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4. EFFET DE L’OCCLUSION DU CONDUIT AUDITIF SUR LA SENSIBILITÉ

4.2 Résultats

Pour chaque sujet et chaque fréquence testée, on définit la différence interaurale moyenne de niveaux à égale sonie (AILDEL, « Average Interaural Level Difference at Equal Loudness »), calculée pour chaque tâche comme suit :

AILDEL = 1

𝑁𝑁 ��𝐿𝐿pG−𝐿𝐿pD𝑖𝑖

𝑁𝑁 𝑖𝑖=1

(7)

où 𝐿𝐿pG et 𝐿𝐿pD sont les niveaux de bruit à égale sonie dans l’oreille gauche et l’oreille droite respectivement, et où N est le nombre de répétitions de la procédure d’égalisation (N = 3 pour toutes les fréquences sauf pour 1 000 Hz où N = 6).

Si l’occlusion du canal par le bouchon ne devait pas affecter la perception de la sonie, les valeurs de AILDEL devraient être identiques que l’on porte le bouchon à droite (tâche D) ou à gauche (tâche G). Pour vérifier cet effet, on a donc comparé les valeurs de AILDEL obtenues avec les deux tâches D et G (Figure 6).

Figure 6. Boites à moustaches (N = 18) comparant les valeurs de AILDEL obtenues avec les tâches D et G pour différentes fréquences. Les lignes rouges représentent la

médiane et les croix, les valeurs aberrantes. Les différences jugées statistiquement significatives sont indiquées par un astérisque.

Un test des rangs signés de Wilcoxon a été effectué pour comparer les valeurs de AILDEL. À l’exception des valeurs à 2 kHz (Z = -2,94, p = 0,003), aucune différence significative n’a été obtenue avec un seuil de signification statistique de 5 %. Par ailleurs, comme on le montre bien dans (Bonnet et al., 2018), les différences observées à 2 kHz sont fort probablement dues à une différence de positionnement du microphone dans les oreilles occluse et non occluse. Des déviations de 1-2 mm dans le positionnement du microphone peuvent amener des différences importantes dans les niveaux mesurés. Pour pallier ce problème, des corrections s’appliquant aux valeurs de niveaux de bruit sont proposées dans (Bonnet et al., 2018). Une fois ces corrections apportées, le test statistique a été refait et cette fois, aucune différence significative n’a été obtenue, pour toutes les fréquences.

Ces résultats suggèrent globalement qu’il n’y aurait pas d’effet dû à l’occlusion du conduit auditif par le bouchon, c’est-à-dire que le même niveau est obtenu dans les oreilles occluse et non occluse lorsqu’on se trouve à sonie égale. Cependant, en regardant les résultats présentés de 125 à 1 000 Hz, on peut être porté à croire que le fait de porter un bouchon mène à des niveaux un peu plus élevés dans l’oreille gauche à égale sonie. En effet, dans cette gamme de fréquences, la médiane oscille autour de 2 dB, et ce, tant pour la tâche D que pour la tâche G. Le fait que l’on obtienne une médiane positive tant pour la tâche D (oreille droite occluse) que la tâche G (oreille gauche occluse) suggère que cette différence n’est toutefois pas due au bouchon. On considère que cette différence s’explique plutôt par l’asymétrie observée dans les seuils auditifs entre les oreilles droite et gauche pour l’ensemble des participants (voir section 4.1.2).

Afin d’isoler l’effet du bouchon de la différence de sensibilité des oreilles des participants, on peut d’abord écrire AILDEL de la façon suivante :

AILDEL𝐺𝐺= ∆bouchon, G+ ∆participant (8) AILDEL𝐷𝐷= −∆bouchon, D+ ∆participant (9) où ∆bouchon, G et ∆bouchon, D sont les effets de l’occlusion par le bouchon sur le AILDEL lors des tâches G et D respectivement, et ∆participant est la différence initiale gauche-droite dans la sensibilité auditive des participants. On peut ainsi calculer l’effet moyen du bouchon ∆bouchon par :

bouchon= �∆bouchon,G+∆bouchon,D

2 = (AILDELG−AILDELD)

2 (10)

On obtient ainsi un effet moyen du bouchon, indépendamment de l’asymétrie dans la sensibilité auditive des participants.

L’effet moyen du bouchon a été calculé pour chacun des 18 participants et les valeurs moyennes et écarts-types sont présentés au Tableau 1. Ces valeurs confirment les résultats de la Figure 6, soit que l’occlusion du canal auditif par le bouchon ne semble pas avoir d’impact sur les niveaux de pression acoustique mesurés à sonie égale.

Tableau 1. Moyenne et écart-type interparticipant (N = 18) de l’effet moyen du bouchon à différentes fréquences. Les corrections proposées par (Bonnet et al., 2018) ont été

utilisées à 1 et 2 kHz (en gras dans le tableau)

Fréquence (Hz) 125 250 500 1 000 2 000 4 000 8 000

Moyenne (dB) 0,7 0,2 -0,1 0,4 -0,9 -1,1 -0,6

Écart-type (dB) 2,0 2,0 2,5 2,0 2,2 3,5 4,1

Ce résultat est particulièrement pertinent pour la dosimétrie intraauriculaire, où les niveaux d'exposition au bruit sont souvent mesurés dans l'oreille occluse par un bouchon. Les auteurs n'ayant pas d'autres données que celles de Theis et al. (Gallagher et al., 2014; Theis et al., 2012) pour étayer la théorie d'un changement de sensibilité de l'ouïe lorsque le canal auditif est occlus, l'utilisation de facteurs de correction pour tenir compte d'un tel changement n'est pas recommandée, car elle conduirait probablement à une sous-estimation de l'exposition au bruit réelle reçue par des personnes portant des bouchons d'oreilles ou des écouteurs intraauriculaires. De même, ces résultats pourraient servir à prouver la validité des systèmes de vérification de l'ajustement, utilisés pour estimer l'efficacité des protecteurs auditifs (Voix et al., 2019). Ces systèmes utilisent soit des mesures objectives, soit des mesures subjectives, ces dernières étant effectuées soit à un niveau seuil, soit à un niveau supraliminaire. Cette étude suggérant qu’il existe une relation entre la sonie et le niveau de pression acoustique tympanique, et ce quelle que soit la charge acoustique appliquée à l’oreille, les résultats impliquent que ces méthodes objectives et subjectives doivent être équivalentes pourvu que les procédures expérimentales appropriées soient utilisées. En outre, les systèmes actuels ou futurs qui utilisent la méthode de la balance de sonie pourraient peut-être tirer parti du plan expérimental présenté dans ce volet du rapport.

5. CALIBRATION INDIVIDUELLE ET IN SITU DES DOSIMÈTRES