre point de vue concernant l’origine et la descendance des gènes Hox et ParaHox comme il sera discuté plus loin (II.1. Chapitre 1). Les trois gènes ParaHox ont pu être identifiés pour la première fois chez l’amphioxus où on les trouve en une seule copie (Brooke et al., 1998). Chez le nématode, il n’existe que le gène Cdx (Ruvkun and Hobert, 1998) et la drosophile ne possède pas le gène Pdx (Mlodzik et al., 1988; Weiss et al., 1998). En revanche, les trois gènes ParaHox ont pu être identifiés chez des siponcles, des annélides et un mollusque (Ferrier and Holland, 2001a; Frobius and Seaver, 2006).

L’absence de la série complète des gènes ParaHox chez la drosophile et le nématode représenterait donc un caractère dérivé secondaire à ces protostomes en particulier.

Chez les tétrapodes, il existe deux copies du gène Gsx (Gsh1 et Gsh2), une simple copie du gène Pdx (Xlox/Pdx) et trois gènes Cdx (Cdx1, Cdx2 et Cdx4) (Coulier et al., 2000; Pollard and Holland, 2000; Ferrier et al., 2005; Mulley et al., 2006; Illes et al., 2009).

I.2.4.2. Gènes ParaHox en complexes et notion de complexe « ProtoHOX » ancestral Chez l’amphioxus les gènes ParaHox s’organisent, comme les gènes Hox, en un complexe (Brooke et al., 1998). Les gènes Gsx et Xlox sont adjacents et orientés dans le même sens, suivis par le gène Cdx orienté dans le sens opposé (Ferrier et al., 2005). Chez les tétrapodes, il n’existe qu’un complexe ParaHOX, rapporté chez le xénope, le marsupial, la souris et l’homme comprenant les gènes Gsh1, Pdx et Cdx2 (Coulier et al., 2000; Furlong and Mulley, 2008; Illes et al., 2009). L’organisation génomique les orientations transcriptionelles sont conservées. D’une manière intéressante, la taille des complexes varie considérablement entre les groupes, mais l’éloignement relatif des gènes les uns par rapport aux autres est conservé (Mulley et al., 2006; Furlong et al., 2007; Illes et al., 2009) (Figure 16).

Figure 16: Diagramme des complexes ParaHOX de l’amphioxus, de la souris, de l’humain et du xénope (pas dessinés à la même échelle). Les flèches indiquent l’orientation de la transcription des gènes. Le diagramme du complexe de xénope montre la structure des introns et des exons. Schéma tiré de (Illes et al., 2009).

Chez les poissons, on retrouve un complexe ParaHOX chez les actinoptérygiens à l’exception des téléostéens (Mulley et al., 2006; Furlong et al., 2007). Chez les urochordés et un échinoderme, les gènes ParaHox ne sont pas liés génétiquement

(Ferrier and Holland, 2002; Wada et al., 2003; Arnone et al., 2006; Furlong and Mulley, 2008).

L’affiliation des gènes ParaHox à des familles de gènes Hox ainsi que leur organisation en complexe suggère que les gènes Hox et ParaHox sont apparu suite à un évènement de duplication d’un complexe « ProtoHox » ancestral (Figure 17).

Chacun des complexes résultant aurait par la suite subi des évènements de duplication et de pertes de gènes pour donner la configuration actuelle des complexes HOX et ParaHOX (Brooke et al., 1998).

Figure 17 : Origine des complexes HOX et ParaHOX déduite des liaisons génétiques entre les gènes et d’analyses phylogénétiques. Les complexes HOX et ParaHOX ont évolué à partir de deux complexes jumeaux générés par duplication. Les flèches horizontales indiquent la polarité de la colinéarité spatiale. (A, antérieure ; P, postérieur). Schéma pris de (Brooke et al., 1998).

