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3.2 Evolution des propriétés mécaniques avec le traitement thermique

3.2.1 Résultats des essais mécaniques uniaxiaux et triaxiaux

Notre objectif est de montrer l’influence du traitement thermique sur le comportement mé-canique multiaxial des mortiers. La microfissuration est un phénomène connu, généré par le traitement thermique, voir Chapitre 1, aussi nous tâcherons de l’identifier dans les essais ci-dessous. Nous avons choisi de réaliser les essais de compression simple et triaxiale à une pression de confinement moyenne, égale à 5 ou 10 MPa, et comparable à des niveaux de confinement déjà investigués par le passé au laboratoire [153].

Analyse des faciès de rupture

Les deux photos des Figs. 3.7(a) et 3.7(b) montrent les échantillons après rupture en com-pression triaxiale (Pc=10MPa) pour l’état de référence et après traitement à 400oC. Dans les deux cas, et comme attendu (voir Chapitre 1), la rupture a eu lieu par macro-fissuration suivant un plan incliné par rapport à l’axe vertical.

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Figure 3.7 – Rupture en compression triaxiale (Pc = 10M P a) (a) : d’un échantillon de référence (gauche) ; (b) : d’un échantillon traité à 400oC (droite).

Analyse des courbes contrainte/déformation

On notera que les courbes de contrainte nominale/déformation axiale, voir Figs. 3.8(a), 3.8(b) ne vont pas toutes à rupture, les jauges de déformation ayant pu se décoller dès le maximum de contrainte Rc dépassé. Malgré tout, l’allure des courbes contrainte nominale/déformation axiale met en évidence que la déformation plastique (et donc la ductilité) du mortier croit avec la température de traitement thermique T . En effet, au maximum de contrainte Rc, la déformation axiale atteinte pour le mortier traité thermiquement à 400oC : εa(400oC) = 4000µdef représente le double de la déformation axiale du mortier dans l’état de référence : εa(60oC) =2000µdef. Ceci témoigne d’une dégradation due au traitement thermique, très probablement sous la forme d’une microfissuration [11, 57], voir Chapitre 1. En lien avec les résultats poro-élastiques présentés dans [21] et dans la Section 3.3, on peut également estimer qu’à l’échelle du squelette solide (grains de sable+pâte de ciment), et sous confinement, des ponts solides (également appelés trabécules, comme dans la microstructure de l’os) s’écrasent plus facilement après traitement thermique, de sorte que le matériau est plus sensible au cisaillement et au glissement, ce qui contribue à la déformation plastique macroscopique. L’endommagement thermique du squelette solide est expliqué par la déshydratation du gel C-S-H. Celle-ci a été mise en évidence sur le mortier normalisé lors de l’essai thermo-gravimétrique, voir Section 3.1.3 et [21].

Détermination des propriétés élastiques et de la résistance à la rupture

Le module d’Young E, le coefficient de Poisson ν et la résistance à la rupture (notée Rc) ont été mesurés à partir des essais de compression uniaxiale et triaxiale réalisés sur 2 échantillons pour chaque température, voir les valeurs moyennes dans le Tableau 3.4. E et ν sont calculés après 3 cycles de charge/décharge de 0 à 9 MPa, au début de la courbe contrainte/déformation, comme recommandé par la RILEM [139]. Ce sont des valeurs initiales (en dessous de la limite élastique), qui ne prennent pas en compte l’endommagement mécanique. Comme attendu, voir Chapitre 1, on constate que le module d’Young E et le coefficient de Poisson ν diminuent de façon continue et notable avec la température T , voir également les Figs. 3.9(a) et 3.9(b). La

80 CHAPITRE 3. RÉSULTATS EXPÉRIMENTAUX 0 20 40 60 80 -4000 -3000 -2000 -1000 0 1000 2000 3000 4000 5000 Déformation axiale (10-6) Contrainte axiale (MPa) Référence 105°C 200°C 300°C 400°C Déformation radiale (10-6) Pc = 0 MPa 0 20 40 60 80 100 120 -20000 -15000 -10000 -5000 0 5000 10000 15000 20000 Déformation axiale (10-6) Contrainte déviatorique (MPa) Référence 105°C 200°C 300°C 400°C Déformation radiale (10-6) Pc = 10 MPa

Figure 3.8 – Courbes contrainte nominale/déformation axiale et transversale à différentes températures de traitement thermique T (référence 60oC, et également 105oC, 200oC, 300oC ou 400oC), (a) : pour l’essai de compression simple ; (b) : pour l’essai de compression triaxiale à Pc=10 MPa.

diminution régulière du module d’Young avec la température de traitement thermique est en bon accord avec l’augmentation de la porosité totale mesurée par saturation à l’éthanol, voir la Fig. 3.5. Après traitement thermique jusqu’à 400oC, le module d’Young diminue de 52 % par rapport à sa valeur initiale pour l’essai de compression uniaxiale, et de 40,5 % de sa valeur initiale pour l’essai de compression triaxiale (Pc= 10 MPa). Le module d’Young E à Pc = 10 MPa augmente

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Échantillon Compression simple Compression triaxiale

E (GPa) ν Rc (MPa) Pc = 5MPa Pc = 10MPa

Rc 0 (MPa) E (GPa) Rc0 (MPa)

60oC 32,5 0,16 58,0 83,5 34,8 102,2

105oC 30,9 0,16 61,5 - 32,6 98,2

200oC 25,1 0,13 49,4 70,0 27,5 94,9

300oC 20,7 0,12 47,9 - 23,5 82,7

400oC 15,6 0,11 40,1 54,5 20,7 73,5

Table 3.4 – Evolution des propriétés élastiques E et ν et de la résistance en compression Rc, en fonction de la température de traitement thermique T (valeurs moyennes sur deux essais).

environ de 11 % (valeur moyenne pour toutes les tempèratures) par rapport à celui à Pc= 0, ce qui met en évidence un effet non négligeable du confinement. Déterminé en compression uniaxiale seulement, le coefficient de Poisson ν diminue de 0,16 à 0,115 avec la température T .

Comparativement aux résultats en compression simple, on note une augmentation de la résis-tance Rclorsqu’on est sous confinement, voir Tableau 3.4. L’évolution de Rcavec la température de traitement thermique T présente la même pente quel que soit le confinement Pc utilisé, voir Fig. 3.10. Ces résultats sont en bon accord avec les travaux antérieurs effectués au laboratoire sur le même matériau à l’état de référence. Ainsi, pour un mortier normalisé (E/C=0,5) à l’état de référence, Yurtdas et al. [153] ont identifié Rc= 60MPa lors de l’essai de compression simple, alors que notre valeur est de 58,0 ± 0,5MPa ; Rc est égal à 102,2±1,6 MPa à l’état de référence pour l’essai de compression triaxiale (à Pc = 10MPa) dans notre étude, et Yurtdas et al. [153] ont déterminé Rc = 115,5 MPa pour l’essai de compression triaxiale à Pc = 15MPa.

Par ailleurs, une diminution significative et régulière de la résistance Rc est observée pour les températures de traitement T supérieures à 105oC. Pour les échantillons chauffés à 105o C, comparativement à l’état de référence, l’évolution de Rc est un peu différente : on observe une légère diminution de 3,9 % de Rc pour l’essai de compression triaxiale (à Pc = 10 MPa), mais une augmentation de 6,0 % de Rcpour l’essai de compression simple.

Un tel résultat a déjà été observé par Burlion et al. [15] pour un béton soumis à la dessicca-tion. La valeur de Rc augmente avec la dessiccation, ou ici avec le séchage jusqu’à 105oC. Cette augmentation est liée à deux phénomènes [9, 15]. D’une part, la dépression capillaire due au sé-chage provoque une mise en compression du squelette solide, qui conduit à une "pré-contrainte" du mortier, qui devient alors plus résistant. Il y a une augmentation de la résistance à la compres-sion par rigidification du matériau. La diminution de la prescompres-sion de disjonction peut également conduire à une augmentation de la résistance uniaxiale. Un second phénomène est dû aux gra-dients hydriques, qui provoquent une contraction des bords de l’échantillon par rapport à son cœur [141]. Cette contrainte de confinement hydrique induit une augmentation supplémentaire de la résistance. Cependant, elle induit également des micro-fissures par excès de traction dans la zone en surface de l’échantillon. Cette micro-fissuration d’origine hydrique, limitée en surface, a un rôle faible sur la valeur de la résistance en compression uniaxiale. Par contre, elle aura une influence sur l’évolution des propriétés élastiques, qui diminuent continûment avec le séchage. Enfin, pour l’échantillon traité jusqu’à 105oC, l’endommagement thermique est encore poten-tiellement assez faible par rapport aux effets de pression capillaire, ce qui va globalement dans

82 CHAPITRE 3. RÉSULTATS EXPÉRIMENTAUX 0 1 104 2 104 3 104 4 104 5 104 0 100 200 300 400 Compression simple Compression triaxiale (Pc = 10MPa) M o d u le d 'Y o u n g E ( M P a ) Température (° C) 0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25 0,3 0 100 200 300 400 500 C o e ff ic ie n t d e P o is s o n Température (° C)

Figure 3.9 – (a) : Evolution du module d’Young E en fonction de la température de traite-ment thermique T , déterminée à partir de la première partie linéaire des courbes contrainte nominale/déformation axiale en compression simple ou triaxiale (Pc= 0 ou 10 MPa) ; (b) : Evolution du coefficient de Poisson en fonction de la température de traitement ther-mique T , déterminée à partir de la première partie linéaire des courbes contrainte nomi-nale/déformation axiale en compression simple (Pc= 0).

le sens de l’augmentation de la résistance mécanique. Par contre, pour l’essai en compression triaxiale, Rc diminue entre l’état de référence et le traitement thermique jusqu’à 105oC : les ef-fets de pression capillaire sont atténués sous confinement, si on peut encore considérer la présence d’une pression capillaire à 105oC.