De nombreuses tentatives cherchent à inférer la constitution originale du complexe

« ProtoHOX » (Kourakis and Martindale, 2000; Garcia-Fernandez, 2005b; Chourrout et al., 2006). Nous proposons dans ce travail de thèse une hypothèse qui concilie les différentes données disponibles à ce jour (II.1. Chapitre 1). Les différentes copies des gènes ParaHox qui existent chez les tétrapodes sont apparues suite à des duplications d’un complexe ParaHOX ancestral. L’existence d’un seul complexe ParaHOX et d’un nombre variable d’orthologues dans chacune des familles implique que des pertes de gènes sont par la suite survenues. Les gènes qui ne se trouvent pas en complexe sont isolés sur des complexes dégénérés (Pollard and Holland, 2000; Ferrier et al., 2005; Illes et al., 2009).

I.2.4.3. Fonction des gènes ParaHox au cours du développement

L’étude de la fonction des trois gènes ParaHox chez les vertébrés et les invertébrés montre un rôle dans les processus de développement. Cependant ces gènes semblent plus particulièrement impliqués dans la spécification des tissus et des types cellulaires que dans la détermination des axes. Par exemple le gène Gsx est impliqué dans la spécification de l’identité neuronale (voir I.3.2.2) et joue par ailleurs un rôle dans la mise en place du cerveau et du système nerveux (Szucsik et al., 1997;

Toresson and Campbell, 2001; Kriks et al., 2005). Son expression a été rapportée à deux reprises dans des dérivés endodermaux (Rosanas-Urgell et al., 2005; Illes et al., 2009) et ne semble pas conservée au cours de l’évolution. Il pourrait donc s’agir d’une fonction dérivée. Une vue plus détaillée des patrons d’expression des orthologues des gènes Gsx dans le règne animal est discutée dans le chapitre 2 (II.2.). L’analyse fonctionnelle de ce gène chez les bilatériens n’a pour le moment été mennée qu’au travers de lignées mutantes de souris (Li et al., 1996; Szucsik et al., 1997) et de drosophile (Weiss et al., 1998). Le travail de doctorat de Marijana Miljkovic-Licina, dans notre laboratoire, a montré l’implication de ce gène dans la mise en place du système nerveux chez l’hydre (Miljkovic-Licina et al., 2007) (voir I.3.3.). Dans le chapitre 2 (II.2.) nous avons étudié la fonction de l’orthologue de Gsx chez Nematostella (Anthox2) dans la mise en place de son système nerveux en développement.

Pdx s’exprime dans la région centrale de l’intestin des vertébrés et des invertébrés (Wright et al., 1989; Wysocka-Diller et al., 1995; Offield et al., 1996; Brooke et al., 1998; Frobius and Seaver, 2006) et est impliqué dans le développement du pancréas et du duodenum rostral des vertébrés (Jonsson et al., 1994; Offield et al., 1996).

Quant aux gènes Cdx, ils s’expriment dans l’intestin et le neuroectoderme postérieurs chez les vertébrés, les arthropodes et l’amphioxus (Duprey et al., 1988; Gamer and Wright, 1993; Marom et al., 1997; Brooke et al., 1998; Guo et al., 2004). Chez les vertébrés, les différentes copies du gène spécifient par ailleurs l’identité axiale du squelette (Subramanian et al., 1995), suggérant un fonction dans la mise en place des régions postérieures de l’embryon.

Plus spécifiquement chez l’amphioxus, Gsx s’exprime dans la vésicule cérébrale, Pdx s’exprime transitoirement dans le tube neural et dans l’intestin présomptif et Cdx dans le tube neural et l’intestin postérieurs (Brooke et al., 1998). Brooke et al. proposent que les gènes ParaHox suivent, comme les gènes Hox, la règle de la colinéarité spatiale dans le tube neural et dans l’intestin. De plus, ces gènes sont activés dans un

ordre défini en commençant par le gène Cdx et en finissant par le gène Gsx. Ils pourraient donc être également régulés selon une colinéarité temporelle (Osborne et al., 2009).